BGer 1A.207/2003 |
BGer 1A.207/2003 vom 11.11.2003 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1A.207/2003 /dxc
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Arrêt du 11 novembre 2003
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Féraud.
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Greffier: M. Kurz.
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Parties
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1. A.________ SA,
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2. B.________ SA,
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3. C.________ SA en liquidation,
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4. D.________ SA,
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5. E.________ SA,
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6. F.________ SA,
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7. G.________ SA,
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8. H.________ SA,
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9. Y.________,
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recourants, tous représentés par Me Pierre Christe, avocat, rue du Marché aux Chevaux 5, case
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postale 2031, 2800 Delémont 2,
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contre
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Direction générale des douanes, Monbijoustr. 40,
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3003 Berne.
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Objet
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entraide judiciaire en matière pénale à l'Allemagne - DGD 632.2-80 - OFJ B 112 469 JAS/AS,
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recours de droit administratif contre la décision de la Direction générale des douanes du 12 août 2003.
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Faits:
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A.
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Le 23 avril 2002, le Parquet d'Augsbourg a adressé à l'Office fédéral de la justice (OFJ) une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une enquête dirigée contre les dénommés K.________, L.________, Z.________ et autres, pour soustraction d'impôt et violation de la loi sur le commerce extérieur. Entre 1994 et 1995, des cigarettes de provenances diverses auraient été importées en Suisse, réassorties puis expédiées (avec de faux documents servant à faire croire que la marchandise était destinée à la Bulgarie), via divers pays, à destination du Monténégro, puis de l'Italie, dans le but d'alimenter le marché noir européen et de renflouer les caisses de la Serbie-Monténégro, alors frappée de l'embargo prononcé par les Nations-Unies. Au total, 800 millions de DM auraient ainsi échappé au fisc européen. L'entraide judiciaire de la Suisse avait déjà été requise et accordée à plusieurs reprises dans ce cadre (cf. notamment l'arrêt 1A.247/2000 du 27 novembre 2000, concernant la demande initiale du 18 septembre 1998), et il était apparu que Z.________ collaborait activement avec le dénommé J.________, soit en réalité X.________, directeur de la société A.________ SA, active dans l'import-export de tabac. La demande du 23 avril 2002 tend à l'exécution d'un mandat de perquisition et de saisie du 19 avril 2002 portant sur les documents relatifs au trafic de cigarettes au domicile de X.________ et au siège de A.________ SA. Selon complément du 27 septembre 2002, le domicile de X.________ à Melide est également visé. La présence d'un procureur et de fonctionnaires des douanes, lors de l'exécution des actes d'entraide, est requise.
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Le 5 août 2002, la Direction générale des douanes (DGD), chargée de l'exécution de cette demande, est entrée en matière. Les faits décrits étaient constitutifs, en droit suisse, d'escroquerie fiscale et de violation de la loi fédérale sur les douanes. La présence d'enquêteurs étrangers a été autorisée. Une perquisition a eu lieu le 12 novembre 2002 dans les bureaux de A.________ SA. Un inventaire des objets saisis (classeurs, dossiers et supports informatiques) a été dressé. Lors de la perquisition, le même jour, au domicile de X.________ à Melide, divers documents ont été saisis, selon procès-verbal.
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A.________ SA a pris position le 16 mai 2003 sur la demande d'entraide et ses modalités d'exécution. Les documents, consultés le 8 mai précédent, occupaient 154 classeurs, comprenant notamment des déclarations de Z.________, des dossiers clients de A.________ SA, des dossiers de la société C.________ SA (en liquidation), non visée par la demande, ainsi que des documents personnels concernant l'administrateur de A.________ SA, Y.________. Les pièces n'étaient pas classées, ce qui donnait l'impression que l'ensemble des activités étaient lié au trafic du tabac. A.________ SA n'avait jamais fait le commerce de cigarettes. C.________ SA était enregistrée régulièrement en Suisse et le commerce de tabac avec la Principauté d'Andorre n'avait rien de répréhensible. La demande d'entraide était une recherche indéterminée de moyens de preuve.
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B.
