BGE 100 II 403
 
60. Arrêt de la IIe Cour civile, du 14 novembre 1974 dans la cause Jeanmonod contre Helvetia-accidents
 
Regeste
Art. 33; 38 VVG
2. Tritt in der Haftpflichtversicherung das "befürchtete Ereignis" im Zeitpunkt ein, in dem der Verletzte Schadenersatzansprüche geltendmacht, oder in dem Moment, in dem der Schaden entsteht? Frage offen gelassen (Erw. 3).
3. Die Klausel, nach der nur die "während der Vertragsdauer verursachten Schäden" gedeckt sind, bedeutet in der Haftpflichtversicherung, dass die Deckung durch die Versicherung zwar erst mit dem Vertragsabschluss beginnt, dass sie aber nicht mit der Vertragsdauer übereinstimmt (Erw. 4).
 
Sachverhalt


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A.- Paul Jeanmonod exploite un modeste atelier de menuiserie-charpenterie à Ecublens. Depuis 1958, il s'est mis à construire de petits chalets sur la base de plans standards. Il dirigeait en général l'ensemble de la construction, assumant, vis-à-vis de ses clients, le rôle d'entrepreneur général et d'architecte.
En 1963-1964, il a construit un chalet pour le compte de Charles Deriaz. En cours de construction, il a proposé au maître d'oeuvre un modèle de chauffe-eau à gaz butane pour la salle de bains et il a pourvu à son installation.
En juin 1966, Jeanmonod a conclu avec la société Helvetia-Accidents (ci-après: l'Helvetia), un contrat d'assurance responsabilité civile, avec entrée en vigueur le 1er juillet 1966; l'échéance était fixée au 31 décembre 1971. Ce contrat couvrait l'assuré "pour l'exploitation d'une menuiserie-ébénisterie et charpente (villas et chalets) ainsi qu'en sa qualité de particulier et chef de famille, selon art. 2 ch. I des conditions générales (...)".
L'Helvetia déclarait couvrir les personnes assurées pour les risques définis par la proposition et la police contre les demandes en dommages-intérêts formulées en vertu des dispositions légales sur la responsabilité civile, pour dommages corporels ou dégâts matériels (art. 1er des conditions générales, ci-après: CG). L'assurance était valable "pour les dommages

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causés pendant la durée du contrat" pour autant qu'ils soient survenus en Europe, à l'exclusion de certains pays (art. 3 CG).
B.- Le 23 juin 1968, Claude Deriaz, qui prenait une douche dans le chalet de son père, est décédé des suites d'une intoxication au monoxyde de carbone, provoquée par la combustion de gaz du chauffe-eau que Jeanmonod avait installé dans la salle de bains.
Cette pièce a un volume effectif de 5,04 m3. La brochure d'instructions livrée en même temps que l'appareil spécifiait que, pour les pièces inférieures à un volume d'air de 8 m3, il était indispensable d'équiper le chauffe-eau d'un anti-refouleur à brancher sur un conduit d'évacuation. Le chauffe-eau installé dans le chalet Deriaz n'était pas muni de ces accessoires.
C.- Jeanmonod a déclaré le sinistre à l'Helvetia, qui a refusé toute prestation, estimant que le cas n'était pas couvert par la police, notamment parce que la cause de l'accident résidait dans un comportement fautif de l'installateur à une époque où l'assurance n'était pas encore en vigueur.
D.- Le 21 avril 1970, la veuve du défunt, Annette Deriaz, a ouvert action contre Jeanmonod devant la Cour civile vaudoise, en paiement de 244525 fr. 40 avec intérêts à 5% dès le 23 juin 1968, à titre de dommages-intérêts et réparation du tort moral.
Jeanmonod a appelé l'Helvetia en cause, qui a ainsi acquis la qualité de partie.
Par jugement du 7 juin 1974, la Cour civile a admis qu'en installant un chauffe-eau sans avoir égard aux "Instructions" d'installation, Jeanmonod avait commis une faute engageant sa responsabilité. Elle l'a condamné à payer 129 605 fr. 40 en capital á la veuve du défunt, intérêts et dépens non compris.
La Cour a rejeté les conclusions récursoires de Jeanmonod contre l'Helvetia, liberant celle-ci de toute obligation d'intervenir dans le règlement du sinistre; elle a admis que la cause du dommage déterminant en vertu de l'art. 3 CG pour apprécier le devoir d'indemniser de l'assurance, se situait avant la conclusion du contrat, soit au moment de l'installation du chauffe-eau, en 1964.
E.- Jeanmonod recourt au Tribunal fédéral. Renonçant à remettre en question les montants alloués à dame Deriaz, il conclut, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement, demandant que l'Helvetia soit contrainte de le relever

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du paiement de toutes les sommes dues à la veuve de Claude Deriaz.
L'Helvetia propose le rejet du recours.
 
