BGer 1A.292/2004
 
BGer 1A.292/2004 vom 09.06.2005
Tribunale federale
{T 1/2}
1A.292/2004 /col
Arrêt du 9 juin 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger, Nay, Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffier: M. Jomini.
Parties
Conseil d'Etat de la République et canton
de Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1,
recourant,
contre
Société de développement du Landeron,
2525 Le Landeron,
intimée, représentée par Me Blaise Galland,
avocat, Promenade-Noire 3, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif de la République et canton
de Neuchâtel, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.
Objet
aménagement du territoire, régime de compensation,
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel
du 4 novembre 2004.
Faits:
A.
L'association Société de développement du Landeron (ci-après: la Société de développement) est propriétaire, au Landeron, de plusieurs parcelles sur lesquelles elle exploite un camping (parcelles ou articles nos 6941, 6942, 6943, 6944 et 6945 du registre foncier - ces trois derniers biens-fonds formant actuellement la parcelle no 8283).
B.
Les cinq parcelles précitées ont été classées en 1966 dans une zone de vignes et de grèves, en vertu du décret du Grand Conseil du 14 février 1966 concernant la protection des sites naturels du canton (ci-après: le décret de 1966). Cette zone n'est pas une zone à bâtir (ou zone d'urbanisation, au sens de l'art. 47 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire [LCAT]).
En 1984 ou 1985, la commune du Landeron a présenté au Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel un dossier concernant l'aménagement, par la Société de développement, d'une place de camping de passage sur la parcelle no 6943. Le Conseil d'Etat a alors pris le 4 mars 1985 un arrêté dont la teneur est la suivante:
Article premier.- En dérogation aux dispositions du décret concernant la protection des sites naturels du canton, du 14 février 1966, la Société de développement du Landeron est autorisée à aménager une place de camping de passage sur l'article 6943 du cadastre de cette localité, aux conditions suivantes:
1. La place sera ouverte chaque année, du 1er avril au 30 septembre. Le terrain sera libéré les six autres mois de l'année.
2. La surface utilisée sera de 9'840 m2.
3. Aucune autorisation ne sera accordée pour une extension ultérieure.
Art. 2.- Si les conditions fixées à l'article premier, chiffres 1 et 2, n'étaient pas respectées, la présente dérogation serait annulée avec effet immédiat et l'article 6943 serait remis en zone verte.
Art. 3.- Le service cantonal de la conservation des monuments et des sites est chargé de veiller au respect des conditions figurant à l'article premier du présent arrêté.
Art. 4.- La modification est reportée sur le plan No 253 dont un exemplaire est destiné à l'autorité communale du Landeron, l'autre au service des monuments et des sites.
Art. 5.- Les plans seront retournés à l'autorité communale par l'intendance des bâtiments de l'Etat.
Les exigences des services cantonaux devront être respectées.
C.
La commune du Landeron s'est dotée d'un plan d'aménagement qui a été sanctionné (c'est-à-dire approuvé) le 13 août 1997 par le Conseil d'Etat. Les cinq parcelles précitées ont ainsi été, en tout ou en partie, classées dans la zone de détente, loisirs et tourisme, définie à l'art. 14.02 du règlement d'aménagement communal. Cette zone spéciale, qui est une subdivision de la zone d'urbanisation (cf. art. 5.05.2 al. 1 let. a du règlement d'aménagement), est destinée à des activités de détente et de tourisme, telles que piscine, camping, place de jeux, tennis, port; elle est réservée aux bâtiments et installations d'intérêt public qui participent à la mise en valeur du site, ainsi qu'aux stationnements nécessaires aux activités (art. 14.02.1 al. 1 et art. 14.02.3 al. 1 du règlement d'aménagement).
D.
