BGE 107 V 214
 
50. Extrait de l'arrêt du 9 octobre 1981 dans la cause Office fédéral des assurances sociales contre Cuendet et Commission fédérale de recours en matière d'AVS-AI pour les personnes résidant à l'étranger
 
Regeste
Art. 39 Abs. 1 IVG und Art. 42 Abs. 5 AHVG.
- Die Ehefrau eines gemäss Art. 1 Abs. 1 lit. b AHVG obligatorisch versicherten Schweizer Bürgers im Ausland kann in Anwendung von Art. 42 Abs. 5 AHVG auch eine ausserordentliche Rente beziehen. Soweit die Rz 600 der Wegleitung über die Renten das Gegenteil bestimmt, ist sie nicht gesetzeskonform (Erw. 3, 4).
 


BGE 107 V 214 (215):

Extrait des considérants:
L'art. 42 al. 5 LAVS dispose que les épouses de ressortissants suisses à l'étranger obligatoirement assurés qui, en vertu d'un traité bilatéral ou de l'usage international, sont exceptés de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité de l'Etat dans lequel ils résident ("der Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung ihres Wohnsitzstaates nicht angehören", "che non appartengono ... all'assicurazione per la vecchiaia, i superstiti e l'invalidità dello Stato di domicilio") sont assimilées aux épouses de ressortissants suisses domiciliées en Suisse.
Le Tribunal fédéral des assurances n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur la portée de cette dernière règle légale, dont l'Office fédéral des assurances sociales entend limiter l'application aux seules épouses de ressortissants suisses qui travaillent à l'étranger pour le compte d'un employeur en Suisse par lequel ils sont rémunérés et qui sont donc obligatoirement assurés en vertu de l'art. 1 al. 1 let. c LAVS, excluant en revanche les épouses de ressortissants suisses domiciliés à l'étranger mais travaillant en Suisse, dont l'affiliation obligatoire à l'AVS suisse découle de l'art. 1 al. 1 let. b LAVS (voir les Directives concernant les rentes, éd. 1971 et 1980, ch. m. 600).
b) La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Toutefois, si le texte n'en est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il y a lieu de rechercher quelle est la

BGE 107 V 214 (216):

véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment du but de la règle, de son esprit ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose. Le sens qu'elle prend dans son contexte est également important. En outre, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution; en effet, si le Tribunal fédéral ne peut examiner la constitutionnalité des lois fédérales (art. 113 al. 3 Cst.), on présume que le législateur ne propose pas de solutions contraires à la Constitution, à moins que le contraire ne résulte clairement de la lettre ou de l'esprit de la loi (voir par exemple ATF 105 Ib 53 consid. 3a et les arrêts cités).
Par ailleurs, la Cour de céans, si elle est liée par la loi, s'écarte exceptionnellement de celle-ci lorsque son interprétation littérale conduirait à des résultats manifestement insoutenables, qui contrediraient la véritable intention du législateur (ATF 105 V 47, ATF 101 V 190 consid. 5 et les arrêts cités).
3. a) On ne saurait affirmer que le texte de l'art. 42 al. 5 LAVS n'est pas absolument clair et qu'il souffre d'être interprété de diverses manières. Or, si l'on s'en tient à la lettre de cette disposition, force est de constater que Colette Cuendet devait être réputée domiciliée en Suisse et n'avait pas perdu son droit à une rente extraordinaire pendant la période litigieuse. En effet, elle était l'épouse d'un ressortissant suisse domicilié en France qui n'était pas assujetti à l'AVS-AI française (art. 7 al. 1 de la Convention franco-suisse de sécurité sociale du 3 juillet 1975, en vigueur depuis le 1er novembre 1976; voir, pour la période antérieure, ATF 106 V 65); et lui-même était obligatoirement assuré à l'AVS-AI suisse, comme l'exige l'art. 42 al. 5 LAVS sans préciser à quel titre cette affiliation doit intervenir.
b) Reste à examiner si la solution ressortant d'une interprétation littérale de la loi conduit à des résultats si choquants que l'on doive en déduire qu'il n'a pu entrer dans l'intention du législateur de lui conférer un tel sens.
L'Office fédéral des assurances sociales invoque divers arguments à l'appui de sa thèse selon laquelle l'art. 42 al. 5 LAVS ne doit pas s'appliquer aux épouses de ressortissants suisses domiciliés à l'étranger qui sont obligatoirement assurés en Suisse en vertu de l'art. 1 al. 1 let. b LAVS.
aa) L'art. 42 al. 5 LAVS a été introduit dans la loi par la loi fédérale du 15 octobre 1967 modifiant la LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 1968. Dans son message du 27 février 1967 à l'appui

BGE 107 V 214 (217):

