BGE 93 I 378
 
48. Arrêt du 29 juin 1967 dans la cause Tungstène Carbid SA contre OFIAMT.
 
Regeste
Art. 5 Abs. 2 lit. a Arbeitsgesetz.
2. Gesetzmässigkeit von Art. 12 Abs. 2 lit. c der Allgemeinen Verordnung (Erw. 3).
3. Unterstellung zweier rechtlich selbständiger Betriebe, welche wirtschaftlich eine Einheit bilden und zusammen zehn Arbeitnehmer beschäftigen (Erw. 4).
 
Sachverhalt
A.- La maison Tungstène Carbid SA a son siège à Estavayer-le-Lac. L'inscription au registre du commerce définit en ces termes les buts de la société: "l'application, l'adaptation en tous genres du carbure de tungstène, de métaux durs et des corindons, ainsi que la fabrication, l'achat et la vente des produits y relatifs".
Eu égard à la clientèle étrangère, un département de la maison Tungstène Carbid en a été détaché pour former une entreprise individuelle sous la raison Jean Sandoz. Suivant son inscription au registre du commerce, cette nouvelle entreprise a pour buts: "fabrication, application, achat et vente de pierres fines de corindons, de fritté, ainsi que de tous autres appareils similaires, bruts, semi-fabriqués, terminés, montés en appareil, pour l'industrie".
Bien que distinctes juridiquement, la maison Tungstène Carbid et la maison Jean Sandoz sont liées étroitement en fait.
Le propriétaire de la seconde, Jean Sandoz, préside le conseil d'administration de la première. Les deux entreprises occupent les mêmes locaux, où elles emploient en grande partie les mêmes travailleurs et utilisent certaines machines en commun. La maison Tungstène Carbid engage le personnel de l'une et l'autre entreprise, le rémunère et acquitte en sa faveur les primes d'assurances sociales, la maison Jean Sandoz remboursant sa part selon des décomptes annuels. Ce sont les mêmes personnes qui tiennent les comptabilités des deux entreprises.
B.- Le 14 avril 1967, en réponse à un questionnaire de l'Inspection fédérale du travail du 1er arrondissement, la maison Tungstène Carbid avait déclaré qu'elle fabriquait des billes industrielles et des produits en métal dur, utilisait les machines ad hoc et des appareils de mesure, et occupait 9 travailleurs.
Le 25 avril 1967, sur la proposition du Département de l'industrie et du commerce du canton de Fribourg, l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail assujettit la maison Tungstène Carbid aux prescriptions de la loi sur le travail relatives aux entreprises industrielles. Il se fonde sur les motifs que voici: "L'entreprise occupe plus de six travailleurs à la fabrication de billes industrielles et de produits en métal dur, où la manière de travailler est déterminée par les machines et l'exécution d'opérations en série."
C.- Par le présent recours de droit administratif, la maison Tungstène Carbid conclut à l'annulation de cette décision. Elle fait valoir qu'elle occupe 5 travailleurs et la maison Jean Sandoz 3 seulement. D'où elle conclut que ni l'une ni l'autre ne remplit les conditions d'assujettissement prévues par l'art. 5 al. 2 lit. a de la loi sur le travail, cette disposition exigeant au minimum 6 travailleurs.
D.- L'Office fédéral propose le rejet du recours. Il s'appuie sur un rapport d'inspection du 26 mai 1967 pour prétendre qu'à cette date, 8 personnes travaillaient partiellement pour la recourante.
E.- Il ressort d'une enquête complémentaire du 22 juin 1967 que 10 personnes sont occupées actuellement dans l'exploitation des deux entreprises. Alors que 2 sont employées entièrement par la maison Jean Sandoz et 1 exclusivement par la recourante, 7 partagent leur temps entre l'une et l'autre entreprise.
A l'audience du 23 juin 1967, le directeur commercial de la recourante a admis l'exactitude de ces renseignements.
 
