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Urteilskopf

124 III 134


25. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 15 janvier 1998 dans la cause Commune de Macot La Plagne contre Banques X., Y. et Z. (recours de droit public)

Regeste

Internationales Privatrecht. Gerichtsstandsvereinbarung. Kognition des Bundesgerichts im Hinblick auf das ausländische Recht (Art. 17 und 27 Ziff. 1 LugÜ, Art. 43a Abs. 2 OG).
Die Frage, ob ein Garantievertrag, der vom Bürgermeister einer französischen Gemeinde mit einem schweizerischen Finanzinstitut abgeschlossen wurde und eine Gerichtsstandsvereinbarung zugunsten eines schweizerischen Gerichtes enthält, nach französischem Verwaltungsrecht Gültigkeit hat, ist dem Bundesgericht mit staatsrechtlicher Beschwerde zu unterbreiten.

Sachverhalt ab Seite 135

BGE 124 III 134 S. 135

A.- a) Au début de l'année 1988, une société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce d'Albertville, s'est vu accorder, par un établissement financier genevois, un prêt de 13'500'000 DM, divisé en trois tranches de 4'500'000 DM chacune, pour la construction d'un hôtel de luxe sur le territoire de la commune de Macot La Plagne (Savoie/France; ci-après: la commune). Le remboursement de ce prêt devait être garanti par ladite commune.
Le 11 mars 1988, le conseil municipal a accepté de fournir semblable garantie et d'autoriser le maire de la commune à conclure une convention à cette fin. A la même date, l'emprunteuse et la commune, représentée par son maire, ont signé, avec l'établissement financier genevois, trois conventions de prêt identiques, portant chacune sur une tranche de 4'500'000 DM et contenant la clause suivante:
"La présente convention ainsi que la garantie sont régies par le droit suisse. Tout différend pouvant en résulter est de la compétence des tribunaux ordinaires de la République et canton de Genève, avec droit de recours au Tribunal fédéral à Lausanne."
Le maire a encore signé, le même jour, pour le compte de la commune, trois déclarations de garantie.
b) Par lettre du 22 mars 1988, le sous-préfet d'Albertville, qui avait reçu, le 15 du même mois, la délibération précitée du conseil municipal, a indiqué au maire que la prudence devrait conduire le conseil municipal à limiter sa garantie, afin que celle-ci n'excédât pas le pourcentage autorisé par la loi.
Informé par le maire du fait que la garantie dépassait la limite légale, le conseil municipal a décidé, en séance du 1er avril 1988, d'annuler la délibération du 11 mars 1988 concernant cet objet.
c) Dans l'intervalle, par acte du 30 mars 1988, l'établissement financier genevois avait cédé ses créances découlant des conventions de prêt du 11 mars 1988 à trois banques luxembourgeoises. La somme prêtée a été versée le 7 avril 1988 à l'emprunteuse.
d) Dès octobre 1990, l'emprunteuse n'a plus été en mesure de s'acquitter des intérêts des prêts qui lui avaient été consentis. Aussi a-t-elle été mise en demeure, entre le 25 mars et le 1er juillet 1991, par les trois banques cessionnaires. La commune en a été informée.
Par jugement du 26 juin 1992, l'emprunteuse a été déclarée en état de cessation de paiements.

B.- Le 28 avril 1992, les banques X., Y. et Z., se basant sur la clause de prorogation de for, ont assigné la commune devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Elles ont conclu,
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chacune, au paiement de la contre-valeur en francs suisses de 5'426'286.39 DM, plus intérêts, soit d'un montant total de quelque 14'642'000 fr. en capital.
La défenderesse a soulevé d'entrée de cause l'exception d'incompétence territoriale. Par jugement sur incident du 29 avril 1993, la juridiction saisie a rejeté cette exception.
Dans l'appel qu'elle a interjeté contre ce jugement, la commune a soulevé, pour la première fois, à titre d'argument supplémentaire, une exception d'incompétence à raison de la matière. Statuant par arrêt du 13 septembre 1996, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de première instance.

C.- Contre l'arrêt de la Cour de justice, la défenderesse exerce, parallèlement, un recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst. et un recours en réforme. Dans le premier, elle conclut à l'annulation de cet arrêt.
Les intimées proposent le rejet du recours de droit public, en contestant au surplus la recevabilité de plusieurs des griefs qui y sont soulevés. La cour cantonale se réfère, pour sa part, aux motifs énoncés dans cet arrêt.
Le Tribunal fédéral rejette ledit recours dans la mesure où il est recevable.

