BGE 143 II 276
 
21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A. contre Conseil d'Etat de la République et canton de Genève (recours en matière de droit public)
 
1C_423/2016 du 3 avril 2017
 
Regeste
Art. 6 ff., 14 ff. und 33 Abs. 2 RPG; Unterschied zwischen einer Richt- und einer Nutzungsplanung; bundesrechtlich gebotener Rechtsschutz.
Ein kantonaler Plan, der einem Richtplan im Sinne des Bundesrechts gleichgestellt ist, ist nur für die Behörden unmittelbar verbindlich (E. 4.2). Weder das Bundesrecht noch das kantonale Genfer Recht sehen ein Rechtsmittel vor, das es Privatpersonen erlauben würde, einen Richtplan anzufechten (E. 4.2). Ein solcher Plan bedarf - unabhängig von seinem Inhalt und seinem Detaillierungsgrad - der nachfolgenden Umsetzung durch einen Nutzungsplan. In diesem nachgelagerten Verfahren können Privatpersonen die Festsetzungen des Richtplans vorfrageweise überprüfen lassen; dies genügt den Rechtsschutzanforderungen des Bundesrechts (E. 4.2.3).
 
Sachverhalt
A. Le périmètre du quartier Praille-Acacias-Vernets (ci-après: quartier PAV) figure au plan directeur cantonal 2015 dans sa version mise à jour de 2006 et la fiche 2.20 y relative prévoit la densification du périmètre. Sur cette base, a été adoptée, le 23 juin 2011, la loi 10788 relative à l'aménagement du quartier PAV, modifiant les limites de zones sur le territoire des communes concernées (création d'une zone 2, d'une zone de développement 2, d'une zone de verdure et d'une zone de développement 2 prioritairement affectée à des activités mixtes). Le quartier est divisé en sept secteurs (A-G; art. 4 loi PAV).
La fondation A. (ci-après: A.) est propriétaire d'une parcelle située entre l'Arve et la rue François-Dussaud, sur le territoire de la commune de Genève-Plainpalais; ce bien-fonds est compris dans le secteur "Acacias-Bord de l'Arve (G)", en zone de développement 2, dans un secteur dévolu à une affectation mixte, logements, activités tertiaires, entreprises sans nuisances ou moyennement gênantes, ainsi qu'équipements publics, universitaires et hautes écoles (art. 4 al. 7 loi PAV).
B. Suite à l'adoption de la loi PAV, le département, de concert avec les communes de Genève, Carouge et Lancy, a élaboré un avant-projet de plan directeur de quartier Praille-Acacias-Vernets (ci-après: PDQ PAV) n° 29951. Le périmètre couvert par le PDQ PAV est délimité au nord-est par l'Arve, à l'ouest par le coteau de Lancy, au sud par la route de Saint-Julien et le Bachet-de-Pesay et au sud-est par les quartiers des Noirettes et des tours de Carouge. Ce projet est notamment constitué de fiches de coordination ainsi que d'une carte des grands équilibres (densité et affectations).
Pour le secteur G, la loi PAV définit une affectation mixte. La carte des grands équilibres, intégrée au PDQ PAV, indique pour ce secteur un programme de 200'000 m2 de surface brut de plancher (SBP), la surface des bâtiments maintenus et des équipements publics n'étant pas comprise. Le secteur G est composé de trois sous-secteurs, dont la Pointe Nord. Dans le périmètre de cette dernière, dans lequel se trouve la parcelle de A., des équipements publics et collectifs sont préconisés, notamment l'implantation du Pôle sciences (HES-UNI), de l'Hôtel de police et du Palais de justice. La carte des grands équilibres définit, pour le secteur G, un indice d'utilisation du sol (IUS) et un indice de densité (ID); elle précise néanmoins qu'il s'agit de moyennes sur le périmètre de chacun des secteurs, susceptibles de varier en fonction des projets et de choix ultérieurs.
