BGE 132 II 10
 
2. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Office fédéral du développement territorial contre X., Département de la sécurité et de l'environnement et Département des infrastructures ainsi que Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de droit administratif)
 
1A.279/2004 du 21 septembre 2005
 
Regeste
Nautischer Bau an einem Seeufer; Art. 22 und 24 RPG.
Bejahung der Zonenkonformität - im vorliegenden Fall Konformität mit den Vorschriften einer Schutzzone (Art. 17 RPG) - einer sich auf öffentlichem Grund befindenden Steganlage, welche von einer Anliegerliegenschaft aus an den See zu gelangen gestattet und welche das kantonale Recht nur auf Zusehen hin bei einem Bedarf erlaubt (E. 2).
 
Sachverhalt
X. est propriétaire, sur le territoire de la commune de Vallamand, d'un bien-fonds riverain du lac de Morat, où se trouve une maison (résidence d'agrément). Le 8 novembre 1971, le Département des travaux publics du canton de Vaud a accordé à un précédent propriétaire de la parcelle une "autorisation pour usage du domaine public", personnelle et à bien plaire (n° 44/34), lui permettant d'"utiliser le domaine public du lac de Morat (...) par une passerelle d'embarquement et un glacis". La passerelle a été construite, sur une longueur de 9.80 m pour une largeur de 1 m. Le 5 mars 2003, le Département cantonal de la sécurité et de l'environnement (DSE) a pris une nouvelle décision faisant de X. le titulaire de l'autorisation n° 44/34, laquelle lui permet de "maintenir une passerelle d'embarquement et un radier bétonné". Aux termes de l'art. 2 de cet acte, "cette autorisation est accordée à bien plaire; le bénéficiaire peut être tenu en tout temps de modifier, d'enlever et de faire disparaître, sans avoir droit à dédommagement ni indemnité, les ouvrages qui font l'objet de cette autorisation".
Sans requérir préalablement une autorisation, X. a agrandi la passerelle (ou ponton), en portant sa longueur à 19.40 m et en créant à son extrémité une plate-forme de 3 m sur 3 m. Ainsi transformé, cet ouvrage traverse sur toute sa largeur la roselière se trouvant sur la rive du lac à cet endroit, et son extrémité est en pleine eau (sur une longueur de 2 à 3 m). Le 27 juin 2003, le Service des eaux, sols et assainissement (SESA) du Département de la sécurité et de l'environnement a écrit à X. en l'invitant soit à démolir l'aménagement complémentaire réalisé sans autorisation, soit à déposer un dossier de demande d'autorisation. Le 12 septembre 2003, X. a déposé une demande d'autorisation avec un plan figurant le ponton prolongé, large de 1.20 m, ainsi qu'une plate-forme de 2.40 m sur 2.40 m à son extrémité (longueur totale de l'ouvrage, y compris la partie existante: 19.40 m). Dans sa lettre d'accompagnement, il demandait au service cantonal (SESA) d'admettre le maintien de la plate-forme de 3 m sur 3 m déjà réalisée. Ce service lui a répondu, le 24 septembre 2003, que la dimension de la plate-forme dessinée sur le plan (2.40 m sur 2.40 m) était "conforme à la pratique administrative du canton de Vaud en matière d'autorisation de construire, et ceci depuis de nombreuses années"; il n'entendait donc pas faire d'exception à cette pratique. La demande d'autorisation a été mise à l'enquête publique du 30 septembre au 20 octobre 2003 et elle n'a pas suscité d'oppositions.
Le dossier a ensuite été transmis à différents services de l'administration cantonale, notamment au Service de l'aménagement du territoire (SAT). Celui-ci a indiqué que l'autorisation spéciale pour les constructions hors des zones à bâtir était refusée car les conditions pour une dérogation selon les art. 24 ss de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) n'étaient pas satisfaites. Par ailleurs, le Centre de conservation de la faune et de la nature a émis un préavis défavorable. Le Département de la sécurité et de l'environnement (DSE), par le Service des eaux, sols et assainissement (SESA), a communiqué le 23 décembre 2003 à X. la synthèse des prises de position; il lui a signifié qu'il refusait le maintien du ponton dans son état actuel et qu'il exigeait la démolition de la totalité de l'aménagement complémentaire réalisé sans autorisation, le ponton devant être ramené à ses dimensions initiales dans un délai de trois mois (9.80 m de long, 1 m de large).
