BGE 106 IV 134
 
42. Extrait de l'Arrêt de la Cour de cassation pénale du 26 mars 1980 dans la cause D. contre Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public)
 
Regeste
Art. 396 StGB; Begnadigung;
Zur Unterscheidung zwischen Freiheitstrafen und freiheitsentziehenden Massnahmen: Während das Strafmass in erster Linie durch die Schwere der Tat bestimmt wird, hängt der zeitliche Umfang der Massnahme von der Dauer ab, die zur Erreichung des Zweckes der Sanktion erforderlich ist.
2. Art. 100bis StGB regelt eine Massnahme; eine Begnadigung ist daher nicht möglich.
 
Sachverhalt


BGE 106 IV 134 (135):

A.- D. a été condamné le 10 mai 1979 par le Tribunal correctionnel du district de Lausanne pour vol, vol qualifié, tentative et délit manqué de ce crime, dommages à la propriété, violation de domicile, recel, infractions à la LCR et à la LStup. En sa qualité de jeune adulte au moment des faits qui ont justifié sa condamnation, il a fait l'objet d'une mesure de placement en maison d'éducation au travail au sens de l'art. 100bis CP. D. ayant recouru, il a été débouté le 11 octobre 1979 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois.
B.- Renonçant à se pourvoir en nullité au Tribunal fédéral, D. a déposé le 30 novembre 1979 une demande de grâce pour obtenir la remise de la mesure prononcée contre lui. Il a fondé sa requête avant tout sur le fait qu'il s'était mis à travailler régulièrement et qu'il menait une vie normale.
Le 14 décembre 1979, le Conseil d'Etat du canton de Vaud a déclaré la demande de grâce irrecevable pour le motif qu'une telle requête ne peut tendre qu'à la remise d'une peine et non à celle d'une mesure remplaçant la peine. Le placement dans une maison d'éducation au travail au sens de l'art. 100bis CP constituant une telle mesure, la grâce au sens de l'art. 396 CP ne pourrait entrer en considération en l'espèce.
C.- D. forme un recours de droit public. Il fait valoir que la notion de peine au sens de l'art. 396 CP est plus large que ne l'a considéré l'autorité cantonale et qu'elle englobe les placements dans un établissement d'éducation au travail. Il estime en outre que le Conseil d'Etat n'était pas compétent pour trancher une question de droit aussi importante et lourde de conséquences pour le suppliant, dans le cadre de la procédure d'examen préliminaire de l'art. 491 PP. Selon lui, ce ne serait que dans les cas patents que le Conseil d'Etat pourrait écarter définitivement une demande de grâce en la déclarant irrecevable; aussi serait-il arbitraire d'avoir soustrait la demande qu'il avait présentée à l'examen du Grand Conseil.
Le chef du Département de la justice, de la police et des affaires militaires du canton de Vaud a présenté, au nom du Conseil d'Etat du canton de Vaud, des observations dans lesquelles il conclut au rejet du recours de droit public.
 
Considérant en droit:
3. a) Aux termes mêmes de l'art. 396 CP, la grâce ne peut déployer d'effets que sur l'exécution des peines et non celle des

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mesures; ce point de vue sur lequel la jurisprudence n'a pas varié n'est pas combattu en doctrine (SCHULTZ, Introduction, tome I, 3e éd., p. 233; CLERC, loc.cit., p. 100 s. no 4; JAAC 1959/60 p. 198). Le recourant non plus ne soutient pas autre chose puisqu'en réalité il prétend seulement que certaines mesures et notamment celle prévue à l'art. 100bis CP sont assimilables à des peines du point de vue de l'art. 396 CP.
b) Les peines privatives de liberté (réclusion et emprisonnement) sont destinées notamment à exercer sur le détenu une action éducatrice et à préparer son retour à la vie libre (art. 37 al. 1 CP). Ce but ne diffère pas tellement de celui que s'est proposé le législateur en prévoyant le placement des jeunes adultes en maison d'éducation au travail (art. 100bis CP); aussi est-il dans ces cas malaisé de déterminer ce qui distingue objectivement les peines des mesures. Le premier critère qui se présente à l'esprit est fondé sur l'élément qui commandera la durée de la sanction: la peine est avant tout fonction de la gravité de l'infraction et de la culpabilité de l'auteur (art. 63 ss. CP) tandis que la durée de la mesure dépendra au premier chef du temps nécessaire pour amender le détenu (cf. art. 43 ch. 4 al. 1: l'autorité mettra fin à la mesure lorsque la cause en aura disparu; art. 44 ch. 4: Lorsque l'autorité compétente tiendra l'interné pour guéri, elle le libérera).
Si l'on se fonde sur le critère précité, le placement au sens de l'art. 100bis CP se présente nettement comme une mesure et non comme une peine. Non seulement cette mesure est prononcée "au lieu d'une peine" aux termes mêmes de la loi, mais encore sa durée ne dépend-elle nullement de la gravité de l'infraction, mais de la conduite du jeune adulte (cf. art. 100ter CP).
On ne saurait dès lors taxer l'autorité cantonale d'arbitraire pour avoir considéré que la détention du recourant ne constituait pas une peine mais une mesure de sûreté ne pouvant être remise par l'effet de la grâce. Il s'agit là au contraire d'une opinion solidement fondée au regard de la loi.
L'art. 491 PP est pourtant très clair dans son libellé: c'est au

BGE 106 IV 134 (137):

Conseil d'Etat qu'il appartient d'écarter la demande lorsque, partageant l'opinion du Département de justice et police qui la lui transmet, il l'estime irrecevable.
Comme cette disposition en elle-même n'est pas attaquée par le recourant et que rien ne permet de penser que le législateur vaudois a entendu faire des distinctions entre les diverses causes d'irrecevabilité qui pourraient affecter une demande de grâce, on ne saurait considérer que le Conseil d'Etat a fait preuve d'arbitraire en écartant une demande qu'il jugeait - à bon droit si l'on se réfère aux considérants qui précédent - irrecevable.
Par ces motifs le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.