BGE 140 III 349
 
53. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. contre B. SA, Hoirie de feu C., soit: A.C. et B.C. (recours en matière civile)
 
4A_235/2013 du 27 mai 2014
 
Regeste
Art. 1, 18, 698 Abs. 2 Ziff. 2, Art. 710 und 731b Abs. 1 OR; Mangel in der Organisation der Gesellschaft; Statutenbestimmung, die vorsieht, dass die Verwaltungsräte bis zu einer neuen Wahl im Amt bleiben.
 
Sachverhalt


BGE 140 III 349 (350):

A. B. SA, société anonyme sise à X. (Genève), possède un capital-actions de 1'400'000 fr., composé de 1'400 actions nominatives de 1'000 fr.
C., administrateur président, possède 700 actions, A., administrateur vice-président, 699 actions, et D., administrateur secrétaire, détient 1 action à titre fiduciaire pour le compte de A. Les trois administrateurs sont titulaires de la signature collective à deux.
Les statuts de B. SA, dans leur teneur au 28 octobre 2004, dressés par le notaire E., comprennent un art. 15, qui dispose ce qui suit:
    "Le Conseil d'administration se compose d'un ou de plusieurs membres. En règle générale, il est élu lors de l'assemblée générale ordinaire et pour la durée d'une année. Les membres du Conseil d'administration restent en fonction jusqu'à ce que l'assemblée générale ait procédé à une nouvelle élection ou qu'elle les ait reconduits dans leur fonction. La démission ou la révocation demeurent réservées. S'ils remplacent un administrateur en cours de mandat, les nouveaux administrateurs sont élus pour la durée résiduelle du mandat de ceux qu'ils remplacent. Les membres du Conseil d'administration sont rééligibles (...)"
L'assemblée générale ordinaire de B. SA s'est tenue le 26 octobre 2011, en présence de C. et de D., qui représentait en outre A.
En raison d'un conflit majeur opposant les actionnaires de la société, les voix exprimées par C. ont rencontré l'opposition de celles de D. et A., de sorte que le bilan et les comptes de résultat au 31 décembre 2010 n'ont pas été approuvés, le report de la perte d'exercice n'a pas été décidé, les trois administrateurs et l'organe de révision n'ont pas été réélus.
B. Faisant valoir que la société se trouvait dans une situation de carence dans son organisation au sens de l'art. 731b CO, C. a déposé auprès du Tribunal de première instance de Genève, le 4 novembre 2011, une requête dirigée contre la société, concluant à la nomination d'un commissaire pour celle-ci. Il s'est opposé à ce que A. et D. représentent B. SA.
Me Peter Pirkl, avocat, a été nommé en qualité de commissaire afin de représenter B. SA dans la procédure (cf. arrêt 4A_396/2012). Les parties ont alors discuté la question de fond, soit la nécessité de prendre des mesures sur la base de l'art. 731b CO.


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Par acte déposé le 30 août 2012 devant le Tribunal de première instance, A. a déclaré intervenir à titre principal dans la cause. Il a conclu à ce qu'il soit constaté que B. SA était pourvue d'un conseil d'administration valablement constitué au sens de la loi et des statuts, et au déboutement de C. et de B. SA de toutes leurs conclusions.
Par jugement du 10 décembre 2012, le Tribunal de première instance a désigné Me Peter Pirkl en qualité d'administrateur (en vertu de l'art. 731b CO), avec signature individuelle, de B. SA, avec pour mission de trouver des solutions permettant à celle-ci de retrouver un fonctionnement autonome dans sa capacité à désigner ses organes, notamment son conseil d'administration; il a privé de tout droit tout autre administrateur inscrit au registre du commerce et limité la durée de la mesure au 30 novembre 2013.
La Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 22 mars 2013, a débouté A. de ses conclusions en appel.
C. A. exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal genevois. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation et il reprend ses conclusions prises devant l'instance précédente. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause devant celle-ci.
En cours de procédure, C. est décédé et ses héritières (A.C. et B.C.) lui ont succédé.
Le 27 mai 2014, la présente cause a fait l'objet d'une délibération publique. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par A.
(résumé)
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 2
2.2 Le recourant objecte que la situation au sein de l'actionnariat ne fait en l'espèce pas obstacle au fonctionnement du conseil d'administration, ce cas de figure étant précisément réglementé par une

