BGE 129 III 618
 
98. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. contre Y. (recours en réforme)
 
4C.126/2003 du 18 juillet 2003
 
Regeste
Unrichtige rechtliche Beurteilung einer Tatsache (Art. 43 Abs. 4 OG).
Zivilrechtliche Wirkungen von Art. 9 BVO; Rechtsmissbrauch im Arbeitsrecht; Saisonnierarbeitsvertrag (Art. 9 BVO; Art. 341 und 342 OR; Art. 2 Abs. 2 ZGB).
Prüfung der Möglichkeit der Parteien im Lichte von Art. 9 BVO und Art. 2 Abs. 2 ZGB, einen neuen Arbeitsvertrag von befristeter Dauer abzuschliessen, welcher eine geringere Entlöhnung vorsieht als diejenige im unbefristeten Arbeitsvertrag, auf dessen Grundlage eine Jahresaufenthalts- und Arbeitsbewilligung erteilt wurde (E. 2 und 4-7).
 
Sachverhalt
Y. exploite un domaine agricole. De 1996 à 1999, il a engagé X., un travailleur portugais, en qualité de saisonnier durant les mois de mars à décembre.
Afin de permettre à X. d'obtenir pour l'année 2000 une autorisation de séjour et de travail annuelle (permis B), les parties ont signé, le 27 août 1999, un contrat de travail pour employé agricole. Celui-ci prévoyait un engagement de durée indéterminée avec entrée en fonction le 1er janvier 2000, pour un salaire mensuel brut de 3'582 fr.
Sur la base de ce contrat, l'office cantonal compétent a délivré à X. une autorisation de séjour et de travail annuelle valable du 13 mars 2000 (soit à l'échéance du dernier permis saisonnier) au 12 décembre 2000.
X. a refusé la proposition de Y., qui n'avait pas de travail pour lui en hiver, de louer ses services à un autre agriculteur à partir du début du mois de janvier 2000.
Le 15 mars 2000, X. est venu reprendre son emploi chez Y. et, le 15 avril 2000, les parties ont signé un nouveau contrat de travail d'une durée déterminée allant du 15 mars au 15 décembre 2000 pour un salaire mensuel brut de 2'920 fr., rémunération qu'a touchée X. sans protester durant l'année 2000.
A la suite d'un accident, X. a été incapable de travailler jusqu'en mai 2001. Il a alors offert ses services à Y., qui les a refusés.
X. a déposé une demande en paiement à l'encontre de Y., en fondant ses prétentions sur le contrat du 27 août 1999.
Dans un premier temps, le litige a été limité au point de savoir quel était le contrat de travail applicable.
Le tribunal de première instance a considéré que Y. restait obligé à l'égard de X. en vertu du contrat du 27 août 1999 et que le procès devait se poursuivre. Admettant le recours formé par Y., la chambre des recours du tribunal cantonal a considéré au contraire que, sur la base du contrat du 15 avril 2000, la demande de X. devait être rejetée. Ce dernier a déposé un recours en réforme au Tribunal fédéral.
 
Extrait des considérants:
2. La chambre des recours a déclaré que les rapports de travail entre les parties étaient régis par le contrat du 15 avril 2000, que ceux-ci avaient pris fin le 15 décembre 2000 et que, en conséquence, les conclusions du demandeur devaient être rejetées. Les juges ont considéré en substance que le contrat signé le 27 août 1999, soumis à l'autorité administrative en vue de la délivrance d'un permis B, n'avait jamais été exécuté. Celui-ci avait été résilié conventionnellement, les deux parties y ayant renoncé et passé, le 15 avril 2000, un nouveau contrat de travail de durée déterminée, qui a été exécuté jusqu'à son échéance au 15 décembre 2000 et qui correspondait aux exigences de l'art. 9 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21).
L'appréciation juridique des faits, qui n'est autre en définitive qu'une forme de violation du droit fédéral (cf. POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, n. 5 ad art. 43 OJ), ne doit pas être confondue avec l'appréciation des preuves et la constatation des faits en découlant, qui ne peuvent, sous réserve d'exceptions non invoquées en l'espèce (cf. art. 63 al. 2 et 64 OJ), être revues dans un recours en réforme (ATF 127 III 543 consid. 2c p. 547; ATF 126 III 189 consid. 2a). Or, déterminer la volonté réelle et commune des parties de conclure un contrat est une question de fait (ATF 126 III 25 consid. 3c p. 29, 375 consid. 2e/aa p. 379; ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308). A fortiori, il en va de même de la volonté réelle des parties de mettre fin ou de modifier un contrat.
