BGE 94 I 562
 
78. Arrêt de la Ire Cour civile du 25 juin 1968 dans la cause Dilbo SA contre Chambre du registre du commerce du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
 
Regeste
Handelsregister.
2. Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts bei Verwaltungsgerichtsbeschwerden in Handelsregistersachen (Erw. 3).
3. Anwendbarkeit des Verfahrens gemäss Art. 86 HRegV auf eine Aktiengesellschaft, deren gestützt auf Art. 42 Abs. 2 oder Art. 43 Abs. 1 HRegV im Handelsregister eingetragene Adresse nicht mehr der Wahrheit entspricht (Erw. 4 u. 5).
 
Sachverhalt
A.- La société Dilbo SA a toujours eu pour seul administrateur Henri Bollin, qui est domicilié à St-Gall. Elle a été constituée le 17 janvier 1947 sous la raison sociale Allraum SA et avait son siège dans la même ville. Son but était notamment la fabrication et la vente de meubles construits selon un procédé original, l'octroi de licences et la participation à des entreprises du même genre (FOSC 1947 p. 514). Le 31 juillet 1958, elle a adopté sa dénomination actuelle et s'est fixé pour but "l'exploitation de constructions nouvelles dans la branche de la photo, du cinéma et de la télévision, la participation à des entreprises en Suisse et à l'étranger ainsi qu'à des transactions financières et d'autres affaires affiliées". Elle a aussi changé d'adresse et établi son domicile à l'étude de Me Léon Strässle à St-Gall (FOSC 1958 p. 2120).
Le 26 septembre 1962, Dilbo SA a décidé de déplacer son siège à Fribourg. Plus d'un an après, le 26 février 1964, elle a requis son inscription au registre du commerce de la Sarine en indiquant comme adresse l'étude de Me Stephan Poffet dans l'immeuble no 34 de la place de la Gare à Fribourg (FOSC 1964 p. 717).
Par lettre du 29 avril 1965, Me Poffet a informé Bollin et le préposé au registre du commerce de la Sarine qu'il n'acceptait plus que la société Dilbo SA fût domiciliée à son étude. Le 5 mai, le préposé invita Bollin à lui communiquer la nouvelle adresse de la société. De juin 1965 à novembre 1967, il lui adressa, mais en vain, cinq sommations dans ce sens. Puis il transmit le cas à son autorité de surveillance.
B.- Par lettre du 5 décembre 1967, la Chambre du registre du commerce du Tribunal cantonal fribourgeois impartit à Bollin, sous menace de radiation et d'amende, un délai de 15 jours, qu'elle prolongea jusqu'au 2 janvier 1968, pour qu'il lui indique le nouveau domicile de Dilbo SA Bollin n'obtempéra pas. Le 30 janvier 1968, elle prit la décision suivante:
"1. Le préposé du registre du commerce de la Sarine, à Fribourg, procédera à la radiation de la société Dilbo SA dont le siège est à Fribourg.
2. Une amende de 100 fr. est infligée à Henri Bollin.
3. Les frais sont mis à la charge de la société Dilbo SA, à Fribourg".
Selon les motifs de cette décision, le fait que Bollin n'a pas été en mesure pendant près de trois ans d'indiquer la nouvelle adresse de Dilbo SA au préposé, en conformité de l'art. 42 ou 43 ORC, laisse supposer que la société a cessé son activité. Cela justifierait une application par analogie de l'art. 89 ORC.
C.- Agissant au nom de Dilbo SA, Bollin a formé un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de la radiation ordonnée. Il fait valoir que la société poursuit son activité et qu'elle s'est constitué un domicile à l'étude de Me Oberson, notaire à Fribourg.
La Chambre du registre du commerce du Tribunal cantonal fribourgeois s'est référée aux considérants de sa décision.
Le Département de justice et police a présenté des observations et produit la photocopie d'un acte de défaut de biens après saisie que l'Office des poursuites de la Sarine avait délivré à la Confédération le 9 décembre 1966 dans une poursuite dirigée contre Dilbo SA en recouvrement d'une amende de 500 fr. Il suppose que Dilbo SA est dépourvue de biens et estime que son administrateur unique s'en désintéresse. Dans ces circonstances et du moment que les sommations adressées à Bollin sont demeurées sans effet, il considère que la société devrait être dissoute et invitée à prouver qu'elle possède des biens. Sa radiation interviendrait ultérieurement. Le Département fédéral de justice et police conclut dans ce sens au rejet du recours.
D.- Le Juge délégué a procédé à une enquête complémentaire en application de l'art. 105 OJ.