du projet de loi, le Conseil fédéral justifiait comme suit cette innovation:
"L'épouse d'un Suisse à l'étranger assuré ne peut obtenir le bénéfice d'une rente personnelle que si elle a elle-même cotisé à l'AVS.
Si tel n'est pas le cas, elle ne peut pas prétendre une rente extraordinaire, vu que celle-ci n'est servie qu'en Suisse. Ainsi que l'a constaté la commission d'experts, cette réglementation est trop rigoureuse à l'égard des épouses de Suisses à l'étranger affiliées à l'assurance obligatoire, étant donné qu'en général ces épouses ne bénéficient pas non plus de prestations de la part d'assurances sociales étrangères.
L'innovation proposée prévoit de créer pour cette catégorie de femmes un domicile fictif en Suisse. De la sorte, une rente extraordinaire de l'AVS-AI pourra être versée notamment aux femmes dont le mari appartient au personnel diplomatique et consulaire, aux épouses des fonctionnaires des chemins de fer fédéraux et des douanes, ainsi que des employés d'entreprises privées suisses (telles que la Swissair)." En allemand: "Der Anspruch auf ausserordentliche AHV- und IV-Rente wird so vor allem den Ehefrauen des diplomatischen und konsularischen Personals, ferner den Ehefrauen von SBB- und Zollbeamten sowie von Arbeitnehmern privater schweizerischer Unternehmen (Swissair usw.) zugänglich gemacht" (FF 1967 I p. 727, BBl 1967 I. S. 698).
D'après l'Office fédéral des assurances sociales, l'emploi de l'adverbe "notamment" à la dernière phrase résulterait d'une erreur de traduction; le texte allemand refléterait plus fidèlement la pensée de l'auteur du message en énumérant le cercle des bénéficiaires de façon exhaustive. Cet argument est manifestement infondé. Il apparaît, au contraire, que les deux versions linguistiques concordent rigoureusement, le caractère prétendument exhaustif de l'énumération du Conseil fédéral ne pouvant ressortir de l'expression "vor allem" utilisée dans la version allemande du message cité.
Au demeurant, un examen de l'ensemble des travaux préparatoires démontre que l'interprétation du texte légal proposée par l'Office fédéral des assurances sociales ne correspond pas à la volonté du législateur. C'est, en fait, à la suite d'une intervention longuement motivée du représentant du Département politique fédéral devant la commission d'experts qu'il fut décidé de proposer diverses innovations destinées à améliorer la situation des Suisses de l'étranger dans l'AVS/AI. S'agissant plus spécialement de l'octroi de rentes extraordinaires aux épouses de ressortissants suisses à l'étranger, on mentionna certaines catégories de fonctionnaires (personnel diplomatique, employés des CFF) ou certaines professions (employés de Swissair) à titre d'exemples (procès-verbal de la séance de la Commission fédérale d'experts pour la révision de l'assurance-invalidité des 1-3 février 1966,

BGE 107 V 214 (218):

pp. 59 ss., plus spécialement pp. 63-64). Il est vrai que, dans la discussion qui suivit cette intervention, un fonctionnaire de l'Office fédéral des assurances sociales émit l'opinion qu'une modification s'imposait en faveur des épouses de ressortissants suisses à l'étranger obligatoirement assurés en vertu de l'art. 1 al. 1 let. c LAVS (loc.cit. p. 65). Mais le rapport des experts du 1er juillet 1966 ne contient pas une telle restriction (pp. 25 et 143; voir également RCC 1966 pp. 417-418).
Il n'en fut pas question non plus lors de la suite des travaux préparatoires et des débats parlementaires. Les cas concrets cités le furent toujours à titre d'exemples seulement (ainsi: procès-verbal de la Commission du Conseil national du 29 août 1976, pp. 33-34, NAEF; BO 1967 CE 230, DANIOTH; BO 1967 CN 443, WEIBEL, WYLER). Contrairement à ce qu'affirme l'Office fédéral des assurances sociales, on ne peut donc discerner dans les travaux préparatoires de la loi un appui à la thèse qu'il soutient.
bb) En second lieu, l'Office fédéral des assurances sociales fait valoir que l'exception prévue à l'art. 42 al. 5 LAVS ne devrait profiter qu'aux épouses de ressortissants suisses à l'étranger qui ont conservé un lien étroit avec l'assurance et les institutions suisses. Mais il est évident que cette condition est aussi bien remplie par l'assuré suisse qui exerce son activité lucrative dans notre pays, tout en étant domicilié à l'étranger, que par celui qui travaille à l'étranger, fût-ce pour le compte d'un employeur suisse. Cela ne justifie donc nullement une différence de traitement entre les épouses de ces deux catégories d'assurés obligatoires.
cc) L'argument selon lequel une application moins restrictive de l'art. 42 al. 5 LAVS introduirait une discrimination supplémentaire à l'égard des épouses des ressortissants suisses à l'étranger affiliés à l'assurance facultative n'est guère mieux fondé. Cette discrimination a été voulue par le législateur, qui a expressément limité le privilège du "domicile fictif" aux épouses des assurés obligatoires (voir BO 1967 CN 443, Weibel, qui déclarait:
"In der Kommission ist die Frage aufgeworfen worden ..., ob eine entsprechende Begünstigung nicht auch Ehefrauen von freiwillig versicherten Auslandschweizern eingeräumt werden sollte. Die Kommission war jedoch der Meinung, dass dieses Problem im Rahmen der 7. AHV-Revision einer besonderen Prüfung bedarf"; voir aussi rapport de la Commission fédérale d'experts pour la révision de l'assurance-invalidité du 1er juillet 1966, pp. 25 et 143).


BGE 107 V 214 (219):

Le juge ne peut que prendre acte de cette volonté, même si elle aboutit effectivement à une différence de traitement qui peut sembler contestable (mais qui existerait sous une autre forme, si l'on adoptait la solution de l'Office fédéral des assurances sociales).
dd) Il faut enfin rejeter l'argument selon lequel, du moment qu'une interprétation restrictive a prévalu dans la jurisprudence ayant trait à la qualité ou au défaut de qualité d'assurées des épouses de ressortissants suisses à l'étranger obligatoirement assurés (voir par exemple ATF 104 V 121, RCC 1981 p. 318), il devrait en aller de même pour définir la portée de l'art. 42 al. 5 LAVS. En effet, la disposition d'exception que constitue l'art. 42 al. 5 LAVS est rédigée en termes si clairs qu'une interprétation autre que littérale n'est pas possible, on l'a vu plus haut. Si le résultat auquel cette dernière conduit n'était pas satisfaisant, aux yeux du législateur, c'est à ce dernier qu'il incomberait de modifier l'ordre légal.
ee) Force est donc de constater que rien ne s'oppose à une interprétation littérale de l'art. 42 al. 5 LAVS.