Le projet de PDQ PAV a été soumis à la consultation publique, dans le cadre de laquelle A. a déposé des observations, le 12 mai 2014. Entre décembre 2014 et janvier 2015, les Conseils municipaux des communes concernées ont adopté le PDQ PAV. Le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a, quant à lui, approuvé le plan par arrêté du 1er avril 2015.
Par arrêt du 12 juillet 2016, la Cour de justice de la République et canton de Genève a déclaré irrecevable le recours formé par A. contre cet arrêté. L'instance précédente a en substance considéré que le PDQ PAV, en tant que plan directeur, ne pouvait faire l'objet d'un recours émanant d'un particulier; elle a, dans ce cadre, nié que ce plan corresponde matériellement à un plan d'affectation susceptible de recours conformément à l'art. 33 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700).
C. A. a déféré cette décision à l'autorité de céans, qui a rejeté son recours en matière de droit public.
(résumé)
 
Extrait des considérants:
4.1 L'instrument du plan directeur cantonal est prévu aux art. 6 ss LAT. Il se définit comme un plan de gestion continue du territoire et non pas comme une conception détaillée de l'état futur de l'organisation du territoire. La planification directrice montre comment les organismes chargés de tâches d'organisation du territoire doivent exercer leurs compétences en regard de l'organisation du territoire souhaitée (cf. Pierre TSCHANNEN, in Commentaire LAT, 2010, n° 20 ad art. 6-12 LAT); le plan directeur ne se limite pas à donner une image du développement souhaité, mais propose des moyens propres à atteindre ce but (art. 8 al. 1 let. c LAT; cf. arrêt 1C_472/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.1; ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 225 p. 105). Cet aspect programmatique du plan correspond au contenu minimum exigé selon les art. 8 LAT et 5 al. 1 de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1; cf. TSCHANNEN, op. cit., n° 20 ad art. 6-12 LAT). Cette définition générale du contenu minimum des plans cantonaux figurant à l'art. 8 al. 1 LAT n'a pas été modifiée par l'entrée en vigueur, le 1er mai 2014 (RO 2014 899), de la révision de la LAT du 15 juin 2012 (cf. Message du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la loi sur l'aménagement du territoire, FF 2010 976 ch. 2.3.3).
Sur le niveau régional, le droit fédéral n'interdit pas aux cantons de prévoir l'introduction de plans directeurs de rang inférieur, régionaux ou communaux (cf. arrêt 1C_472/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.1; ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, op. cit., n. 266 s. p. 122; PETER HÄNNI, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 6e éd. 2016, p. 134). Dans le canton de Genève, le législateur a ainsi introduit le plan directeur localisé (ci-après: PDL), qui entre dans la définition du plan directeur telle que donnée par le droit fédéral (FRANÇOIS BELLANGER, Déclassement et autres mesures dans le canton de Genève, in Planification territoriale, 2013, p. 89). Ce plan a pour objet de fixer les orientations futures de l'aménagement de tout ou partie du territoire d'une ou plusieurs communes (art. 10 al. 1 de la loi d'application du 4 juin 1987 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire [LaLAT; rs/GE L 1 30]).
4.2 D'un point de vue formel, il est constant que le PDQ PAV constitue un PDL au sens de l'art. 10 LaLAT et qu'il doit dès lors, sous cet angle, être assimilé à un plan directeur au sens défini par le droit fédéral. A ce titre, il acquiert force obligatoire pour les communes et le Conseil d'Etat, mais ne produit en revanche aucun effet direct à l'égard des particuliers; ces derniers ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel (art. 10 al. 8 LaLAT et 35 al. 1 LaLAT a contrario; art. 9 al. 1 LAT; cf. arrêt 1C_472/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.1; voir également AEMISEGGER/HAAG, in Commentaire LAT, 2010, n° 49 ad art. 33 LAT). Il s'ensuit que l'irrecevabilité du recours cantonal formé par la fondation recourante devrait en principe être confirmée. La recourante soutient cependant qu'en dépit de sa nature formelle, le PDQ PAV devrait être matériellement assimilé à un plan d'affectation (art. 14 LAT) soumis aux exigences des art. 33 al. 2 LAT et 35 al. 1 LaLAT en matière de protection juridique.
