BGE 101 Ib 201
 
36. Extrait de l'arrêt du 28 février 1975 dans la cause Delaloye contre Valais, Conseil d'Etat
 
Regeste
Bundesbeiträge für Bodenverbesserungen, Rückerstattung wegen Zweckentfremdung.
 
Sachverhalt
Francis Delaloye a acquis en 1971 une parcelle de 1256 m2 située à Ardon dans le périmètre d'un remaniement parcellaire dont les travaux ont commencé en 1964-1965 et pour lequel la Confédération a versé un subside de 0 fr. 50 par m2; il y a construit une villa en 1971-1972.
Se fondant sur l'art. 85 LAgr. et sur les art. 53 et 54 de l'Ordonnance fédérale sur les améliorations foncières du 14 juin 1971 (OAF 1971), le Service cantonal des améliorations foncières lui a réclamé le remboursement du subside fédéral à raison de 0 fr. 75 le m2, compte tenu de l'augmentation de la valeur du bien-fonds. Sur recours de Delaloye, le Département de l'agriculture du canton du Valais, puis le Conseil d'Etat, ont confirmé la décision du Service cantonal des améliorations foncières.
Saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral l'a admis au sens des considérants.
 
Extrait des motifs:
3. Pour fonder sa décision relative au supplément de 50%, le Conseil d'Etat s'est référé à l'art. 54 al. 2 lettre b OAF 1971, ainsi qu'aux "Directives pour la restitution des subventions versées en faveur d'améliorations foncières et de bâtiments ruraux", établies en septembre 1972 par la "Conférence des services chargés des améliorations foncières". L'art. 54 al. 2 OAF 1971 prévoit que le montant à restituer dépend notamment de la surface du bien-fonds détourné de son affectation (lettre a) et de l'augmentation de la valeur du bien-fonds dans les limites de la subvention accordée (lettre b). Le recourant conteste la légalité de cette dernière disposition. Le Conseil d'Etat estime au contraire qu'elle constitue une interprétation tout à fait soutenable de l'art. 85 LAgr. Quant au Département fédéral, il ne se prononce pas explicitement sur la légalité de la disposition en cause, mais fait observer que cette disposition ne permet pas de réclamer le remboursement d'un montant supérieur au subside versé pour une parcelle donnée.
Il s'agit d'examiner avant tout si l'art. 54 al. 2 lettre b OAF 1971 trouve sa justification dans une disposition de la loi fédérale sur l'agriculture, ou si au contraire il sort du cadre dans lequel doit se tenir le Conseil fédéral en édictant les mesures d'application.
4. L'art. 85 al. 2 LAgr. prévoit qu'en cas de modification de l'affectation des immeubles, le propriétaire doit rembourser les contributions reçues de la Confédération et réparer tout le dommage causé en détournant l'immeuble de son affectation. Selon PFENNINGER (Sicherung und Revision der Güterzusammenlegung, dans la revue "Communications de droit agraire", 1970, p. 102 s.), l'obligation de réparer un tel dommage est une obligation causale analogue à celle des art. 58 CO et 679 CC. Cet auteur cite comme exemple le cas où une construction non autorisée - par l'autorité spéciale prévue à cet effet - rend sensiblement plus difficile l'utilisation agricole du terrain. A son avis, c'est au juge civil qu'il appartient de statuer, selon le droit civil, sur l'obligation de réparer le dommage. (Au demeurant, les "Directives" précitées, de septembre 1972, précisent que c'est en cas de contestation entre des particuliers que l'affaire sera, en règle générale, portée devant le juge civil; cf. "Directives", p. 8 ch. 10 lettre d in fine, avec la modification apportée par l'annexe à la circulaire du 15 février 1973 de la Division de l'agriculture.)
L'ordonnance sur les améliorations foncières de 1954 prévoyait uniquement le remboursement de la part du subside fédéral proportionnée à l'immeuble soustrait à son affectation (art. 57). La prise en considération de l'augmentation de la valeur du bien-fonds n'est prévue que par l'ordonnance du 14 juin 1971 (art. 54 al. 2 lettre b), qui a remplacé la précédente. Il s'agit là d'un principe nouveau, tout différent de la réparation du dommage prévue à l'art. 85 al. 2 LAgr. Même si la prise en considération de l'augmentation de valeur ne conduit pas, en raison du mode de calcul utilisé, à la fixation d'un montant séparé (on applique simplement au montant du subside un certain coefficient en fonction de cette augmentation), il n'en reste pas moins que le montant à rembourser découlant de ce calcul contient deux facteurs juridiquement différents, d'une part le montant du subside effectivement versé, d'autre part un supplément pour tenir compte de l'augmentation de la valeur du bien-fonds. Le prélèvement d'une plus-value est quelque chose de tout différent de la restitution du subside reçu et de la réparation d'un éventuel dommage. Un tel supplément ne trouve aucun fondement légal dans la loi fédérale sur l'agriculture.
Vouloir considérer ce supplément comme réparation du dommage au sens de l'art. 85 al. 2 LAgr. et appliquer par analogie la responsabilité découlant d'un acte illicite, comme le fait le Conseil d'Etat dans l'arrêt attaqué, est arbitraire et contredit d'ailleurs le texte de l'art. 54 al. 2 lettre b OAF 1971. Le supplément litigieux correspond au prélèvement d'une plus-value, institution qui n'est pas inconnue des législations cantonales (cf. H. H. MEYER, Mehrwertsbeiträge der Grundeigentümer nach zürcherischem Recht, thèse Zurich 1960; A. BÜHRER, Der Mehrwertsbeitrag an öffentlich-rechtliche Erschliessungsbauwerke unter besonderer Berücksichtigung des schaffhauserischen Rechts, thèse Zurich 1970), mais qui n'a pas été envisagée par le législateur fédéral dans la loi sur l'agriculture. Il est vrai que l'art. 117 LAgr. charge le Conseil fédéral d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires. Toutefois, l'idée à la base de l'art. 54 al. 2 lettre b OAF 1971 ne figure pas dans la loi sur l'agriculture, et les dispositions d'exécution de la loi doivent évidemment se tenir dans le cadre de la réglementation voulue par le législateur; elles peuvent préciser et régler dans le détail les dispositions de la loi, au besoin combler d'éventuelles lacunes, mais elles ne peuvent pas imposer aux particuliers de nouvelles obligations, même si les règles qu'elles établissent sont encore compatibles avec le but poursuivi par le législateur (RO 99 Ib 165). Si le législateur avait voulu appliquer en cette matière le système d'une compensation économique, qui est une institution pour elle-même et dont les conséquences peuvent être lourdes (selon les "Directives", le supplément peut aller jusqu'à 300% du montant du subside), il aurait dû au moins en formuler le principe dans le texte de la loi. Or celle-ci ne contient rien de semblable. Le Message du Conseil fédéral du 19 janvier 1951 (FF 1951 I 141 ss) ne s'exprime pas davantage sur ce point, notamment pas à la page 249 où il est question de modification de l'affectation des terrains. Et la récente modification apportée par les Chambres à la loi fédérale sur l'agriculture (LF du 14 décembre 1973, ROLF 1974 I 763) n'a pas étendu la portée de l'art. 84 LAgr. Ainsi l'art. 54 al. 2 lettre b OAF 1971 n'a pas de base légale. Fondée sur cette disposition, la décision attaquée viole donc le droit fédéral et doit être annulée en tant qu'elle a trait au supplément de 50%. En ce qui concerne le subside fédéral, seul le remboursement du montant de 628 fr., effectivement versé par la Confédération, peut être réclamé.