Considérant en droit:
1. L'art. 5 al. 2 lit. a de la loi sur le travail subordonne à trois conditions le caractère industriel d'une entreprise et, partant, son assujettissement aux prescriptions sur les entreprises industrielles. Il faut: 1o qu'elle utilise des installations fixes à caractère durable pour produire, transformer ou traiter des biens ou pour produire, transformer ou transporter de l'énergie; 2o que l'emploi de machines ou d'autres installations techniques ou encore l'exécution d'opérations en série détermine la manière de travailler ou l'organisation du travail; 3o que 6 travailleurs au moins soient affectés aux travaux visés. Tout en admettant implicitement qu'elle remplit les deux premières conditions, la recourante conteste l'accomplissement de la troisième, soit la présence de 6 travailleurs.
Si l'on compte comme travailleurs toutes les personnes occupées totalement ou partiellement dans l'entreprise, il s'ensuit que la recourante emploie 8 travailleurs, soit 1 à plein temps et 7 à temps réduit, c'est-à-dire qu'elle satisfait à l'exigence légale. En revanche, si l'on détermine le nombre de travailleurs d'après leur activité effective, il n'est pas établi que la recourante ait plus de 4 à 5 travailleurs à son service et que le minimum fixé par la loi soit atteint. Il y a donc lieu d'examiner le mode de calculer l'effectif des travailleurs.
2. La loi elle-même ne résout pas expressément cette question. L'art. 5 al. 2 lit. a par le de 6 travailleurs, sans préciser davantage. Assurément, l'art. 1 al. 2 admet l'existence d'une entreprise dès qu'un employeur occupe un ou plusieurs travailleurs "de façon durable ou temporaire". Toutefois, les mots "durable" et "temporaire" se rapportent manifestement à la durée des rapports de service, non pas à la durée de l'activité exercée par le travailleur pendant son engagement. On ne peut donc pas inférer de l'art. 1 al. 2 qu'une personne employée à temps partiel est un travailleur au sens de l'art. 5 al. 2 lit. a. Cette déduction se justifie d'autant moins que les critères utilisés pour définir l'entreprise en général ne permettent pas nécessairement de caractériser une entreprise industrielle. Preuve en est que, s'il suffit d'occuper temporairement un ou plusieurs travailleurs pour former une entreprise, l'art. 12 al. 2 lit. b de l'ordonnance générale élimine au contraire, dans le calcul du nombre de travailleurs qu'une entreprise doit employer pour être qualifiée d'industrielle, les apprentis, volontaires, stagiaires, ainsi que les personnes qui y travaillent temporairement.
3. A la différence du texte légal, l'art. 12 al. 2 lit. c de l'ordonnance générale tranche la question soulevée, en disposant que les personnes occupées principalement hors de l'entreprise n'entrent pas dans le chiffre de 6 travailleurs fixé par l'art. 5 al. 2 lit. a de la loi. Il en résulte "a contrario" qu'il y a lieu de tenir compte des personnes qui, sans travailler à plein temps dans l'entreprise, lui consacrent au moins la moitié de leur activité professionnelle. Bien que le juge puisse revoir la validité des ordonnances du Conseil fédéral, il n'a aucune raison de mettre en doute celle de l'art. 12 al. 2 lit. c de l'ordonnance générale. Non seulement il est manifeste que cette disposition reste dans le cadre de la loi, mais la recourante ne soutient pas le contraire.
Sur la base du dossier, il est cependant difficile d'appliquer en l'espèce la règle déduite de l'art. 12 al. 2 lit. c. S'il ressort de l'enquête du 22 juin 1967 que 7 personnes travaillent à la fois pour la recourante et la maison Jean Sandoz, on ignore dans quelle proportion elles partagent leur temps entre l'une et l'autre entreprise. Par conséquent, il n'est pas certain qu'elles consacrent au moins la moitié de leur activité à la recourante et, par le jeu de l'art. 12 al. 2 lit. c, doivent être prises en considération dans le calcul de l'effectif de son personnel. Toutefois, point n'est indispensable de compléter à ce sujet l'instruction de la cause, le recours étant mal fondé pour un autre motif.
4. Les prescriptions sur les entreprises industrielles n'ont pas été édictées dans l'intérêt des entreprises elles-mêmes, mais dans celui de leur personnel, qu'elles visent principalement à préserver des accidents, de la maladie et du surmenage. Or, lorsque le personnel de deux entreprises travaille en majeure partie pour l'une et l'autre dans les mêmes locaux, il est exposé aux mêmes risques et n'a pas moins besoin de protection que s'il appartenait à une seule entreprise. En l'occurrence, il y a lieu d'admettre que les deux entreprises n'en forment qu'une, c'est-à-dire de tenir compte de l'effectif total de leur personnel pour appliquer l'art. 5 al. 2 lit. a de la loi. La réalité économique doit donc l'emporter sur la structure juridique. Sinon, il suffirait à une entreprise de se diviser en plusieurs entreprises juridiquement indépendantes pour se soustraire aux prescriptions sur les entreprises industrielles.
Il ne se justifie pas de raisonner autrement dans le cas particulier. Si la maison Jean Sandoz s'est détachée de la recourante, toutes deux constituent ensemble une entreprise unique au point de vue de leur exploitation. C'est la recourante qui engage, rémunère et assure leur personnel, qu'elles emploient en grande partie en commun dans les mêmes ateliers. Dans ces conditions, il serait inadmissible qu'en raison de l'indépendance juridique des deux entreprises, leur personnel ne bénéficie pas des avantages que lui vaudrait son rattachement à une seule entreprise. Dès lors, pour décider de l'assujettissement des deux maisons aux prescriptions sur les entreprises industrielles, il faut tenir compte du nombre total de leurs travailleurs, à savoir 10. Le chiffre de 6, soit le minimum légal, étant dépassé, c'est avec raison que l'Office fédéral a prononcé l'assujettissement de la recourante, dont les conclusions sont mal fondées. L'assujettissement de la maison Jean Sandoz se justifiera pour les mêmes raisons, les conditions posées par l'art. 5 al. 2 lit. a de la loi au sujet de l'objet et du mode de l'exploitation étant au surplus remplies en ce qui concerne cette entreprise.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.