En l'occurrence, la chambre des recours a établi la réelle et commune intention des parties, lorsque, sur la base des éléments de fait à sa disposition, elle a retenu que celles-ci avaient résilié conventionnellement le contrat du 27 août 1999 et avaient, d'un commun accord, passé un nouveau contrat de travail le 15 avril 2000. Ce faisant, elle a procédé à une appréciation des preuves que le demandeur ne peut, sous le couvert de l'art. 43 al. 4 OJ, remettre en cause dans son recours en réforme (cf. ATF 119 II 84 consid. 3 p. 85).
Le grief tiré de l'art. 43 al. 4 OJ est donc irrecevable.
L'application de l'un ou l'autre de ces contrats est déterminante pour le sort des prétentions du demandeur. En effet, le contrat du 15 avril 2000 a une durée dans le temps limitée à neuf mois, allant du 15 mars au 15 décembre 2000, et porte sur une rémunération mensuelle brute de 2'920 fr. L'accord du 27 août 1999 se présente en revanche comme un contrat de durée indéterminée et prévoit un salaire mensuel brut de 3'582 fr. Il ressort de l'arrêt entrepris que l'employeur a respecté les termes de l'accord du 15 avril 2000. Le litige revient ainsi à examiner si le demandeur peut se prévaloir des conditions fixées dans le contrat du 27 août 1999 s'agissant du salaire d'une part et de la durée indéterminée des relations de travail, d'autre part, attendu qu'il a été constaté que les parties ont, d'un commun accord, résilié ce contrat et qu'elles l'ont remplacé par celui d'avril 2000.
 
Erwägung 5
5.1 En ce qui concerne la rémunération, il faut souligner que, comme la prise d'emploi du demandeur en Suisse est soumise à une autorisation administrative, la liberté contractuelle des parties relative à la fixation du salaire s'en trouve limitée (cf. WYLER, Droit du travail, Berne 2002, p. 110; STAEHELIN, Commentaire zurichois, n. 16 ad art. 342 CO). Le Tribunal fédéral a précisé, dans un arrêt de principe, que l'art. 9 OLE déploie des effets de droit civil, dans le sens où cette disposition oblige l'employeur à respecter les conditions qui assortissent l'autorisation délivrée, en particulier à verser le salaire approuvé par l'autorité administrative; le travailleur dispose alors d'une prétention qu'il peut faire valoir devant les juridictions civiles, conformément à l'art. 342 al. 2 CO (ATF 122 III 110 consid. 4d p. 114 s. et les références citées).
L'art. 342 al. 2 CO est l'une des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé ni au détriment de l'employeur ni à celui du travailleur (art. 361 al. 1 CO). Il en découle que la clause du contrat individuel de travail prévoyant un salaire inférieur au salaire fixé par l'autorité administrative compétente, en application de l'art. 9 OLE, est entachée de nullité ex lege (art. 361 al. 2 CO; arrêts du Tribunal fédéral 4C.239/2000 du 19 janvier 2001, consid. 2a; 4C.249/2000 du 18 décembre 2000, consid. 3b; 4C.448/1996 du 16 septembre 1997, consid. 1b). Le juge civil est alors lié par les conditions de rémunération fixées concrètement dans l'autorisation administrative délivrée pour un emploi donné (ATF 122 III 110 consid. 4d p. 115). Dès lors que la décision administrative est entrée en force, le travailleur a droit au salaire fixé et il n'y a plus à prendre en considération ni accord individuel ni convention collective (arrêt 4C.239/2000 précité, consid. 2a). En outre, comme il appartient à l'autorité administrative compétente d'arrêter définitivement le salaire conforme à l'art. 9 OLE (arrêts précités 4C.249/2000, consid. 3b; 4C.448/1996, consid. 1b), il importe peu que la rémunération contractuelle, bien qu'inférieure au salaire fixé par l'autorité administrative, dépasse le salaire usuel dans la branche pour l'emploi considéré (arrêt 4C.448/1996 précité, consid. 1b; contra AUBERT, Note in SJ 1990 p. 664 s.).