X. a recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud contre la décision du Département de la sécurité et de l'environnement du 23 décembre 2003, en demandant que l'autorisation d'agrandir son ponton lui soit délivrée. Le Tribunal administratif a admis le recours par un arrêt rendu le 23 août 2004. Il a annulé "la décision rendue le 23 décembre 2003 par le Département de la sécurité et de l'environnement, Service des eaux, sols et assainissement, et par le Département des infrastructures, Service de l'aménagement du territoire" et dit que le dossier était renvoyé aux deux départements précités, respectivement aux deux services, pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, il a considéré que l'agrandissement du ponton litigieux ne pouvait pas être autorisé comme transformation partielle au sens de l'art. 24c al. 2 LAT mais qu'en revanche les conditions pour une autorisation selon l'art. 24 LAT étaient réunies; cette autorisation spéciale ayant été refusée à tort par le Service de l'aménagement du territoire, le dossier était renvoyé aux départements compétents afin que les autorisations requises soient délivrées.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Office fédéral du développement territorial (ODT) a demandé au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Il a dénoncé une violation de l'art. 24 LAT, l'installation litigieuse ne satisfaisant pas à la première condition fixée par cette disposition, à savoir une implantation hors de la zone à bâtir imposée par sa destination (let. a). Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de droit administratif et réformé le dispositif de l'arrêt attaqué dans le sens suivant: "Le dossier est renvoyé au Département de la sécurité et de l'environnement, Service des eaux, sols et assainissement, pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 1A.279/2004".
 
Extrait des considérants:
1. Aux termes de l'art. 34 al. 1 LAT, le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est recevable contre les décisions prises par l'autorité cantonale de dernière instance sur la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises hors de la zone à bâtir et sur des demandes de dérogation en vertu des art. 24 à 24d LAT. En l'espèce, les autorités cantonales ont traité la demande d'autorisation présentée par le propriétaire riverain intimé non seulement comme une requête fondée sur la loi cantonale sur l'utilisation des lacs et cours d'eau dépendant du domaine public mais également comme une demande de dérogation au sens des art. 24 ss LAT; le Tribunal administratif a ensuite considéré que le projet satisfaisait aux exigences de l'art. 24 LAT. La voie du recours de droit administratif (art. 97 ss OJ) est donc ouverte.
Par cet arrêt, qui certes renvoie l'affaire aux départements cantonaux concernés, le Tribunal administratif a rendu une décision finale partielle, tranchant définitivement la question de l'application de l'art. 24 LAT. Le recours de droit administratif est recevable contre une telle décision, qui n'a dans cette mesure pas un caractère incident (ATF 129 II 286 consid. 4.2 p. 291, ATF 129 II 384 consid. 2.3 p. 385). L'Office fédéral du développement territorial, service compétent de la Confédération en matière d'aménagement du territoire (art. 32 LAT), a qualité pour recourir selon l'art. 103 let. b OJ, en relation avec l'art. 48 al. 4 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2. Le recourant soutient que l'ouvrage litigieux n'est pas une installation dont l'implantation hors de la zone à bâtir est imposée par sa destination. Or c'est là une condition nécessaire à l'octroi d'une dérogation selon l'art. 24 LAT (première condition, art. 24 let. a LAT). Il est donc reproché au Tribunal administratif d'avoir pris en considération une "pratique établie" de l'administration cantonale, selon laquelle les propriétaires riverains sont généralement autorisés à aménager un ponton au droit de leur propriété si cela n'implique ni changement d'affectation ni atteinte à l'environnement; avec un tel critère, formulé en termes généraux et faisant abstraction d'un examen concret de la situation, on consacrerait pratiquement un droit, pour tout propriétaire riverain d'un lac, d'obtenir l'autorisation de construire ou d'agrandir un ponton, ce qui ne serait pas compatible avec l'art. 24 LAT.
2.1 L'art. 24 LAT dispose qu'en dérogation à l'art. 22 al. 2 let. a LAT - qui prévoit qu'une autorisation de construire n'est en principe octroyée que si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone -, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations, ou pour tout changement d'affectation, si l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a) et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b). Il n'est pas contesté que le ponton litigieux, en raison de ses dimensions, est une construction ou installation dont l'édification est soumise à autorisation, au sens de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (art. 22 al. 1 LAT; cf. ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259; ATF 114 Ib 81 consid. 3 p. 87).