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Par décision du 12 août 2003, la DGD a décidé de transmettre à l'autorité requérante les documents séquestrés ou imprimés à partir des supports numériques (CD). Il était apparu que Y.________ utilisait le nom de A.________ SA, ou du moins son adresse, pour l'ensemble de ses activités, de sorte qu'un tri précis était difficile; les dossiers étaient d'ailleurs déjà mélangés avant le séquestre. Seuls les documents ayant un rapport avec les noms mentionnés dans la demande d'entraide avaient été imprimés à partir des CD. C.________ SA n'était pas mentionnée dans la demande, mais elle avait une activité dans le secteur du tabac et était en rapport avec A.________ SA. L'autorité requérante avait d'ailleurs pris connaissance de l'existence de cette société dans les dossiers en sa possession. Certaines pièces saisies se rapportaient à des livraisons et facturations de cigarettes.
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C.
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A.________ SA et l'ensemble des sociétés dont les documents ont été saisis, soit B.________ SA, C.________ SA, D.________ SA, E.________ SA, F.________ SA, G.________ SA, H.________ SA, ainsi que Y.________, forment un recours de droit administratif contre cette ordonnance de clôture. Ils en demandent l'annulation, et concluent au rejet de la demande d'entraide, subsidiairement au renvoi de la cause à la DGD afin qu'elle mentionne la réserve de la spécialité dans le dispositif de sa décision, qu'elle limite la transmission aux documents en rapport avec les infractions reprochées et qu'elle exclue de la transmission les documents relatifs aux personnes autres que A.________ SA.
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L'OFJ conclut au rejet du recours. La DGD conclut au rejet du recours formé par A.________ SA, et à l'irrecevabilité du recours des autres personnes.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de clôture rendue par l'autorité fédérale d'exécution, le recours de droit administratif est en soi recevable (art. 80g al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP; RS 351.1).
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1.1 Selon l'art. 80h let. b EIMP, la qualité pour agir contre une mesure d'entraide judiciaire est reconnue à celui qui est personnellement et directement touché. La personne visée par la procédure pénale étrangère peut recourir aux mêmes conditions (art. 21 al. 3 EIMP). La jurisprudence reconnaît ainsi notamment la qualité pour recourir au titulaire d'un compte bancaire dont les pièces sont saisies (ATF 118 Ib 547 consid. 1d et les arrêts cités), et à la personne qui doit se soumettre personnellement à une perquisition ou une saisie (ATF 118 1b 442 consid. 2c - concernant la saisie de documents en main d'une banque -, ATF 121 II 38 - remise du dossier d'une procédure civile à laquelle l'intéressé est partie). L'art. 9a let. b OEIMP précise ainsi qu'en cas de perquisition, la qualité pour recourir appartient au propriétaire ou au locataire des locaux. Elle dénie en revanche cette qualité au détenteur économique d'un compte bancaire visé par la demande, ou à l'auteur de documents saisis en main d'un tiers (ATF 116 Ib 106 consid. 2a), même si la transmission des renseignements requis entraîne la révélation de son identité (ATF 114 Ib 156 consid. 2a et les arrêts cités; pour un résumé de la jurisprudence relative à la qualité pour recourir, cf. ATF 122 II 130).
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1.2 La perquisition du 12 novembre 2002 a été menée au siège de A.________ SA, laquelle a qualité pour recourir. Y.________, administrateur unique et gérant de cette société, a également qualité pour agir en tant qu'utilisateur principal des locaux. Selon les indications figurant dans le recours, à l'exception de B.________ SA (qui est aussi, selon les indications figurant en p. 15 et 18 du recours, propriétaire des locaux et peut, à ce titre se voir reconnaître le qualité pour agir), les autres sociétés n'ont pas leur siège à l'adresse où a eu lieu la perquisition; elles ne sont ni propriétaires, ni locataires des locaux, et on ignore la manière dont ces sociétés sont gérées, en particulier si les bureaux de A.________ SA doivent être considérés comme le centre de leurs activités. La question peut demeurer indécise, compte tenu du sort du recours sur le fond. En tous les cas, le recours est irrecevable en tant qu'il émane de D.________ SA car, comme l'indique la DGD dans sa réponse, les pièces qui la concernent ont été saisies par la police fédérale en exécution d'une demande d'entraide judiciaire italienne, et ne font pas l'objet de la décision de clôture attaquée.
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2.
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Les recourants mettent en doute la compétence de l'autorité requérante pour réprimer les infractions mentionnées. Il n'est pas prétendu que X.________ et les autres personnes mentionnées aient agi en Allemagne. La contrebande aurait eu lieu vers l'Italie.
