BGer 1P.211/2003 |
BGer 1P.211/2003 vom 08.08.2003 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1P.211/2003 /col
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Arrêt du 8 août 2003
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Fonjallaz.
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Greffier: M. Jomini.
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Parties
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la société P.________,
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recourante, représentée par Me Benoît Bovay, avocat, case postale 3673, 1002 Lausanne,
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contre
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Z.________,
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intimé,
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Municipalité de Vich, 1267 Vich, représentée par
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Me Raymond Didisheim, avocat, place St-François 7, case postale 3640, 1002 Lausanne,
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Tribunal administratif du canton de Vaud,
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avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
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Objet
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autorisation de construire,
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recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 28 février 2003.
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Faits:
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A.
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Z.________ est propriétaire de la parcelle n° 172 du registre foncier, sur le territoire de la commune de Vich. Une halle industrielle se trouve sur ce terrain, classé dans la zone industrielle du lieu-dit "Les Gaudenies".
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Le 13 septembre 2001, Z.________ a déposé une demande d'autorisation de construire en vue d'une transformation de la halle existante, pour y créer des entrepôts, des dépôts-ateliers et une surface de vente. Une partie du bâtiment est réservée à un entrepôt et commerce de meubles exotiques, avec atelier de montage; l'autre partie comprend un entrepôt - loué à l'office des poursuites de Nyon-Rolle-Aubonne, qui l'utilise comme dépôt - ainsi que deux ateliers.
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Au cours de l'enquête publique, la société anonyme P.________, propriétaire d'un terrain voisin dans la même zone industrielle, a formé opposition. Elle a fait valoir que le projet n'était pas conforme à l'affectation de la zone.
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Le 25 avril 2002, la Municipalité de la commune de Vich a statué sur la demande d'autorisation de construire et elle a rejeté l'opposition de P.________. Cette société a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud.
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B.
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Le Tribunal administratif a rendu son arrêt le 28 février 2003. Il a rejeté le recours et confirmé la décision municipale. En substance, il a considéré que d'après la définition de la zone industrielle à l'art. 35 du règlement communal sur le plan d'extension et la police des constructions (RPE), l'aménagement d'un commerce destiné essentiellement à la vente de mobilier n'était pas conforme à l'affectation de cette zone; néanmoins, en vertu du principe de l'égalité de traitement et conformément à la pratique municipale aux "Gaudenies", l'autorisation litigieuse pouvait être délivrée pour l'ensemble du projet.
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C.
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Agissant par la voie du recours de droit public, P.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Invoquant les art. 8 et 29 Cst., elle se plaint d'une violation du principe de l'égalité dans l'application du droit communal des constructions ainsi que de violations du droit d'être entendu (ou déni de justice formel).
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La Municipalité de Vich conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
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Le Tribunal administratif propose le rejet du recours.
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Z.________ n'a pas déposé de réponse au recours.
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D.
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Par ordonnance du 9 mai 2003, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif présentée par la recourante.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48, 177 consid. 1 p. 179 et les arrêts cités).
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1.1 La qualité pour agir par la voie du recours de droit public est définie à l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. Le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserver des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 129 I 113 consid. 1.2 p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43 consid. 1a p. 44 et les arrêts cités).
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D'après la jurisprudence concernant la recevabilité du recours de droit public formé par le propriétaire foncier voisin qui conteste l'octroi d'une autorisation de construire en dénonçant une application arbitraire (cf. art. 9 Cst.) ou contraire à l'égalité de traitement (cf. art. 8 al. 1 Cst.) de la réglementation en matière d'aménagement du territoire ou de police des constructions, le recourant doit, pour satisfaire aux exigences de l'art. 88 OJ, invoquer la violation d'une norme du droit cantonal ou communal tendant, au moins accessoirement, à la protection de ses intérêts de propriétaire voisin; il conteste en effet une autorisation délivrée à un tiers et non pas le refus, éventuellement discriminatoire, d'une autorisation qu'il aurait lui-même requise. Dans cette situation, l'intérêt juridiquement protégé ne peut pas résulter des seuls principes des art. 8 al. 1 Cst. et 9 Cst. (cf. ATF 129 I 113 consid. 1.5 p. 118; 126 I 81 consid. 2a et 3b p. 84 s.; à propos plus spécialement du recours du voisin: ATF 127 I 44 consid. 2c p. 46; 125 II 440 consid. 1c p. 442; 118 Ia 232 consid. 1a p. 234 et les arrêts cités).
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Lorsqu'un recourant se plaint de la violation d'une garantie de procédure qui équivaut à un déni de justice formel, l'intérêt juridiquement protégé peut alors résulter non pas d'une norme appliquée au fond, mais du droit de participer à la procédure. Ainsi, même s'il ne satisfait pas aux exigences de l'art. 88 OJ pour contester sur le fond la décision attaquée, le recourant qui avait qualité de partie en procédure cantonale peut se plaindre de la violation des droits formels que lui reconnaît la législation cantonale ou qui sont garantis directement par la Constitution (ATF 129 II 297 consid. 2.3 p. 301; 126 I 81 consid. 3b p. 86 et les arrêts cités).
