BGE 122 I 90
 
16. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 21 décembre 1995 dans la cause Syndicat des employés-ées du tertiaire, Actions, contre Conseil d'Etat du canton de Genève (recours de droit public)
 
Regeste
Art. 88 OG; Legitimation zur Verbandsbeschwerde.
 
Sachverhalt
L'art. 7 de la loi genevoise du 15 novembre 1968 sur les heures de fermeture des magasins (ci-après: LHFM), confère au Département de l'économie publique (ci-après: le Département) la faculté d'accorder des dérogations aux heures de fermeture "lorsqu'un intérêt commercial ou touristique évident le justifie", pendant certaines périodes ou à l'occasion de manifestations spéciales. De plus, l'art. 7 al. 2 LHFM prévoit que, lorsqu'une exposition commerciale présente un intérêt culturel, artistique ou documentaire évident ou qu'elle est de toute évidence une manifestation collective d'une ou plusieurs branches d'économie nationale ou cantonale, le Département peut, sur requête des organisateurs ou des exposants, accorder une dérogation aux dispositions de la loi genevoise en cause pour une durée maximum de deux semaines.
Le 21 février 1969, le Conseil d'Etat du canton de Genève a édicté un règlement d'exécution de la loi sur les heures de fermeture des magasins (ci-après: le règlement). Il l'a modifié par un règlement du 28 juin 1995, en introduisant de nouvelles dispositions dont les art. 9B et 9C. L'art. 9B du règlement a la teneur suivante:
    "1 L'intérêt commercial ou touristique est évident notamment lors des manifestations spéciales suivantes:
    a) Fêtes de Genève;
    b) Salon international de l'automobile;
    c) TELECOM;
    d) fêtes de commerçants ou artisans d'un quartier ou d'une commune;
    e) animations d'associations ou de groupes de magasins d'un ou plusieurs secteurs du commerce de détail.
    2 Lorsqu'un intérêt touristique est invoqué, l'inspection cantonale du commerce peut également prendre l'avis de l'office du tourisme de Genève."
L'art. 9C du règlement dispose:
    "1 Les dérogations se rapportant aux manifestations spéciales prévues à l'article 9B, alinéa 1, lettres d et e ne sont accordées, dans la règle, qu'une fois par année pour chaque type d'événement.
    2 Lorsque les dérogations prévoient des fermetures retardées, celles-ci ne peuvent aller au-delà de 22h."
Le règlement précité du 28 juin 1995 a été publié dans la Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève du 5 juillet 1995.
Agissant par la voie du recours de droit public, le Syndicat des employés-ées du tertiaire, Actions, à Genève, (ci-après: le Syndicat) demande au Tribunal fédéral d'annuler les art. 9B al. 1 lettres d et e et 9C al. 1 du règlement. Il invoque l'art. 4 Cst. Il reproche en particulier au Conseil d'Etat du canton de Genève d'avoir violé le principe de la séparation des pouvoirs, d'avoir porté atteinte à la liberté personnelle et d'avoir consacré une interprétation arbitraire de l'art. 7 LHFM.
Le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable.
 
Extrait des considérants:
b) Les exigences susmentionnées, relatives à la qualité pour recourir, sont valables en particulier pour celui qui invoque le principe de la séparation des pouvoirs qui, en l'espèce, est le principal motif de recours (ATF 112 Ia 136 consid. 2b p. 138 et la jurisprudence citée). En outre, le moyen tiré de l'interprétation arbitraire de la loi n'a pas de portée indépendante par rapport au grief relatif à la séparation des pouvoirs; il en va de même du moyen tiré d'une prétendue violation de la liberté personnelle qui est uniquement fondé sur le manque de base légale suffisante.
c) Une association peut agir par la voie du recours de droit public en vue de sauvegarder les intérêts de ses membres, quand bien même elle n'est pas elle-même touchée par l'acte entrepris. Il faut notamment qu'elle ait la personnalité juridique et que la défense des intérêts de ses membres figure parmi ses buts statutaires. En outre, ses membres doivent être personnellement touchés par l'acte litigieux, du moins en majorité ou en grand nombre (ATF 119 Ia 197 consid. 1c p. 201; ATF 114 Ia 452 consid. 1d p. 456).
D'après ses statuts du 28 janvier 1993 (ci-après: les statuts), le Syndicat est une association constituée conformément aux art. 60 ss CC (art. 1er al. 2 des statuts) qui a pour but en particulier la défense (individuelle et collective) de ses membres sur le plan professionnel et dans tous les domaines d'ordre social (art. 4 lettre a des statuts).
Selon la jurisprudence, les prescriptions cantonales et communales relatives à la fermeture des magasins ne peuvent plus tendre, à l'heure actuelle, qu'au respect du repos nocturne et dominical ainsi qu'à la protection, le cas échéant, des personnes qui ne sont pas soumises à la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (loi sur le travail; LTr; RS 822.11), comme les propriétaires de magasins, les membres de leur famille et les employés supérieurs. La protection du personnel est réglée de façon exhaustive par la loi sur le travail (ATF 101 Ia 484 consid. 7a p. 486; ATF 97 I 499 consid. 3a et 3b p. 503 ainsi que 5b p. 507; arrêt non publié du 29 juin 1992 en la cause M. contre VS, Tribunal administratif et Conseil d'Etat ainsi que commune de Viège, consid. 2a; cf. également ATF 119 Ia 374 consid. 2b p. 378).
Les intérêts personnels que représente le recourant peuvent, quoi qu'il en soit, jouer un rôle politique et de fait dans l'édiction de dispositions cantonales sur la fermeture des magasins; mais, vu ce qui a été dit ci-dessus, ils ne peuvent pas fonder la qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ. Depuis qu'existe la loi sur le travail, l'employé n'a plus d'intérêt juridiquement protégé à l'adoption de prescriptions cantonales sur les heures de fermeture des magasins, le soir. Ainsi, le Syndicat n'a pas qualité pour recourir en invoquant le principe de la séparation des pouvoirs. Il en va de même en ce qui concerne ses autres griefs qui sont en rapport étroit avec le moyen susmentionné.