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2.1 Selon la jurisprudence constante, l'autorité suisse requise doit certes s'assurer de la compétence répressive de l'Etat requérant (cf. notamment l'art. 5 EIMP); elle s'interdit en revanche d'examiner la compétence de l'autorité requérante au regard des normes d'organisation ou de procédure de l'Etat étranger. Ce n'est qu'en cas d'incompétence manifeste, faisant apparaître la demande comme un abus caractéristique, que l'entraide peut être refusée (ATF 126 II 212 consid. 6c/bb p. 215-216; 116 Ib 89 consid. 2c/aa p. 92 et la jurisprudence citée).
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2.2 Les autorités d'Augsbourg mènent leur enquête relative au trafic de cigarettes depuis de nombreuses années, et rien ne permet de douter que, compte tenu de la nationalité des prévenus, du domicile de certains d'entre eux et de la perte vraisemblablement subie par le fisc, notamment allemand, il existe un rattachement suffisant pour justifier la compétence des autorités de l'Etat requérant. Cela ne ressort certes pas clairement des requêtes complémentaires, mais, la demande initiale, à laquelle la DGD fait référence, expose qu'une partie des cigarettes aurait abouti en Italie, et aurait été réintroduite sur le marché européen, en particulier en Angleterre, en Espagne et en Allemagne. On ne se trouve donc pas dans un cas où la compétence répressive de l'Etat requérant ferait clairement défaut.
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3.
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Les recourants persistent ensuite à considérer que la demande d'entraide serait insuffisamment motivée, et qu'un cas d'escroquerie fiscale ne serait pas avéré, compte tenu du pouvoir d'examen accru de l'autorité suisse dans ce domaine. L'évocation d'un trafic de cigarettes assorti d'une simple évasion fiscale ne justifierait pas l'octroi de l'entraide judiciaire. Le caractère illicite du commerce de cigarettes ne serait pas démontré. La double incrimination ferait également défaut à propos des infractions douanières, s'agissant de transferts de port-franc à port-franc; les ordonnances fédérales du 3 juin 1992 et du 3 octobre 1994 concernant les mesures économiques à l'égard de l'ex-Yougoslavie ont été abrogées avant qu'il soit statué sur l'octroi de l'entraide.
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3.1 Selon l'art. 14 CEEJ, la demande d'entraide doit notamment indiquer son objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à l'autorité requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée est punissable selon le droit des Parties requérante et requise (art. 5 ch. 1 let. a CEEJ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal (art. 2 al. 1 let. a CEEJ), que l'exécution de la demande n'est pas de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels du pays (art. 2 let. b CEEJ), et que le principe de la proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 4b et les arrêts cités). Le droit interne (art. 28 EIMP) pose des exigences équivalentes, que l'OEIMP précise en exigeant l'indication du lieu, de la date et du mode de commission des infractions (art. 10 OEIMP; ATF 129 II 97 consid. 3.1 p. 98-99).
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3.2 En l'espèce, les deux compléments adressés successivement à l'OFJ ne comprennent pas d'exposé détaillé des faits. En revanche, le mandat de perquisition annexé reprend dans le détail les faits tels qu'ils figuraient dans la demande initiale. Les inculpés se voient ainsi reprocher un trafic de cigarettes, dont le déroulement est décrit de manière relativement détaillée. Le reconditionnement de la marchandise, l'intervention de nombreux intermédiaires, l'usage de faux documents et un transport clandestin et rapide par bateaux auraient permis de réintroduire la marchandise sur le marché noir européen, et d'améliorer la situation économique en Serbie-Monténégro, alors frappée d'embargo. Les liens présumés de X.________ avec les prévenus sont, eux aussi, exposés de manière suffisante.
