BGE 101 Ia 450
 
73. Extrait de l'arrêt du 28 novembre 1975 en la cause Aubert contre Cour de cassation civile du canton de Neuchâtel
 
Regeste
Art. 4 BV; Konkurrenzverbotsklausel
2. Bei Beschwerden wegen Verletzung von Art. 4 BV kann das Bundesgericht nur auf darin erhobene Rügen eintreten. Der Beschwerdeführer kann die tatsächlichen Feststellungen des erstinstanzlichen Urteils, die er von der kantonalen Rekursbehörde hätte auf Willkür überprüfen lassen können, nicht mehr unmittelbar beim Bundesgericht anfechten (E. 5 und 6).
 
Sachverhalt
Alessandro Vincenzi a été employé, pendant plusieurs années, en qualité de coiffeur dans le salon de coiffure appartenant à Marcel Aubert, au Locle. Le 1er janvier 1970, les parties avaient conclu un contrat écrit, pour la durée de 4 ans et renouvelable à son expiration sauf résiliation préalable. Ce contrat contient la clause suivante:
"En cas de rupture, M. A. Vincenzi s'engage à ne pas travailler sur la place du Locle durant l'année qui suit la réalisation de l'engagement."
En temps utile, Vincenzi a déclaré résilier le contrat pour l'échéance du 31 décembre 1973. Il a cependant travaillé encore pendant quelques jours chez Aubert en janvier 1974.
Le 28 février 1974, Aubert a ouvert action contre Vincenzi devant le Tribunal de Prud'hommes du district du Locle, demandant la condamnation du défendeur au paiement d'une indemnité de 7'000 fr. et requérant subsidiairement qu'il soit fait interdiction à celui-ci d'exercer la profession de coiffeur sur la place du Locle. Il alléguait dans sa requête que Vincenzi avait été engagé dès le 15 janvier 1974 dans un salon concurrent de la place, au mépris de la clause de non-concurrence. Le Tribunal a rejeté la demande en toutes ses conclusions. Il a considéré en effet que la clause de prohibition de faire concurrence figurant dans le contrat du 1er janvier 1970 était illicite et, partant, nulle.
Ce jugement a été cassé par arrêt de la Cour de cassation civile du canton de Neuchâtel du 6 septembre 1974.
Statuant à nouveau, le Tribunal de Prud'hommes a rejeté la demande par jugement du 24 mars 1975.
Un recours formé contre ce jugement a été rejeté par la Cour de cassation civile le 26 mai 1975.
Invoquant une violation de l'art. 4 Cst., Aubert forme un recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation civile du 26 mai 1975. Il conclut à l'annulation de cet arrêt et du jugement du Tribunal de Prud'hommes du 24 mars 1975.
 
