BGE 114 II 213
 
37. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 28 mars 1988 dans la cause dame X. contre Chambre des tutelles du Tribunal cantonal vaudois (recours en réforme)
 
Regeste
Fürsorgerische Freiheitsentziehung: Unterbringung einer entmündigten Person in einer Anstalt: Art. 397a ff. ZGB.
2. Weiter Begriff der Klagelegitimation im Falle einer fürsorgerischen Freiheitsentziehung (E. 3).
3. Der Grundsatz der Verhältnismässigkeit ist zweifellos anwendbar; eine andere Massnahme als die fürsorgerische Freiheitsentziehung kann indes nur getroffen werden, wenn dem Betroffenen durch nahestehende Personen wirksam geholfen werden kann, ohne dass diese dadurch zu sehr belastet werden (E. 5).
4. Bei einer Unterbringung wegen Geistesschwäche fügt die Vormundschaftsbehörde einem an schwerer Oligophrenie Leidenden keinen Nachteil zu, wenn sie diesem sein Recht, den Richter anzurufen, nicht schriftlich mitteilt, aber die ihm nahestehenden Personen entsprechend informiert (E. 6).
5. Das Bundesgericht kann überprüfen, ob die Anstalt im Sinne von Art. 397a Abs. 1 ZGB geeignet ist: dies ist dann der Fall, wenn die Organisation und das vorhandene Personal erlauben, die wesentlichen Bedürfnisse des Untergebrachten zu befriedigen (Bestätigung der Rechtsprechung) (E. 7).
 
Sachverhalt
A.- a) A., né en 1953, est atteint d'une oligophrénie au niveau de l'imbécillité et souffre d'importants troubles moteurs. Il a vécu avec ses parents jusqu'au décès de son père en 1972, puis avec sa mère jusqu'à la mort de celle-ci le 1er juin 1985, en étant pris en charge par les ateliers protégés du Centre de ..., où il se rendait quatre jours par semaine.
La mère de A. avait confié son fils peu avant sa mort à dame X., éducatrice spécialisée, qui s'occupe de personnes handicapées.
b) Le 21 juin 1973, la Justice de paix du cercle de Lausanne a prononcé l'interdiction civile de A. et l'a placé sous l'autorité parentale de sa mère. Le 25 juillet 1985, elle a désigné comme tuteur Y., nommé curateur le 20 juin 1985.
b) En mars 1986, le Dr Z., psychiatre, a fait part au tuteur de ses préoccupations au sujet de A., qui avait beaucoup maigri depuis le décès de sa mère et qui présentait régulièrement toutes sortes de lésions traumatiques (hématomes, petites plaies, dents cassées, épaule luxée, etc.). Le tuteur a écrit, le 13 mai 1986, à la Justice de paix que lui-même et le Dr Z. étaient parvenus à la conclusion qu'il était préférable de retirer le pupille à dame X., pour le placer dans une maison pour handicapés. Renseignements pris, une expertise médicale a été ordonnée par la Justice de paix. Dans leur rapport, les experts ont proposé en conclusion des contacts et des discussions, sous le contrôle d'un psychiatre, entre dame X. et l'équipe du Centre de ... (dont les méthodes divergeaient), afin d'aboutir à un accord au sujet de la thérapie envisagée concernant A. ainsi qu'à des mesures médicales suivies. Toutefois, un changement de cadre de vie s'imposerait si, après six mois, cet aménagement n'avait pas abouti de manière satisfaisante.
Les relations entre dame X. et le Centre de ... s'étant détériorées au point que les entretiens proposés par les experts paraissaient d'emblée voués à l'échec, le juge de paix a, par ordonnance du 26 février 1987, décidé le placement provisoire de A. au Centre de ..., avec effet immédiat. La Justice de paix a maintenu cette ordonnance. L'instruction s'est poursuivie: notamment, le 1er juin 1987, le juge de paix s'est rendu au Centre de ..., où il a vu A. avec son tuteur, puis avec dame X.
Par décision du 18 juin 1987, la Justice de paix a ordonné le placement définitif de A. au Centre de ...
B.- Dame X. a recouru auprès de la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal vaudois, demandant que A. fût de nouveau placé chez elle. La Chambre des tutelles a rejeté le recours et confirmé la décision attaquée par arrêt du 17 décembre 1987.
