BGE 135 IV 180
 
25. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause Ministère public du canton de Vaud contre X. (recours en matière pénale)
 
6B_769/2008 du 18 juin 2009
 
Bemessung der Geldstrafe; Höhe des Tagessatzes; Art. 34 Abs. 2 und Art. 380 StGB.
 
Eine Geldstrafe ist nicht symbolisch, sofern der Tagessatz für mittellose Täter wenigstens 10 Franken beträgt (Präzisierung der Rechtsprechung; E. 1.4).
 
Bedingter Vollzug und stationäre therapeutische Massnahmen; Art. 42 Abs. 1 und Art. 59 StGB.
 
Sachverhalt


BGE 135 IV 180 (181):

Par jugement du 11 janvier 2008, X. a été condamnée pour diverses infractions à une peine privative de liberté de quarante jours avec sursis pendant deux ans. L'exécution de la peine a été suspendue au profit d'un traitement institutionnel, en raison des troubles psychiatriques affectant X.
Saisie d'un recours du Ministère public, la cour de cassation du Tribunal cantonal vaudois l'a admis partiellement. Le jugement précité a été réformé en ce sens qu'une peine pécuniaire de quarante jours-amende à 5 francs l'un a été prononcée, avec sursis pendant deux ans, la décision de première instance étant confirmée pour le surplus.
Le Ministère public du canton de Vaud forme un recours en matière pénale. Il conclut principalement à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que le montant du jour-amende soit fixé à 10 francs et la peine prononcée ferme.
Le Tribunal fédéral a admis le recours et renvoyé la cause pour nouvelle décision.
(résumé)
 
Extrait des considérants:
La quotité du jour-amende doit être fixée conformément au principe du revenu net, soit celui que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, ce qui inclut notamment les prestations d'aide sociale. Le principe du revenu net exige que seul le disponible excédant les frais d'acquisition du revenu soit pris en considération, dans les limites de l'abus de droit. Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait (arrêt précité consid. 6.4.1). Il en va ainsi des obligations d'assistance pour autant que le condamné s'en acquitte

BGE 135 IV 180 (182):

effectivement. Des charges financières extraordinaires peuvent conduire à une réduction lorsqu'elles correspondent à des besoins financiers accrus résultant de la situation de l'auteur et indépendantes de sa volonté (consid. 6.4.4). Le revenu net ainsi défini en droit pénal est le point de départ pour fixer la quotité du jour-amende. Dans ce contexte, le minimum vital mentionné à l'art. 34 al. 2 CP constitue un correctif permettant au juge de s'écarter du principe du revenu net et d'arrêter le jour-amende à un niveau sensiblement inférieur. Pour les condamnés qui vivent en-dessous ou au seuil du minimum vital, le jour-amende doit être réduit dans une mesure telle que, d'une part, le caractère sérieux de la sanction soit rendu perceptible par l'atteinte portée au niveau de vie habituel et que, d'autre part, l'atteinte apparaisse supportable au regard de la situation personnelle et économique. Un abattement du revenu net de la moitié au moins apparaît adéquat à titre de valeur indicative. Pour une peine ferme, ce sont avant tout les facilités de paiement accordées par l'autorité d'exécution (art. 35 al. 1 CP) qui doivent permettre de pallier une charge excessive. Lorsque le nombre des jours-amende est considérable - en particulier au-delà de nonante jours-amende - une réduction supplémentaire de 10 à 30 % est indiquée car la contrainte économique, partant la pénibilité de la sanction, croît en proportion de la durée de la peine. La situation financière concrète est toujours déterminante. La fixation de la quotité du jour-amende dans le cas concret procède d'un pouvoir d'appréciation exercé avec soin.
1.3.1 Selon les constatations de fait de l'arrêt entrepris, le placement de l'intimée en EMS est justifié par les affections psychiques dont elle souffre. Bien que sous cet angle ces frais de placement

BGE 135 IV 180 (183):