 
Considérant en droit:
Selon l'art. 939 al. 3 CO, la société anonyme dissoute ensuite de faillite est radiée au registre du commerce après la clôture de celle-ci. En cas de concordat judiciaire par abandon d'actif ou de suspension de faillite faute d'actif, la radiation n'est effectuée qu'une fois la liquidation terminée (art. 66 al. 2 et 3 ORC; RO 90 II 256; cf. Circulaire du Département fédéral de justice et police aux autorités cantonales de surveillance du registre du commerce des 20 août 1937 et 15 mars 1940, FF 1937 II 813/814 et 1940 p. 347).
Aux termes de l'art. 938 CO, la radiation de la raison de commerce d'une maison qui cesse d'exister doit être requise par les anciens chefs de la maison. Et la jurisprudence précise que la société anonyme qui n'est pas juridiquement dissoute doit néanmoins être radiée lorsqu'elle est complètement liquidée et définitivement abandonnée par les intéressés (RO 55 I 136, 64 II 363 consid. 1, 67 I 38, 80 I 62 consid. 2 a).
Il s'ensuit que, hormis les cas visés par les art. 748 ch. 7, 751 al. 3 CO, 49 al. 3 et 51 ORC, la société anonyme ne peut être radiée aussi longtemps qu'elle n'est pas liquidée (cf. art. 739 al. 1 CO).
L'art. 89 al. 1 ORC, qui prescrit la radiation d'office de toute société anonyme dont l'activité a cessé et dont les organes et représentants en Suisse ont disparu, suppose par conséquent que la société soit liquidée.
En outre, la procédure de radiation d'office, instituée par l'art. 89 al. 2 et 3 ORC, n'est applicable que si les organes et représentants de la société ont disparu. Si cette condition n'est pas remplie, la radiation d'une société anonyme complètement liquidée et définitivement abandonnée ne peut intervenir, à moins qu'elle ne soit requise d'emblée, que dans le cadre de la procédure réglée par l'art. 60 ORC (arrêts non publiés Ramstein c. Conseil d'Etat du canton de Bâle-Campagne, du 13 juillet 1948, consid. 1, Spinner c. Direction de la justice du canton de Zurich, du 14 novembre 1961, consid. 1). Ainsi, lorsque des indices suffisants lui permettent de considérer qu'une société anonyme a réellement cessé d'exister, le préposé, dont l'une des tâches consiste à rechercher si les inscriptions sont encore conformes aux faits (art. 63 al. 2 ORC), doit sommer les personnes qui y sont tenues de requérir dans un délai convenable la radiation de la société. Si la réquisition demandée lui parvient, il procède selon l'art. 122 AIN puis radie la société. Sinon il transmet le cas à son autorité de surveillance. Celle-ci examine la situation et lui ordonne, s'il y a lieu, de radier la société (cf. art. 60 al. 1 et 2 ORC).
En l'espèce, ni le préposé ni l'autorité de surveillance n'ont invité Bollin à requérir la radiation de Dilbo SA L'autorité cantonale n'a pas non plus cherché à savoir si la société était complètement liquidée et si son administrateur unique l'avait définitivement abandonnée. Dès lors, elle ne pouvait ordonner sa radiation au registre du commerce.
3. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité de surveillance du registre du commerce (RO 57 I 149). Saisi en cette matière d'un recours de droit administratif, il ne peut statuer que sur les points qui ont formé l'objet du litige devant l'instance cantonale (RO 65 I 145 consid. 2).
En l'espèce, l'incapacité de Bollin de procurer un nouveau domicile à Dilbo S. A. et d'autres circonstances révélées par l'enquête complémentaire, notamment la délivrance contre cette société d'actes de défaut de biens au cours des années 1965 à 1967 et le fait qu'elle n'a pas remis certaines déclarations à l'autorité fiscale pendant plusieurs années, donnent à penser qu'elle est complètement liquidée et définitivement abandonnée. Dès lors, le préposé aurait eu quelques raisons de sommer Bollin de requérir la radiation de la recourante. Mais il n'a pas agi dans ce sens. L'autorité cantonale de surveillance, quant à elle, s'est uniquement souciée de la décision qu'il convenait de prendre à l'égard d'une société anonyme dont l'adresse indiquée au registre ne correspond plus à la réalité. Elle n'a pas songé, malgré la carence de l'administrateur unique, à provoquer l'ouverture de la procédure de radiation prévue par l'art. 60 ORC.
Cela étant, le Tribunal fédéral ne peut enjoindre au préposé d'engager la procédure de l'art. 60 ORC en vue de la radiation de Dilbo SA Il lui incombe tout au plus d'attirer son attention sur les faits précités (art. 63 al. 3 ORC).
Il reste à savoir si l'incurie de l'administrateur de la recourante entraîne d'autres conséquences que le prononcé d'une amende, lequel n'est pas remis en cause dans le présent recours.