Considérant en droit:
En principe on peut attendre d'un menuisier-charpentier qu'il exécute seulement des travaux sur bois. Mais la cour cantonale a retenu en fait, sur la base des expertises, qu'il est d'usage courant, dans la construction de maisons de week-end ou de petits chalets, que le charpentier s'occupe de l'ensemble des opérations et assume le rôle d'un entrepreneur général; il est alors amené à exécuter des travaux qui ne lui incombent pas normalement. Cette constatation lie le Tribunal fédéral saisi comme juridiction de réforme. Il incombait à l'intimée, qui ne pouvait ignorer cet usage, de définir clairement dans la police les risques assurés et d'exclure, si elle l'entendait ainsi, toute couverture pour des travaux qui n'étaient pas effectués sur bois. Sans violer le droit fédéral, la cour cantonale pouvait admettre que cette exclusion ne résultait pas clairement du libellé des conditions générales; qu'ainsi, elle n'était pas opposable au recourant (art. 33 LCA).
En introduisant les termes "villas et chalets" dans la définition de l'activité assurée, l'intimée précisait et limitait l'étendue du risque assuré (KELLER/TÄNNLER/ROELLI, Kommentar zum Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, vol. I, p. 475, chap. 3). Mais les clauses qui limitent l'étendue du risque assuré doivent être interprétées contre l'assureur en ce sens qu'il répond de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l'assurance a été conclue, à moins que le contrat n'exclue certains événements d'une manière précise (art. 33 LCA).


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L'adjonction "villas et chalets" ne signifie pas nécessairement que seuls étaient assurés les travaux sur bois effectués dans une villa ou un chalet. Dans le doute, la cour cantonale pouvait à bon droit donner à cette clause un sens plus large et admettre que les parties avaient entendu viser, outre les travaux ordinaires d'un menuisier-charpentier, l'activité de celuici comme constructeur de chalets. Même si l'autre conception était concevable, c'était, en vertu de l'art. 33 LCA, l'interprétation la plus large qui devait être retenue (KELLER/TÄNNLER/ROELLI, op.cit., p. 452 et 456 ss.; KOENIG, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e éd., p. 167 ss.).
Pour les mêmes motifs, la cour cantonale pouvait admettre que le recourant n'avait pas aggravé notablement le risque et qu'il était assuré pour les fautes qu'il pouvait commettre en installant une salle de bains.
Pour les uns, cet événement ne se produit pas au moment où est commise la faute qui a été à l'origine du dommage causé au tiers ni au moment de la survenance de ce dommage lui-même, mais il se réalise lorsque le lésé fait valoir des prétentions en dommages-intérêts (ROELLI, Kommentar zum Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, I, n. 5 ad art. 38 LCA, p. 463/64). Cette opinion a parfois été qualifiée d'opinion dominante (ROELLI/JAEGER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, II, n. 29/30 ad art. 59 LCA, p. 269 ss.). Le Tribunal fédéral s'y est rallié dans un arrêt (RO 56 II 219) et a même fixé dans un cas le point de départ de la prescription à la date de la condamnation de l'assuré à payer le dommage (RO 61 II 198).
D'autres auteurs en revanche, en particulier dans la doctrine

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récente, considèrent que l'événement redouté survient au moment où la responsabilité de l'assuré est engagée. L'événement dont on craint la survenance est ainsi, dans cette conception, la survenance du dommage. Peu importe que le tiers fasse ou non valoir ses prétentions (KELLER/TÄNNLER/ROELLI, op.cit., p. 235 n. 2 et p. 546; KOENIG, op.cit., p. 506/507; GEISER, Die Begrenzung des Risikos in der Haftpflichtversicherung, thèse Berne 1946, p. 69/70; LENTZSCH, Der zeitliche Eintritt des Versicherungsfalles in der Haftpflichtversicherung, thèse Zurich 1933, p. 41 et 59; BÜTTIKER, Die Risikobegrenzung in der Haftpflichtversicherung, thèse Zurich 1963, p. 59/60; FÄSSLER, Das befürchtete Ereignis in der Haftpflichtversicherung, thèse Berne 1949, p. 43 ss.).
Point n'est cependant besoin, en l'espèce, de trancher cette question. Il n'est en effet pas contesté que l'événement dommageable s'est produit pendant la durée de validité du contrat, que l'on prenne en considération le dommage causé au tiers ou le moment où la responsabilité de l'assuré a été mise en cause par le lésé.
b) Les conditions générales d'assurance ne précisent pas s'il faut entendre par "dommage" celui qui est causé au tiers et dont la survenance engage la responsabilité de l'assuré, ou celui que subit l'assuré lui-même du fait qu'il a engagé sa responsabilité.
En matière d'assurance de choses (assurance contre l'incendie, les accidents), cette distinction n'apparaît pas, parce que la survenance du dommage correspond à la réalisation du risque assuré. En revanche, elle peut apparaître dans l'assurance de la responsabilité civile, où le dommage causé au tiers