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1.2 La contestation porte principalement sur la possibilité d'aménager, dans le hangar litigieux, un commerce dont l'activité principale est l'entreposage et la vente de mobilier importé, les travaux d'assemblage et de finition ayant un caractère accessoire. Sur le fond, la recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir refusé d'appliquer de manière stricte l'art. 35 RPE et d'avoir, sur la base de considérations relatives à l'égalité de traitement, confirmé l'autorisation parce qu'elle correspondait à une pratique communale constante dans la zone industrielle en cause.
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Aux termes de l'art. 35 al. 1 RPE, la zone industrielle "est destinée aux activités professionnelles de type industriel qui s'exercent dans des constructions appropriées telles que par exemple: fabriques, ateliers, entrepôts, y compris les services administratifs qui leur sont attachés". En définissant ainsi l'affectation de cette zone, l'auteur du règlement entendait fixer les conditions d'urbanisation des terrains concernés sans viser à la protection des voisins: en effet, dans la définition générale des constructions admises et dans la liste non exhaustive des établissements conformes, on ne voit pas de restrictions - en matière de nuisances, de conception ou de forme des bâtiments, etc. - qui seraient destinées à protéger les voisins. Aussi le propriétaire d'une parcelle adjacente qui se plaint d'une violation de l'art. 35 RPE ou d'un refus d'appliquer strictement cette disposition n'est-il pas fondé à se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 88 OJ; peu importent de ce point de vue les motifs pour lesquels le Tribunal administratif a considéré que cette norme communale n'empêchait pas la réalisation du projet litigieux (cf. également à ce propos la décision non publiée de la Ire Cour de droit public du 3 février 2003 dans la cause 1P.428/2002, P.________ c. Vich, consid. 5). Dans cette mesure, le recours de droit public est irrecevable.
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1.3 La recourante critique le raisonnement du Tribunal administratif qui, s'agissant de la partie du bâtiment litigieux utilisée par un office des poursuites, s'abstient d'examiner si cette utilisation est conforme à l'art. 35 RPE et se borne à considérer qu'elle est compatible avec la pratique municipale dans la zone industrielle. D'après la recourante, en laissant ouverte cette question, la juridiction cantonale aurait commis un déni de justice formel.
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Par ce grief, la recourante s'en prend à la motivation de l'arrêt attaqué au sujet du contrôle de la conformité d'une partie du bâtiment litigieux à l'affectation de la zone. Cette question est indissociable du fond, à savoir la contestation au sujet de l'application de l'art. 35 RPE. C'est pourquoi le recours de droit public est dans cette mesure également irrecevable.
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1.4 La recourante se plaint enfin d'une violation du droit d'être entendu, au sens de l'art. 29 al. 2 Cst., car le Tribunal administratif a appliqué les critères jurisprudentiels relatifs à la continuation d'une pratique illégale pour des motifs d'égalité, sans toutefois informer préalablement les parties qu'il allait retenir cette argumentation juridique nouvelle. En tant que la contestation porte sur cette question formelle, la recourante satisfait aux exigences de l'art. 88 OJ (cf. supra, consid. 1.1 in fine). Il y a donc lieu, dans cette mesure, d'entrer en matière.
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2.
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Le droit d'être entendu garantit à toute personne qui est partie à une procédure le droit d'être informée et entendue avant qu'une décision ne soit prise à son détriment. Si cette règle s'applique en principe sans restriction pour les questions de fait, il est admis que, pour ce qui est de la qualification juridique de ceux-ci, elle vaut dans l'hypothèse où une partie change inopinément son point de vue juridique ou lorsque l'autorité a l'intention de s'appuyer sur des arguments juridiques inconnus des parties et dont celles-ci ne pouvaient prévoir l'adoption (ATF 128 V 272 consid. 5b/bb p. 278; 124 I 49 consid. 2c p. 52; 115 Ia 94 consid. 1b p. 96 et les arrêts cités).
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Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a invoqué le principe d'égalité pour s'inspirer d'une pratique communale d'autorisation dans la zone industrielle concernée, au détriment d'une application stricte de l'art. 35 al. 1 RPE. La recourante, propriétaire d'un terrain dans cette même zone, ne pouvait pas raisonnablement ignorer cette pratique et, partant, elle ne devait pas trouver imprévisible ou surprenante l'argumentation juridique de la Cour cantonale. Il s'ensuit que, même si elle n'a pas été préalablement interpellée à ce sujet, son droit d'être entendue n'a pas été violé.
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3.
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Le recours de droit public doit en conséquence être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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La recourante, qui succombe, doit payer l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 al. 1 et 2 OJ). La commune de Vich, qui a mandaté un avocat pour la représenter et qui ne dispose pas d'une infrastructure administrative et juridique suffisante pour plaider sans l'assistance d'un conseil, a droit à des dépens, à la charge de la recourante (art. 159 al. 1 et 2 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours de droit public est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Sont mis à la charge de la société anonyme P.________:
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2.1 Un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
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2.2 Une indemnité de 1'000 fr, à payer à la commune de Vich, à titre de dépens.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la recourante et de la commune de Vich, à l'intimé Z.________ et au Tribunal administratif du canton de Vaud.
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Lausanne, le 8 août 2003
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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