C.- Dame X. a recouru en réforme au Tribunal fédéral, reprenant implicitement les conclusions qu'elle avait formulées devant le Tribunal cantonal. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 
Extrait des considérants:
2. La question se pose de savoir si la voie du recours en réforme est ouverte contre l'arrêt attaqué. Tel est le cas en vertu de l'art. 44 lettre f OJ si, comme l'affirme la recourante, le litige relève de la privation de liberté à des fins d'assistance. L'autorité cantonale a nié que les art. 397a ss CC fussent applicables. Elle a considéré qu'affecté d'une très grande faiblesse d'esprit le pupille, qui n'a jamais été capable de vivre de manière autonome, ne peut pas être privé d'une liberté qu'il n'a jamais été en mesure d'exercer. On se trouverait dans une situation analogue à celle du placement d'un mineur sous tutelle: la simple fixation du lieu de résidence d'un enfant ne disposant pas encore d'une grande liberté de détermination ne doit pas être considérée comme une privation de liberté à des fins d'assistance (cf. KATZ, Privation de liberté à des fins d'assistance. Etude de droit fédéral et de procédure vaudoise, thèse Lausanne 1983, p. 51). La voie de recours serait donc celle, générale, de l'art. 420 al. 2 CC, ce qui exclurait la possibilité de recourir en réforme au Tribunal fédéral (ATF 41 II 297/298).
Ce point de vue est erroné.
A suivre la Chambre des tutelles, les art. 397a ss CC seraient applicables au placement d'un interdit ou ne le seraient pas selon la mesure de l'incapacité de discernement du pupille. Un tel critère, qui entraînerait une très grande incertitude, n'est nullement retenu par la loi. Le placement d'un pupille dans un établissement d'assistance est régi d'une manière exhaustive par les dispositions légales précitées (sous réserve des dispositions d'application du droit cantonal) (cf. Message du Conseil fédéral, FF 1977 III 20/21, Nos 143 et 144; DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes physiques et tutelle, 2e éd., p. 258 n. 957, 308 n. 1135, 309 n. 1138); l'art. 406 al. 2 CC autorise le tuteur à placer ou à retenir l'interdit dans un établissement, mais seulement s'il y a péril en la demeure et dans les limites des règles sur la privation de liberté à des fins d'assistance (cf. Message du Conseil fédéral, FF 1977 III p. 48 No 261.3).
C'est donc à tort que l'autorité cantonale a déclaré inapplicables les art. 397a ss CC. Eux seuls permettent de trancher la question du placement de A. Le recours est dès lors recevable à raison de la matière.
3. La qualité pour appeler au juge en cas de privation de liberté à des fins d'assistance appartient à la personne en cause ou à une personne qui lui est proche (art. 397d al. 1 CC). Le législateur n'a pas voulu limiter le cercle des personnes habiles à agir aux "intéressés" au sens de l'art. 420 al. 1 CC (Message du Conseil fédéral, FF 1977 III p. 39, No 241.2). DESCHENAUX/STEINAUER (op.cit., p. 319 n. 1178) estiment qu'il s'agit de personnes "qui connaissent bien (la personne en cause) en raison de leurs liens de parenté ou d'amitié avec elle, de leur fonction ou de leur activité professionnelle (médecin, assistant social enseignant, prêtre ou pasteur, etc.)". Au regard de cette large notion, la qualité pour recourir ne saurait être déniée à dame X., qui s'est occupée personnellement de A. depuis 1985, sa mère le lui ayant confié avant de mourir.