Par une "décision de plus-value" du 10 juillet 2002, le Département cantonal de la gestion du territoire (ci-après: le département cantonal) a signifié à la Société de développement qu'elle devait à l'Etat de Neuchâtel un montant de 193'916 fr. 80 au titre de contribution à la plus-value consécutive à l'affectation des terrains précités à la zone d'urbanisation. Cette décision est fondée sur les art. 33 ss LCAT. Les détails du calcul avaient été communiqués auparavant par le Service de l'aménagement du territoire. Pour la parcelle n° 6943, le montant de la contribution a été déterminé de la manière suivante (selon une lettre de ce service du 24 avril 2001):
- surface classée en zone de détente, loisirs et tourisme: 9'572 m2
- valeur de référence après la mesure d'aménagement: 50 fr./m2
- valeur de référence dans l'ancienne zone: 6 fr./m2
- plus-value: 9'572 x (50 - 6) = 421'168 fr.
- contribution due à l'Etat: 20 % de la plus-value, soit 84'233 fr. 60.
La Société de développement a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif cantonal, en demandant l'annulation de la contribution de plus-value. Par un arrêt rendu le 4 novembre 2004, le Tribunal administratif a admis partiellement le recours en ce sens que la décision attaquée était annulée et la cause renvoyée au département cantonal pour instruction complémentaire et nouvelle décision selon les considérants. Les constatations de fait de la décision attaquée ont été jugées lacunaires, le dossier ne permettant notamment pas de déterminer la plus-value concrète (consid. 5). Le Tribunal administratif a par ailleurs pris en considération la situation particulière de la parcelle no 6943, pour laquelle la Société de développement avait obtenu, en vertu de l'arrêté du Conseil d'Etat du 4 mars 1985, l'autorisation d'exploiter un camping de passage. En raison de cette autorisation et des prescriptions spéciales qu'elle prévoit pour cette parcelle, le changement d'affectation de 1997 ne serait plus un avantage majeur au sens de l'art. 33 LCAT (consid. 6).
E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Conseil d'Etat demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif en tant qu'il nie la reconnaissance d'un avantage majeur pour la parcelle no 6943; il conclut également au renvoi de l'affaire à cette juridiction, pour nouvelle décision au sens des considérants. Il fait valoir, en substance, que le régime de compensation défini aux art. 33 ss LCAT correspond à celui qui est prescrit à l'art. 5 al. 1 LAT; une contribution est ainsi due en cas d'avantages majeurs résultant de mesures d'aménagement. Le classement du terrain litigieux dans la zone d'urbanisation, après qu'il avait été rangé dans une zone inconstructible, constituerait un tel avantage car la valeur du bien-fonds et sa rentabilité économique auraient été sensiblement augmentées grâce à cette mesure.
La Société de développement conclut au rejet du recours dans la mesure où il serait considéré comme recevable.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt et propose le rejet du recours.
F.
La Ire Cour de droit public a examiné la recevabilité du recours de droit administratif lors d'une délibération en séance publique, le 20 avril 2005. Elle l'a admise en principe, pour les motifs qui seront exposés ci-dessous (consid. 1). L'instruction a été complétée, l'occasion ayant été offerte à l'Office fédéral du développement territorial de donner son avis par écrit. Cet office a renoncé à déposer des observations.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60 et les arrêts cités).
1.1 Il s'agit de déterminer en premier lieu si la voie du recours de droit administratif est ouverte contre l'arrêt du Tribunal administratif. Dans le domaine de l'aménagement du territoire, les cas de recevabilité d'un tel recours sont énumérés à l'art. 34 al. 1 LAT. En particulier, ce recours est recevable "contre les décisions prises par l'autorité cantonale de dernière instance sur des indemnisations résultant de restrictions apportées au droit de propriété (art. 5), [...]". L'art. 5 LAT, auquel il est fait référence dans cette disposition, traite à son alinéa 1 du régime de compensation, établi par le droit cantonal, permettant de tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs qui résultent de mesures d'aménagement; à son alinéa 2, il prévoit qu'une juste indemnité est accordée lorsque des mesures d'aménagement apportent au droit de propriété des restrictions équivalant à une expropriation.