Il ressort de l'arrêt attaqué que le contrat du 27 août 1999 a été soumis à l'autorité administrative en vue de la délivrance d'un permis B et que cet accord a été à la base de l'autorisation administrative octroyée le 26 novembre 1999. Conformément aux principes précités, la chambre des recours aurait donc dû constater la nullité de la clause salariale prévue dans le contrat subséquent du 15 avril 2000 et se fonder sur la rémunération résultant de l'accord du 27 août 1999. Le fait que le salaire convenu en avril 2000, bien qu'inférieur à celui prévu dans le contrat du 27 août 1999, puisse correspondre aux exigences de l'art. 9 OLE n'est pas déterminant en regard de la jurisprudence susmentionnée. En outre, le salaire étant nul, il n'y a pas de place ici pour l'application de l'art. 18 al. 1 CO relatif à la simulation (cf. arrêts précités 4C.239/2000, consid. 2a; 4C.249/2000, consid. 3b; 4C.448/1996, consid. 1b), contrairement à ce que soutient le défendeur.
5.2 Quant à l'existence d'un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) également invoqué par le défendeur, seules des circonstances tout à fait exceptionnelles permettent à l'employeur de s'en prévaloir. Selon une jurisprudence fermement établie, il serait contraire à l'esprit de la loi de priver le travailleur, par le biais de l'art. 2 al. 2 CC, de la protection que lui accorde l'art. 341 al. 1 CO (ATF 110 II 168 consid. 3c p. 171; ATF 105 II 39 consid. 1b p. 42). Cette jurisprudence s'applique à plus forte raison à l'égard des travailleurs étrangers, tant il est vrai que la protection accordée à ceux-ci par l'art. 9 OLE en liaison avec l'art. 342 al. 2 CO peut souvent se révéler illusoire. Aussi convient-il, sinon d'exclure, du moins de réserver aux cas d'abus de droit caractérisés la possibilité pour l'employeur d'opposer l'art. 2 al. 2 CC au travailleur étranger (arrêts précités 4C.249/2000, consid. 3b et 4C.448/1996, consid. 1b). Le fait pour le travailleur de n'avoir soulevé ses prétentions qu'à l'expiration des rapports de travail ne peut constituer, à lui seul, un abus de droit manifeste, faute de quoi les art. 341 al. 1 et 342 al. 2 CO, ainsi que l'art. 9 OLE, seraient lettre morte pour les travailleurs qu'ils sont censés protéger (arrêts précités 4C.249/2000, consid. 3c et 4C.448/1996, consid. 1c/aa).
En l'espèce, les faits retenus dans l'arrêt attaqué ne permettent pas d'en inférer l'existence de circonstances exceptionnelles qui permettraient de conclure à un abus de droit de la part du demandeur. Il n'est pas suffisant à cet égard que celui-ci ait été d'accord avec la conclusion d'un contrat prévoyant des conditions salariales inférieures à l'accord du 27 août 1999 et qu'il ait toujours signé ses fiches de paie sans se plaindre.
La chambre des recours a donc violé le droit fédéral en déclarant que les rapports de travail entre les parties étaient régis par le contrat du 15 avril 2000, alors que, s'agissant du salaire, elle aurait dû se fonder sur les conditions de rémunération ressortant du contrat du 27 août 1999. L'arrêt attaqué doit être réformé sur ce point.
Selon l'arrêt attaqué, les parties ont requis et le demandeur a obtenu, sur la base de ce contrat, une autorisation de séjour et de travail annuelle (permis B) valable du 13 mars 2000 (le lendemain de l'échéance du dernier permis saisonnier) au 12 décembre 2000. Quant au nouveau contrat de travail signé en avril 2000 par les parties, il était expressément limité à une durée de neuf mois, du 15 mars au 15 décembre 2000, ce qui correspond, à quelques jours près, à la période couverte par l'autorisation administrative.
L'art. 9 OLE vise à maintenir la paix sociale en préservant les travailleurs suisses d'une sous-enchère salariale induite par la main-d'oeuvre étrangère et en protégeant les travailleurs étrangers eux-mêmes (ATF 122 III 110 consid. 4d p. 114). On conçoit mal que cette disposition, compte tenu des objectifs poursuivis, puisse restreindre la liberté contractuelle des parties de modifier leur contrat de travail, dans la mesure où elles ne font qu'en limiter la durée à celle couverte par l'autorisation de séjour et de travail octroyée.
En effet, sous l'angle de la garantie de l'emploi, un tel contrat de durée déterminée (art. 334 al. 1 CO), dont rien n'indique qu'il ait été conçu comme un contrat de durée maximale (cf. ATF 114 II 349 consid. 2a p. 351), offre une meilleure protection au travailleur au bénéfice d'une autorisation de séjour et de travail annuelle que ne le ferait un contrat à durée indéterminée, car il le met à l'abri d'une résiliation ordinaire durant toute la période couverte par son permis (cf. STAEHELIN, op. cit., n. 17 ad art. 334 CO). Certes, au terme du contrat, le travailleur est moins bien protégé, en cas de maladie notamment, que s'il bénéficiait d'un contrat de durée indéterminée. Cet élément n'est toutefois pas pertinent en regard de l'art. 9 OLE, car il n'est pas propre à créer des différences entre la main-d'oeuvre étrangère et suisse. En revanche, il peut jouer un rôle sous l'angle de l'abus de droit (cf. infra consid. 6.2).