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clause statutaire. Il s'appuie sur l'art. 15 des statuts de la société intimée, selon lequel "le Conseil d'administration se compose d'un ou de plusieurs membres. En règle générale, il est élu lors de l'assemblée générale ordinaire et pour la durée d'une année. Les membres du Conseil d'administration restent en fonction jusqu'à ce que l'assemblée générale ait procédé à une nouvelle élection ou qu'elle les ait reconduits dans leur fonction (...)".
Selon le recourant, il découlerait de la clause litigieuse que les administrateurs sont maintenus "en charge une année supplémentaire en cas de non-aboutissement des élections". Une application correcte du droit conduirait dès lors à reconnaître que la société intimée est toujours dotée d'un conseil d'administration valablement constitué suite à l'assemblée générale du 26 octobre 2011. Partant, le recourant considère que la cour cantonale, qui a considéré que l'art. 15 des statuts n'était pas valable, a appliqué de manière incorrecte les art. 698 al. 2 et 710 CO et que cela l'a conduite à appliquer à tort l'art. 731b al. 1 CO.
L'intimé, auquel les héritières ont aujourd'hui succédé, est d'avis que la dernière phrase de l'art. 15 des statuts doit être considérée comme une simple clause de style, fréquemment utilisée dans la pratique, que la doctrine considère comme équivalente à celle selon laquelle le mandat des administrateurs prend fin à l'occasion de l'assemblée générale ordinaire suivant l'exercice écoulé pour lequel l'élection a été effectuée (pour les détails: ERIC HOMBURGER, in Berner Kommentar, 1997, no 223 ad art. 710 CO).
2.4 Le recourant considère que la volonté (réelle) des parties était de maintenir les administrateurs en place tant que de nouvelles élections n'auraient pas abouti (le mandat des administrateurs alors en place étant confirmé ou de nouveaux administrateurs étant élus). Il

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soutient que la cour cantonale a sombré dans l'arbitraire (art. 9 Cst.) en n'établissant pas la réelle et commune intention des parties, examen qu'il considère comme indispensable pour établir la signification de la clause litigieuse.
Le recourant ajoute que l'interprétation des manifestations de volonté à la lumière du principe de la confiance (cf. ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 p. 188) conduit au même résultat. On se limitera à observer sous cet angle, que l'art. 15 des statuts ne confirme pas de manière aussi évidente la thèse du recourant. Selon cette disposition, "les membres du Conseil d'administration restent en fonction jusqu'à ce que l'assemblée générale ait procédé à une nouvelle élection ou qu'elle les ait reconduits dans leur fonction". Dans la première hypothèse ("nouvelle élection"), la clause n'exige pas l'élection effective de nouveaux administrateurs, qui remplaceraient ceux alors en fonction; ainsi, le simple fait de procéder à une nouvelle élection (indépendamment du résultat obtenu) devant l'assemblée générale paraît suffire pour mettre un terme au mandat de ces derniers. Il faut cependant remarquer que, si on interprète la clause dans ce sens, on peine alors à comprendre pourquoi elle désigne expressément une deuxième hypothèse ("ou qu'elle les ait reconduits dans leur fonction"), celle-ci étant évidemment comprise dans le cas de figure de la "nouvelle élection".
On peut toutefois renoncer à examiner le moyen tiré de l'arbitraire (art. 9 Cst.) et celui visant la mauvaise application du principe de la confiance (évoqué par le recourant sous l'angle de l'art. 18 CO). En effet, même si l'on suivait l'interprétation faite par le recourant, son recours n'en devrait pas moins être rejeté pour les motifs suivants.
2.5 Il faut remarquer, à titre liminaire, que la situation diffère du cas de figure dans lequel la réélection des membres du conseil d'administration (dont la durée du mandat a expiré) n'a pas été soumise à l'assemblée générale, celle-ci n'ayant pas été convoquée, ou la question ne lui ayant pas été présentée (sur les diverses positions doctrinales quant à l'admissibilité d'une prolongation tacite du mandat dans cette situation: TRAUTMANN/VON DER CRONE, Organisationsmängel und Pattsituationen in der Aktiengesellschaft, RSDA 2012 p. 465; MEINRAD VETTER, Der verantwortlichkeitsrechtliche Organbegriff gemäss Art. 754 Abs. 1 OR, 2007, p. 146 s.). En effet, il résulte en l'espèce des constatations cantonales qu'une assemblée générale ordinaire de la société intimée a été convoquée et formellement tenue. L'élection du conseil d'administration était à l'ordre du jour et il a été