La mention de l'art. 5 LAT figurant, entre parenthèses, à l'art. 34 al. 1 LAT est équivoque. Avant cette mention, le texte de cette disposition paraît en effet renvoyer non pas à l'ensemble des décisions pouvant être prises dans le cadre de l'art. 5 LAT, mais à une catégorie d'entre elles, les décisions sur des indemnisations à la suite de restrictions du droit de propriété (dans les autres langues officielles: "gegen Entscheide [...] über Entschädigungen als Folge von Eigentumsbeschränkungen (Art. 5)", "contro le decisioni [...] concernenti indennità per restrizioni della proprietà (art. 5)"). Il est clair que l'art. 34 al. 1 LAT vise les cas d'expropriation matérielle, selon l'art. 5 al. 2 LAT (cf. notamment ATF 125 II 1 consid. 1 p. 4). Cela étant, il faut déterminer dans quelle mesure cette norme vise aussi les décisions prises dans le cadre d'un régime de compensation établi selon l'art. 5 al. 1 LAT.
1.2 Dans la présente affaire, la contribution de plus-value mise à la charge de l'intimée a pour objet la compensation d'avantages résultant d'une mesure d'aménagement, au sens de l'art. 5 al. 1 LAT. Le législateur cantonal neuchâtelois a en effet adopté, en 1991, une loi sur l'aménagement du territoire (LCAT) qui contient une section intitulée "Compensation, contribution et indemnisation" (art. 33 ss LCAT), mettant en oeuvre l'art. 5 al. 1 LAT (cf. Piermarco Zen-Ruffinen/ Christine Guy-Ecabert, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001 p. 79). Aux termes de l'art. 33 LCAT, les avantages et les inconvénients résultant de mesures d'aménagement du territoire font l'objet d'une compensation s'ils sont majeurs. Les art. 34 ss LCAT se rapportent à la compensation des avantages, l'augmentation de valeur d'un bien-fonds consécutive à son affectation à la zone d'urbanisation étant réputée avantage majeur constituant une plus-value (art. 34 al. 1 LCAT). Les art. 35 à 37 LCAT règlent le mode de calcul et la perception de la contribution de plus-value. Quant à l'art. 38 LCAT, il dispose qu'une restriction au droit de propriété consécutive à une mesure d'aménagement est réputée inconvénient majeur lorsqu'elle équivaut à une expropriation matérielle.
1.3 Un régime de compensation des avantages et des inconvénients résultant de mesures d'aménagement du territoire, fondé sur l'art. 5 al. 1 LAT, comporte en règle générale deux volets, ou deux catégories de décisions: d'une part des contributions exigées des propriétaires fonciers qui obtiennent des avantages majeurs (classement en zone à bâtir, accroissement des possibilités d'utilisation, etc.), et d'autre part des indemnités allouées aux propriétaires qui subissent des inconvénients majeurs (déclassement hors de la zone à bâtir, diminution des possibilités d'utilisation, etc.).
Lorsque la contestation se rapporte à une indemnisation pour inconvénients majeurs, la jurisprudence admet déjà la recevabilité du recours de droit administratif. En effet, si un canton prévoit, dans son régime de compensation, d'indemniser le propriétaire qui, sans subir une expropriation matérielle, est néanmoins sensiblement restreint dans l'utilisation de son bien-fonds - ce n'est toutefois pas le cas du droit cantonal neuchâtelois, qui limite aux cas d'expropriation matérielle l'indemnisation pour inconvénients majeurs (art. 38 LCAT) -, cette indemnisation découle de restrictions apportées au droit de propriété, au sens de l'art. 34 al. 1 LAT. Le texte de cette disposition est clair sur ce point et il faut déduire du renvoi à l'art. 5 LAT globalement, sans limitation au deuxième alinéa, que la même protection juridique est offerte au niveau fédéral à tous les propriétaires qui font valoir des prétentions à une indemnité à la suite de mesures d'aménagement réduisant la valeur de leur bien-fonds, que ce soit dans le cadre de l'expropriation matérielle au sens de l'art. 5 al. 2 LAT ou dans celui de la compensation des inconvénients majeurs selon l'art. 5 al. 1 LAT (ATF 117 Ib 497 consid. 7a p. 500). Cette solution confère également, dans ces deux hypothèses, un droit de recours au Tribunal fédéral à la collectivité publique qui conteste la décision d'une autorité juridictionnelle cantonale la condamnant à indemniser un propriétaire foncier (art. 34 al. 2 LAT; cf. infra, consid. 1.4).
