BGE 133 III 562
 
73. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. SA et B. SA contre C. ainsi que Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de droit administratif)
 
5A.35/2006 du 5 juin 2007
 
Regeste
Art. 61 und 64 Abs. 1 BGBB; Bewilligungsverfahren, Ausnahme vom Prinzip der Selbstbewirtschaftung.
Ausnahme vom Prinzip der Selbstbewirtschaftung (E. 4.4); Generalklausel des wichtigen Grundes (E. 4.4.1); das Fehlen eines wichtigen Grundes im vorliegenden Fall erforderte die Prüfung der Bedingungen des Erhalts einer Bewilligung nach Art. 64 Abs. 1 lit. f BGBB (E. 4.4.2).
Bedingungen einer Rückweisung an die kantonale Behörde, welche als erste Instanz entschieden hat (E. 4.5).
 
Sachverhalt


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La société anonyme B., dont le capital-actions est entièrement détenu par la société anonyme D., est propriétaire des immeubles agricoles nos 581, 2357 et 2370 du Registre foncier de Y., formant un domaine de 50'000 m2 de terres, sans les forêts et les bâtiments.
Envisageant une modification au sein de ses actionnaires, B. a décidé de transférer les biens-fonds précités à la société anonyme A., dont le capital-actions est également entièrement détenu par D., ce afin de les conserver dans le patrimoine de ses actionnaires actuels.
Le 29 juillet 2005, elle a fait paraître un appel d'offres public dans la feuille officielle pour le prix de 1'500'000 fr.
C. a fait une offre d'achat de 1'510'000 fr.; elle a indiqué avoir l'intention d'exploiter un élevage de chevaux de trait.
Statuant sur requête de A. le 21 septembre 2005, la Commission foncière rurale du canton de Vaud a accordé l'autorisation d'acquérir les parcelles concernées pour le prix de 1'500'000 fr. et rejeté, sans motif, l'offre de C. Elle a ultérieurement précisé que l'opération constituait une vente à soi-même, en principe autorisée, B. et A. étant détenues par le même actionnaire; elle n'a donc pas appliqué l'art. 64 al. 1 let. f LDFR, ni ne s'est prononcée sur la qualification d'exploitante à titre personnel de C.
Le 20 novembre 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud a admis le recours de C. et, réformant la décision attaquée, a refusé l'autorisation d'acquérir à A.
B. et A. interjettent un recours de droit administratif au Tribunal fédéral, concluant principalement à l'octroi de l'autorisation d'acquérir et, subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt attaqué pour nouvelle instruction et application de la clause générale de l'art. 64 al. 1 LDFR, subsidiairement de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR.
Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt du Tribunal administratif ainsi que la décision de la Commission foncière rurale et renvoyé la cause à cette dernière autorité pour complément d'instruction et nouvelle décision.
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 4
4.1 Le Tribunal administratif vaudois a considéré qu'il n'y avait, en l'espèce, pas à proprement parler de "vente avec soi-même", ainsi

