BGer 4A_285/2013
 
BGer 4A_285/2013 vom 07.11.2013
{T 0/2}
4A_285/2013
 
Arrêt du 7 novembre 2013
 
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Kolly, Hohl, Niquille et Berti, Juge suppléant.
Greffier: M. Piaget.
Participants à la procédure
Banque X.________ & Cie, représentée par Me Olivier Carrard,
recourante,
contre
Z.________,
intimée.
Objet
bail à loyer, résiliation,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers, du 22 avril 2013.
 
Faits:
A. Par contrat du 4 décembre 2000, Banque X.________ & Cie (ci-après: la bailleresse) a remis à bail à Z.________ (ci-après: la locataire) un appartement de 3 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis route ... à Carouge, pour un loyer fixé en dernier lieu à 560 fr. par mois, charges comprises.
B. Par requêtes déposées le 27 avril 2011 au Tribunal des baux et loyers s'agissant de la locataire et au Tribunal de première instance s'agissant de A.________, la bailleresse a requis, par la voie des cas clairs, leur évacuation de l'appartement.
C. La bailleresse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 22 avril 2013. Elle conclut, sous suite de dépens, à son annulation et, principalement, à la confirmation du jugement de première instance, subsidiairement, au renvoi de la cause à la cour cantonale. La recourante reproche à la cour précédente d'avoir transgressé l'art. 266l CO, l'art. 9 OBLF, l'art. 2 al. 2 CC et elle invoque l'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits.
 
Considérant en droit:
 
1.
1.1. Lorsque - comme c'est le cas en l'espèce - le litige porte sur la validité d'un congé donné par le bailleur, la valeur litigieuse correspond au moins à trois ans de loyer, en raison du délai de protection, dans le cas où le locataire obtient gain de cause, qui est prévu par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 136 III 196 consid. 1.1 p. 197; 111 II 384 consid. 1 p. 386). Selon les constatations cantonales, la valeur litigieuse s'élève en l'espèce à 20'160 fr. (560 fr. x 36 mois).
1.2. Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc également être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313).
Le Tribunal fédéral applique d'office le droit dont il peut contrôler le respect (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336; 137 II 313 consid. 4 p. 317 s.). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584; 135 II 384 consid. 2.2.1 p. 389; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400).
1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136 I 184 consid. 1.2 p. 187). La partie recourante qui se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits doit motiver son grief d'une manière qui réponde aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62). Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
1.4. Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 1 LTF).
 
2.
2.1. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'avis officiel de résiliation du bail du 30 septembre 2009 (qui contient la signature originale des représentants de la bailleresse) n'a pas atteint l'intimée. Il est établi que celle-ci a reçu, par pli simple du 9 novembre 2009, la photocopie de cet avis officiel et que le pli contenait également un courrier d'accompagnement sur lequel était apposée la signature manuscrite et originale des représentants autorisés de la recourante.
2.2. L'état de fait retenu dans l'arrêt 4C.32/1998 auquel se réfère la recourante est effectivement comparable à celui objet de la présente procédure. La locataire soutenait que le congé notifié par le bailleur était nul parce que seule la lettre d'accompagnement, et non la formule officielle, contenait une signature manuscrite. Le Tribunal fédéral a alors tranché la question, affirmant qu'on tomberait dans l'excès si on suivait la thèse de la recourante et qu'il fallait, avec la cour cantonale, tenir comme suffisante une signature manuscrite apposée sur la lettre d'accompagnement (arrêt 4C.32/1998 déjà cité consid. 2 ; cf. également la décision de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève du 10 novembre 1997 confirmée par cet arrêt, publiée in droit du bail No 11/1999, no 21 p. 29).
2.3. La position prise par la Cour de céans dans l'arrêt 4C.32/1998, partagée par la doctrine, est conforme à la lettre et à l'esprit de l'art. 266l CO en lien avec les art. 12 ss CO.
2.4. Dans la décision du 6 novembre 2012 (arrêt 4A_374/2012) citée par la cour cantonale, le Tribunal fédéral devait déterminer si la date de la résiliation - qui doit figurer, selon l'art. 9 al. 1 let. b OBLF, dans la formule officielle - pouvait valablement être indiquée exclusivement dans le courrier d'accompagnement. En l'espèce, l'autorité précédente se fonde sur une affirmation contenue au début du consid. 4 de cette décision. Dans ce bref passage, la Cour de céans a écarté l'argumentation du recourant qui, pour défendre sa thèse, tentait de faire une analogie entre l'exigence de la mention de la date du congé sur la formule officielle et celle de l'apposition de la signature du bailleur. C'est dans cette perspective qu'il a été fait référence à la question de la signature. Cet obiter dictum - qui renvoie d'ailleurs à un précédent arrêt (arrêt 4C.308/2004 du 10 novembre 2004 consid. 2.2.2) traitant exclusivement du contenu de la formule officielle (et non celui de la lettre d'accompagnement) - n'a donc pas la portée que lui attribue la cour précédente.
Il faut enfin relever que, contrairement à ce qu'affirme la cour cantonale, il n'importe que le courrier d'accompagnement daté du 9 novembre 2009 ne mentionne explicitement, dans son texte même, ni la volonté de la bailleresse de mettre fin au bail, ni la date à laquelle la résiliation envisagée est donnée. Il a été établi que le courrier en question, dûment signé, informait la locataire d'un état des lieux de sortie le 3 janvier et qu'il était accompagné d'une copie de l'avis de résiliation du bail (qui contenait toutes les indications exigées par l'art. 9 OBLF), ainsi que des directives de la régie relatives à l'état des lieux de sortie. La volonté de la bailleresse de résilier le bail était donc patente et la date du congé contenue dans l'avis de résiliation. La locataire n'a d'ailleurs jamais allégué avoir eu un doute à ce sujet ; au cours de la procédure, elle s'est bornée à soutenir la thèse - écartée plus haut - selon laquelle l'envoi d'un pli contenant une simple photocopie de l'avis officiel accompagnée d'une lettre signée par le bailleur ne suffirait pas. Suivre la position de l'autorité précédente reviendrait au demeurant à exiger du bailleur, qui entend résilier le bail, d'attirer expressément l'attention du locataire sur le congé par d'autres moyens que le simple envoi de la formule officielle, ce qui n'est pas admissible, la loi ne prévoyant pas cette nécessité (cf. art. 266l CO et art. 9 OBLF).
3. Le recours doit donc être admis pour ce motif, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens développés par la recourante.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. La demande présentée par la banque X.________ & Cie est admise en ce sens qu'il est ordonné à Z.________ d'évacuer immédiatement, de sa personne, de ses biens, et de toute personne faisant ménage commun avec elle, les locaux situés route ..., 1227 Carouge (appartement no 32 au 3ème étage).
Les parties sont déboutées de toutes autres conclusions.
2. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour statuer sur l'exécution du jugement d'évacuation.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
4. L'intimée versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers.
Lausanne, le 7 novembre 2013
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
Le Greffier: Piaget