Dans un régime de compensation selon l'art. 5 al. 1 LAT, il existe un lien objectif entre les décisions relatives aux avantages majeurs, d'un côté, et celles relatives aux inconvénients majeurs, de l'autre. Il paraît dès lors cohérent de prévoir dans les deux cas les mêmes règles de protection juridique. Il n'est certes pas directement question, pour les décisions de la première catégorie, de nouvelles "restrictions apportées au droit de propriété", bien au contraire; mais ces décisions sont elles aussi fondées sur l'art. 5 LAT, disposition expressément mentionnée dans le texte de l'art. 34 al. 1 LAT. Ce lien objectif entre la compensation des avantages et la compensation des inconvénients peut se révéler de manière évidente dans certaines situations. Par exemple, en cas de révision globale d'un plan d'affectation communal, on peut concevoir que l'autorité compétente ordonnera parallèlement, par des décisions coordonnées, la perception de contributions de plus-value là où la révision est favorable aux propriétaires concernés, et l'indemnisation des propriétaires là où la planification entraîne de nouvelles restrictions. Il n'est pas exclu en pareil cas qu'un même propriétaire soit à la fois débiteur d'une contribution de plus-value (pour une partie de ses terrains), et créancier d'une indemnité en raison des restrictions (pour une autre partie). On peut même concevoir qu'une décision unique soit prise à l'égard d'un propriétaire de biens-fonds soumis à des mesures d'aménagement différentes, favorables ou restrictives, décision fixant une soulte après compensation d'une part de l'indemnité pour les avantages, et d'autre part de la contribution pour les inconvénients (cf. dans ce contexte ATF 122 I 120 consid. 3 p. 125, à propos du système du remaniement avec péréquation réelle dans le canton de Vaud). Plus généralement, il est cohérent de prévoir la même voie de recours contre les différentes décisions de compensation pouvant être prises à la suite d'une mesure d'aménagement, qu'elles se fondent sur les avantages ou sur les inconvénients résultant de cette mesure.
La doctrine est, sur ce point, partagée. De l'avis de certains auteurs, seule la voie du recours de droit public, réservée à l'art. 34 al. 3 LAT pour les décisions non visées à l'art. 34 al. 1 LAT, entre en ligne de compte pour contester une mesure prise dans le cadre d'un régime de compensation selon l'art. 5 al. 1 LAT, notamment une contribution de plus-value en raison d'avantages majeurs (cf. Nicolas Michel, Droit public de la construction, 2e éd. Fribourg 1997 p. 126; Pierre Moor, Les voies de droit fédérales dans l'aménagement du territoire, in: Aménagement du territoire en droit fédéral et cantonal, Lausanne 1990, p. 190 [article antérieur à l'ATF 117 Ib 497]). D'autres auteurs soulignent toutefois le caractère global du renvoi à l'art. 5 LAT dans le texte de l'art. 34 al. 1 LAT, et partant préconisent la recevabilité du recours de droit administratif contre toutes les décisions dont le fondement se trouve, en droit fédéral, à l'art. 5 LAT (cf. Heinz Aemisegger, Leitfaden zum Raumplanungsgesetz, Berne 1980, p. 120 [surtout à propos des indemnisations à la suite de restrictions]; André Jomini, Commentaire LAT, Zurich 1999, Art. 34 n. 14). Une objection à la recevabilité du recours de droit administratif se fonde sur la grande liberté normative que l'art. 5 al. 1 LAT laisse au droit cantonal (cf. Moor, loc. cit.). Cette disposition du droit fédéral n'est cependant pas une simple clause de délégation sans contenu matériel car elle énonce des principes - notamment en limitant la compensation aux "avantages et inconvénients majeurs" (cf. infra, consid. 2.1) - dont l'application doit pouvoir être revue dans le cadre du contrôle juridictionnel fédéral de la légalité (art. 104 let. a OJ).