L'art. 9 OLE n'entraîne donc pas, ex lege, la nullité de la clause du contrat du 15 avril 2000 limitant la durée du contrat dans le temps.
Il ressort des faits retenus que le demandeur a été engagé pour chacune des années 1996 à 1999, de mars à décembre, en qualité de saisonnier par le défendeur. On peut douter que ces seules indications permettent d'en conclure que les parties ont, chaque année, conclu un nouveau contrat (cf. ATF 101 Ia 463 consid. 2 p. 465). Cette question peut toutefois demeurer indécise, car, même si tel avait été le cas, on ne voit pas que ce procédé fasse apparaître la conclusion d'un contrat de travail de durée limitée pour la saison 2000 comme abusif. Certes, l'art. 2 al. 2 CC, qui prohibe la fraude à la loi, s'oppose à la conclusion de "contrats en chaîne" dont la durée déterminée ne se justifie par aucun motif objectif et qui ont pour but d'éluder l'application des dispositions sur la protection contre les congés ou d'empêcher la naissance de prétentions juridiques dépendant d'une durée minimale des rapports de travail (ATF 119 V 46 consid. 1c p. 48 et les références citées). Le Tribunal fédéral a toutefois jugé admissible, dans son principe, la conclusion de contrats saisonniers "en chaîne" (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 240/98 du 30 novembre 1999, résumé in PJA 2000 p. 1545, consid. 4c; arrêts du Tribunal fédéral 4C.133/1994 du 2 août 1994, consid. 3a; C.198/1986 du 9 septembre 1987, consid. 3a). Or, en l'espèce, il a été constaté que le défendeur employait des travailleurs saisonniers neuf mois par an, car il n'avait pas de travail à leur offrir en hiver sur son exploitation. Après quatre saisons, il entreprenait, comme le faisait déjà son père, les démarches pour que ceux-ci obtiennent un permis B, tout en sachant qu'au terme de la cinquième saison, il leur faudrait chercher un autre travail. L'année 2000 correspondait précisément à cette dernière saison pour le demandeur. Il existait donc, cette année-là en tout cas, un motif objectif justifiant la conclusion d'un contrat de durée limitée. En outre, rien n'empêchait les parties de convenir suffisamment tôt, qu'au terme de la cinquième année, l'engagement saisonnier du demandeur prendrait fin. Par conséquent, le fait que les parties aient prévu, le 15 avril 2000, que le contrat de travail arriverait à expiration le 15 décembre 2000 n'apparaît pas comme contraire à l'art. 2 al. 2 CC.
Enfin, aucun des éléments retenus ne permet d'en conclure que le contrat signé le 15 avril 2000, et plus particulièrement la clause stipulant un terme au 15 décembre 2000, serait affecté d'une autre cause de nullité (cf. art. 20 CO), d'un vice du consentement (art. 23 ss CO) ou qu'il ne correspondrait pas à la volonté commune et réelle des parties (art. 18 al. 1 CO). Au contraire, les faits constatés ne font que corroborer l'intention des parties, telle qu'elle résulte clairement du texte du contrat du 15 avril 2000, de se libérer en décembre 2000. D'une part, on a vu que le défendeur n'avait pas assez de travail en hiver pour occuper un ouvrier agricole. D'autre part, la saison précédente, le demandeur lui-même, après s'être vu offrir la possibilité de travailler durant l'hiver pour un autre agriculteur, conformément au contrat de durée indéterminée du 27 août 1999 alors en vigueur, avait refusé, faisant valoir qu'il avait sa maison à restaurer au Portugal et qu'il n'était pas intéressé à venir travailler avant le 15 mars 2000, comme les autres années.
En pareilles circonstances, la chambre des recours n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les rapports de travail entre les parties avaient bien pris fin le 15 décembre 2000, conformément au contrat du 15 avril 2000.
La cause sera renvoyée à la chambre des recours, afin qu'elle statue à nouveau sur les dépens de la procédure accomplie devant elle (art. 159 al. 6 OJ). Il lui appartiendra également de déterminer la suite à donner à la procédure, en application du droit cantonal.