En prétendant que la réalisation du projet litigieux nécessite une dérogation selon l'art. 24 LAT, le recourant ne s'écarte pas des considérations de l'arrêt attaqué, qui retient d'emblée d'une part que l'installation en cause n'est "pas conforme à l'affectation de la zone lacustre", et d'autre part qu'il n'est pas possible d'autoriser a posteriori les travaux dans le cadre prévu par l'art. 24c al. 2 LAT pour les transformations partielles (cf. notamment ATF 129 II 396; ATF 127 II 215 consid. 3 p. 218 ss). Il convient cependant d'examiner - ce que le Tribunal administratif n'a pas fait - si une installation telle que le ponton litigieux peut être considérée comme conforme à l'affectation de la zone, au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT. Saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral est lié par les conclusions des parties, mais pas par les motifs qu'elles invoquent (art. 114 al. 1 OJ); aussi peut-il se prononcer d'office sur la question de la conformité à l'affectation de la zone, qui doit en principe être résolue préalablement puisqu'une réponse positive exclurait l'application des clauses dérogatoires des art. 24 ss LAT (cf. notamment ATF 118 Ib 335 consid. 1a p. 338).
2.2 La loi fédérale sur l'aménagement du territoire définit les zones à bâtir (art. 15 LAT), les zones agricoles (art. 16 LAT) et les zones à protéger (art. 17 LAT), en précisant que le droit cantonal peut prévoir d'autres zones d'affectation (art. 18 al. 1 et 2 LAT). Les zones à protéger comprennent, notamment, "les cours d'eau, les lacs et leurs rives" (art. 17 al. 1 let. a LAT). Pour ces objets, il appartient aux cantons de délimiter les zones à protéger; l'art. 17 al. 2 LAT prévoit toutefois que le droit cantonal peut prescrire d'autres mesures adéquates.
L'art. 54 al. 1 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; RSV 700.11) définit les "zones protégées" comme des zones "destinées en particulier à la protection des sites, des paysages d'une beauté particulière, des rives de lacs et de cours d'eau, des réserves naturelles ou des espaces de verdure; seules peuvent y être autorisées les constructions et les installations conformes au but assigné à la zone, ne portant pas préjudice à l'aménagement rationnel du territoire et au site ou imposées par leur destination, si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose". De façon plus générale, cette loi prévoit que les plans d'affectation cantonaux ou communaux peuvent contenir des dispositions relatives aux paysages, sites, rives de lacs et de cours d'eau, et elle réserve les mesures prises en application de la loi cantonale sur la protection de la nature, des monuments et des sites (art. 45 al. 2 let. c, art. 47 al. 2 ch. 2 LATC).
2.3 En l'espèce, la contestation porte sur une installation riveraine, se trouvant sur le domaine public du lac de Morat (selon ce qu'indique l'autorisation n° 44/34 délivrée pour la passerelle initiale). Le secteur vaudois du lac de Morat fait partie en effet du domaine public (art. 664 al. 3 CC, art. 138a al. 1 de la loi cantonale d'introduction dans le Canton de Vaud du Code civil suisse) et le droit de disposer des eaux du lac appartient à l'Etat, en vertu de l'art. 1 de la loi cantonale sur l'utilisation des lacs et cours d'eau dépendant du domaine public (LLC; RSV 731.01). L'utilisation des eaux du domaine public nécessite une autorisation du Conseil d'Etat, accordée en principe sous la forme d'une concession, d'une durée de huitante ans au maximum (art. 2 al. 1 et art. 4 al. 1 LLC). Toutefois, l'art. 4 al. 2 LLC prévoit que pour des installations provisoires ou de très faible importance, le Conseil d'Etat peut accorder des autorisations à bien plaire, révocables en tout temps.