En définitive, après avoir déduit de la référence globale à l'art. 5 LAT dans le texte de l'art. 34 al. 1 LAT que le recours de droit administratif était ouvert contre les décisions sur des indemnisations pour des inconvénients, au sens de l'art. 5 al. 1 LAT (cf. ATF 117 Ib 497 cité supra), la jurisprudence doit préciser l'interprétation de cette règle de procédure fédérale en ce sens que cette solution vaut également pour les décisions sur des contributions de plus-value, ou sur d'autres formes de compensation des avantages, quand le droit cantonal a concrétisé sur ce point la réglementation de l'art. 5 al. 1 LAT. En d'autres termes, pour cette interprétation, le renvoi global à l'art. 5 LAT dans le texte de l'art. 34 al. 1 LAT doit être l'élément déterminant, par souci de cohérence ou de coordination dans l'organisation des voies de recours.
La décision de plus-value apparaît ainsi comme une décision fondée, en tout cas partiellement, sur le droit public fédéral, qui peut faire l'objet d'un recours de droit administratif en vertu de l'art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 34 al. 1 LAT.
1.4 Lorsque le recours de droit administratif est recevable sur la base de l'art. 34 al. 1 LAT, le droit fédéral - soit l'art. 34 al. 2 LAT, en relation avec l'art. 103 let. c OJ - confère expressément aux cantons la qualité pour recourir (ATF 129 II 225 consid. 1.1. p. 227). Le gouvernement cantonal peut donc se prévaloir en l'espèce de ce droit de recours. Les autres conditions de recevabilité du recours de droit administratif sont manifestement remplies (art. 97 ss OJ). En particulier, il convient de relever que la contestation a uniquement trait à la portée du classement de la parcelle n° 6943 dans la zone d'urbanisation, point sur lequel le Tribunal administratif a rendu une décision finale en excluant à ce propos l'existence d'un avantage majeur et donc la perception d'une contribution de plus-value; le renvoi de l'affaire au département cantonal, pour le surplus, n'exclut pas la recevabilité du recours de droit administratif contre cette décision finale partielle (ATF 129 II 286 consid. 4.2 p. 291, 384 consid. 2.3 p. 385). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant conteste l'interprétation faite, dans l'arrêt attaqué, de la notion d'avantage majeur constituant une plus-value. Il se réfère à l'art. 34 al. 1 LCAT, qui dispose que l'affectation d'un bien-fonds non constructible à la zone d'urbanisation est réputée avantage majeur constituant une plus-value; il admet que, selon la jurisprudence cantonale, cette présomption n'est pas irréfragable mais soutient que l'avantage majeur existe bel et bien en l'occurrence. L'arrêté gouvernemental du 4 mars 1985 permettant l'exploitation d'un camping de passage sur le terrain litigieux, autorisation à caractère personnel dont seule l'intimée pourrait faire usage, n'est pas un élément décisif car, d'après le recours, seul un emplacement pour tentes, sans infrastructures sanitaires ni places de stationnement, pouvait être admis. Le recourant mentionne encore les avantages économiques concrets de la nouvelle situation juridique, en se référant aux comptes d'exploitation de l'intimée.
2.1 La contestation porte sur l'interprétation de la notion d'avantage majeur, qui est une notion du droit fédéral. L'art. 5 al. 1 LAT dispose en effet que le régime de compensation doit permettre de tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs qui résultent de mesures d'aménagement (l'épithète "majeurs" se rapportant à l'évidence tant aux avantages qu'aux inconvénients). Le droit cantonal reprend textuellement cette notion (art. 33 et art. 34 al. 1 LCAT). Il s'agit d'une notion juridique indéterminée et il faut laisser à la juridiction cantonale une certaine latitude de jugement à ce propos (cf. notamment Enrico Riva, Commentaire LAT, art. 5 n. 84 ss). Le recourant admet que l'art. 34 al. 1 LCAT, qui dispose que l'affectation d'un bien-fonds à la zone d'urbanisation est réputée avantage majeur, ne pose pas une présomption irréfragable; il incombe donc à l'autorité d'évaluer dans chaque cas l'importance de l'avantage résultant du classement en zone à bâtir et de déterminer s'il est majeur au sens de l'art. 5 al. 1 LAT.
