BGE 126 III 187
 
32. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 22 décembre 1999 dans la cause P. contre Société immobilière X. et C. (recours en réforme)
 
Regeste
Art. 216c OR; Ausübung eines Vorkaufsrechts bei einer Grundstückübertragung von einer Immobilien-AG in Liquidation auf ihren einzigen Aktionär.
 
Sachverhalt


BGE 126 III 187 (187):

La famille de P. exploite depuis 1947, au bénéfice d'un bail à ferme, un domaine appartenant à la société immobilière X. Selon acte notarié du 13 novembre 1997, cette société a été dissoute et est entrée en liquidation, ses immeubles devant alors être transférés à son unique actionnaire.
P. a ouvert action devant le Président du Tribunal civil du district d'Yverdon, concluant à ce qu'il soit reconnu fondé à exercer son droit de préemption sur le transfert immobilier conclu entre la société

BGE 126 III 187 (188):

immobilière en liquidation et son actionnaire, et à ce que le domaine, objet de ce transfert immobilier, lui soit attribué. Sa demande ayant été rejetée, P. a vainement recouru auprès du Tribunal cantonal vaudois, puis auprès du Tribunal fédéral.
 
Extrait des considérants:
Le recourant dénonce la violation de l'art. 47 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11) ainsi que de l'art. 216c al. 1 CO. Il soutient qu'on est en présence d'un cas de préemption, car il s'agirait d'un transfert d'immeuble à titre onéreux.
a) Dans la mesure où il s'appuie sur des faits qui ne ressortent pas de l'arrêt cantonal, ni du jugement de première instance dont l'arrêt attaqué dit faire sien l'état de fait en son entier, le recours est irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ). Ainsi la Cour de céans ne peut notamment pas prendre en considération l'argumentation du recourant fondée sur certains passages cités de l'acte notarié du 13 novembre 1997 et sur les bilans de la société immobilière.
b) L'art. 47 LDFR prévoit le droit de préemption du fermier. Le message à l'appui des projets de loi fédérale sur le droit foncier rural et de loi fédérale sur la révision partielle du code civil (droits réels immobiliers) et du code des obligations (vente d'immeubles) du 19 octobre 1988 (FF 1988 III 889, spéc. p. 960) précise que la définition du cas de préemption prévu à l'art. 216c CO s'applique au droit foncier rural. Aux termes de l'art. 216c al. 1 CO, le droit de préemption peut être invoqué en cas de vente de l'immeuble ainsi qu'à l'occasion de tout autre acte juridique équivalant économiquement à une vente. L'art. 216c al. 2 CO précise toutefois que ne constituent notamment pas des cas de préemption l'attribution à un héritier dans le partage, la réalisation forcée et l'acquisition pour l'exécution d'une tâche publique. Il en va de même, selon le message précité (p. 1017), des actes pour lesquels l'aliénateur ne reçoit pas de contre-prestation pécuniaire, par exemple des transferts de propriété fondés sur le droit des régimes matrimoniaux et des sociétés.


BGE 126 III 187 (189):

Lors de la dissolution de la société anonyme, chaque actionnaire a droit à une part proportionnelle du produit de la liquidation (art. 660 al. 2 CO). Ce droit acquis est conditionnel durant toute l'existence de la société, mais après la dissolution il se transforme en une créance contre la société, puisque celle-ci est tenue de répartir son actif entre les actionnaires (art. 745 al. 1 CO; BÜRGI/NORDMANN, Commentaire zurichois, n. 2 ad art. 745 CO). En général, la part de liquidation de chaque actionnaire lui est payée par le versement d'une somme d'argent. Toutefois, à la demande d'un actionnaire et avec l'approbation de l'assemblée générale de la société, celle-ci peut s'acquitter de sa dette envers l'actionnaire en lui transférant un actif de la société (BÜRGI/NORDMANN, op. cit., n. 14 ad art. 745 CO). Ce transfert a pour conséquence l'extinction de la dette de la société envers l'actionnaire dont l'origine est la dissolution de la société. Il trouve son fondement dans le droit des sociétés et intervient sans contre-prestation de l'actionnaire bénéficiaire, puisque la société l'entreprend en vue d'éteindre sa dette envers l'actionnaire née de sa dissolution. Cette opération n'équivaut donc ni juridiquement ni économiquement à une vente et ne peut dès lors pas être qualifiée d'acte juridique permettant au titulaire d'un droit de préemption de faire valoir celui-ci.
c) En l'espèce, il est constant que la société immobilière dissoute a, avec l'aval de son assemblée générale du 13 novembre 1997, transféré à son actionnaire unique les parcelles dont elle était propriétaire. Ainsi, elle a procédé à la distribution de ses actifs conformément à l'art. 745 CO. Comme on l'a vu, cette opération ne permet pas au titulaire d'un droit de préemption d'exercer celui-ci. L'autorité cantonale n'a par conséquent pas violé le droit fédéral en retenant que le transfert intervenu ne tombait pas sous le coup de l'art. 216c al. 1 CO.