Erwägungen

Extrait des considérants:

2. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 123 I 112 consid. 1 et l'arrêt cité).
a) L'arrêt attaqué constitue une décision incidente prise en dernière instance cantonale. En vertu de l'art. 87 OJ, le recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst. n'est recevable contre de telles décisions que s'il en résulte un dommage irréparable pour l'intéressé. Cependant, de jurisprudence constante, les décisions qui, à l'instar de la présente, ont trait à la compétence ratione loci ou ratione materiae ne sont pas soumises à cette exigence (ATF 122 I 39 consid. 1a et l'arrêt cité). Le recours de la commune est ainsi recevable sous cet angle.
b) Le recours de droit public a un caractère subsidiaire par rapport aux autres moyens de droit (art. 84 al. 2 OJ). Il est donc irrecevable lorsque les moyens soulevés auraient pu être soumis au Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme (art. 43 ss OJ) ou par celle du recours en nullité (art. 68 ss OJ). En l'occurrence, tous les griefs articulés dans le recours de droit public le sont également,
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à côté d'autres moyens, dans le recours en réforme (subsidiairement en nullité) interjeté parallèlement par la recourante. Quant à la valeur litigieuse minimale conditionnant l'ouverture de cette voie de droit (art. 46 OJ), elle est largement dépassée puisque la contestation porte sur un montant supérieur à 14 millions de francs suisses. Il y a lieu, dès lors, d'examiner, sur le vu des explications fournies dans les deux mémoires de recours, si les griefs en question relèvent de la procédure du recours en réforme, auquel cas leur irrecevabilité devrait être constatée dans l'arrêt sur le recours de droit public, étant précisé que le principe de subsidiarité absolue de ce dernier moyen de droit ne commande pas d'inverser l'ordre de priorité instauré par l'art. 57 al. 5 OJ en faveur de celui-ci.
aa) aaa) Au considérant 2 de son arrêt du 19 août 1994, en la cause 4P.48/1994, Commune de Romorantin-Lanthenay c. X. S.A., le Tribunal fédéral a émis l'opinion suivante au sujet de son pouvoir d'examen à l'égard du droit étranger:
"Dans les contestations civiles portant sur un droit de nature pécuniaire, telle la présente affaire, on ne peut pas faire valoir, par la voie du recours en réforme, que la décision attaquée applique de manière erronée le droit étranger (art. 43a al. 2 OJ). Avant l'entrée en vigueur de l'art. 43a OJ, le Tribunal fédéral n'a fait une exception à cette règle que lorsqu'il s'est agi pour lui de déterminer, à titre préjudiciel, parmi plusieurs droits étrangers entrant en ligne de compte, lequel était applicable, parce que de la réponse à cette question dépendait la solution à apporter, à la lumière du droit suisse, au problème principal (ATF 98 II 231 consid. 1a, 91 II 117 consid. II/3; actuellement: art. 43a al. 1 let. a OJ). Il n'est pas nécessaire de décider, en l'espèce, si ce principe jurisprudentiel devrait régir toute question de droit étranger 43a). En effet, le point de savoir si un contrat a été valablement conclu au regard du droit étranger ne revêt pas un caractère préjudiciel pour l'application du droit suisse, mais constitue une question principale qui tombe sous le coup de l'art. 43a al. 2 OJ. C'est aussi une question de ce genre que celle du pouvoir de représentation de la personne qui conclut un contrat avec un tiers au nom du représenté. Ainsi, il n'est pas possible d'examiner, dans la procédure du recours en réforme, si le droit français autorisait le maire de la commune à passer la convention d'élection de for litigieuse. Le recours de droit public pour arbitraire était donc bien la voie à suivre, en l'occurrence, pour soumettre ce problème au Tribunal fédéral."
La recourante soutient que le Tribunal fédéral, statuant comme juridiction de réforme, peut vérifier en l'espèce si la cour cantonale a appliqué correctement le droit français lors de l'examen des exceptions d'incompétence à raison de la matière et du lieu. A cet égard, elle souligne que le problème de la validité de l'acte administratif