Considérant en droit:
Le recourant s'en prend à ces trois éléments de la motivation de l'arrêt de la cour cantonale, qu'il qualifie d'arbitraire. Bien que la Cour n'ait consacré que quelques lignes à la question de savoir si la clause de prohibition de concurrence avait été stipulée valablement, il convient d'examiner en premier lieu la valeur des griefs présentés à ce sujet. Si ceux-ci ne peuvent être retenus, il sera alors inutile de se prononcer sur les autres points que la cour cantonale a examinés d'une façon plus complète.
Dans son jugement du 24 mars 1975, le Tribunal a examiné la situation de l'intimé dans l'entreprise du recourant. Il a déclaré que, selon les propres déclarations d'Aubert, Vincenzi n'était pas en fait le seul coiffeur pour dames du salon. Il y avait en tout 3 ou 4 employés. Les responsabilités de l'intimé n'étaient pas particulièrement importantes, puisqu'il ne procédait jamais à l'encaissement, ne prenait pas les rendez-vous et ne s'occupait en aucune manière des fiches des clientes. S'il est possible que des clientes l'aient suivi chez son nouvel employeur, c'est pour ses qualités personnelles, et non pas en raison de la connaissance qu'il pouvait en avoir. En tout état de cause, la connaissance de la clientèle par Vincenzi n'était pas de nature à causer à Aubert un préjudice sensible, car le chiffre d'affaires de ce dernier pour 1974 serait supérieur à celui de 1973.
Dans son arrêt du 26 mai 1975, la Cour de cassation s'est bornée à déclarer que si les termes du contrat de travail concernant la fonction de l'intimé inciteraient plutôt à admettre la validité de la clause de prohibition de concurrence, les constatations de fait des premiers juges obligent à considérer que Vincenzi n'avait pas en réalité un rôle si important; c'est pourquoi le jugement entrepris ne saurait être réformé sur ce point.
b) Aux termes de l'art. 340 al. 2 CO, "la prohibition de faire concurrence n'est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d'avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d'affaires de l'employeur et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l'employeur un préjudice sensible". Bien que la motivation de l'arrêt soit sur ce point lacunaire, on peut déduire des quelques mots que la cour cantonale a consacrés à ce problème que c'est au sens de cette disposition qu'elle a nié la validité de la clause ou, à tout le moins, qu'elle a considéré que le fait d'admettre son invalidité ne constituait pas une fausse application de la loi ou une erreur de droit au sens de l'art. 393 lettre a CPCN. L'arrêt du 26 mai 1975 se réfère d'ailleurs implicitement au premier arrêt de la Cour de cassation, où celle-ci avait donné aux premiers juges, en se référant à la doctrine et à la jurisprudence du Tribunal fédéral, des directives sur l'application de l'art. 340 CO. Il ressort des indications sommaires contenues dans l'arrêt du 26 mai 1975 que la cour cantonale a considéré que Vincenzi était un employé subalterne qui ne pouvait causer aucun tort à son employeur en travaillant chez des concurrents, c'est-à-dire que l'utilisation de sa connaissance de la clientèle n'était pas de nature à causer à Aubert un préjudice sensible (RO 72 II 81).
Certes, aussi bien la Cour de cassation que le Tribunal de Prud'hommes ont confondu l'application de l'art. 340 et celle de l'art. 340b CO. Dans son arrêt du 6 septembre 1974, la Cour de cassation a déclaré qu'il fallait notamment, pour apprécier la validité de la clause, examiner si le recourant pouvait attirer une partie de ses clientes chez son nouvel employeur dont l'entreprise n'était pas trop éloignée; donnant suite à cette injonction, le Tribunal de Prud'hommes, dans son jugement du 24 mars 1975, a examiné si un tel préjudice avait effectivement été causé. Mais la question de savoir si l'utilisation par le travailleur des renseignements qu'il a acquis pendant les rapports de travail est de nature à causer à l'employeur un préjudice sensible doit être examinée au regard de la situation telle qu'elle se présente pendant la durée de l'emploi, et non au moment où l'ancien travailleur a pris un emploi dans une entreprise concurrente. C'est en vue de l'application de l'art. 340b CO, soit pour savoir si l'employeur a effectivement subi un dommage et a droit à réparation, qu'il y a lieu de rechercher ce qui s'est passé après la fin des rapports de travail. L'absence d'un préjudice effectif ne saurait donc affecter la validité de la clause au sens de l'art. 340 CO (RO 91 II 380; HAEFLIGER, Das Konkurrenzverbot im neuen schweizerischen Arbeitsvertragsrecht, p. 37).
c) Cependant, au sens de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière que sur des griefs qui ont été soulevés dans l'acte de recours; il n'annule ainsi un jugement pour violation de l'art. 4 Cst. que dans la mesure où l'erreur du juge a été invoquée par le recourant, et pour autant que ce dernier ait expressément soulevé à ce sujet le grief d'arbitraire (RO 99 Ia 148/9, 98 Ia 548, 96 I 36).
En l'espèce, le recourant ne critique pas l'interprétation juridique que la Cour de cassation et le Tribunal de Prud'hommes ont donnée de l'art. 340 CO. Le Tribunal n'a donc pas à rechercher si cette interprétation viole l'art. 4 Cst.
5. L'examen du Tribunal fédéral ne peut porter in casu que sur les griefs précis soulevés par le recourant et qui concernent seulement l'appréciation des faits. Le recourant taxe d'arbitraire la prise de position de la Cour de cassation quant aux constatations de fait, qui obligent à considérer que Vincenzi n'avait pas en réalité un rôle aussi important que celui qui semblerait résulter des termes du contrat de travail. Il déclare s'être efforcé de prouver l'importance de l'intimé dans son entreprise. Il relève que Vincenzi avait un revenu bien supérieur à celui de ses autres employés et déclare qu'au cours des débats, un témoin (dont il n'indique cependant pas le nom) aurait confirmé que l'intimé était le coiffeur principal; il ajoute que l'absence de protocole favorise l'interprétation arbitraire des faits. Il déclare stupéfiant que le Tribunal de Prud'hommes ignore cette évidence.
Le recourant critique ainsi l'arrêt de la Cour de cassation et le jugement des prud'hommes, sans cependant distinguer entre ces deux décisions et sans expliciter d'une façon précise les griefs qu'il entend former contre l'une et l'autre d'entre elles.
a) La Cour de cassation s'est référée purement et simplement aux constatations de fait des premiers juges. Dans ses propres considérants de fait, elle rappelle les critiques qu'Aubert avait émises à cet égard contre le jugement de première instance, mais elle ne se détermine pas à leur sujet, tout au moins en ce qui concerne le problème essentiel de la validité de la clause. Elle ne dit d'ailleurs pas les raisons pour lesquelles elle s'est abstenue de le faire.
Aux termes de l'art. 393 al. 1 lettre e CPCN, le recours en cassation peut, dans le canton de Neuchâtel, être interjeté pour déni de justice. D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, commet un déni de justice matériel (arbitraire) le juge qui, en abusant de sa liberté d'appréciation, considère comme non prouvé un fait établi de façon irréfutable ou, inversement, comme prouvé un fait dénué de preuve, de même que le juge dont la décision est en contradiction avec les pièces du dossier ou se trouve motivée de façon absolument gratuite (SCHUPBACH, Le recours en cassation, thèse Neuchâtel 1960, p. 176; Recueil de jurisprudence neuchâteloise 5e vol., I, p. 33 et 35). Dans la mesure où il s'en prenait aux constatations de fait des premiers juges, le recourant avait la faculté de les attaquer devant la Cour de cassation comme étant arbitraires et constituant un déni de justice. Lorsque ces critiques ont été effectivement portées devant la cour cantonale dans les formes voulues par les règles cantonales de procédure, mais que l'autorité de recours ne les a pas examinées, le recourant peut, pour ce motif, soulever devant le Tribunal fédéral le grief d'arbitraire. En l'espèce, le recourant ne reproche pas à la Cour de cassation de ne pas s'être prononcée au sujet des critiques qu'il avait formulées. Le Tribunal fédéral ne peut donc se saisir de ce grief.
b) Par ailleurs, le recourant ne saurait attaquer directement devant le Tribunal fédéral les constatations de fait contenues dans le jugement du Tribunal de Prud'hommes du 24 mars 1975, puisqu'il pouvait soulever contre elles le grief d'arbitraire devant la Cour de cassation.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.