puissent être appréhendés comme des charges spécifiques résultant de la situation de l'auteur, les constatations de l'arrêt cantonal ne permettent pas d'examiner si celles-là sont réellement indépendantes de la volonté de l'intimée.
1.3.2 A cet égard, il convient de relever que l'hospitalisation de l'intimée a été prononcée en application de l'ancien art. 43 ch. 1 al. 1 CP par un arrêt du Tribunal d'accusation du canton de Vaud du 23 mai 2000. De plus, par décision du 9 mai 2007, l'Office d'exécution des peines a sommé l'intéressée de rester dans le lieu de vie désigné par l'Office du Tuteur général, ce qui suggère que la mesure en cause était toujours en vigueur. Ce point trouve en outre appui dans les pièces du dossier (cf. art. 105 al. 2 LTF), dont il ressort que selon un arrêt du 31 août 2006, le Tribunal d'accusation du canton de Vaud a maintenu la mesure ordonnée le 23 mai 2000. Il s'ensuit que le placement de l'intimée constitue une mesure au sens de l'ancien art. 43 al. 1 ch. 1 CP qui, depuis le 1er janvier 2007, est exécutée conformément aux dispositions du nouveau droit (ch. 2 al. 1 des dispositions finales de la modification du 13 décembre 2002 du Code pénal suisse). Or, conformément à l'art. 380 CP, en vigueur depuis le 1er janvier 2007, les frais d'exécution des peines et des mesures sont à la charge des cantons (al. 1). Le condamné est astreint à participer aux frais de l'exécution dans une mesure appropriée: par compensation de ceux-ci avec les prestations de travail dans l'établissement d'exécution des peines et des mesures (al. 2 let. a); proportionnellement à son revenu et à sa fortune, s'il refuse d'exécuter le travail qui lui est attribué, bien qu'il satisfasse aux exigences des art. 81 ou 90 al. 3 (al. 2 let. b) CP; par imputation d'une partie du gain qu'il réalise par une activité dans le cadre de la semi-détention, du travail externe ou du travail et logement externe (al. 2 let. b). Les cantons édictent des dispositions afin de préciser les modalités de la participation du condamné aux frais.
En l'espèce, on ignore concrètement si le canton de Vaud a fait usage de cette délégation de compétence. On ignore de même si l'intéressée est susceptible d'être astreinte à un travail au sens de l'art. 380 al. 2 let. b CP, si les travaux effectués en atelier de reliure jusqu'à l'automne 2007 constituent une telle activité, partant si et dans quelle mesure une part des frais en cause doit effectivement être laissée à sa charge ou s'il faut admettre que la prise en compte de ces frais n'est pas entièrement indépendante de sa volonté. Il n'est

BGE 135 IV 180 (184):

dès lors pas possible de déterminer précisément le revenu net de l'intimée. L'arrêt entrepris viole le droit fédéral sur ce point.
1.4.1 La privation de liberté résultant d'une sanction ne peut, par un simple processus de conversion, être comparée à la restriction apportée au standard de vie ainsi qu'aux possibilités de consommation, qui constitue l'essence de la peine pécuniaire (cf. ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3 p. 104). Il est donc vain de chercher, dans une démarche comptable, à chiffrer la valeur d'un jour de privation de liberté. Il n'en demeure pas moins que les restrictions d'ordre matériel imposées par la peine pécuniaire, doivent, pour pouvoir être placées sur pied d'égalité avec les effets d'une peine privative de liberté, être tout au moins sensibles. Un tel résultat ne peut être atteint lorsque le montant du jour-amende n'excède pas quelques francs. La peine apparaît alors d'emblée symbolique. Quelle que soit la situation économique du condamné, l'exécution d'une peine aussi minime n'est pas susceptible d'influencer concrètement et de manière sensible son standard de vie et ses possibilités de consommation. Le cas présent, dans lequel le jour-amende, fixé à cinq francs, ne prive en définitive l'intéressée que d'une part de l'argent de poche dont elle dispose pour se vêtir et se divertir (la couverture de ses besoins vitaux étant, par ailleurs, assurée), illustre parfaitement cette problématique.
1.4.2 On ne peut cependant méconnaître non plus que, dans la fourchette des peines dans laquelle entre en considération la peine pécuniaire, soit jusqu'à trois cent soixante jours, l'exécution des peines privatives de liberté correspondantes n'aboutit, en règle générale, qu'à une privation partielle de la liberté (notamment en cas d'exécution sous forme de semi-détention [art. 77bis CP] ou d'arrêts domiciliaires sous surveillance électronique pour les cantons qui

BGE 135 IV 180 (185):

connaissent cette institution) et n'entraîne pas non plus, sur le plan économique, les conséquences d'une privation de liberté complète (notamment la perte du revenu d'une activité lucrative ou la suspension des prestations d'assurances sociales qui le remplaçaient [cf. art. 21 al. 5 LPGA [RS 830.1]; en matière de prévoyance professionnelle: voir UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 2e éd. 2009, n° 107 ad art. 21 LPGA). Pour cette raison, et afin de conserver une juste proportion entre les différents types de sanctions, les exigences permettant de considérer qu'une peine pécuniaire n'est pas symbolique ne doivent pas être excessivement sévères non plus. Tel n'est plus le cas lorsque le montant du jour-amende atteint la somme de dix francs, en ce qui concerne les auteurs les plus démunis. L'arrêt publié aux ATF 134 IV 60 consid. 6.5.2 p. 72, doit être précisé en ce sens.
2.1 Selon le nouvel article 42 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de cent quatre-vingt jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2). L'octroi du sursis peut également être refusé lorsque l'auteur a omis de réparer le dommage comme on pouvait raisonnablement l'attendre de lui (al. 3). Le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP (al. 4).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il

