BGE 105 V 176
 
41. Arrêt du 8 octobre 1979 dans la cause Honrado contre Caisse-maladie et accidents de la Société suisse des hôteliers "Hotela" et Tribunal des assurances du canton de Vaud
 
Regeste
Art. 12-12ter KUVG.
 
Sachverhalt


BGE 105 V 176 (176):

A.- Victoria Lopez, née en 1943, décédée le 4 juillet 1978 après avoir été mariée à Francisco Honrado, était assurée de son vivant auprès de la Caisse-maladie de la Société suisse des hôteliers (Caisse Hotela) pour les soins médicaux et pour une indemnité journalière. Atteinte d'une grave affection cardiaque, elle dut cesser totalement le travail le 10 septembre 1975 pour ne jamais le reprendre. La caisse précitée lui versa l'indemnité assurée jusqu'au 30 avril 1976. Elle refusa de le faire au-delà de cette date, invoquant l'attitude de la prénommée, qui n'entendait alors pas se soumettre à une opération qu'elle jugeait trop dangereuse et trop aléatoire. La caisse précitée ne rendit pas de décision formelle dans ce sens; elle informa l'intéressée de ses intentions par simple lettre du 14 mai 1976, confirmée le 23 août 1976 après que l'intéressée eut été examinée par le professeur R.
B.- Victoria Lopez protesta le 15 décembre 1976 auprès du Tribunal des assurances du canton de Vaud contre la suspension de son droit aux indemnités journalières. Elle soutenait qu'on ne pouvait pas sanctionner ainsi son refus de se soumettre à une intervention chirurgicale telle que celle qui lui avait été conseillée (remplacement de la valve aortique par

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une prothèse; ouverture du rétrécissement mitral ou même remplacement de la valve mitrale en cas d'atteinte trop grave; mise en place éventuelle d'une prothèse supplémentaire en raison d'une lésion tricuspidienne secondaire).
Après avoir pris l'avis du professeur R. qui estimait qu'en juillet 1976 l'opération susmentionnée comportait un risque d'échec ne dépassant "guère 4% et encore" et qu'elle présentait 20 à 40% de chances pour une reprise complète du travail ainsi que 70 à 90% de chances pour une reprise à quelque 50%, le Tribunal des assurances du canton de Vaud entra en matière et admit partiellement le recours le 13 avril 1978: il reconnut à l'intéressée le droit aux pleines indemnités jusqu'au 31 décembre 1976, et aux indemnités réduites de 50% dès le 1er janvier 1977. Les premiers juges ont considéré en bref: qu'un refus ou une réduction des prestations peuvent être opposés à un assuré qui n'entend pas se prêter à une opération à laquelle on peut raisonnablement exiger qu'il se soumette, cela même en l'absence de disposition statutaire le prévoyant expressément, en application du principe général du droit des assurances qui prescrit au lésé de contribuer à l'atténuation du dommage; que l'intervention chirurgicale conseillée ne présentait qu'un risque "faible à modéré", en juillet 1976, et était par conséquent exigible au regard du résultat attendu de cette opération; que, si celle-ci avait été effectuée, l'assurée n'aurait de toute façon pas pu travailler jusqu'à la fin de 1976; que, dès le 1er juillet 1977, on pouvait tenir pour vraisemblable que l'intéressée n'aurait pu exercer qu'une activité de 50%, l'octroi dès cette date de prestations réduites dans cette mesure apparaissant par conséquent équitable.
C.- Francisco Honrado a interjeté recours de droit administratif le 19 septembre 1978, après le décès de son épouse. Il conclut au paiement des indemnités non réduites dès février 1978, alléguant que sa femme avait accepté à cette époque de se faire opérer, comme l'établissait le fait qu'elle avait subi des examens préparatoires en mars 1978 déjà.
La caisse intimée conclut au rejet du recours, que l'Office fédéral des assurances sociales propose en revanche d'admettre.
 