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procédé au vote. Les voix nécessaires n'étant pas réunies, les trois administrateurs n'ont pas été réélus.
2.6 Lorsque l'assemblée générale se prononce sur le renouvellement du mandat d'un administrateur et que celui-ci n'obtient pas les voix nécessaires à sa réélection, son mandat prend fin. L'assemblée générale a ainsi, par sa décision, exprimé une volonté en matière de composition des organes (qui est celle de ne pas réélire les membres du conseil d'administration proposés à l'élection). Si l'on admettait la validité d'une clause statutaire prévoyant dans ce cas de figure une réélection automatique des administrateurs, elle n'aurait pas seulement pour effet de prolonger tacitement le mandat des administrateurs, mais bien de faire obstacle à la volonté exprimée par l'assemblée générale. Autrement dit, elle restreindrait le droit (inaliénable) de l'assemblée générale de nommer les membres du conseil d'administration, ce qui n'est pas admissible (cf. art. 698 al. 2 ch. 2 CO; WERNLI/RIZZI, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. II, 4e éd. 2012, no 3 ad art. 710 CO; ADRIAN PLÜSS, Die Rechtsstellung des Verwaltungsratsmitgliedes, 1990, p. 90 note de pied 470). La validité d'une telle clause, qui néglige les structures de base de la société anonyme, doit être niée (cf. art. 706b ch. 3 CO; KATJA ROTH PELLANDA, Organisation des Verwaltungsrates, 2007, p. 89 s., 196 s. et 202).
2.7 Le recourant ne conteste pas vraiment les considérations qui précèdent, mais il soutient que l'art. 15 des statuts ne contient pas de "clause tacite de réélection au sens de ce qu'entend la doctrine". Il en veut pour preuve que la clause litigieuse ne vise pas simplement l'oubli ou le manque de volonté de tenir une assemblée générale (cas de figure abondamment traité par la doctrine), mais qu'elle reflète une autre situation, soit la volonté expresse des parties de maintenir les administrateurs en place en cas d'échec d'une nouvelle élection. Le recourant, pour autant qu'on comprenne bien son argumentation, ne fait pas de distinction selon que l'assemblée générale a (cf. supra consid. 2.6), ou non (cf. supra consid. 2.5), pu se prononcer sur l'élection des membres du conseil d'administration. Or, en l'espèce, seul le premier cas de figure doit être examiné et c'est en partant de cette prémisse que la validité de la clause litigieuse doit être tranchée.
Cela étant, le recourant joue sur les mots lorsqu'il précise que la clause litigieuse n'est pas une clause tacite de réélection, mais que les administrateurs restent simplement en place pour une année supplémentaire. Si la disposition statutaire était interprétée comme le

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veut le recourant, elle aurait pour effet de reconduire automatiquement le mandat des administrateurs, et donc de restreindre le droit inaliénable de l'assemblée générale de nommer les membres du conseil d'administration consacré à l'art. 698 al. 2 ch. 2 CO, ce qui n'est pas admissible.
Il n'y a pas lieu d'examiner si la clause statutaire viole également l'art. 710 CO.