BGE 124 II 71
 
10. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 6 février 1998 dans la cause Département de la justice, de la police et des affaires militaires du canton de Vaud contre Tribunal administratif du canton de Vaud et E. (recours de droit administratif)
 
Regeste
Art. 17 Abs. 1bis und 3 SVG; eine Reduktion der mit dem Sicherungsentzug des Führerausweises verbundenen Probezeit ist ausgeschlossen.
 
Sachverhalt
A.- E., né en 1965, a obtenu en 1983 et 1984 un permis de conduire pour véhicules automobiles des catégories A1, A2, B, D2, E, F et G. En 1991, l'intéressé a refait son permis et, en 1993, il a reçu le droit de conduire les véhicules de la catégorie A (motocycle de grosse cylindrée).
Selon le fichier des mesures administratives du Service des automobiles, cycles et bateaux du canton de Vaud (ci-après: le Service des automobiles), E. a fait l'objet de nombreuses mesures. En particulier, le permis lui a été retiré le 29 août 1994 pour une durée indéterminée, en raison d'une inaptitude caractérielle. La levée de la mesure a été subordonnée à un délai d'épreuve de quatre ans dès le 21 avril 1994, à la réussite d'un examen théorique et pratique de conduite, ainsi qu'à une expertise psychiatrique favorable.
Le 10 février 1997, E. a requis le Service des automobiles de lui restituer son permis de conduire. Par décision du 25 février 1997, l'autorité a refusé d'entrer en matière sur cette demande, car celle-ci intervenait avant l'échéance du délai d'épreuve.
Par arrêt du 16 juin 1997, le Tribunal administratif a admis le recours déposé par E. à l'encontre de cette décision, ordonnant au Service des automobiles d'entrer en matière sur la demande de l'intéressé et de requérir la mise en oeuvre de l'expertise psychiatrique. En substance, le Tribunal administratif a retenu que le délai d'épreuve lié à un retrait de sécurité et fixé pour une durée supérieure à une année n'était pas incompressible. En conséquence, l'autorité devait entrer en matière sur une demande de restitution de droit de conduire déposée après une année, même si le délai d'épreuve fixé initialement prévoyait une durée plus longue.
B.- Agissant le 13 août 1997 par la voie du recours de droit administratif, le Chef du Département vaudois de la justice, de la police et des affaires militaires (ci-après: le Département cantonal), requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 16 juin 1997 du Tribunal administratif et de refuser de remettre E. au bénéfice du droit de conduire avant avril 1998.
Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la police propose l'admission du recours. E. n'a pas déposé de déterminations.
 
Extraits des considérants:
2. a) Selon l'art. 16 al. 1 de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01), le permis de conduire doit être retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de sa délivrance ne sont pas ou ne sont plus remplies. Ce retrait doit être ordonné pour une durée indéterminée s'il intervient parce que le conducteur n'est pas apte à conduire un véhicule automobile, soit pour cause d'alcoolisme ou d'autres formes de toxicomanie, soit pour des raisons d'ordre caractériel, soit pour d'autres motifs; de plus, sauf s'il est ordonné pour des raisons médicales, le retrait sera assorti d'un délai d'épreuve d'une année au moins (art. 17 al. 1bis LCR et 33 al. 1 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 27 octobre 1976 réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière [OAC; RS 741.51]). La durée maximum de ce délai d'épreuve est de cinq ans car, après ce laps de temps, l'autorité doit, sur requête, prendre une nouvelle décision si l'intéressé rend vraisemblable que la mesure n'est plus justifiée (art. 23 al. 3 LCR). Enfin, aux termes de l'art. 17 al. 3 LCR, "lorsqu'un permis a été retiré pour une période assez longue, il peut être restitué conditionnellement à l'échéance d'au moins six mois, si l'on peut admettre que la mesure a atteint son but. La durée légale minimale du retrait (al. 1 lettre d) et la durée du délai d'épreuve lié au retrait de sécurité (al. 1bis) ne peuvent être réduites". De même, l'art. 33 al. 1 OAC confirme que, si le retrait n'est pas ordonné pour des raisons médicales, "un délai d'épreuve d'au moins un an sera imposé dans la décision de retrait; le permis de conduire ne pourra être délivré, même conditionnellement, avant l'échéance de ce délai (art. 17 al. 3 LCR)".
Selon le recourant, l'autorité intimée a retenu à tort que l'interdiction posée par les art. 17 al. 3 LCR et 33 al. 1 OAC de réduire la durée du délai d'épreuve lié au retrait de sécurité, concernerait seulement les délais d'épreuve fixés pour la durée minimale de l'art. 17 al. 1bis LCR, à savoir pour une année, et qu'elle ne se rapporterait pas aux délais d'épreuve plus longs.
b) Dans son message concernant la modification de la loi sur la circulation routière, adoptée le 6 octobre 1989, le Conseil fédéral a expliqué, quant au nouvel art. 17 al. 3 LCR précisant les modalités de la restitution conditionnelle du permis de conduire: "L'expiration de la durée minimale fixée dans la loi, ou du délai d'épreuve prévu au premier alinéa, lettre d et à l'alinéa 1bis devrait être une condition fondamentale pour la restitution conditionnelle du permis; cette restitution devient impossible avant l'expiration du délai d'une année pour le délinquant qui a de nouveau conduit en étant pris de boisson et avant l'échéance du délai d'épreuve d'un à cinq ans fixé dans la décision de retrait pour la personne frappée d'un retrait de sécurité" (FF 1986 III p. 197 ss, spéc. p. 212). Il ressort dès lors de ce texte que la durée de l'épreuve fixée dans le cadre d'un retrait de sécurité correspond à une période minimale et absolue de retrait, durant laquelle la délivrance anticipée d'un nouveau permis ne peut intervenir, même à titre conditionnel (RENÉ SCHAFFHAUSER, Grundriss des schweizerischen Strassenverkehrsrechts, Berne 1995, vol. III, n. 2180 ss, spéc. n. 2182, 2185). Le délai d'épreuve lié au retrait de sécurité est donc incompressible et a l'effet d'un délai d'interdiction. Ainsi, l'autorité ne peut entrer en matière sur une requête de restitution du permis déposée avant l'écoulement de ce délai (SCHAFFHAUSER, Zur Entwicklung von Recht und Praxis des Sicherungsentzugs von Führerausweisen, in: PJA 1992 p. 17 ss, spéc. n. 85 p. 41).
Cette réglementation est stricte et peut rendre le retrait de sécurité particulièrement rigoureux, surtout lorsque le délai d'épreuve est long, mais il n'y a pas lieu de revenir sur la volonté du législateur qui, entendant supprimer les risques représentés par les conducteurs dangereux au moins pendant un certain délai incompressible, a opté pour la sévérité. En corollaire toutefois, l'autorité doit peser très soigneusement la durée du délai d'épreuve, qui doit être suffisamment long - mais pas plus que nécessaire - pour permettre à l'intéressé de surmonter son incapacité. L'autorité doit ainsi examiner consciencieusement l'ensemble des critères favorables et défavorables déterminant l'aptitude à conduire et la date de la réadmission à la circulation, de façon à établir un pronostic aussi sûr que possible à cet égard.
c) En l'espèce, l'autorité de première instance a prononcé un retrait de sécurité du permis de l'intéressé et a subordonné la levée de la mesure à, notamment, un délai d'épreuve de quatre ans échéant le 21 avril 1998. Ce délai n'étant pas écoulé, l'autorité de première instance a refusé à juste titre d'entrer en matière sur la demande de restitution déposée le 10 février 1997.