2.2 En l'espèce, le Tribunal administratif a refusé de voir dans le changement d'affectation de la parcelle litigieuse en 1997 (son classement dans un secteur de la zone d'urbanisation) un avantage majeur, principalement parce qu'il n'apparaît pas "que la situation légale nouvelle serait fort différente de celle admise sous l'emprise de l'autorisation du 4 mars 1985 ou en tous les cas que l'extension des possibilités d'utilisation de la parcelle en cause dépasserait l'évolution normale qu'ont connue tous les campings de ce genre; [...] telle qu'elle est rédigée, l'autorisation du 4 mars 1985 a [...] pour effet de soumettre à des prescriptions spéciales l'article 6943 lui-même, pour une surface de 9840 m2" (consid. 6 de l'arrêt attaqué).
Il y a sans doute différentes interprétations soutenables de la portée de l'arrêté du 4 mars 1985. L'autorité recourante, qui en est du reste l'auteur, paraît considérer qu'il s'agit en réalité d'une simple autorisation dérogatoire délivrée à une personne déterminée (l'intimée), tandis que pour le Tribunal administratif, on a ainsi soumis un bien-fonds à des prescriptions spéciales en matière d'aménagement. Cette dernière interprétation n'est pas incompatible avec le texte de l'arrêté lui-même, qui laisse entendre que la réglementation de l'utilisation du sol était modifiée dès lors qu'une révocation dudit arrêté devait aboutir à un reclassement en zone verte (art. 2). Au demeurant, on pourrait soutenir que le décret de 1966, dans sa teneur en vigueur en 1985, admettait lui-même la possibilité de tels changements d'affectation. Il contenait en effet une disposition relative aux "emplacements de campement", applicable notamment dans la zone de vignes et de grèves. Cette disposition (ancien art. 5 al. 1 du décret) prévoyait que les emplacements de campement étaient autorisés à trois conditions: production d'un plan garantissant une ordonnance convenable de l'emplacement; existence d'un parc suffisant pour les véhicules utilisés par les hôtes de l'emplacement; existence d'espaces de verdure suffisants. En l'espèce, d'après le préambule de l'arrêté de 1985, la commune du Landeron a précisément déposé un dossier permettant au Conseil d'Etat d'autoriser l'aménagement d'un camping. Dans l'arrêt attaqué, cette ancienne disposition du décret de 1966 est mentionnée comme base de l'arrêté du 4 mars 1985, et le Tribunal administratif retient que la validité de cet arrêté n'a pas été remise en cause après la révision du décret en 1988.
Il n'y a pas lieu de déterminer la portée exacte des règles d'aménagement applicables au terrain litigieux avant l'entrée en vigueur du plan d'affectation communal de 1997. On doit toutefois constater que les anciennes prescriptions cantonales permettaient la construction d'installations de camping, sans que l'on puisse déduire ni du décret de 1966, ni du texte de l'arrêté du 4 mars 1985 que ce dernier aurait nécessairement dû être révoqué en cas de changement d'exploitant de la place. La réglementation de la nouvelle zone de détente, loisirs et tourisme est effectivement moins restrictive que le régime précédent, s'agissant des constructions admissibles, mais elle ne change pas fondamentalement la situation juridique du terrain concerné, à cause de la définition de l'affectation de cette zone, réservée à certaines activités récréatives. L'adoption du plan communal permettait ainsi d'adapter une ancienne mesure de planification aux nouvelles règles de l'aménagement du territoire. Dans ces circonstances particulières, le Tribunal administratif était fondé à retenir d'emblée, même sans analyse détaillée de la plus-value, que l'avantage procuré à l'intimée par le régime du nouveau plan d'affectation n'était pas un avantage majeur au sens de l'art. 5 al. 1 LAT ou des art. 33 ss LCAT. En l'absence d'une violation du droit fédéral, les griefs du recourant sont donc mal fondés.
3.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté. L'intérêt pécuniaire du canton étant en cause dans la présente procédure, il doit être astreint à payer un émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 al. 1 et 2 OJ). L'intimée a droit à des dépens, à la charge de l'Etat de Neuchâtel (art. 159 al. 1 et 2 OJ)
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de l'Etat de Neuchâtel.
3.
Une indemnité de 3'000 fr., à payer à la Société de développement du Landeron à titre de dépens, est mise à la charge de l'Etat de Neuchâtel.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au mandataire de l'intimée, au Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral du développement territorial.
Lausanne, le 9 juin 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: