BGE 89 III 33
 
7. Arrêt du 26 août 1963 dans la cause Piralla.
 
Regeste
Unpfändbarkeit der zur Berufsausübung notwendigen Werkzeuge (Art. 92 Ziff. 3 SchKG).
 
Sachverhalt


BGE 89 III 33 (33):

Andrée-Evelyne Piralla-Noll poursuit son mari Charles Piralla en paiement de la pension alimentaire fixée par le juge pour la durée du procès en divorce. Le 13 juin 1963, l'Office des poursuites de Genève a saisi au préjudice du

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débiteur une voiture automobile Ford-Taunus, modèle Combi, estimée à 1500 fr.
Charles Piralla a déposé une plainte tendant à ce que le véhicule fût déclaré insaisissable comme instrument de travail; il en aurait besoin pour transporter les matériaux, les produits et l'outillage utilisés dans les menus travaux qu'il exécute, à savoir la réfection de peintures et de parquets, le débarras de greniers, des nettoyages; son état de santé déficient l'empêcherait d'occuper un emploi fixe.
Statuant le 26 juillet 1963, l'Autorité de surveillance du canton de Genève admit la plainte, en se fondant sur les allégations du débiteur, et déclara la voiture insaisissable.
Andrée-Evelyne Piralla-Noll recourt au Tribunal fédéral en concluant au maintien de la saisie.
 
Considérant en droit:
Sont notamment insaisissables, selon l'art. 92 ch. 3 LP, les instruments nécessaires au débiteur pour l'exercice de sa profession. L'insaisissabilité cesse cependant lorsque l'activité professionnelle du poursuivi n'est pas rentable, parce que les instruments nécessaires entraînent des frais hors de proportion avec le revenu réalisé (RO 86 III 51/2, 88 III 53). Il appartient à l'autorité de surveillance d'élucider d'office, éventuellement avec le concours de l'office des poursuites, les faits déterminants pour l'application de l'art. 92 LP (RO 82 III 106 consid. 2, 86 III 49/50 consid. 1, et références citées).
En l'espèce, l'intimé Charles Piralla se prétend incapable de travailler à 50% en raison des suites d'un accident. Il a produit un certificat médical du Dr. J. Brémond, du 6 juillet 1963, qui n'indique cependant pas le motif de l'incapacité partielle. Il a établi, en revanche, que le chef du Département des travaux publics du canton de Genève, qui l'avait engagé le 2 novembre 1962, a révoqué cet engagement le 20 juin 1963, à la suite d'une visite médicale. De son côté, la Caisse nationale considère la capacité de travail du débiteur comme entière depuis le 16 avril 1963.


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Vu ces indications contradictoires, l'incapacité partielle alléguée mériterait d'être vérifiée. Quant à son activité, le débiteur a exposé qu'il faisait de petits travaux de réfection dans des bâtiments, comme les peintures et les parquets, ainsi que le débarras de greniers, des nettoyages, etc. Le produit de son travail ne dépasserait pas 300 à 350 fr. par mois. La voiture saisie serait indispensable au transport des matériaux, des produits et de l'outillage utilisés. Sa nièce aurait acheté le véhicule pour le mettre à sa disposition. Elle en a d'ailleurs revendiqué la propriété. Sa revendication ayant été contestée par la créancière saisissante, elle a ouvert une action qui est actuellement pendante devant les tribunaux genevois.
La recourante nie que l'intimé exerce effectivement, à titre principal, l'activité prétendue; il aurait toujours exécuté de menus travaux accessoires, à côté de son activité professionnelle normale, chaque fois que l'occasion se présentait. Elle relève qu'à l'audience tenue le 22 mai 1963 par le juge saisi du procès en divorce, son mari a déclaré qu'il avait pris un emploi à l'institut ORT à Anières et gagnait 450 fr. par mois, bénéficiant en outre gratuitement d'une chambre et du petit déjeuner. Se déterminant sur ce point devant l'office des poursuites, le débiteur a prétendu qu'il n'avait pu occuper ledit emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté. Toutefois, d'après une lettre versée au dossier, l'institut ORT avait bien engagé Charles Piralla comme veilleur de nuit, le 20 mai 1963, mais, n'ayant reçu aucune nouvelle de lui jusqu'à fin mai, il s'est vu contraint d'annuler l'engagement et de prendre d'autres dispositions.
En présence des versions divergentes exposées par les parties, l'autorité cantonale aurait dû élucider les faits. Or elle s'est bornée à accueillir les allégations du débiteur, en dépit des contestations de la créancière. Du moment qu'elle s'écartait de la décision prise par l'office des poursuites quant à la saisissabilité de la voiture trouvée en possession de Charles Piralla, elle avait l'obligation d'examiner

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objectivement et de façon approfondie les allégations des deux parties et, le cas échéant, de procéder aux investigations nécessaires. Si l'intimé a refusé délibérément de donner suite à son engagement par l'ORT, on ne saurait priver la recourante du produit de la réalisation de la voiture, seul objet saisi. Aussi la lumière doit-elle être faite sur ce point. En outre, il conviendra de vérifier la capacité de travail du débiteur et, le cas échéant, la rentabilité de l'activité indépendante qu'il dit exercer. Sur la base des faits qu'elle aura ainsi établis, l'autorité cantonale rendra une nouvelle décision au sujet de la saisissabilité de la voiture automobile litigieuse.
Par ces motifs, la Chambre des poursuites et des faillites
admet le recours dans le sens des motifs, annule la décision attaquée et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle complète le dossier et rende une nouvelle décision.