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litigieux - à savoir la décision du maire de signer les conventions incluant une clause d'élection de for - relève de la juridiction exclusive et d'ordre public des tribunaux administratifs français, en ce sens qu'une décision prise à ce sujet par un juge civil, français ou non, serait frappée de nullité absolue et, dans l'hypothèse où elle aurait été rendue hors de France, ne serait pas susceptible de reconnaissance dans ce pays en vertu de l'art. 27 ch. 1 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (RS 0.275.11; ci-après: Convention de Lugano ou CL). Or, les règles du droit suisse touchant la compétence internationale, en particulier l'art. 5 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP; RS 291) relatif à l'élection de for, ne sont pas applicables si elles violent l'ordre public étranger, ainsi que cela ressort indirectement de l'art. 19 LDIP. Il s'ensuit que la question de droit étranger est, en l'occurrence, préjudicielle à l'application du droit suisse. Par conséquent, le Tribunal fédéral doit pouvoir l'examiner dans la procédure du recours en réforme afin d'être en mesure de sanctionner une violation médiate de ce droit.
Les intimées ne partagent pas cet avis. Pour elles, la présente cause ne se distingue pas essentiellement de celle qui a donné lieu au précédent déjà cité, le fait que les motifs allégués pour établir l'absence de pouvoir de représentation du maire soient différents dans les deux cas ne commandant pas une autre solution. Il convient donc de s'en tenir au principe voulant que le point de savoir si un contrat contenant une clause attributive de juridiction a été valablement conclu au regard du droit étranger ne revête pas un caractère préjudiciel pour l'application du droit suisse. L'argumentation développée par la recourante méconnaît ce principe, car elle implique que toute question liée à la conclusion du contrat deviendrait préjudicielle dès lors que le contrat contiendrait une clause d'élection de for et que se poserait, à titre préalable, la question de la compétence du tribunal saisi. Au demeurant, elle aurait ceci de paradoxal que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme contre une décision quant à la compétence, pourrait revoir l'application du droit étranger en rapport avec la conclusion du contrat litigieux, alors qu'il ne pourrait pas le faire si la même question lui était soumise dans un recours en réforme visant la décision sur le fond.
bbb) L'examen de la recevabilité du recours en réforme et, par voie de conséquence, de celle du recours de droit public nécessite la recherche préalable des normes juridiques applicables.
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La Convention de Lugano est entrée en vigueur le 1er janvier 1992 en Suisse et en France, et le 1er février 1992 au Luxembourg. Elle est applicable en l'espèce, ratione temporis, étant donné que les intimées ont introduit leur action judiciaire le 28 avril 1992, soit postérieurement à son entrée en vigueur dans l'Etat d'origine (art. 54 al. 1 CL; ATF 119 II 391 consid. 2). Peu importe, au demeurant, que les parties à la présente procédure soient domiciliées sur le territoire d'Etats membres des Communautés européennes. En effet, la Convention de Lugano s'applique en tout état de cause en matière de compétence, à l'exclusion de la Convention dite de Bruxelles (CB), lorsque son art. 17, qui a trait à l'élection de for, confère une compétence aux tribunaux d'un Etat contractant, telle la Suisse, qui n'est pas membre des Communautés européennes (art. 54ter ch. 2 let. a CL). L'applicabilité de la Convention de Lugano ne saurait non plus être exclue du seul fait que l'une des parties en litige est une collectivité publique (cf. sur ce point: HÉLÈNE GAUDEMET-TALLON, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, 2e éd., p. 22/23, n. 30; JAN KROPHOLLER, Europäisches Zivilprozessrecht, 5e éd., n. 9 ad art. 1 CB). Aussi bien, la commune, en passant les conventions litigieuses par l'intermédiaire de son maire, n'a pas agi dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, mais au même titre qu'un particulier traitant avec un tiers sur un pied d'égalité (voir, dans ce sens, une décision rendue le 9 décembre 1996 par le Tribunal des conflits, dans l'affaire Préfet du Gard, et publiée in: L'Actualité juridique - Droit administratif [AJDA] 1997 p. 477, ainsi que les observations subséquentes de François Chouvel). D'où il suit que, dans son champ d'application, la Convention de Lugano rend inopérante la loi fédérale sur le droit international privé, conformément à l'art. 1er al. 2 de cette loi. C'est dire que la recourante fonde en vain son argumentation sur l'art. 5 LDIP, qui régit l'élection de for en matière internationale.