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3.3 En ce qui concerne l'escroquerie fiscale et le principe de la double incrimination, ces questions ont déjà été examinées par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 27 novembre 2000, mentionné à plusieurs reprises par la DGD au cours de la procédure. Le Tribunal fédéral a en particulier considéré que l'intervention de nombreuses sociétés de divers pays, les déplacements de marchandises et l'usage de fausses factures et documents douaniers, avaient permis de donner l'illusion d'un transport régulier à destination de la Bulgarie et de camoufler le retour de la marchandise en Europe. Cette construction sophistiquée destinée à tromper, à plusieurs reprises, les autorités douanières des Etats européens, était constitutive d'astuce (consid. 4c). L'arrêt précité considère également que le transport de cigarettes à destination du Monténégro serait constitutif, en droit suisse, de trafic prohibé (art. 76 de la loi fédérale sur les douanes - LD; RS 631.0), compte tenu des dispositions relatives à l'embargo contre la Yougoslavie (art. 4 de l'ordonnance du 3 octobre 1994 instituant des mesures économiques à l'encontre de la Yougoslavie [Serbie et Monténégro] et d'autres régions contrôlées par les Serbes, et art. 3 de l'ordonnance du 3 juin 1992 instituant des sanctions économiques à l'encontre de la Yougoslavie [Serbie et Monténégro], ainsi que les renvois de ces ordonnances aux sanctions pénales de la LD). Les objections présentées par les recourants ne sont pas propres à remettre en cause cette appréciation. En particulier, les actes poursuivis ont été commis alors que les ordonnances précitées étaient en vigueur; même si les restrictions d'importation ont été par la suite rapportées, les dispositions pénales des art. 76-77 LD, n'en demeureraient pas moins applicables si les infractions étaient actuellement soumises à la juridiction suisse.
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4.
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Les recourants estiment également que les dispositions prévues dans l'ordonnance d'entrée en matière à propos de la présence d'enquêteurs étrangers n'auraient pas été respectées. Des fonctionnaires allemands avaient participé à la perquisition du 12 novembre 2002 et, le 20 novembre suivant, le Procureur allemand avait déclaré s'intéresser également aux sociétés C.________ SA, M.________ et E.________ SA, alors que celles-ci ne figurent pas dans la demande. Il y aurait ainsi eu transmission prématurée de renseignements. Les recourants ne précisent toutefois pas si l'irrégularité alléguée devrait conduire au refus de l'entraide, ou à une intervention auprès de l'autorité requérante. Le grief doit de toute manière être écarté.
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4.1 Selon l'art. 65a EIMP, lorsque l'Etat requérant le demande en vertu de son propre droit, les personnes qui participent à la procédure peuvent être autorisées à assister aux actes d'entraide et à consulter le dossier (al. 1). Cette présence peut également être admise si elle permet de faciliter considérablement l'exécution de la demande ou la procédure pénale étrangère (al. 2). L'autorité d'exécution statue sur le droit des personnes étrangères qui participent à la procédure de poser des questions et de demander des suppléments d'enquête (art. 26 al. 2 OEIMP). Lorsque l'autorité requérante requiert expressément la présence de ses enquêteurs, on peut en général présumer que celle-ci est propre à faciliter l'exécution de la demande.
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4.2 Lorsqu'elle autorise la présence d'enquêteurs étrangers, l'autorité d'exécution doit prendre des mesures concrètes afin de s'assurer que cette présence n'aura n'a pas pour effet de porter à la connaissance des autorités de l'Etat requérant des éléments de preuve, touchant au domaine secret, qu'elles ne pourraient obtenir qu'après le prononcé d'une décision de clôture définitive (art. 65a EIMP). Lors d'une perquisition, cela implique notamment l'interdiction de remettre directement les documents saisis ou d'en lever copie (ATF 128 II 211 consid. 2.1 et la jurisprudence citée).
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4.3 Ces exigences paraissent avoir été respectées dans le cas particulier. Il n'est en effet pas prétendu que des documents ou tout autre moyen de preuve soient parvenus à l'autorité requérante avant le prononcé de la décision de clôture. Il est vrai que l'autorité requérante a, le 20 novembre 2002, étendu le cercle des investigations à des sociétés dont elle ignorait l'existence avant la perquisition. En réponse à l'interpellation des recourants, la DGD a toutefois fait savoir, le 27 janvier 2003, que de nombreux actes d'entraide avaient déjà été effectués depuis 1998 sur l'ensemble du territoire suisse, ainsi que dans d'autres Etats. Il est par conséquent possible que les autorités allemandes aient connu le nom des sociétés en consultant des documents qui lui ont été régulièrement remis. Toutefois, même si l'extension requise se fonde sur des informations des enquêteurs allemands présents lors des actes d'entraide, ces informations ne constituent pas des moyens de preuve, et il n'en résulte aucun préjudice pour les recourants. En effet, comme cela est relevé ci-dessous, l'autorité d'exécution aurait pu, au regard du principe de proportionnalité, étendre spontanément la transmission aux autres sociétés que celles explicitement mentionnées dans la demande. Elle aurait aussi pu attirer l'attention de l'autorité requérante sur l'existence de ces sociétés en procédant à une transmission spontanée propre à permettre une demande complémentaire (art. 67a EIMP). Dans son résultat, l'extension de l'entraide requise n'est donc pas critiquable.