Considérant en droit:
1. L'assurée étant décédée, c'est son mari qui a interjeté recours de droit administratif. Il était légitimé à le faire dans

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l'intérêt pécuniaire de la succession (cf. ATF 99 V 58, ainsi que p. ex. l'arrêt du 24 mai 1978 en la cause Zuliani).
2. Le premier titre de la LAMA ne contient aucune disposition enjoignant aux assurés de se soumettre à une mesure thérapeutique apte à réduire le dommage assuré (p. ex. une opération de nature à rendre inutile la poursuite d'un traitement ambulatoire ou à permettre une reprise de l'activité lucrative). Or il s'agit là, comme le relèvent les premiers juges, d'un principe essentiel du droit des assurances, rappelé parfois expressément par la loi: les art. 10 al. 2 et 31 al. 1 LAI prescrivent à l'ayant-droit de faciliter toutes les mesures prises en vue de sa réadaptation à la vie professionnelle, voire de tenter d'améliorer sa capacité de gain de sa propre initiative; les art. 18 al. 3 et 4 ainsi que 39 al. 4 LAM permettent d'exiger d'un patient militaire qu'il se soumette à une intervention apte à entraîner une amélioration notable, ou qu'il accepte un changement d'activité propre à améliorer notablement sa capacité de gain; dans l'assurance-chômage, l'assuré a l'obligation de faire son possible pour trouver par lui-même une activité convenable et d'accepter une telle activité que lui propose l'Office du travail (art. 29 al. 1 let. e et f LAC). Par ailleurs, MAURER (Recht und Praxis der Schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2e édition, 1963, p. 198, note 74a en particulier) admet que ce principe trouve son application dans l'assurance-accidents obligatoire également. Il ne saurait en aller autrement dans l'assurance-maladie, cela même si les dispositions internes d'une caisse ne contiennent aucune règle dans ce sens. La Cour de céans a du reste déjà jugé que certains principes fondamentaux de l'assurance s'imposent aux caisses quelle que soit la teneur de leurs statuts (voir p. ex. ATF 98 V 8, 144, RJAM 1977 No 285, p. 83, en matière de sanctions; ATFA 1967 p. 123, 1968 p. 5, ATF 96 V 8, RJAM 1971 No 113, p. 225, en matière de réserves en cours d'affiliation; RJAM 1973 No 174, p. 126, en matière de compensation; ATFA 1967 p. 5, ATF 101 V 225, RJAM 1971 No 98, p. 123, 1973 No 178, p. 157, 1976 No 252, p. 115, en matière de restitution de l'indu).
3. Il faut dès lors examiner si l'on pouvait exiger de l'assurée qu'elle se soumît à l'intervention chirurgicale qui lui avait été proposée en 1976 et comportait, en juillet de cette année, un risque opératoire que le professeur R. estimait "à 4% et encore". Or, dans d'autres domaines des assurances sociales, le

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Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de juger que l'on ne pouvait pas imposer à un assuré une opération présentant un danger de mort (ATFA 1945 p. 147, en matière d'assurance militaire). Plus récemment, il a considéré que n'était pas exigible l'opération d'une hernie médicalement indiquée, alors qu'une précédente intervention de même nature avait entraîné chez le patient deux embolies pulmonaires dangereuses pour sa vie (ATFA 1965 p. 35, en matière d'assurance-invalidité; cf. art. 31 al. 2 LAI, selon lequel des mesures qui impliquent un risque pour la vie ou la santé ne sont pas raisonnablement exigibles). Dans l'assurance-accidents, MAURER (op. cit., p. 198, en particulier note 75) admet que l'assuré doit se soumettre à une intervention qui, selon l'expérience, n'offre pas de difficultés, ne présente pas un danger pour la vie, entraînera avec certitude ou grande vraisemblance la guérison totale ou une amélioration importante de l'affection et, par là, un accroissement notable de la capacité de gain, et enfin ne provoque pas de souffrances excessives.
On ne peut qu'appliquer ces critères dans le domaine de l'assurance-maladie aussi. Ils conduisent à nier en l'occurrence le caractère exigible de l'opération conseillée à l'assurée, opération dont la gravité, malgré les chances de réussite retenues par le professeur R., est généralement reconnue et dont on ne saurait dire qu'elle n'implique, même faite dans de bonnes conditions, aucun danger pour la vie du patient.
Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre le recours et d'ordonner le versement de l'indemnité journalière non réduite au-delà du 31 décembre 1976 (et non pas seulement dès le 1er février 1978, comme le demande le recourant; cf. art. 132 let. c OJ), sans qu'il soit nécessaire d'examiner encore si les probabilités de récupération de la capacité de travail et de gain eussent permis elles aussi d'imposer la mesure recommandée à l'assurée. Il incombera à la caisse de rendre une nouvelle décision chiffrant les prestations encore dues, au regard notamment de l'art. 12bis al. 3 LAMA.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours est admis et le jugement cantonal, réformé dans le sens que l'assurée a eu droit, de son vivant, aux prestations non réduites de la caisse au-delà du 31 décembre 1976, conformément aux considérants.