BGE 105 III 101
 
24. Extrait de l'arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 27 novembre 1979 dans la cause P. (recours LP)
 
Regeste
Rechtsstillstand wegen schwerer Erkrankung des Schuldners (Art. 61 SchKG).
2. Kann der in Art. 61 SchKG vorgesehene Rechtsstillstand gewährt werden, wenn eine Krankheit des Schuldners diesem zwar die Ausübung der Erwerbstätigkeit verunmöglicht, die Zahlungsunfähigkeit jedoch auf andere Umstände zurückzuführen ist (E. 3-4)?
 
Sachverhalt


BGE 105 III 101 (101):

A.- La société P. a accordé un prêt de 300'000 fr. à A. G., à Granges-Veveyse. Sa créance est incorporée dans diverses obligations et cédules hypothécaires grevant un immeuble sis à Granges-Veveyse, propriété du débiteur.
Le 31 mai 1978, la société P. adressa à l'Office des poursuites de la Veveyse une réquisition de poursuite en réalisation de

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gage pour une somme de 6'912 fr. 45, soit les intérêts échus le 31 décembre 1977. Par mégarde, l'Office y donna suite par l'ouverture d'une poursuite ordinaire par voie de saisie ou de faillite (poursuite No 21'741). Le débiteur n ayant pas fait opposition, la créancière requit la vente le 10 janvier 1979. Le préposé se rendit alors compte de sa méprise et, par lettre du 12 janvier 1979, invita la créancière à requérir la continuation de la poursuite ordinaire par voie de saisie. La créancière répondit le 8 février 1979 qu'elle renonçait à intervenir auprès de l'autorité de surveillance, à la condition que l'Office prit à sa charge les frais frustratoires.
Entre-temps la créancière avait, le 4 décembre 1978, requis l'ouverture de deux nouvelles poursuites en réalisation de gage, l'une pour 7'875 fr. représentant les intérêts échus le 30 juin 1978 (poursuite No 23'033), l'autre pour 300'000 fr., soit le capital du prêt dénoncé pour le 31 octobre 1978 (poursuite No 23'034). L'Office donna régulièrement suite à ces réquisitions. Le débiteur ne fit pas opposition. Le 12 juillet 1979, la créancière requit la vente, limitant toutefois sa réquisition à la poursuite No 23033.
Le 7 août 1979, l'Office prit la décision qui suit:
"L'Office des poursuites de la Veveyse
...
considérant
que le poursuivi allègue être actuellement, et dès le 12 mars 1979, dans un état d'incapacité totale de travail;
qu'il produit un certificat médical du 19 juillet 1979 délivré par la Policlinique universitaire de Lausanne;
qu'il y est mentionné que son incapacité de travail est de 100% pour une durée indéterminée...
décide
la suspension des poursuites ouvertes contre A. G., pour un délai d'un mois, dès la présente notification.
Cette suspension sera prolongée de mois en mois, sur présentation de certificats médicaux mensuels."
B.- La société P. a déposé plainte auprès de l'autorité cantonale de surveillance le 14 août 1979. Elle a demandé que l'Office des poursuites de la Veveyse fût invité à donner suite à la réquisition du 31 mai 1978 par l'ouverture d'une poursuite en réalisation de gage. Elle a en outre conclu à la révocation de la suspension de poursuite accordée au débiteur le 7 août 1979. Elle a motivé le second chef de ses conclusions en exposant notamment ce qui suit:


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"... l'interruption du travail par suite de maladie doit être à l'origine
de l'insolvabilité existante.
Ceci n'est absolument pas réalisé dans le
présent cas. Aux termes de la décision attaquée l'incapacité de gain
indiquée a pris naissance le 12 mars 1979, alors que les derniers intérêts
payés ont été ceux de la période du 1er janvier au 30 juin 1977..."
Par arrêt du 12 septembre 1979, la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rejeté la plainte dans la mesure où elle était recevable. La Chambre a refusé d'entrer en matière sur le premier chef des conclusions de la plaignante, qu'elle a déclarée forclose. Elle a jugé le second chef mal fondé, admettant un lien de causalité entre l'incapacité de travail du poursuivi et son insolvabilité. Se fiant au certificat délivré le 19 juillet 1979 par la Policlinique universitaire de Lausanne, l'autorité cantonale a en effet considéré que le poursuivi se trouvait dans l'incapacité de travailler depuis l'année 1978. Elle a ajouté:
"Quant à la date du début de cette incapacité, admise par l'Office au 12
mars 1978, elle n'est pas contestée non plus par la plaignante."
C.- La société P. a recouru contre l'arrêt de la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal cantonal. Elle conclut à la révocation de la suspension de poursuite accordée à A. G. le 7 août 1979. La recourante fait valoir que le certificat délivré le 19 juillet 1979 par la Policlinique universitaire de Lausanne contient une faute de frappe: l'auteur du certificat entendait attester le début de l'incapacité de travail d'A. G. au 8 mai 1979 et non au 8 mai 1978. A l'appui de son allégation, la recourante produit un nouveau certificat de la policlinique susmentionnée, daté du 19 juillet 1979 mais délivré le 21 septembre. Elle produit en outre des fiches de salaire établissant que le débiteur était son employé jusqu'au 11 septembre 1978 et n'a, en 1978, touché d'allocations pour cause de maladie que pour une durée de huit jours.
Dans ses observations, l'Office précise que l'auteur du premier certificat médical lui a personnellement confirmé avoir commis un " lapsus calami ".
A. G. n'a pas déposé d'observations.
La Chambre des poursuites et des faillites a admis le recours dans la mesure où il était recevable; elle a annule la décision de suspension de la poursuite.
 