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5.
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Les recourants invoquent ensuite le principe de la proportionnalité. La mission était limitée à X.________ (appartement, véhicules et locaux commerciaux) et à A.________ SA, dans la mesure où ils détenaient des documents concernant le trafic de cigarettes. Or, d'autres sociétés ont des activités dans les mêmes bureaux, soit B.________ SA, D.________ SA et E.________ SA, ainsi que les sociétés personnelles de Y.________; ce dernier s'était opposé, lors de la perquisition, à la saisie des documents n'ayant aucun rapport avec A.________ SA. Le 2 avril 2003, la DGD lui indiquait détenir 154 classeurs qui pouvaient être consultés sur place. Le 8 mai 2003, Y.________ avait constaté, par sondages, que les documents ne concernaient pas tous A.________ SA; aucun tri n'aurait été effectué par l'autorité, et le nombre élevé de documents ne suffirait pas à justifier cette inaction. Invoquant leur droit d'être entendus, les recourants relèvent que la transmission porterait finalement sur 220 classeurs, de sorte que 66 dossiers auraient été soustraits à la consultation. En outre, seule A.________ SA aurait été invitée à participer à la procédure, alors que de nombreuses autres sociétés étaient concernées. Chaque recourant présente ensuite ses propres objections à la transmission des documents qui le concernent.
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5.1 Les griefs formels apparaissent manifestement mal fondés. La décision d'entrée en matière n'a certes été notifiée qu'à A.________ SA, par son mandataire, en raison du fait que cette société est la principale utilisatrice des locaux, et que les recherches sont essentiellement dirigées à son encontre. Cela n'a pas empêché les autres personnes physiques et morales d'intervenir si elles le jugeaient nécessaire, puisque l'administrateur unique de A.________ SA est également administrateur de chacune des autres sociétés. Celles-ci ont ainsi eu connaissance de la décision d'entrée en matière, et pouvaient demander qu'elle leur soit notifiée personnellement, et requérir le droit d'intervenir dans la procédure, notamment en participant au tri des pièces. Le mandataire de A.________ SA est d'ailleurs systématiquement intervenu au nom de l'ensemble des sociétés; celles-ci ne sauraient donc prétendre avoir été indûment privées de leur droit de participer à la procédure. Par ailleurs, s'il existe une différence entre le nombre de dossiers mentionnés dans l'invitation à participer au tri du 2 avril 2003, et ceux qui font finalement l'objet de la transmission, cela est dû au fait que des documents sur support informatique ont été par la suite imprimés; ces pièces n'ont pas été soustraites à la consultation.
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5.2 Les recourants reprochent à la DGD de n'avoir effectué aucun tri sérieux des documents saisis. Lors de la consultation du 8 mai 2003, Y.________ avait constaté que de nombreux documents ne concernaient pas uniquement A.________ SA, et qu'une consultation intégrale pourrait durer plusieurs jours.
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5.2.1 La participation du détenteur au tri des pièces dont l'autorité d'exécution envisage la transmission à l'Etat requérant découle en premier lieu de son droit d'être entendu (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p. 262). Elle est aussi nécessaire pour assurer le respect du principe de la proportionnalité, qui interdit la remise en vrac des documents et informations recueillis. Pour effectuer le tri indispensable, l'autorité d'exécution doit s'appuyer sur le détenteur. Celui-ci, en vertu du principe de la bonne foi régissant les rapports mutuels de l'Etat et des particuliers (art. 5 al. 3 Cst.), est tenu de coopérer avec l'autorité d'exécution afin de prévenir le risque de violation du principe de la proportionnalité (ATF 127 II 151 consid. 4c/aa p. 155/156; 126 II 258 consid. 9b/aa p. 262). Puisqu'il connaît mieux que personne le contenu des documents saisis, il lui incombe d'indiquer à l'autorité d'exécution les pièces qu'il n'y aurait pas lieu de transmettre selon lui, ainsi que les motifs précis qui commanderaient d'agir de la sorte (ATF 126 II 258 consid. 9c p. 264). Il ne suffit pas d'affirmer péremptoirement qu'une pièce est sans rapport avec l'affaire; une telle assertion doit être étayée avec soin (ATF 126 II 258 consid. 9c p. 264). L'obligation de coopérer avec l'autorité d'exécution s'impose au détenteur dès le stade de l'exécution de la demande. Est incompatible avec le principe de la bonne foi le procédé consistant à abandonner le tri des pièces à l'autorité d'exécution, sans lui prêter aucun concours, pour lui reprocher après coup d'avoir méconnu le principe de la proportionnalité (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p. 262). Le droit d'être entendu est assorti d'un devoir de coopération, dont l'inobservation est sanctionnée par le fait que le détenteur ne peut plus soulever devant l'autorité de recours les arguments qu'il a négligé de soumettre à l'autorité d'exécution (ATF 126 II 258 consid. 9b p. 262-264).