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que l'avait jugé la commission foncière, les parties au contrat étant deux personnes morales distinctes; il y avait en revanche un transfert de propriété au sens de l'art. 61 al. 3 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11), sujet à autorisation conformément à l'art. 61 al. 1 LDFR. Par ailleurs, le fait qu'il y ait, sur le plan économique, identité entre l'aliénatrice et l'acquéresse ne justifiait pas une exception au principe de l'exploitation à titre personnel (art. 64 al. 1 LDFR); le désir de l'actionnaire unique de conserver la propriété économique des biens-fonds dans la perspective d'une aliénation partielle ou totale du capital-actions de B. par le moyen d'un transfert des immeubles à A. ne constituait pas en soi un juste motif. Cela étant, l'autorité cantonale a réformé la décision attaquée en ce sens que l'autorisation d'acquérir les parcelles litigieuses a été refusée.
4.2 Les recourantes prétendent que l'opération envisagée ne constitue pas une aliénation soumise à autorisation au sens de l'art. 61 LDFR. Elles soutiennent que celle-là ne peut être qualifiée de vente, dès lors que le "domaine agricole" est transféré à une société, propriété du même groupe, de façon à ce qu'il reste dans le giron de la même entité économique; sans ce transfert, la vente de B. entraînerait la prise de possession du "domaine" par un tiers. Dans le cas où cette thèse ne serait pas suivie, les recourantes se prévalent d'un juste motif au sens de l'art. 64 al. 1 LDFR; l'aliénation des immeubles litigieux n'engendrerait aucune modification des terrains appartenant à des exploitants à titre personnel, ne soustrairait rien à l'agriculture et serait ainsi neutre sur le plan agricole. Les recourantes exposent enfin qu'à défaut, l'autorité cantonale devait examiner la question de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR; à cet égard, elles soulignent que l'intimée n'est pas une exploitante à titre personnel au sens de l'art. 9 LDFR, élève quelques chevaux, sans qu'il y ait un quelconque besoin relevant de l'agriculture, dans le cadre d'une activité qui s'apparente à un hobby et n'entend pas cultiver elle-même les terrains agricoles. Elles précisent encore que les 50'000 m2 de terres sont loués à un fermier.
4.3 Sous réserve des exceptions prévues par l'art. 62 LDFR, celui qui entend acquérir une entreprise ou un immeuble agricole doit obtenir une autorisation (art. 61 al. 1 LDFR). Selon l'art. 61 al. 3 LDFR, sont des acquisitions le transfert de la propriété ainsi que tout autre acte juridique équivalant économiquement à un tel transfert (ATF 127 III 90 consid. 5 p. 97). Le but de l'assujettissement à

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autorisation est de garantir que le transfert de propriété corresponde aux objectifs du droit foncier rural, au premier rang desquels figure la concrétisation du principe de l'exploitation à titre personnel (ATF 132 III 658 consid. 3.3.1 p. 659).
En l'espèce, B. veut transférer la propriété des immeubles agricoles à une personne morale différente, A. A cet effet, elle doit conclure un contrat de vente avec cette dernière société, puis requérir du conservateur du registre foncier l'inscription de la nouvelle propriétaire. Il y a donc bien un transfert de propriété ("Eigentumsübertragung") au sens des droits réels et, partant, une acquisition selon l'art. 61 al. 3 LDFR. Aucune des exceptions de l'art. 62 LDFR n'étant invoquée, ni réalisée, l'opération envisagée est donc soumise à autorisation.
4.4.1 Selon la jurisprudence, l'art. 64 al. 1 LDFR contient, d'une part, aux lettres a à g un catalogue non exhaustif d'exceptions au principe de l'exploitation à titre personnel et, d'autre part, une clause générale de "juste motif" fondant l'octroi d'une autorisation. Il s'agit là d'une notion juridique indéterminée, qui doit être concrétisée en tenant compte des circonstances du cas particulier et des objectifs de politique agricole du droit foncier rural. Le juste motif peut être réalisé dans la personne du (ou des) acquéreur(s) ou dans les circonstances objectives du cas d'espèce. S'agissant des objectifs de politique agricole, la LDFR a pour but principal de renforcer la position de l'exploitant à titre personnel lors des transferts de propriété. La procédure d'autorisation doit lui faciliter l'acquisition des immeubles agricoles, le législateur admettant toutefois des exceptions lorsque celles-là sont matériellement justifiées (ATF 122 III 287 consid. 3a et 3b p. 288; arrêt 5A.22/2002 du 7 février 2003, consid. 3a et 3b publiés in RNRF 85/2004 p. 46).
4.4.2 En l'espèce, se fondant sur la jurisprudence parue aux ATF 122 III 287, les recourantes invoquent que leur opération ne soustrait rien à l'agriculture. Certes, dans cette affaire, le Tribunal fédéral s'est demandé si le simple fait que l'opération envisagée ne modifie pas l'étendue des terres à disposition de l'agriculture ne justifierait pas, par principe, une exception pour juste motif (consid. 3b). Il a toutefois laissé la question ouverte dès lors que, dans le cas