Cette procédure d'autorisation fait l'objet d'une réglementation plus détaillée à l'art. 83 al. 2 du règlement d'application de la loi précitée (RLLC; RSV 731.01.1), dans les termes suivants: "le département [actuellement: le Département de la sécurité et de l'environnement, qui comprend le Service des eaux, sols et assainissement] est compétent pour autoriser les installations temporaires ou peu importantes, entre autres les pompages pour arrosage, les piscicultures d'élevage, les viviers, les petites constructions nautiques ainsi que les installations tolérées dans les zones frappées d'interdiction de bâtir". L'autorisation pour usage du domaine public n° 44/34, délivrée initialement en 1971 et transférée en 2003 à l'intimé, a été octroyée en application de ces dispositions, la passerelle ou ponton étant une petite construction nautique au sens de l'art. 83 al. 2 RLLC. Cette disposition permet aussi d'autoriser un agrandissement d'une construction nautique existante.
Dans ses déterminations, le Département de la sécurité et de l'environnement (par le Service des eaux, sols et assainissement) fait valoir qu'il autorise de tels travaux également sur la base de l'art. 12 de la loi cantonale sur la police des eaux dépendant du domaine public (LPDP; RSV 721.01), qui prévoit une "autorisation préalable" pour "tout travail, construction (...) à effectuer dans les lacs ou sur leurs grèves". Selon une pratique qu'il affirme constante, il autorise généralement les propriétaires riverains à aménager un ponton dans le lac, au droit de leur propriété, du moment que les dimensions de l'ouvrage sont "acceptables" (largeur maximum de 1.50 m, longueur variant entre 10 et 30 m, plate-forme en extrémité ne dépassant pas le double de la largeur du ponton); ces dimensions sont liées à la topographie, notamment à la profondeur du lac (compte tenu du tirant d'eau des bateaux susceptibles d'accoster), et l'ouvrage doit être "strictement voué à un usage nautique (navigation et/ou baignade)", les "terrasses en pergola" n'étant pas admises.
Ces autorisations fondées sur l'art. 83 al. 2 RLLC ou sur l'art. 12 LPDP doivent le cas échéant être accompagnées d'autres autorisations cantonales, fondées sur d'autres législations (en matière de protection de la nature ou de la faune, par exemple - cf. infra, consid. 2.7). La contestation ne porte toutefois pas sur ce point car la question soulevée par l'Office fédéral est celle de savoir s'il faut, pour une installation telle que le ponton litigieux, une autorisation fondée sur l'art. 24 LAT, requise en cas de non conformité à l'affectation de la zone.
2.4 La loi fédérale sur l'aménagement du territoire dispose que les zones à protéger comprennent les lacs et leurs rives (art. 17 al. 1 let. a LAT; cf. supra consid. 2.3). Par ailleurs, dans l'énumération des principes régissant l'aménagement (art. 3 LAT), elle prévoit, à propos de la préservation du paysage, qu'il convient notamment de tenir libres les bords des lacs et des cours d'eau et de faciliter au public l'accès aux rives et le passage le long de celles-ci (art. 3 al. 2 let. c LAT). Cela ne signifie pas que les lacs et leurs rives doivent, en vertu du droit fédéral, rester libres de constructions ou d'installations. D'après la doctrine, celles-ci peuvent être admises - sur la base d'une autorisation ordinaire au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT, le cas échéant après l'adoption d'un plan d'affectation spécial (par exemple pour un port ou des installations nautiques importantes), ou au contraire sur la base d'une dérogation selon les art. 24 ss LAT - si leur implantation sur le lac ou sur la rive est justifiée par des intérêts prépondérants ou si elle est imposée par leur destination (cf. PIERRE TSCHANNEN, Commentaire LAT, Zurich 1999, n. 51 ad art. 3 LAT; PIERRE MOOR, Commentaire LAT, n. 4 ad art. 17 LAT; DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Berne 1981, n. 34 ad art. 3 LAT; cf. également HANSJÖRG Seiler, Sport nautique et droit de l'environnement: les restrictions à la navigation en droit suisse, in Droit et sport, Berne 1997, p. 217).