L'art. 17 CL fixe les conditions de validité de la clause attributive de juridiction. Il pose avant tout des conditions de forme et ne mentionne qu'une condition de fond tenant à l'objet de la cause (exigence d'un rapport de droit déterminé; cf. GAUDEMET-TALLON, op.cit., p. 84 ss, n. 116 ss). Ces conditions ne font pas problème en l'espèce. La recourante ne conteste pas davantage, à juste titre d'ailleurs, le droit des intimées de se prévaloir de la clause de prorogation de for incluse dans les conventions de prêt qu'elles ont reprises (cf. GAUDEMET-TALLON, op.cit., p. 97/98, n. 140; ATF 123 III 35 consid. 3c p. 46). La norme conventionnelle précitée ne règle toutefois
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pas les autres conditions de fond de l'élection de for, notamment celles dont dépend la validité de la convention attributive de juridiction en tant qu'accord de volonté (capacité des parties, consentement non vicié, pouvoir de représentation de la personne agissant pour autrui, etc.), pas plus qu'elle n'indique la loi applicable pour résoudre ces questions. Diverses lois ont vocation à intervenir: loi d'autonomie, loi du tribunal exclu, loi du tribunal élu, loi du tribunal saisi. A ce jour, le problème n'a pas encore trouvé de solution (GAUDEMET-TALLON, op.cit., p. 93, n. 131). Le Tribunal fédéral a évoqué la question dans un récent arrêt, rendu sous l'angle de l'arbitraire, en mentionnant les différentes opinions professées à ce sujet au sein de la doctrine (ATF 122 III 439 consid. 3b et les auteurs cités). Il peut se dispenser de la trancher en l'espèce. En effet, étant donné sa nature très spécifique, le problème litigieux - soit la régularité d'un acte émanant du maire d'une commune française au regard du droit public français - ne peut être traité autrement que par l'application des normes conditionnant la validité dudit acte, c'est-à-dire des dispositions topiques du droit communal français.
ccc) S'il s'était agi, en l'occurrence, de décider de l'applicabilité même de l'art. 17 CL, par rapport à la réglementation analogue du droit interne (art. 5 LDIP), ou d'examiner la réalisation de ses conditions spécifiques d'application, telles que l'existence d'un "rapport de droit déterminé" ou le respect de la forme requise pour l'élection de for, la décision incidente rendue à ce sujet en dernière instance cantonale eût pu être l'objet d'un recours en réforme, basé sur l'art. 49 OJ (ATF 119 II 391 consid. 1 et 2; arrêt non publié du 17 juin 1996, dans la cause 4C.468/1995, consid. 2). Or, comme on l'a indiqué plus haut, d'une part, l'applicabilité ratione temporis de la norme conventionnelle n'est pas litigieuse dans le cas particulier, d'autre part, la question qui divise les parties est exorbitante du champ d'application de cette norme. La simple référence à celle-ci ne suffit donc pas à ouvrir la voie du recours en réforme à la partie qui s'en prévaut.
De même, un recours en réforme eût été recevable in casu s'il avait fallu déterminer, à titre préjudiciel, parmi plusieurs droits étrangers entrant en ligne de compte, celui qui était applicable, parce que de la réponse à cette question dépendait la solution à apporter, à la lumière du droit suisse, au problème principal (ATF 98 II 231 consid. 1a; ATF 91 II 117 consid. II/3). Dans l'arrêt commune de Romorantin-Lanthenay, déjà cité, le Tribunal fédéral a encore évoqué, mais sans prendre définitivement position à ce sujet, la possibilité qu'il puisse revoir toute question de droit étranger préjudicielle à l'application
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du droit suisse (dans ce sens, cf. POUDRET, op.cit., n. 1.3 ad art. 43a). Encore faudrait-il, pour qu'il se résolve à le faire, que l'application de ce droit soit véritablement conditionnée par le sort réservé au problème de droit étranger en suspens. Tel était le cas, pour citer l'un des exemples les plus récents, dans la cause qui a donné lieu à l'arrêt publié aux ATF 119 II 69 ss: l'affaire avait trait à l'application de la convention du 15 juin 1869 entre la France et la Suisse sur la compétence judiciaire et l'exécution des jugements en matière civile, qui a été abrogée lors de l'entrée en vigueur de la Convention de Lugano. Une société française avait assigné un ressortissant suisse domicilié à Genève devant les tribunaux genevois, afin d'obtenir le paiement d'une créance garantie par l'inscription provisoire d'une hypothèque judiciaire sur un immeuble appartenant au défendeur et situé en France. La compétence des juges genevois dépendait du point de savoir s'il fallait ranger cette action dans la catégorie des actions réelles immobilières, visées par l'art. 4 de la Convention (for, impératif, du lieu de situation de l'immeuble) ou dans celle des actions personnelles, au sens de l'art. 1er de la Convention (for du domicile du défendeur); la réponse à la question posée nécessitait un examen préjudiciel de l'institution de l'hypothèque judiciaire française et le Tribunal fédéral y a procédé, en se référant à Poudret (ibid.), quand bien même la contestation ne portait pas sur un droit de nature non pécuniaire (arrêt cité, consid. 3a in fine). La situation n'est en rien comparable à celle-là dans l'affaire examinée présentement. En effet, la question de droit étranger litigieuse - soit la validité, au regard du droit administratif français, des conventions de prêt, incluant une clause d'élection de for, qui ont été signées par le maire de la commune - ne revêt pas un caractère préjudiciel pour l'application de l'art. 17 CL dès lors que cette disposition ne règle pas elle-même la question de fond qui se pose ici en rapport avec l'élection de for. En réalité, pour paraphraser l'arrêt commune de Romorantin-Lanthenay, susmentionné, savoir si un contrat a été valablement conclu au regard du droit étranger n'est pas une question préjudicielle à l'application du droit suisse, mais constitue une question principale qui tombe sous le coup de l'art. 43a al. 2 OJ. Sont aussi de même nature les questions relatives aux pouvoirs de la personne qui signe ledit contrat au nom d'autrui, aux formalités administratives nécessaires à la perfection de celui-ci et à la sanction de leur inobservation.
La recourante objecte que la compétence des tribunaux administratifs français pour juger de la validité d'un acte administratif est
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d'ordre public; qu'une décision rendue en ce domaine par un juge civil suisse ne serait donc pas reconnue en France, vu l'art. 27 ch. 1 CL; partant, que les tribunaux genevois, en ne tenant pas compte de l'ordre public français implicitement réservé par l'art. 17 CL, ont violé le droit fédéral, ce qui justifierait le dépôt d'un recours en réforme de sa part. L'objection n'est pas fondée. En principe, le juge suisse n'a pas à se soucier d'une compétence exclusive étrangère; si les conditions de prorogation énumérées dans la loi suisse sont réalisées, il se déclarera compétent, quelles que soient les revendications de l'Etat du for exclu (Gabrielle Kaufmann-Kohler, La clause d'élection de for dans les contrats internationaux, p. 163). L'application de la Convention de Lugano ne conduit d'ailleurs pas à un autre résultat. Certes, à teneur de l'art. 27 ch. 1 CL, les décisions ne sont pas reconnues si la reconnaissance est contraire à l'ordre public de l'Etat requis. Toutefois, outre que cette disposition ne concerne pas la compétence directe du tribunal saisi mais s'applique uniquement en matière de reconnaissance et d'exequatur (DONZALLAZ, La Convention de Lugano, vol. II, n. 2790), la disposition suivante précise, expressis verbis, que "les règles relatives à la compétence ne concernent pas l'ordre public visé à l'article 27, point 1" (art. 28 al. 4 in fine CL). En d'autres termes, sous réserve de certaines exceptions qui n'entrent pas en ligne de compte en l'espèce (voir les renvois opérés aux deux premiers alinéas de l'art. 28 CL), il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat d'origine, ainsi qu'il est dit à l'art. 28 al. 4 CL (sur cette question, cf. GAUDEMET-TALLON, op.cit., p. 243 ss, n. 334 ss; KROPHOLLER, op.cit., n. 3 ad art. 28 CB). Au demeurant, la Convention de Lugano ne règle pas les questions de compétence matérielle et fonctionnelle, pas plus que les problèmes de juridiction ou d'admissibilité de la voie choisie. C'est le rôle des lois d'organisation judiciaire et des codes de procédure civile des Etats compétents selon ladite convention que de les fixer (DONZALLAZ, op.cit., n. 1784). Or, il est admis en droit suisse que, lorsque le sort d'une contestation pendante devant une autorité judiciaire ou administrative dépend de la solution d'une question préjudicielle qui relève d'une autre juridiction, le juge compétent pour statuer sur la contestation principale l'est normalement aussi pour trancher la question préjudicielle (ATF 90 II 158 consid. 3 et les références; voir aussi: BERTOSSA/GAILLARD/GUYET, Commentaire de la loi de procédure civile du canton de Genève, n. 9a ad art. 98). Au regard du droit suisse, il n'y avait donc pas d'objection à ce que les tribunaux civils genevois examinent