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lésé ne se confond pas avec celui que l'assuré subit du fait qu'il est débiteur d'une indemnité. Il en résulte que la cause du dommage peut être, en principe, aussi bien l'événement à l'origine du dommage subi par le tiers que celui qui est à l'origine du dommage subi par l'assuré.
En l'espèce, la cause du dommage subi par le tiers est la faute que le recourant a commise en installant le chauffe-eau d'une manière qui n'était pas conforme aux prescriptions. En revanche, la cause du dommage subi par le recourant est la survenance du sinistre, soit la mort de Claude Deriaz.
La notion de cause du dommage couvert par l'assureur dans l'assurance en responsabilité civile a donné lieu, dans la doctine allemande en particulier, à des interprétations divergentes entre les tenants de la théorie de l'événement dommageable (Verstosstheorie), qui considèrent comme cause la faute à l'origine du dommage subi par le tiers, et ceux de la théorie de la causalité (Folge- oder Schadenereignistheorie) pour lesquels c'est la survenance du dommage subi par le tiers qui est la cause déterminante (PRÖLSS, Kommentar zum Versicherungsvertragsgesetz, § 149, n. 3; PRÖLSS, Probleme des Haftpflichtversicherungsrechts, p. 25 ch. 9). Les assureurs allemands et, dans une certaine mesure, les tribunaux paraissent avoir marqué une préférence pour la théorie de la causalité (PRÖLSS, Komm., loc.cit.; Entscheidungen des (deutschen) Bundesgerichtshofes in Zivilsachen, vol. 25, p. 34/35 ss., et les arrêts cités).
Pour trancher cette question, il est nécessaire de déterminer quel est le dommage dont le preneur a entendu garantir la couverture lorsqu'il s'est assuré. Dans le cadre de l'assurance responsabilité civile, le preneur entend être garanti contre une diminution de son patrimoine due au fait que sa responsabilité se trouve engagée à l'égard d'un tiers lésé (KOENIG, op.cit., p. 506; PICCARD/BESSON, Les assurances terrestres en droit français, 2e éd., vol. l'no 357 p. 495). On peut en déduire que l'assuré entend être relevé des conséquences des fautes qu'il peut avoir commises pendant la durée du contrat. Dans l'assurance en responsabilité civile professionnelle, c'est l'exercice de l'activité professionnelle de l'assuré qui concrétise le risque; c'est là la cause de son devoir de réparer l'éventuel dommage (PICCARD/BESSON, loc.cit.).
Lorsque le dommage doit, comme en l'espèce, être causé

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pendant la durée du contrat, la couverture de l'assurance dans le temps ne prend ainsi naissance qu'à partir de la conclusion du contrat. Le sinistre n'est couvert que si la faute de l'assuré - qui provoque le dommage et la réclamation du tiers - est commise à partir de ce moment. Cette solution est inhérente au système de l'assurance responsabilité civile. Elle est la seule qui permette d'éviter qu'une personne consciente d'avoir commis une faute tente de conclure un contrat d'assurance pour se prémunir contre les conséquences éventuelles de sa faute. C'est aussi la seule manière d'éviter qu'une personne qui change d'activité professionnelle ou y met fin, ou les héritiers d'une personne décédée, ne soient contraints de maintenir le contrat d'assurance conclu contre les conséquences d'éventuelles fautes professionnelles pendant dix ans, pour le cas où un tiers prétendrait durant ce laps de temps à la réparation d'un dommage dû à l'exercice de l'activité de l'assuré. C'est aussi la seule manière de déterminer sans difficulté la compagnie d'assurance qui doit intervenir dans un sinistre lorsqu'une personne a changé d'assureur et qu'un tiers formule une réclamation contre l'assuré pour une faute commise alors que la première assurance était encore en vigueur. Il en résulte nécessairement que la période pour laquelle le contrat a été conclu ne correspond pas à la couverture de l'assurance dans le temps. Mais cela découle de la nature même de l'assurance responsabilité civile, et le recourant devait partir du principe, indépendamment même de la clause contenue à l'art. 3 CG, qu'il n'était assuré que contre les conséquences des fautes commises à partir de la conclusion du contrat, dans la mesure où elles engageaient sa responsabilité.
Il n'est pas contesté que la faute commise par le recourant, soit l'installation défectueuse du chauffe-eau - qui a été à l'origine du décès de Claude Deriaz et de la réclamation formulée par ses ayants droit - a été commise avant l'entrée en vigueur du contrat d'assurance. L'intimée n'est ainsi pas concernée par le sinistre et le recours doit être rejeté.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.