BGE 140 II 202
 
20. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Administration fédérale des contributions contre A. (recours en matière de droit public)
 
2C_805/2013 du 21 mars 2014
 
Regeste
Art. 43, 78, 79, 82, 83 und 85 MWSTG 2009; Einschätzungsmitteilung; Möglichkeit der Vornahme in der Form einer Verfügung; Selbstveranlagungsprinzip.
 
Sachverhalt


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A. A. exploite à titre individuel un pub-bar sous l'enseigne "B." à C. (NE). Il n'est pas inscrit au registre du commerce; en revanche, il est, depuis le 1er janvier 2003, immatriculé au registre des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: la TVA) tenu par l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale).
Au printemps 2011, l'Administration fédérale a procédé à un contrôle externe dans l'entreprise de l'assujetti, portant sur les périodes fiscales allant du 1er trimestre 2006 au 4e trimestre 2009, ainsi que sur celles allant du 1er trimestre 2010 au 4e trimestre 2010. Ayant constaté diverses erreurs d'imposition, elle a fixé le montant de la correction d'impôt à 27'705 fr. pour les périodes 2006 à 2009 et à 9'658 fr. pour les périodes s'étendant sur 2010.
B. Le 21 novembre 2011, l'Administration fédérale a adressé à A. deux notifications d'estimation valant, selon elle, décisions formelles et confirmant le montant des corrections d'impôt effectuées à l'issue du contrôle.
L'assujetti a déposé réclamation contre la notification d'estimation relative aux années 2006 à 2009 par courrier du 15 décembre 2011. Le 17 janvier 2012, il a adressé à l'Administration fédérale un courriel indiquant qu'il contestait aussi la seconde notification d'estimation afférente à l'année 2010.


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Par décisions du 29 mars 2012, l'Administration fédérale a rejeté la réclamation du 15 décembre 2011 et déclaré irrecevable la réclamation du 17 janvier 2012 pour cause de tardiveté.
A. a recouru contre ces deux décisions sur réclamation auprès du Tribunal administratif fédéral. Après avoir disjoint les deux causes, celui-ci a, par arrêt du 25 juillet 2013, admis le recours portant sur l'année 2010, annulé la décision d'irrecevabilité du 29 mars 2012 et renvoyé la cause à l'Administration fédérale pour décision au fond.
C. Contre l'arrêt du 25 juillet 2013, l'Administration fédérale interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'arrêt entrepris et à la confirmation de sa décision sur réclamation du 29 mars 2012 concernant l'année 2010. (...)
Le Tribunal fédéral rejette le recours.
(extrait)
 
Extrait des considérants:
5.2 La notification d'estimation (en allemand: die Einschätzungsmitteilung; en italien: l'avviso di tassazione) ne fait pas l'objet d'une définition précise ni dans la LTVA (RS 641.20), ni dans l'OTVA (RS 641.201). Cette notion apparaît, d'une part, dans le contexte des contrôles que l'Administration fédérale est en droit d'effectuer auprès des assujettis "dans la mesure nécessaire à l'établissement des faits" (art. 78 al. 1 LTVA); dans ce cadre, l'art. 78 al. 5 LTVA prévoit que "le contrôle est clos dans un délai de 360 jours par une notification d'estimation, qui précise le montant de la créance fiscale pour la période contrôlée". D'autre part, la notification d'estimation

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établit la créance fiscale dans le cadre de la taxation par estimation (art. 79 al. 2 LTVA), à laquelle le fisc procède si les documents comptables font défaut ou sont incomplets ou que les résultats présentés par l'assujetti ne correspondent manifestement pas à la réalité (art. 79 al. 1 LTVA). La formulation employée par les art. 78 al. 5 et 79 al. 2 LTVA ("précise le montant de la créance"; "la créance fiscale est établie") ne permet pas, à elle seule, ni de confirmer, ni d'infirmer le caractère décisionnel de la notification d'estimation.
Le terme de notification d'estimation apparaît de surcroît aux art. 43 al. 1 et 85 LTVA. La première disposition précise que la créance fiscale entre en force soit "par une décision, une décision sur réclamation ou un jugement entrés en force" (art. 43 al. 1 let. a), soit "par la reconnaissance écrite ou le paiement sans réserve, par l'assujetti, du montant figurant dans la notification d'estimation" (let. b), soit encore "par la prescription du droit de taxation" (let. c); la seconde disposition, qui a trait à la révision, l'interprétation et la rectification, fait explicitement mention des "notifications d'estimation, des décisions et des décisions sur réclamation" (art. 85 LTVA). L'art. 82 LTVA, arborant le titre "Décisions de l'AFC", ne mentionne quant à lui pas la notification d'estimation et cite avant tout, au nombre des cas, toutefois non exhaustifs ("en particulier"), dans lesquels l'Administration fédérale rend une décision, les hypothèses de contestation ou d'inexécution d'une obligation par l'assujetti.
Compte tenu de la différenciation lexicale que la loi opère entre la décision et la notification d'estimation, et dès lors que la loi réserve, avant tout, l'usage des décisions aux situations de désaccord, l'interprétation systématique de la loi tend à réfuter tout amalgame entre ces deux notions et à considérer que la notification d'estimation ne constitue pas une décision.
5.3 Les travaux préparatoires confirment l'absence de caractère décisionnel de la notification d'estimation. Il résulte en particulier du Message du 25 juin 2008 sur la simplification de la TVA, qu'au terme du contrôle fiscal effectué selon l'art. 78 LTVA, l'inspecteur doit remettre à l'assujetti une notification d'estimation "dans laquelle il arrête le résultat du contrôle, c'est-à-dire la reprise d'impôt possible ou l'impôt crédité en faveur de l'assujetti"; ce dernier peut ensuite "se prononcer sur cette estimation et la discuter avec l'inspecteur. Si l'assujetti n'est pas d'accord avec l'estimation, il doit ouvrir une procédure administrative" (FF 2008 6277, 6393 ad art. 78). Il

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s'ensuit que le législateur a voulu aménager la procédure de reprise fiscale en deux temps, qui comprend une première phase non contentieuse, dans laquelle l'assujetti exerce son droit d'être entendu préalablement à toute décision; il lui est alors loisible de discuter, de façon informelle, des constats établis par l'inspecteur de l'Administration fédérale et, le cas échéant, d'obtenir leur correction; la seconde phase intervient en cas de désaccord persistant et permet alors à l'assujetti d'ouvrir une procédure administrative, en sollicitant du fisc ou provoquant une décision formelle sujette à contestation. De surcroît, comme le remarque à juste titre le Tribunal administratif fédéral, aucun élément du Message précité ne traduit l'intention des autorités de qualifier différemment, s'agissant de la nature de l'acte, la notification d'estimation par rapport aux décomptes complémentaires qui existaient sous l'empire de l'ancienne LTVA et ne valaient pas décisions (cf. arrêts 2C_486/2009 du 1er février 2010 consid. 2.3, in RF 65/2010 p. 595; 2C_632/2007 du 7 avril 2008 consid. 4.7, in Archives 77 p. 354; 2A.561/2002 du 11 juillet 2003 consid. 2.3, in RF 59/2004 p. 228; voir également MARLISE RÜEGSEGGER, Das Selbstveranlagungsprinzip der Mehrwertsteuer im Lichte der Rechtsprechung, Archives 76 p. 345 ss, 346 s., 360, 362).
5.4 Du point de vue téléologique, il convient de rappeler que la TVA est perçue sur la base d'un système reposant sur l'auto-taxation ("Selbstveranlagungsprinzip"), en vertu duquel l'assujetti est lui-même responsable de l'établissement correct et complet de ses décomptes, l'Administration fédérale n'intervenant qu'à des fins de contrôle (cf., sous l'ancien droit, art. 46 aLTVA; FF 2008 6277, 6300; ATF 137 II 136 consid. 6.2 p. 149; arrêts 2C_350/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2.2, in RF 67/2012 p. 75; 2C_486/2009 du 1er février 2010 consid. 2.2, in RF 65/2010 p. 595; 2A.546/2000 du 31 mai 2002 consid. 6b, in RF 58/2003 p. 209; MOLLARD/OBERSON/TISSOT BENEDETTO, Traité TVA, 2009, p. 838 n. 144; SCHÄRER/BRUNNER, Verfahrensfragen bei der Mehrwertsteuer - und ihre Bedeutung für die Steuerpflichtigen, RF 64/2009 p. 169 ss, 186). Bien que le nouveau droit, applicable au présent litige, ait assoupli ce principe dans le sens d'une répartition plus équilibrée des tâches entre les assujettis et l'autorité fiscale (FF 2008 6277, 6304 ss ch. 1.3.2 s.; arrêt 2C_678/2012 du 17 mai 2013 consid. 2.1, in Archives 82 p. 311; OTMAR SIEBER, Neuerungen beim Verfahren, L'expert-comptable suisse 2010 p. 286), les entreprises assujetties continuent néanmoins à supporter une large part de responsabilité pour ce qui est de collaborer à

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l'imposition à la TVA (cf. HONAUER/ORT/RÜEGSEGGER/RUSSI, Empfehlung zur Prüfung der MWST, L'expert-comptable suisse 2012 p. 40). Compte tenu de la responsabilité incombant à l'assujetti, qui va de pair avec une marge d'appréciation quant au mode d'établir les factures et le calcul de la créance fiscale (cf. notamment art. 36 s. et 39 LTVA), il n'apparaît pas insolite que le législateur permette à l'assujetti, avant l'engagement d'une procédure contentieuse, de rechercher le dialogue informel avec le fisc, pour lui présenter sa position dans le but d'obtenir un changement de position et/ou de mieux comprendre les motifs ou l'ampleur de la reprise fiscale (cf., dans ce sens, CAMENZIND/HONAUER/VALLENDER/JUNG/PROBST, Handbuch zum Mehrwertsteuergesetz [MWSTG], 3e éd. 2012, p. 838 n. 2257).
5.5 La nature décisionnelle de la notification d'estimation, qui serait directement attaquable, est par ailleurs contestée par la doctrine majoritaire. Pour BAUMGARTNER/CLAVADETSCHER/KOCHER (Vom alten zum neuen Mehrwertsteuergesetz, 2010, § 8 n. 39 et § 10 n. 86-90, p. 330 s.), la notification d'estimation est assimilable à une proposition de taxation ("Vorabbescheid") offrant à l'assujetti la possibilité d'exercer son droit d'être entendu avant qu'une décision de taxation ne soit rendue à son égard; elle constitue simultanément un succédané de décision ("Verfügungssurrogat"), en ce sens qu'elle acquiert force de chose décidée en cas de reconnaissance écrite ou de paiement sans réserve, par l'assujetti, du montant qu'elle retient (cf. art. 43 al. 1 let. b LTVA), tandis qu'en cas de désaccord ou d'inaction de l'assujetti, le fisc est contraint d'ouvrir une procédure décisionnelle ou en recouvrement (poursuite) sujette à opposition et à décision de mainlevée conformément à l'art. 86 al. 3 et 4 LTVA (avis partagé par MICHAEL BEUSCH, in MWSTG-Kommentar, 2012, n° 18 ad art. 42 LTVA p. 330; BÉATRICE BLUM, Auswirkungen des neuen Verfahrensrechts für die steuerpflichtigen Personen [ci-après: Auswirkungen], L'expert-comptable suisse 2010 p. 289 ss, 291; FELIX GEIGER, in MWSTG-Kommentar, 2012, n° 5 ad art. 82 LTVA p. 506; HONAUER/GRAFF BRAKEMEIER/DI COSTANZO, Prozessieren in MWST-Sachen, in L'expert-comptable suisse 2011 p. 96 ss, 100; contra: ROLAND BERTSCHY, Auswirkungen des neuen Verfahrens für die ESTV, L'expert-comptable suisse 2010 p. 294 ss, 296; s'agissant de la procédure de recouvrement: MARLISE RÜEGSEGGER, Ausgewählte Aspekte des neuen Verfahrensrechts, Archives 79 p. 85 ss, 92).
5.6 A l'aune des méthodes d'interprétation systématique, historique et téléologique de la LTVA, il y a donc lieu de confirmer la position

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du Tribunal administratif fédéral, qui correspond à l'avis majoritaire de la doctrine récente, selon laquelle les notifications d'estimation ne constituent pas en tant que telles des décisions; elles interviennent en amont, dans une phase préalable à l'ouverture de la phase procédurale qui survient en cas de désaccord de l'assujetti.
6.1 Pour soutenir sa thèse, l'Administration fédérale indique en particulier que l'art. 82 LTVA lui confère une compétence générale de rendre des décisions formelles; le fait pour l'assujetti de contrevenir à son obligation d'établir correctement et complètement sa taxation selon le principe de l'auto-taxation menace non seulement la perception de l'impôt, mais est aussi constitutif d'une "contestation" au sens de l'art. 82 al. 1 let. c LTVA, justifiant ainsi la prise d'une décision immédiate sur cette base. Au vu du principe de l'efficacité, qui régit l'acquittement et la perception de l'impôt (art. 1 al. 3 let. b LTVA), et compte tenu du raccourcissement du délai de prescription absolue du droit de taxer de quinze à dix ans sous le nouveau droit (art. 42 al. 6 LTVA), la recourante estime en outre que lui interdire d'établir une décision simultanément à la notification d'estimation l'empêcherait, dans de nombreux litiges, de remplir son obligation de perception; or, ceci irait à l'encontre des principes de célérité, d'égalité des armes entre le fisc et l'assujetti, et de la sécurité du droit.
6.2 Il est vrai que, tel qu'il est formulé ("L'AFC rend, d'office ou sur demande de l'assujetti, toutes les décisions nécessaires à la perception de l'impôt, en particulier dans les cas suivants [...]"), l'art. 82 LTVA reconnaît une marge de manoeuvre importante à l'Administration fédérale par rapport aux domaines, aux circonstances ainsi qu'au moment dans lesquels il lui est permis de rendre des décisions administratives à l'égard de l'assujetti. Cette disposition n'octroie pas pour autant un blanc-seing en faveur du fisc, dont la compétence se voit d'emblée limitée à la prise de décisions qui sont "nécessaires à la perception de l'impôt". Qui plus est, le texte de la loi précise, par une tournure restrictive, bien que non exhaustive ("en particulier" ["insbesondere"; "in particolare"]), qu'en dehors des cas où

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l'assujetti requiert l'adoption d'une décision, les situations qui légitiment avant tout son prononcé sont: d'une part, celles où le comportement de l'assujetti ou les circonstances du cas mettent concrètement en danger la perception de l'impôt, par exemple en cas de non paiement ou de non respect d'obligations mises à sa charge (cf. art. 82 let. d-f LTVA; dans ce sens: FF 2008 6277, 6395 ad art. 82: "la perception de l'impôt est menacée"); d'autre part, les cas dans lesquels l'assujetti conteste son assujettissement, la créance fiscale ou d'autres conditions et modalités que la loi lui impose (cf. art. 82 let. a-c et f LTVA).
Il s'ensuit que, pour rendre une décision conformément à l'art. 82 LTVA, l'Administration fédérale doit soit avoir reçu une requête de l'assujetti allant dans ce sens, soit pouvoir déduire des circonstances concrètes du dossier que ce dernier entend contester les obligations découlant pour lui de la LTVA, ou qu'il met en péril - notamment par des manoeuvres dilatoires ou un autre comportement contraire à la bonne foi - la perception de l'impôt.
Cette conception ne peut être suivie.
6.3.2 En deuxième lieu, il n'est pas inutile de rappeler que, dans un système d'auto-taxation, même atténué, la responsabilité principale d'établir les décomptes fiscaux appartient à l'entreprise assujettie, laquelle ne dispose que rarement de connaissances approfondies du domaine spécifique lié à la TVA et est partant sujette à commettre des erreurs ou imprécisions. Il s'ensuit que l'autorité fiscale ne peut, en l'absence d'indices concrets, considérer que de tels manquements traduiraient d'emblée et dans tous les cas une tentative consciente de

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l'assujetti de se soustraire à ses obligations fiscales. La notification d'estimation, que le fisc doit en principe communiquer à l'assujetti peu de temps après la fin du contrôle, tient précisément compte du potentiel d'erreur inhérent au système d'auto-taxation; dans un souci d'efficience et pour éviter que chaque contrôle se solde par une décision formelle, elle offre en effet la possibilité à l'assujetti d'engager un dialogue informel avec l'Administration fédérale, lui permettant de clarifier certains points ou malentendus (et de mieux accepter la solution calculée par le fisc), voire de convaincre cette dernière, par exemple sur la base de pièces inédites, de modifier sa position (cf., dans ce sens, BAUMGARTNER/CLAVADETSCHER/KOCHER, op. cit., p. 269). Ce n'est donc qu'en cas d'échec de ce dialogue, voire si une telle phase informelle apparaît par avance vouée à l'échec (l'assujetti ayant notamment d'emblée fait savoir qu'il s'opposerait à la position du fisc) que l'Administration fédérale pourra en principe notifier une décision.
6.3.3 En troisième et dernier lieu, il résulte tant des explications fournies par l'Administration fédérale dans son mémoire de recours que des commentaires de la doctrine (BLUM, Auswirkungen, op. cit., p. 291; BLUM, in MWSTG-Kommentar [ci-après: Kommentar], 2012,n° 35 ad art. 78 LTVA p. 495; CAMENZIND/HONAUER/VALLENDER/JUNG/PROBST, op. cit., p. 839 ss n. 2261 ss; HONAUER/GRAFF BRAKEMEIER/DI COSTANZO, op. cit., p. 100), que le couplage de la notification d'estimation à une décision sujette à réclamation dans un délai de 30 jours constitue une pratique administrative instaurée sous l'empire de la nouvelle LTVA. Certes, dans la mesure où elle déplace la phase du dialogue informel (censée commencer avec la notification d'estimation transmise quelque temps après le contrôle) immédiatement à la fin du contrôle, lorsque l'inspecteur présente ses résultats provisoires à l'assujetti (BLUM, Auswirkungen, op. cit., p. 291; HARUN CAN, Einsprache nach neuem MWST-Gesetz, Eine Eile ohne Weile, L'expert-comptable suisse 2011 p. 655 ss, 658), cette pratique ne lèse a priori pas le droit d'être entendu de l'entreprise (cf. BLUM, in Kommentar, op. cit., n° 36 ad art. 79 LTVA p. 495; CAMENZIND/HONAUER/VALLENDER/JUNG/PROBST, p. 840 s.), même si elle tend à abréger le temps de réflexion et de dialogue qui lui est accordé à partir de la fin du contrôle (CAN, op. cit., p. 655; HONAUER/GRAFF BRAKEMEIER/DI COSTANZO, op. cit., p. 100; contra: BERTSCHY, op. cit., p. 296) et qu'elle suppose que les résultats provisoires soient effectivement soumis à l'assujetti avant la notification d'estimation. Une telle pratique

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systématique n'en contredit pas moins l'esprit de l'art. 82 LTVA, qui requiert qu'une décision ne soit prise que si celle-ci est nécessaire à la perception de l'impôt. Or, cette nécessité n'existe pas dans tous les cas aboutissant à une notification d'estimation (cf. supra consid. 6.3.2). Il faut encore que les circonstances particulières le justifient, par exemple en cas d'indices concrets que l'assujetti entend faire obstacle ou s'opposer à la perception ou en cas de requête de l'intéressé; cette volonté du législateur s'inscrit à son tour dans le souhait, conforme au principe de l'auto-taxation, de laisser à l'assujetti le soin de décider lui-même si une procédure administrative doit être ouverte.
6.3.4 S'ajoute à cela que ladite pratique vide de son sens l'art. 43 al. 1 let. b LTVA, lequel prévoit l'entrée en force de la créance fiscale par suite de la reconnaissance écrite ou du paiement sans réserve, par l'assujetti, du montant figurant dans la notification d'estimation; or, dès lors que le fisc confère systématiquement à cette dernière un caractère décisionnel (c'est l'hypothèse prévue à la let. a de l'art. 43 al. 1 LTVA), la possibilité - inspirée par les principes de l'auto-taxation - donnée à l'assujetti de consentir librement aux prétentions de l'Administration fédérale, le cas échéant après s'être laissé convaincre par les explications et calculs de l'inspecteur, devient illusoire, ce qui se heurte à l'effet utile qu'il convient en principe de donner à chaque norme d'un texte de loi (cf. ATF 134 II 10 consid. 3.5.3 p. 20; arrêt 4A_736/2011 du 11 avril 2012 consid. 3.3.4, résumé in PJA 2012 p. 1616).
En tant que la recourante craint que l'arrêt querellé l'empêche de percevoir l'impôt avant que le délai de prescription du droit de taxation relatif de cinq ans (art. 42 al. 2 LTVA; partant, en l'occurrence, le 1er janvier 2011, soit à l'issue de la période de 2010 en cause; cf. MICHAEL BEUSCH, op. cit., n° 10 ad art. 42 LTVA p. 328), voire absolu de dix ans (raccourci par rapport aux quinze ans prévus par l'aLTVA; art. 42 al. 6 LTVA; cf. arrêt 2C_227/2010 du 5 août 2010 consid. 2.2, in RF 66/2011 p. 78) ne soit atteint (cf., dans ce sens, CAN, op. cit., p. 661), elle omet de prendre en considération qu'une déclaration écrite sujette à réception visant à fixer ou à corriger la