Selon l'art. 33 al. 1 LAT, les plans d'affectation sont mis à l'enquête publique. Le droit cantonal prévoit au moins une voie de recours contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la loi fédérale sur l'aménagement du territoire et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution (art. 33 al. 2 LAT). Il prévoit également qu'une autorité de recours au moins ait un libre pouvoir d'examen (art. 33 al. 3 let. b LAT). Sur le plan cantonal, l'art. 35 al. 1 LaLAT dispose que les décisions par lesquelles le Grand Conseil, respectivement le Conseil d'Etat, adopte les plans d'affectation du sol visés aux articles 12 et 13 al. 1 let. a-f et i LaLAT peuvent faire l'objet d'un recours à la chambre administrative de la Cour de justice.
4.2.2 Pour procéder à la qualification du PDQ PAV, la Cour de justice a tout d'abord considéré que sa procédure d'adoption était proche de celle prévue par le droit cantonal en matière de planification directrice. Ensuite, examinant le contenu et les effets juridiques du PDQ PAV, l'instance précédente a exclu que celui-ci puisse revêtir les qualités d'un plan d'affectation. D'un point de vue général, elle a retenu que, selon la volonté du législateur, le PDQ PAV avait le caractère d'un outil de travail consensuel liant les autorités entre elles, dépourvu d'effet juridique à l'égard des tiers. Elle a ensuite indiqué que l'art. 7 du règlement d'application du 18 juin 2014 de la loi PAV (RaPAV; rs/GE L 1 30.04) définissait quels éléments étaient impératifs pour les autorités au sens de l'art. 10 al. 8 LaLAT, à savoir les textes sur fond coloré des fiches de coordination (principes, objectifs, mesures et projets), les éléments représentés sur la carte de synthèse et les chiffres sur fond coloré sur la carte des grands équilibres (densité et affectations). La cour cantonale a jugé que rien ne permettait cependant de retenir que ces différents éléments, obligatoires pour les autorités cantonales, l'étaient également pour les administrés, indépendamment de leur degré de précision. Elle a notamment considéré, s'agissant du Pôle sciences (HES-UNI), que l'implantation prévue dans le secteur Nord (où se trouve la parcelle de la recourante) n'était pas définitive; elle a également estimé que l'examen des IUS et des SBP définis par le plan litigieux était prématuré. A cet égard, l'instance précédente a rappelé que ces différents éléments, de nature programmatique, étaient amenés à être analysés de manière approfondie par les autorités compétentes dans le cadre de la procédure ultérieure d'adoption de PLQ PAV - imposée par l'art. 2 al. 1 de la loi générale du 29 juin 1957 sur les zones de développement (LGZD; rs/GE L 1 35) et l'art. 3 al. 1 de loi PAV -, dans laquelle la participation des particuliers sera assurée conformément à l'art. 33 al. 2 LAT.