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5.2.2 En l'occurrence, force est de constater que les recourants n'ont guère satisfait à l'obligation de collaboration qui leur incombait. L'administrateur s'est rendu sur place, pour constater que les documents saisis étaient trop nombreux pour être examinés et triés. Même si le nombre de pièces saisies est particulièrement important, ce sont les recourants qui en connaissaient le mieux la teneur, de sorte qu'il ne se justifiait pas de déroger à la procédure habituelle. Les recourants ne pouvaient donc se contenter d'une attitude passive, et attendre que l'autorité d'exécution effectue une première sélection des documents à transmettre. Même si cela impliquait un travail considérable, il leur appartenait d'effectuer un tri de détail et de présenter une liste de pièces déterminées à la transmission desquelles ils s'opposaient, sur laquelle il aurait appartenu à l'autorité d'exécution de se prononcer. Comme cela est relevé ci-dessous, les affirmations d'ordre général, s'apparentant à une argumentation à décharge, ne sont pas suffisantes dans ce cadre. Il n'y a pas lieu de donner aux recourants une nouvelle occasion pour participer au tri et se déterminer. Cela porterait par ailleurs atteinte au principe de célérité posé à l'art. 17a EIMP. Conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, le refus des recourants de participer à la sélection des documents pertinents les prive du droit de soulever le grief correspondant devant le Tribunal fédéral. Ce dernier n'a pas à opérer lui-même le tri, à la manière d'une autorité de première instance (ATF 126 II 258 consid. 9c p. 264 et la jurisprudence citée). Cela étant, les remarques suivantes peuvent être formulées, en réponse aux objections des recourants.
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5.3 Le principe de la proportionnalité empêche d'une part l'autorité requérante de demander des mesures inutiles à son enquête et, d'autre part, l'autorité d'exécution d'aller au-delà de la mission qui lui est confiée (ATF 121 II 241 consid. 3a). L'autorité suisse requise s'impose une grande retenue lorsqu'elle examine le respect de ce principe, car elle ne dispose pas des moyens qui lui permettraient de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves. Saisi d'un recours contre une décision de transmission, le juge de l'entraide doit lui aussi se borner à examiner si les renseignements à transmettre présentent, prima facie, un rapport avec les faits motivant la demande d'entraide. Il ne doit exclure de la transmission que les documents n'ayant manifestement aucune utilité possible pour les enquêteurs étrangers (examen limité à l'utilité "potentielle", ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371). La jurisprudence admet qu'on peut interpréter une commission rogatoire de manière extensive, s'il apparaît que cela correspond à la volonté de son auteur et permet de prévenir une éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a in fine). Il faut toutefois qu'ainsi comprise, la mission que se reconnaît l'autorité d'exécution satisfasse aux conditions posées à l'entraide judiciaire (même arrêt).
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5.4 La demande d'entraide tend à l'exécution en Suisse du mandat de perquisition et de saisie du 19 avril 2002. Celui-ci autorise la saisie de documents, notamment dans les bureaux de A.________ SA, en rapport avec le trafic de cigarettes. A titre d'exemple, sont visés les papiers à en-tête de sociétés, les contrats, les factures, les bons de livraison et documents douaniers, la correspondance avec les expéditeurs, transporteurs, entreposeurs et commerçants de tabac, ainsi que les documents bancaires et quittances concernant les achats et ventes de cigarettes. La mission est ainsi définie de manière très large; si elle mentionne la société A.________ SA, en raison des liens entre X.________ et Z.________, elle envisage aussi la participation de très nombreuses autres sociétés.