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Extrait des considérants:
L'Office des poursuites de la Veveyse a, le 7 août 1979, accordé à A. G. une suspension de poursuite d'une durée d'un mois. La mesure avait pris fin à la date du dépôt du recours au Tribunal fédéral, le 25 septembre 1979. Elle ne peut donc plus être révoquée ni redressée. Toutefois, la voie de la plainte et du recours conserve en l'espèce un intérêt pratique certain pour la créancière et lui demeure donc ouverte (ATF 77 III 78). L'Office des poursuites a en effet décidé de prolonger la suspension de mois en mois sur simple présentation de certificats médicaux. Tout en rejetant la plainte, l'autorité de surveillance a certes précisé que chaque prolongation devait faire l'objet d'une nouvelle décision prise sur la base d'un rapport médical circonstancié indiquant la durée probable de l'incapacité de travail. La mesure de l'Office prolongeant la suspension pourrait dès lors être attaquée par la voie d'une nouvelle plainte et d'un nouveau recours. Cependant, la nouvelle mesure, limitée à une durée d'un mois, aurait normalement pris fin au jour du dépôt du recours au Tribunal fédéral. De ce fait, la créancière serait pratiquement privée de son droit de recours tout en restant exposée à des décisions réitérées de suspension de poursuite. Elle a donc un intérêt légitime à faire examiner, dans la présente instance de recours, les conditions de l'octroi d'une suspension de poursuite à son débiteur.
L'octroi d'une suspension est une question d'opportunité qui relève de l'appréciation de l'office ou, sur plainte, de celle de l'autorité de surveillance (ATF 85 III 120 s.). L'office doit déterminer si la mesure de suspension paraît justifiée au vu des circonstances de l'espèce. Le recours au Tribunal fédéral pour violation de la loi n est ouvert que si la décision de suspension repose sur des motifs étrangers au but de l'institution ou si l'autorité cantonale a ignoré des facteurs déterminants pour l'application de l'art. 61 LP (ATF 74 III 38s.).
L'autorité de surveillance a fixé le début de l'incapacité de travail du débiteur au 12 mars 1978, ajoutant que cette date n'était pas contestée par la créancière. Ce faisant, elle a commis une inadvertance manifeste. Dans sa plainte, la créancière avait fait valoir que l'incapacité de travail du débiteur ne pouvait avoir causé son insolvabilité, puisqu'elle remontait au 12 mars 1979 seulement. La plaignante se référait sur ce point aux termes mêmes de la décision attaquée, laquelle ne faisait que reprendre les allégations du poursuivi. La constatation de l'arrêt attaqué ne lie donc pas le Tribunal fédéral (art. 81 et 63 al. 2 OJ).
La recourante a produit, devant le Tribunal fédéral, des pièces destinées à prouver l'existence d'une faute de frappe dans le certificat délivré le 19 juillet 1979 par la Policlinique universitaire de Lausanne. Dans l'instance cantonale de plainte, la recourante s'en était remise, pour les faits, à la motivation de la décision attaquée, laquelle ne faisait que reproduire les allégations du débiteur. Elle n'avait donc aucune raison de consulter le certificat en cause et d'en établir le caractère erroné. Partant, en produisant des pièces nouvelles devant le Tribunal fédéral, elle n'offre pas des moyens de preuve qui auraient pu être présentés dans la procédure cantonale (art. 79 al. 1 OJ; ATF 102 III 132 s., ATF 84 III 78 consid. 1 et les arrêts cités).


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Les pièces versées par la recourante sont concluantes. Leur exactitude est confirmée dans les observations de l'Office. La Chambre de céans admet donc que le débiteur n est incapable de travailler que depuis le 8 mai 1979 ou, au plus tôt, le 12 mars 1979.
La poursuite No 21741 a été ouverte par un commandement de payer du 5 juin 1978. Les poursuites Nos 23'033 et 23'034 ont été ouvertes le 6 décembre 1978. Le débiteur n a ni payé ni fait opposition. Son insolvabilité est donc antérieure à son incapacité de travail et n'est pas l'effet de sa maladie. Le débiteur ne peut bénéficier d'une suspension de poursuite accordée en application de l'art. 61 LP.
On peut se demander si la jurisprudence n'est pas rigoureuse à l'excès et si la suspension prévue à l'art. 61 LP ne devrait pas être parfois accordée au débiteur que la maladie prive de son gain, mais dont l'insolvabilité est due à des causes différentes. Les délais du droit des poursuites reposent certes sur un examen attentif des intérêts des parties et ne peuvent être éludés par un recours systématique à l'art. 61 LP. On peut cependant concevoir que dans certains cas un atermoiement d'une durée déterminée permette au débiteur de rétablir durablement sa situation financière, tandis que la continuation de la procédure le conduirait à la ruine: la suspension de la poursuite pourrait alors être accordée, à moins qu'elle ne constitue une atteinte inéquitable aux intérêts des créanciers poursuivants. La question peut rester ouverte en l'espèce, car aucun des éléments du dossier ne permet de conclure à l'existence d'une telle situation. Il manque notamment un rapport médical détaille indiquant la nature et la durée prévisible de la maladie du débiteur. Les rapports que l'Office des poursuites a produits devant le Tribunal fédéral ne peuvent être pris en considération, bien qu'ils soient datés des 26 septembre et 7 novembre 1979. L'Office aurait pu et même dû inviter d'emblée le débiteur à fournir un rapport médical circonstancié. Or l'art. 79 al. 1 OJ, qui restreint la production de moyens nouveaux, s'applique aussi à l'office.