Même sans plan d'affectation spécial établi pour un projet précis (cf. par exemple arrêt 1P.507/1997 du 13 janvier 1998, publié in RDAT 1998 I n. 55 p. 209), le droit fédéral n'exclut pas que certaines constructions ou installations sur un lac ou sur ses rives soient conformes à l'affectation de la zone à protéger (cf. MOOR, Commentaire LAT, n. 40 ad art. 17 LAT; CHRISTOPH BANDLI, Bauen ausserhalb der Bauzonen, Zurich 1989, p. 65). Hors de la zone à bâtir, de façon générale, la conformité est toutefois liée à la nécessité: la construction doit être adaptée, par ses dimensions et son implantation, aux besoins objectifs du propriétaire ou de l'exploitant (cf. PETER HEER, Die raumplanungsrechtliche Erfassung von Bauten und Anlagen im Nichtbaugebiet, thèse Zurich 1996, p. 32). Cette clause du besoin est clairement exprimée, pour les zones agricoles, à l'art. 16a al. 1 LAT, en vigueur depuis le 1er septembre 2000; auparavant, elle résultait de la jurisprudence (cf. notamment ATF 114 Ib 131 consid. 3 p. 133). Des exigences analogues doivent être posées pour les constructions conformes à l'affectation des zones à protéger au sens de l'art. 17 LAT.
2.5 Le ponton litigieux se trouve sur le domaine public (partie rive raine du lac, jouxtant des fonds privés). Le Tribunal administratif évoque, à propos de l'affectation de ce secteur, le régime d'une "zone lacustre". Il semble cependant, d'après le dossier, que cette partie de la rive du lac de Morat n'est pas comprise dans le périmètre d'un plan d'affectation cantonal ou communal; il n'y a donc pas à proprement parler de zone lacustre, ou de zone de protection du lac ou des rives. Il ressort clairement de l'arrêt attaqué que le canton n'a pas non plus pris, à cet endroit, des mesures spécifiques de protection des biotopes riverains, fondées sur la législation sur la protection de la nature et du paysage.
Même si le secteur litigieux n'est pas inclus dans le périmètre d'un plan d'affectation, le droit cantonal a néanmoins prévu, avec les règles générales mentionnées plus haut qui réglementent l'utilisation des eaux publiques (cf. supra, consid. 2.3), des "mesures de protection adéquates" du lac, au sens de l'art. 17 al. 2 LAT, qui limitent les possibilités de construction de la même manière que le ferait un classement en zone à protéger. S'agissant plus précisément des pontons, considérés comme de petites constructions nautiques, le droit cantonal (art. 83 al. 2 RLLC), tel qu'il est interprété par le département compétent, fait dépendre les autorisations de l'existence d'un besoin objectif. Les dimensions des pontons sont limitées (longueur de 30 m et largeur de 1.50 m au maximum), afin qu'ils servent uniquement de voie d'accès du fonds riverain au lac pour les nageurs ou les personnes voulant rejoindre une embarcation accostée temporairement. Les pontons sont nécessairement des installations peu importantes, généralement constituées d'une structure légère et de planches de bois, dont l'impact sur le paysage est limité. C'est le cas du ponton litigieux, qui a la fonction exclusive de voie d'accès pour les piétons, le Tribunal administratif ayant constaté qu'il n'était pas utilisé pour l'amarrage d'embarcations. La configuration des lieux requiert une telle installation pour accéder au lac depuis la parcelle de l'intimé, compte tenu de l'existence d'une roselière qu'il faut traverser et de l'absence d'autres aménagements artificiels sur la rive (qui permettraient aux nageurs d'entrer directement dans l'eau et aux bateaux d'accoster). Certes, un propriétaire riverain n'a généralement pas un droit au maintien d'un accès direct au domaine public du lac, cette possibilité ne représentant juridiquement qu'un avantage de fait (cf. ATF 105 Ia 219 consid. 2 p. 220; PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. III, Berne 1992 p. 316; PETER HÄNNI, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 4e éd., Berne 2002, p. 181); il faut néanmoins considérer que cet accès, là où il est possible et juridiquement admissible - selon le droit cantonal sur l'utilisation du domaine public et conformément aux prescriptions spéciales sur la protection de la nature -, fait partie de l'utilisation normale de la rive du lac par le propriétaire du fonds riverain. En d'autres termes, dans une situation correspondant à celle de la présente espèce, les ouvrages nécessaires à cet accès sont en principe conformes à l'affectation de la zone à protéger, au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT en relation avec l'art. 17 LAT.