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5.4.1 Il est admis que A.________ SA a été active dans le domaine de l'import-export du tabac, de 1992 à 1998, sous la direction de X.________. Par la suite, elle serait devenue active dans le secteur immobilier sous l'administration de Y.________. Ce dernier aurait procédé à l'installation de cinq ordinateurs, ce qui expliquerait l'apparition de son nom sur les nombreuses copies-écran effectuées. Compte tenu de la présence de plusieurs sociétés et des activités de Y.________, il serait normal que les documents saisis soient de diverses natures, ce qui n'empêchait pas un tri correct. De nombreux documents - dont certains sont mentionnés à titre d'exemples - seraient sans aucun rapport avec le trafic de tabac, A.________ SA n'ayant plus d'activité dans ce domaine depuis 1998. Les documents relatifs à l'activité immobilière devraient être écartés de la transmission.
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La DGD relève que les documents de A.________ SA étaient déjà mélangés avec ceux des autres sociétés avant la perquisition. Cela serait dû au fait que Y.________ utilisait le nom ou l'adresse de A.________ SA pour ses propres affaires, et que la correspondance des autres sociétés était aussi faite par l'entremise de A.________ SA. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à l'autorité d'exécution d'avoir laissé les documents dans l'ordre dans lequel ils ont été trouvés. A priori, les documents concernant les activités déployées ultérieurement par la société ne paraissent pas relever du commerce du tabac. Toutefois, l'autorité requérante dispose d'un intérêt à connaître la reconversion éventuelle d'une personne morale qu'elle soupçonne. On ne saurait en effet exclure que le produit d'un trafic illicite puisse avoir été utilisé dans le cadre de cette nouvelle activité. Quant à l'utilisation du nom ou de l'adresse de cette société par d'autres, elle est révélatrice d'un mode d'utilisation que l'autorité requérante est intéressée à connaître. Même si elle procède d'une légère extension de l'entraide requise, la transmission de l'ensemble des documents concernant A.________ SA n'est pas disproportionnée.
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5.4.2 C.________ SA et E.________ SA relèvent qu'elles ne sont pas mentionnées dans la demande d'entraide, et soutiennent que leur activité serait parfaitement régulière. Il ressort des extraits de registre du commerce que le but social de C.________ SA était l'importation et l'exportation de toute marchandise, principalement dans le secteur du tabac. E.________ SA expose qu'elle a été fondée pour gérer et exploiter un immeuble à Genève, mais son but social est également "le commerce, importation et exportation, courtage et représentation de matières premières". Compte tenu des rapports étroits entre ces deux sociétés, l'intérêt présenté à leur égard par l'autorité requérante n'apparaît pas injustifié.
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5.4.3 Comme cela est relevé ci-dessus, les documents relatifs à D.________ SA et B.________ SA ne font pas l'objet de la décision de clôture. Les griefs soulevés à cet égard sont par conséquent sans objet.
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5.4.4 Pour l'ensemble des autres documents, l'argumentation des recourants consiste à se prétendre étrangers aux agissements poursuivis. Il existe toutefois certains rapports entre les personnes concernées et la société A.________ SA. Or, l'autorité requérante désire être renseignée sur toutes les relations, écrans et prête-noms, qui ont pu être utilisés, ce qui suffit à justifier la transmission contestée.
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Le grief relatif au principe de la proportionnalité doit par conséquent être écarté.
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6.
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Les recourants se plaignent enfin de ce que le principe de la spécialité ne soit pas expressément rappelé dans la décision de clôture, alors que les fonctionnaires étrangers ont déjà eu accès à des informations.
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Comme le rappelle la DGD, le principe de la spécialité fera l'objet d'un rappel lors de la transmission des documents par l'OFJ, selon la formule habituellement utilisée. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs relevé, dans son arrêt du 27 novembre 2000, que cette réserve n'avait pas à figurer dans la décision de clôture proprement dite, en particulier lorsque l'autorité requérante a déjà donné des assurances à ce propos. Tel est le cas en l'espèce: dans son complément du 19 avril 2002, le Parquet d'Augsbourg a répété les assurances qu'il avait déjà données auparavant, conformément à l'art. 34 al. 1 in initio OEIMP.
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7.
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Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge des recourants.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des recourants.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants et à la Direction générale des douanes ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section de l'entraide judiciaire internationale.
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Lausanne, le 11 novembre 2003
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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