BGE 135 IV 180 (186):

manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (cf. art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 5 consid. 4.2.1; ATF 128 IV 193 consid. 3a; ATF 118 IV 97 consid. 2b). Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 5 consid. 4.4.2).
2.2 Pour toute motivation, le Tribunal de première instance a exposé qu'un pronostic favorable pouvait être posé "en l'état actuel", les conditions objectives étant, par ailleurs, réalisées. Quant à la cour cantonale, elle a confirmé cette appréciation en relevant en substance, en réponse aux griefs du recourant, que les infractions commises par l'intimée dès avril 2006 ne suffisaient pas à justifier un pronostic défavorable. Les infractions antérieures, commises à une époque où l'irresponsabilité pénale de l'intimée était totale ne pouvaient être prises en considération dans le pronostic. Il ressortait d'un rapport d'expertise du 21 décembre 2007 que l'intimée avait complètement rompu avec ses comportements toxicomaniaques. Elle était tout à fait compliante à ses traitements, tant médicamenteux que psychothérapeutique et éducatif. Elle était bien insérée dans son foyer et une peine de prison aurait menacé l'équilibre atteint. Elle rencontrait régulièrement ses enfants, placés dans une famille d'accueil, avec laquelle elle entretenait de bons contacts et le tribunal de première instance avait de surcroît relevé sa prise de conscience. L'ensemble de ces éléments ne permettait pas de motiver un pronostic défavorable.
2.3 En l'espèce, non seulement le sursis a été octroyé, mais une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP ordonnée. La décision entreprise va même plus loin. Il résulte de son dispositif, qui ne réforme pas le chiffre II de celui de la décision de première instance, que cette mesure doit suspendre l'exécution de la peine pécuniaire prononcée en deuxième instance. Faute de conclusions, ce point ne fait pas l'objet du recours du Ministère public. Il n'est donc

BGE 135 IV 180 (187):

pas nécessaire d'examiner si une telle suspension est conforme au droit fédéral, ce qui est douteux au regard de la formulation de l'art. 57 al. 2 CP, qui ne vise que les peines privatives de liberté (voir en ce sens GÜNTER STRATENWERTH, Strafen und Massnahmen, 2e éd. 2006, § 9 n. 33; MARIANNE HEER, in: Basler Kommentar, Strafrecht, vol. I, 2e éd. 2007, n° 6 ad art. 57 CP et nos 2 et 34 ad art. 63 CP; voir aussi KILLIAS ET AL., Précis de droit pénal général, 3e éd. 2008, n° 1506 et la note de pied 20 p. 264, qui proposent de se référer à l'art. 12 al. 1 de l'ordonnance du 19 septembre 2006 relative au code pénal et au code pénal militaire [O-CP-CPM; RS 311.01], sans exclure non plus l'exécution simultanée de la peine pécuniaire et de la mesure). Quoi qu'il en soit, sous l'empire des anciennes dispositions générales du Code pénal, il était de jurisprudence constante que l'octroi du sursis (ancien art. 41 CP) n'entrait pas en considération si une mesure de sûreté était ordonnée en application des anciens art. 43 ou 44 CP. Comme le prononcé d'une mesure supposait nécessairement l'existence d'un risque de récidive, il était en effet impossible d'appliquer ces dispositions tout en posant un pronostic favorable permettant l'octroi du sursis (cf. STEFAN TRECHSEL, Schweizerisches Strafgesetzbuch [...], Kurzkommentar, 2e éd. 1997, n° 11 ad art. 41 CP). Il n'en va pas différemment en application du nouveau droit. Conformément à l'art. 59 al. 1 let. b CP (qui reprend le principe exprimé par l'art. 56 al. 1 let. a CP) une mesure thérapeutique institutionnelle telle que celle ordonnée en l'espèce ne peut être ordonnée qu'à la condition qu'il soit à prévoir que cette mesure détournera l'auteur de nouvelles infractions en relation avec ce trouble. Il s'ensuit que le prononcé d'une telle mesure, qui suppose un risque de récidive, implique nécessairement un pronostic négatif (SCHWARZENEGGER ET AL., Strafen und Massnahmen, 8e éd. 2007, § 6 n. 2.21 p. 132; MARIANNE HEER, op. cit., n° 118 ad art. 59 CP; voir aussi l'arrêt 6B_268/2008 du 2 mars 2009 consid. 6).
Par conséquent, le prononcé d'une mesure excluait l'octroi du sursis à l'intimée.