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créance fiscale, une décision, une décision sur réclamation ou un jugement interrompent la prescription relative et font repartir un nouveau délai de deux ans, qui devrait donner le temps nécessaire à l'Administration fédérale pour mener à bien la procédure, y compris en cas de contentieux, dans les délais légaux de prescription (cf. art. 42 al. 2 LTVA). S'y ajoute, en respectant l'ordre des démarches prescrit par la loi, la possibilité pour l'assujetti d'écourter de lui-même la procédure en sollicitant un recours omisso medio auprès du Tribunal administratif fédéral (art. 83 al. 4 LTVA; cf. FELIX GEIGER, op. cit., n° 19 ad art. 83 LTVA p. 514; HONAUER/PIETROPAOLO/BORER-DI COSTANZO, Prozessieren in MWST-Sachen, L'expert-comptable suisse 2013 p. 435 ss, 439 s.), étant toutefois précisé que le déclenchement d'une telle procédure dépend de la volonté de l'assujetti. Par ailleurs, il incombe à l'autorité fiscale de s'organiser de façon à être en mesure d'achever les procédures de taxation dans les délais, ce qui implique notamment qu'il lui faut faire preuve de toute la célérité et diligence indiquée tant dans la phase du contrôle aboutissant à la notification d'estimation, que par la suite, au moment de rendre une décision formelle, puis une décision sur réclamation, si celles-ci s'imposent. Il faut préciser que la notification d'estimation limite le temps de réflexion de l'assujetti à trente jours (délai de paiement imparti) et que la loi n'impose nullement au fisc de procéder, comme il le fait actuellement, à deux sommations avant d'engager une procédure de recouvrement. L'on ne saurait en effet perdre de vue que l'un des buts de l'adoption de la nouvelle LTVA visait prioritairement à alléger la charge de travail de l'assujetti, à "recentrer l'administration sur le service aux assujettis", de même qu'à accélérer "la procédure du point de vue des assujettis" (FF 2008 6277, 6279, 6374 s. ad art. 42), tout en laissant à ces derniers le choix d'entamer une procédure administrative (le cas échéant, en accélérant la procédure via le recours omisso medio) ou d'accepter le montant de l'impôt. En outre, l'exégèse de la LTVA ne conduit pas radicalement à remettre en cause le droit de l'Administration fédérale de coupler une décision de notification à une décision lorsque les circonstances spécifiques du cas le justifient (l'assujetti annonce d'emblée vouloir contester les constats du fisc, persiste catégoriquement dans son refus d'accepter la position du fisc à l'issue du contrôle ou la perception de l'impôt apparaît concrètement menacée). Elle fait seulement obstacle à une pratique tendant systématiquement au prononcé d'une telle décision, alors que l'existence d'une notification


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d'estimation ne signifie pas à elle seule qu'il existe déjà une menace concrète quant à la perception de l'impôt.
La recourante ne peut rien tirer du principe de sécurité juridique en sa faveur. Tel que le législateur l'a conçue, la LTVA de 2009 vise moyennant la notification d'estimation au contraire à renforcer ledit principe ainsi que l'égalité des armes en faveur de l'assujetti, en empêchant l'Administration fiscale, notamment par la multiplication ou la prolongation des contrôles en entreprise, de revenir sans cesse sur la différence entre la créance calculée par l'assujetti et celle retenue par le fisc (cf. le délai d'ordre pour les contrôles prévu à l'art. 78 al. 5 LTVA; FF 2008 6277, 6300, 6392; voir aussi BAUMGARTNER/CLAVADETSCHER/KOCHER, op. cit., n. 83 p. 329 et n. 35 s. p. 268; CAMENZIND/HONAUER/VALLENDER/JUNG/PROBST, op. cit., p. 840; HONAUER/GRAFF BRAKEMEIER/DI COSTANZO, op. cit., p. 100; SIEBER, op. cit., p. 288).
6.4 En conclusion, il découle de l'interprétation des dispositions concernées de la LTVA que la pratique instaurée par l'Administration fédérale, consistant à systématiquement coupler ses notifications d'estimation à des décisions administratives, sans pour autant examiner si les circonstances particulières du cas d'espèce justifient la prise d'une décision au sens de l'art. 82 LTVA, n'est pas conforme à la systématique et à l'esprit de ladite loi fédérale. En tant que la notification d'estimation afférente à la période de 2010 correspond à cette pratique, sans que la recourante ne parvienne à démontrer que des circonstances particulières aient motivé le prononcé d'une notification d'estimation revêtue d'un caractère décisionnel, c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a considéré qu'elle ne pouvait constituer une décision et que, partant, le fisc ne pouvait refuser d'entrer en matière sur la contestation formulée par l'assujetti au motif qu'elle était tardive.