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une question relevant du droit administratif français (i.e. la légalité de la procédure ayant conduit à la signature des conventions incluant la clause de prorogation de for) et préjudicielle à la solution de la question principale (i.e. l'obligation pour la commune de verser aux banques luxembourgeoises les montants stipulés dans les conventions de prêt et de garantie litigieuses).
ddd) Il résulte de ce qui précède que le Tribunal fédéral ne pourra pas revoir, dans la procédure du recours en réforme, l'application qui a été faite par la Cour de justice du droit français. Comme le recours en nullité n'est pas non plus recevable en l'espèce (cf. let. dd ci-dessous), le recours de droit public était bien le moyen de droit à utiliser pour critiquer l'application du droit étranger. Aussi le Tribunal fédéral n'interviendra-t-il que s'il jugeait arbitraire la solution à laquelle a abouti la cour cantonale.
bb) Dans son recours en réforme, la commune invoque également une violation de l'art. 8 CC au motif que la Cour de justice n'a pas administré de preuves sur le point de savoir si les conventions de prêt incluant la clause d'élection de for avaient été exécutées au vu et au su du conseil municipal, alors qu'elle-même avait offert de prouver que tel n'avait pas été le cas. L'intéressée considère ce fait comme pertinent, s'agissant de déterminer, le cas échéant, les conséquences de ce défaut de connaissance au regard du droit français.
L'art. 8 CC, en tant que norme de droit civil fédéral, ne s'applique qu'aux rapports juridiques qui relèvent de ce droit (ATF 123 III 35 consid. 2d et les auteurs cités). En l'occurrence, si les conventions de prêt ressortissent effectivement au droit suisse, de par l'élection de droit que les parties y ont faite, la violation du droit à la preuve alléguée par la recourante a trait à l'application du droit public français, étant donné que la circonstance - supposée juridiquement pertinente - à prouver concerne l'incidence, selon ce droit, de la connaissance ou du défaut de connaissance, par le conseil municipal, du fait que les banques intimées avaient exécuté les conventions de prêt signées par elles avec le maire de la commune. Or, pour l'application du droit français, l'art. 8 CC ne pouvait entrer en ligne de compte. C'est d'autres normes, procédurales ou tirées de ce droit, que la recourante pouvait déduire le droit à la preuve dont elle se prévaut (ATF 115 II 300 consid. 3 et les arrêts cités). Il suit de là que le recours de droit public est recevable, sous l'angle de la subsidiarité, dans la mesure où son auteur y invoque la violation d'un tel droit, contrairement à ce que soutiennent les intimées dans leur réponse audit recours.
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cc) La recourante invoque enfin, dans son recours en réforme, la violation de l'art. 16 LDIP relatif à la constatation du droit étranger. Elle fait grief à la cour cantonale d'avoir restreint indûment son pouvoir d'examen à l'égard du droit français, ce qui impliquerait, selon elle, un renversement du droit à la preuve. Un tel grief entre dans les prévisions de l'art. 43a al. 1 let. b OJ et peut donc être soumis au Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme. Par conséquent, le même moyen, soulevé dans le recours de droit public, n'est pas recevable en vertu de l'art. 84 al. 2 OJ.
dd) L'application erronée du droit étranger n'entre pas dans les prévisions de l'art. 68 OJ (POUDRET, op.cit., n. 7 ad art. 68, p. 647). Le recours en nullité formé à titre subsidiaire par la commune n'est donc pas recevable sur ce point.
Cela étant, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours de droit public.

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Sachverhalt

Erwägungen 2

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