Admettre la construction d'un ponton en tant que construction ou installation conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) ne signifie pas que l'autorisation de l'autorité compétente, prescrite par l'art. 22 al. 1 LAT, est à l'instar d'un permis de construire ordinaire une autorisation de police à laquelle le propriétaire du fonds riverain aurait droit. L'application de ces normes de la loi sur l'aménagement du territoire ne modifie ni la nature ni la portée de l'autorisation prévue, en pareil cas, par le droit cantonal, qui est une permission précaire d'utiliser le domaine public naturel (cf. supra, consid. 2.3). Autrement dit, cette autorisation d'utilisation du domaine public inclut formellement l'autorisation prévue à l'art. 22 al. 1 LAT. Les autorités peuvent ainsi refuser d'autoriser un nouveau ponton pour tout motif d'intérêt public pertinent, notamment si elles estiment que le besoin de créer un nouvel accès sur le lac n'est pas établi. En outre, les autorisations à bien plaire pour les "petites constructions nautiques" sont révocables en cas de disparition du besoin objectif ou lorsque des intérêts prépondérants le justifient; les autorités cantonales conservent donc la possibilité de faire prévaloir, a posteriori en cas de changement de circonstances ou sur la base d'une nouvelle appréciation, les intérêts à la protection de la rive sur l'intérêt du propriétaire riverain à jouir d'un accès direct au lac.
Dans le cadre du recours de droit administratif selon l'art. 34 al. 1 LAT, la contestation peut porter, selon cette disposition, d'une part sur la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises hors de la zone à bâtir, et d'autre part sur des demandes de dérogation en vertu des art. 24 à 24d LAT. Il résulte des considérants ci-dessus que la première condition - la conformité à l'affectation de la zone - est réalisée; il s'ensuit que la question de l'octroi de dérogations selon les art. 24 ss LAT ne se pose plus.
En l'occurrence, il est fait grief au Tribunal administratif d'avoir mal appliqué l'art. 24 LAT. L'Office fédéral soulève la question de principe de la justification d'une dérogation, dans le cadre strict des art. 24 ss LAT, pour une installation telle que le ponton litigieux. Ce grief est mal fondé, non pas parce que les conditions d'une dérogation seraient remplies, mais bien parce que l'octroi d'une telle dérogation, jugée nécessaire par le Tribunal administratif, n'entre en réalité pas en considération.
2.7 Cela étant, pour une installation telle que le ponton litigieux, la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone est une simple condition préalable à l'octroi d'une autorisation (cf. art. 22 al. 2 let. a LAT). Encore faut-il que le besoin soit établi (cf. supra, consid. 2.4) et que les autres conditions prévues par le droit fédéral et le droit cantonal soient satisfaites (cf. art. 22 al. 3 LAT). Doivent en particulier être prises en compte les exigences de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451), qui tend à la protection des biotopes (art. 18 ss LPN) et notamment de la végétation des rives (art. 21 LPN), ou encore celles de la loi fédérale du 21 juin 1991 sur la pêche (LFSP; RS 923.0), qui visent à la préservation des rives naturelles et de la végétation aquatique servant de frayères aux poissons ou d'habitat à leur progéniture (art. 7 ss LFSP). Ces différentes réglementations doivent être appliquées de manière coordonnée et il est probable que la procédure d'autorisation pour les installations sur le domaine public lacustre (concession ou, comme en l'espèce, autorisation à bien plaire) soit la procédure "directrice" (cf. art. 25a al. 1 et 2 LAT), à défaut de procédure d'autorisation spéciale selon les art. 24 ss LAT.
Dans le cas particulier, l'intimé, propriétaire de la parcelle riveraine, ne dispose actuellement d'aucune autorisation pour agrandir le ponton litigieux, sa demande ayant été rejetée le 23 décembre 2003. Par l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a annulé ce refus d'autorisation prononcé par les deux départements cantonaux concernés (ch. II du dispositif); cela a pour effet de rendre caduc l'ordre de démolition. Pour le reste, le renvoi du dossier à ces départements "pour nouvelle décision dans le sens des considérants" (ch. III du dispositif) comporte des instructions catégoriques à l'intention de l'administration cantonale, plus précisément de deux services de cette administration, le Service de l'aménagement du territoire (SAT) et le Service des eaux, sols et assainissement (SESA): ils doivent délivrer les autorisations requises (consid. 2b/dd in fine). Or l'administration cantonale doit encore se prononcer sur le respect des règles fédérales précitées, ce que le Tribunal administratif n'a pas clairement imposé dans sa décision de renvoi. Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être partiellement admis et que le ch. III du dispositif de l'arrêt doit être réformé dans le sens du présent considérant.