L'application en la matière du principe de la proportionnalité n'est pas douteuse (Message du Conseil fédéral, FF 1977 III p. 28, No 212.3; cf. SCHNYDER, Die fürsorgerische Freiheitsentziehung, Zeitschrift für öffentliche Fürsorge (ZöF) 1979, p. 119; JACOT-GUILLARMOD, Intérêt de la jurisprudence des organes de la CEDH pour la mise en oeuvre du nouveau droit suisse de la privation de liberté à des fins d'assistance, Revue du droit de tutelle 1981 p. 45 No 5; SEEGER, Die fürsorgerische Freiheitsentziehung, ZöF 1984 p. 56; DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 310/311 n. 1142, 1144 et 1146). Mais une autre solution que la privation de la liberté à des fins d'assistance ne peut être admise que si l'intéressé peut être aidé de manière efficace par ses proches (famille, amis), sans que cela implique pour eux des charges trop lourdes (art. 397a al. 2 CC). En l'espèce, le pupille n'a plus ses parents, ni aucune autre personne de sa famille ou de son entourage qui puisse s'occuper de lui comme sa mère l'avait fait jusqu'à sa mort. La recourante elle-même ne peut le prendre en charge que parce qu'elle a une formation spécialisée et qu'elle s'occupe de personnes handicapées, avec deux assistants. Que le placement de A. ait lieu chez elle ou ailleurs, il s'agira toujours d'un placement à des fins d'assistance au sens de l'art. 397a ss CC. En raison de la gravité de la faiblesse mentale de l'intéressé et de l'impossibilité absolue qu'elle entraîne pour lui de vivre de manière si peu que ce soit autonome, une mesure plus douce est exclue.
6. La recourante reproche encore aux autorités cantonales de n'avoir pas respecté les règles de procédure découlant des art. 397a ss CC. La décision de placement a été prise par l'autorité tutélaire du domicile du pupille (art. 397b al. 1 CC), soit la Justice de paix du cercle de Lausanne (art. 3 ch. 4 LCC vaud., 398a CPC vaud.). Le juge de paix a entendu le pupille, dans la mesure où son état mental le permettait (art. 398a al. 2 CPC vaud.). S'agissant d'un placement fondé sur la faiblesse d'esprit, l'autorité tutélaire a mis en oeuvre une expertise médicale (art. 397e ch. 5 CC, 398a al. 5 CPC vaud.). Seule a fait défaut l'indication écrite à l'intéressé de son droit d'en appeler au juge (art. 397e ch. 1 CC). Mais un tel avis était évidemment inefficace en raison de l'oligophrénie profonde du pupille. Le tuteur et la recourante, eux, ont été informés de la décision de la Justice de paix et dame X. a été en mesure de recourir à l'autorité judiciaire, comme le prévoient les art. 397d al. 1 CC et 398d al. 1 CPC vaud. Le procédé critiqué n'a donc pas causé de préjudice et, partant, ne saurait entraîner l'annulation de la décision de la Justice de paix, laquelle ne fait du reste pas l'objet du recours, seule la décision cantonale de dernière instance étant susceptible d'être attaquée par un recours en réforme (art. 48 al. 1 OJ). Le moyen est dès lors infondé dans la mesure où il est recevable.
Un établissement est approprié lorsque l'organisation et le personnel dont il dispose normalement lui permettent de satisfaire les besoins essentiels de celui qui y est placé pour recevoir soins et assistance (ATF 112 II 487 /488 consid. 3).
L'autorité cantonale a constaté qu'au Centre de ... le pupille accomplit peut-être moins de progrès sur le plan moteur qu'en compagnie de la recourante et qu'il bénéficie d'une prise en charge moins intensive, mais qu'il y a retrouvé un équilibre affectif qui n'est pas sans effets positifs sur le plan physique et qui n'a pas eu pour conséquence un retour à la vie végétative. En s'adaptant rapidement à son nouvel entourage, le pupille a montré qu'il était actif et disposé à apprendre. Si ses progrès sont moins rapides, ils traduisent en revanche un meilleur épanouissement, puisqu'ils vont de pair avec une qualité croissante de ses relations humaines. Il n'est plus soumis à des tensions préjudiciables et angoissantes, de sorte que son état physique et psychique s'est amélioré.
La recourante conteste ces constatations et affirme au contraire que les lésions dues à des chutes que le pupille a faites chez elle n'étaient que superficielles et que le placement au Centre de ... n'est pas favorable à l'éveil de l'intéressé et à la création de son autonomie. De tels griefs sont irrecevables en instance fédérale de réforme (art. 55 al. 1 lettre c OJ). Sur le vu des faits établis, qui lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), l'autorité cantonale ne saurait avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en constatant que le placement qu'elle a confirmé est plus favorable à l'équilibre psychique du pupille que le placement précédent et qu'en conséquence l'établissement choisi est plus approprié.