4.2.3 La recourante réitère céans ses critiques liées à la précision du contenu du PDQ PAV ainsi qu'à la portée matérielle de celui-ci pour lui prêter les qualités d'un plan d'affectation sujet à recours. Cette approche se révèle toutefois infondée, bien que l'instance précédente ait, pour répondre à ce grief, procédé à l'examen détaillé de ces différents aspects. Dans les ATF 138 I 131 et ATF 135 II 328, sur lesquels se fonde essentiellement la recourante, les actes concernés - à savoir les modifications de la loi vaudoise du 12 février 1979 sur le plan de protection de Lavaux (LLavaux; RSV 701.43), à la suite de l'initiative populaire "Sauver Lavaux", d'une part, et l'ordonnance adoptée le 27 novembre 2007 par le Conseil d'Etat du canton de Fribourg relative aux chalets de vacances présents au bord du Lac de Neuchâtel (ROF 2007.115), d'autre part - n'étaient certes formellement pas attaquables, à l'instar du PDQ PAV; cependant, contrairement à ce dernier, ils déployaient des effets directs immédiats sur les particuliers, sans qu'une mise en oeuvre ultérieure par le biais de l'adoption d'une planification d'affectation, soumise au contrôle de l'art. 33 al. 2 LAT, ne soit nécessaire. Dans ces circonstances, il s'imposait de déterminer si, d'un point de vue matériel, le degré de précision des instruments en cause et leurs effets équivalaient à ceux d'un plan d'affectation au sens de l'art. 14 LAT, au risque, à défaut, de contourner irrémédiablement la protection juridique offerte par l'art. 33 al. 2 LAT (cf. ATF 138 I 131 consid. 4.2 p. 136 s.; ATF 135 II 328 consid. 2.2 p. 332 s.). En l'espèce, un tel contrôle n'a en revanche pas lieu d'être. En effet, comme le rappellent non seulement le Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (DALE), mais également, l'Office du développement territorial, la protection juridique est en l'occurrence garantie par l'adoption subséquente d'une planification d'affectation, sous forme de PLQ PAV, imposée par les art. 2 al. 1 LGZD et 3 al. 1 de loi PAV; or cette procédure permettra, le cas échéant, de procéder à un contrôle préjudiciel de la planification directrice et à la pesée des intérêts exigée dans ce cadre (cf. TSCHANNEN, op. cit., nos 36 ss ad art. 9 LAT; cf. également arrêt 1C_630/ 2015 du 15 septembre 2016 consid. 7.3.1). Il sera alors loisible à la recourante de remettre en cause les options programmatiques préconisées par le PDQ PAV, sous l'angle de la conformité au droit ou encore si des intérêts opposés au plan directeur sont plus importants que ceux qui y sont indiqués (cf. TSCHANNEN, op. cit., nos 36 ss ad art. 9 LAT; ATF 119 Ia 362 consid. 4 p. 368; ATF 107 Ia 77 consid. 3aa p. 88; cf. également arrêt 1C_630/2015 du 15 septembre 2016 consid. 7.3.1); la recourante pourra alors notamment se prévaloir du respect du principe de l'égalité de traitement (à titre d'exemple, cf. arrêt 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 5.1 et 5.2), dont elle se plaint déjà implicitement en arguant que le PDQ PAV la priverait de toute perspective de construction sur ses parcelles au bénéfice, notamment, du projet Pôle sciences (HES-UNI), par un épuisement des SBP disponibles.
4.2.4 C'est enfin également à tort que la recourante déduit de l'arrêt 1C_276/2014 du 1er octobre 2014 que la portée matérielle du PDQ PAV correspondrait à celle d'un plan d'affectation susceptible de recours. Dans cette affaire, l'examen du Tribunal fédéral portait notamment sur la conformité d'une demande de construction avec la zone de développement 2 (cf. art. 2 al. 1 LGZD) instituée non pas par le projet de PDQ PAV, mais par la loi PAV en vigueur; le litige concernait par ailleurs la question du délai de réponse des autorités à cette demande d'autorisation de construire (cf. art. 4 de la loi du 14 avril 1988 sur les constructions et les installations diverses [LCI; rs/GE L 5 05]). Or, ces aspects, pour lesquels la cognition du Tribunal fédéral était de surcroît restreinte à l'arbitraire (à propos de la notion d'arbitraire, cf. ATF 138 I 305 consid. 4.3 p. 319), apparaissent indépendants de l'adoption du PDQ PAV et ne permettent pas de déduire que ce dernier déploierait des effets directs au-delà des seules autorités ni que la recourante serait empêchée de faire valoir ses droits au stade ultérieur de la planification de détail.