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particulier, l'échange projeté entraînait un accroissement important d'un terrain agricole qui devait, en définitive, être mis à disposition d'exploitants à titre personnel (consid. 3c). Plus généralement, il a cependant posé le principe selon lequel le but de politique agricole de la LDFR n'est pas simplement de maintenir le statu quo, mais de renforcer la position des exploitants à titre personnel et de privilégier l'attribution des immeubles à de tels exploitants lors de chaque transfert de propriété de ceux-ci, c'est-à-dire de réellement promouvoir le principe de l'exploitation à titre personnel (consid. 3b in initio). Conformément à l'art. 64 al. 1 LDFR, seul celui qui peut démontrer matériellement un juste motif à se voir attribuer des terres agricoles alors qu'il n'est pas exploitant à titre personnel peut ainsi obtenir une dérogation.
En l'occurrence, la société acquéresse n'a pas établi l'existence d'un juste motif réalisé dans sa personne ou dans les circonstances objectives. A l'appui de sa demande d'autorisation, la requérante a simplement exposé qu'une modification au sein des actionnaires de B. était prévue et que les actuels actionnaires souhaitaient conserver le "domaine" dans leur patrimoine en le transférant à A. Invitée à fournir les listes des actionnaires des deux sociétés, elle a produit deux déclarations écrites desquelles il ressort qu'il n'y a en réalité qu'un seul actionnaire qui est propriétaire de l'entier des capital-actions des deux sociétés et qu'il ne s'agit pas d'une personne physique, mais d'une personne morale, la société anonyme D. Ces faits ne permettent pas d'admettre un juste motif en la personne de l'acquéreur. En effet, non seulement on ignore quels sont les actionnaires de D., mais, comme le relève à juste titre l'intimée, les actions de A., de même que celles de D., sont au porteur et donc librement cessibles, alors que celles de B. ne sont transmissibles qu'avec des restrictions. Aucun des exemples de justes motifs en matière de sociétés (fusion, dissolution d'une société anonyme et reprise par l'actionnaire, reprise d'actifs et passifs selon l'art. 181 CO entre une société holding et une société fille) cités par la doctrine (CHRISTINA SCHMID-TSCHIRREN, Das bäuerliche Bodenrecht im Härtetest der Realität - Eine Analyse der aktuellen Anwendungspraxis [...], in Communications de droit agraire 31/1997 p. 170), à laquelle se réfère l'Office fédéral de la justice, ni aucun autre cas similaire, n'est réalisé en l'espèce.
La requérante n'invoque pas non plus d'autres circonstances objectives qui permettraient de penser que le transfert souhaité vise à

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promouvoir une utilisation agricole durable, conformément au but de politique agricole de la LDFR. On relèvera à cet égard que la société propriétaire ne pensait pas pouvoir procéder sans autres formes à ce transfert dès lors qu'elle a procédé à un appel d'offres au sens de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR et qu'elle a présenté une demande d'autorisation fondée sur cette disposition, à l'appui de laquelle elle a indiqué que la personne qui avait fait une offre n'était pas exploitante agricole.
Dans ces conditions, l'autorisation d'acquérir sollicitée ne peut donc être accordée sur la base de la clause générale de juste motif de l'art. 64 al. 1 LDFR. Sur ce point l'arrêt du Tribunal administratif vaudois résiste à l'examen. Toutefois, comme cette autorité l'admet dans ses observations, c'est à tort que les conditions d'obtention d'une autorisation conformément à l'art. 64 al. 1 let. f LDFR n'ont pas été examinées.
4.5 Lorsque le Tribunal fédéral annule une décision pour violation du droit public fédéral (art. 104 let. a OJ), il peut soit statuer lui-même sur le fond, soit renvoyer l'affaire pour nouvelle décision à l'autorité inférieure; si celle-ci a tranché sur recours, il peut renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 114 al. 2 OJ). Le renvoi à la commission foncière - ainsi que le propose également le Tribunal administratif vaudois dans ses observations - s'impose en l'espèce dès lors qu'aucune des instances cantonales n'a examiné si les conditions de l'exception de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR étaient remplies, que les constatations de fait font défaut et qu'il n'appartient en principe pas au Tribunal fédéral de se prononcer en première instance, notamment parce que cela priverait le justiciable d'un degré de juridiction.