En vertu des art. 626 ch. 1 et 641 ch. 2 CO, le siège de la société anonyme doit figurer dans les statuts et être inscrit sur le registre du commerce. On admet généralement que les statuts satisfont à cette exigence s'ils indiquent comme siège statutaire le nom d'une commune politique (F. VON STEIGER, Das Recht der Aktiengesellschaft in der Schweiz, 3e éd., p. 45; cf. RO 56 I 67). Pour le registre du commerce, en revanche, l'inscription du siège doit être plus complète. Selon les art. 42 al. 2 et 43 al. 1 ORC, elle doit mentionner le local de l'entreprise ou le bureau de la direction, en précisant si possible la rue et le numéro de l'immeuble, ou indiquer chez qui la personne morale a son domicile au siège statutaire, lorsque celle-ci n'a pas de bureau à ce siège.
Le siège de la société anonyme crée le for de la poursuite et le for ordinaire des actions dirigées contre elle (cf. art. 46 al 2. LP et 642 al. 3 CO). Il est aisé de déterminer l'un et l'autre si l'on connaît uniquement le nom de la commune politique où elle a son siège. D'autre part, le domicile des administrateurs à qui les actes de procédure et de poursuite doivent être notifiés est inscrit sur le registre du commerce (art. 641 ch. 8 CO). Enfin, il résulte de la jurisprudence que l'adresse de celui chez qui la société anonyme a pris domicile conformément à l'art. 43 al. 1 ORC ne constitue pas de par la loi le bureau au sens de l'art. 65 al. 2 LP, où la notification des actes de poursuite peut être faite à l'une des personnes visées par cette disposition (RO 88 III 17/18; cf. RO 44 III 22, 72 III 73; JAEGER, n. 6 et 16 ad art. 65 LP). L'inobservation des prescriptions contenues aux art. 42 al. 2 et 43 al. 1 ORC n'empêche donc pas le déroulement d'un procès ou d'une poursuite contre la société anonyme.
Il n'en reste pas moins que la réquisition de l'inscription d'une société anonyme qui n'a pas de bureau au siège statutaire ne réunit pas les conditions nécessaires et ne peut dès lors être opérée si elle n'indique pas chez qui la société a son domicile à ce siège. Or, selon l'art. 643 al. 1 CO, la société n'acquiert la personnalité que par son inscription sur le registre du commerce. De même, sous réserve de l'art. 932 CO, le transfert du siège de la société anonyme ne déploie pas d'effet à l'égard des actionnaires et des tiers avant d'être inscrit sur le registre du commerce (RO 84 II 42). Il s'ensuit que la loi subordonne l'existence du domicile de la société anonyme, que cette dernière peut librement choisir sur le territoire de la Confédération lorsqu'elle est créée conformément au droit suisse (RO 76 I 159), à l'indication au registre du commerce du bureau qu'elle possède à son siège statutaire ou de la personne chez qui elle est domiciliée.
En l'espèce, il est constant que Dilbo SA n'a pas de bureau à son siège statutaire, qu'elle n'est plus domiciliée à l'étude de Me Stephan Poffet, à Fribourg et que, malgré les nombreuses sommations du préposé, elle n'a pas été en mesure durant trois ans environ de se créer un nouveau domicile.
Certes la recourante conserve pour l'instant son siège dans la commune de Fribourg en vertu de l'art. 24 al. 1 CC, qui est applicable aux personnes morales (EGGER, n. 13 ad art. 24 CC). Seule la mention de la personne chez qui elle fut domiciliée devrait être radiée, afin que, sans préjudice de ce qui a été exposé au considérant 3, son inscription sur le registre du commerce soit conforme à la vérité. D'autre part, l'inobservation de la règle contenue à l'art. 43 al. 1 ORC ne figure pas parmi les motifs de dissolution prévus par l'art. 736 CO. Cependant, ainsi qu'on l'a vu, la société anonyme ne peut être inscrite sur le registre du commerce et, partant, acquérir un domicile sans indiquer, conformément aux règles des art. 42 al. 2 ou 43 al. 1 ORC, l'endroit où celui-ci se rattache. Elle ne saurait dès lors subsister indéfiniment et doit donc être dissoute, lorsque les dispositions auxquelles l'existence de son domicile est subordonnée ne sont plus observées. La dissolution d'une société anonyme, prononcée d'office pour cause d'inobservation de certaines prescriptions ou de rénitence, est spécialement prévue par l'art. 711 al. 4 CO. La procédure à suivre en pareil cas est régie par l'art. 86 ORC. Aussi se justifie-t-il d'appliquer la même procédure à l'égard de la société qui ne respecte plus les règles énoncées à l'art. 42 al. 2 ou 43 al. 1 ORC.
Le préposé pourra également engager la procédure prévue par l'art. 60 ORC en vue de la radiation de Dilbo SA, s'il le juge opportun.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours, annule le chiffre 1 du dispositif de la décision prise le 30 janvier 1968 par la Chambre du registre du commerce du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg et renvoie la cause à l'autorité cantonale dans le sens des motifs.