BGE 81 II 450
 
69. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 25 octobre 1955 dans la cause Rombaldi et L'Assicuratrice Italiana contre Lietti.
 
Regeste
Werkhaftung, Art. 58 OR.
2. Ist der Eigentümer zu besonderen Vorkehren verpflichtet, um zu verhüten, dass nicht zum Haus gehörende Personen auf eine gefährliche Kellertreppe geraten? (Erw. 2 b).
3. Selbstverschulden des Verunfallten als alleinige Unfallursache (Erw. 3).
 
Sachverhalt


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A.- L'entrepreneur Guérino Rombaldi est propriétaire, à Sion, d'un bâtiment dans lequel il a son bureau et son appartement. La porte d'entrée de cette maison s'ouvre de gauche à droite et donne accès, de plain-pied, à un petit vestibule. A gauche, un escalier de quatre marches conduit à un palier plus grand, avec lequel le bureau communique par une porte qui n'est pas visible de l'entrée de l'immeuble. A droite se trouve la porte du sous-sol, qui est complètement masquée par la porte d'entrée lorsque celle-ci est ouverte; elle donne sur un escalier en limaçon et s'ouvre du côté où les marches sont le plus étroites. Le petit vestibule d'entrée n'est pas muni d'une

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lampe particulière; mais il est suffisamment éclairé par celle du palier, qui est commandée par un interrupteur fixé près de la porte du bureau.
L'immeuble de Rombaldi comprend une buanderie, qui donne sur la cour.
B.- Le 22 janvier 1954, la blanchisseuse Catherine Lietti travaillait pour la première fois chez Rombaldi. Vers six heures et demie du soir, alors que la nuit était déjà tombée, elle demanda à Justine Rombaldi, fille du propriétaire, l'autorisation de téléphoner. Demoiselle Rombaldi l'invita à la suivre au bureau. Elle pénétra la première dans la maison, gravit les quatre marches et pénétra dans le bureau sans avoir allumé la lampe du palier. En revanche, elle éclaira le bureau, dont elle laissa la porte ouverte et dont la lampe projetait une lueur sur le palier supérieur, et elle s'apprêta à composer le numéro désiré par dame Lietti. Celle-ci la suivait à quelques mètres. Après avoir pénétré dans la maison, elle se trouva dans l'obscurité ou la demi-obscurité et tâtonna. Demoiselle Rombaldi lui cria du bureau: "Madame Lietti, c'est ici!" Dame Lietti ouvrit cependant, à droite, la porte du soussol, s'avança et tomba dans l'escalier. Elle se fractura le poignet gauche et subit de ce fait une incapacité de travail permanente.
C.- Estimant que Rombaldi était responsable des suites de cet accident en vertu de l'art. 58 CO, dame Lietti l'a actionné en dommages-intérêts et en réparation du tort moral.
Le défendeur a appelé en garantie la compagnie L'Assicuratrice Italiana, qui a pris part au procès.
Par jugement du 10 mai 1955, le Tribunal cantonal du Valais a condamné le défendeur à payer à la demanderesse, en principal, 8824 fr. à titre de dommages-intérêts et 300 fr. pour le tort moral.
D.- Contre ce jugement, Rombaldi recourt en réforme au Tribunal fédéral, en concluant principalement à ce que dame Lietti soit déboutée des fins de son action.


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L'Assicuratrice Italiana se joint aux conclusions de Rombaldi.
De son côté, l'intimée propose le rejet du recours.
 
Considérant en droit:
On ne saurait considérer comme un vice de construction le seul fait que l'éclairage du vestibule est commandé par un interrupteur apposé près de la porte du bureau et que l'on ne peut le faire fonctionner de la porte d'entrée. Certes, une telle disposition est peu pratique. Mais elle est encore très courante. Dans quantité de maisons anciennes, on ne trouve aucun interrupteur près de la porte d'entrée et il serait exagéré d'obliger les propriétaires à modifier toutes ces installations. En effet, lorsque celles-ci entraînent des inconvénients sérieux, notamment si la maison est accessible au public ou à de nombreuses personnes, on peut y obvier facilement par d'autres mesures. Il suffit, par exemple, de laisser la lampe allumée.
C'est ce que Rombaldi aurait dû faire, selon la juridiction valaisanne, qui se réfère sur ce point à l'arrêt Décosterd (RO 60 II 341). Dans cette décision, le Tribunal fédéral a jugé que, dans une ville, l'éclairage de la cage d'escalier d'un immeuble locatif faisait partie de l'entretien normal de ce bâtiment; il a considéré en effet que les nombreuses allées et venues des locataires, visiteurs, livreurs, facteurs, colporteurs, imposaient au propriétaire l'obligation de veiller à ce que ce trafic pût se faire, autant que possible, sans danger. Mais il n'en est pas de même dans une maison

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privée, qui n'est normalement accessible qu'à un cercle de personnes très restreint. En l'espèce, l'obligation d'éclairer le vestibule d'entrée ne pourrait donc être fondée que sur la présence, dans la maison, d'un bureau fréquenté par le public. Mais il n'est pas nécessaire de se prononcer sur ce point. De toute façon, cette obligation n'existerait que durant les heures pendant lesquelles le bureau est normalement ouvert et accessible au public. Or de tels locaux sont, en général, fermés à 18 heures. Aussi bien était-ce le cas du bureau du recourant lorsque l'accident s'est produit. Dès lors, le défaut d'éclairage à ce moment ne saurait être considéré comme un défaut d'entretien du bâtiment.
b) La Cour cantonale voit un autre défaut d'entretien dans le fait que la porte donnant sur l'escalier de la cave n'était pas fermée à clef et ne portait pas non plus un écriteau indiquant qu'elle conduisait au sous-sol.
Il est certain que cet escalier est dangereux: la porte s'ouvrant du côté où les marches sont très étroites, on risque un faux pas si l'on ne s'y engage pas avec prudence. Mais une telle disposition, qui est fréquente, ne saurait être tenue pour un vice de construction, lorsque l'escalier n'est emprunté que par des personnes qui le connaissent bien, comme c'est le cas dans les maisons particulières. En revanche, si des étrangers risquent de s'y engager, le propriétaire doit prendre les mesures de sécurité nécessaires afin d'écarter tout danger. Pour juger de l'existence de ce risque, il faut se fonder sur l'attention et la prudence qu'on peut attendre normalement d'une personne qui entre dans une maison qu'elle connaît mal (cf. RO 66 II 113 consid. 3).
En l'espèce, celui qui pénètre dans le vestibule trouve devant lui les quatre marches qui conduisent au palier supérieur, tandis que la porte de la cave est dissimulée par la porte d'entrée ouverte. Sa réaction normale est donc de gravir ces degrés. Si même, après avoir fermé la porte d'entrée, il voit à sa droite la porte du sous-sol et croit par erreur qu'il s'agit de celle du bureau, il ne l'ouvrira qu'avec

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prudence et ne s'engagera pas dans un espace complètement obscur sans avoir allumé la lumière ou sans prendre les plus grandes précautions. Le risque d'un accident, pour une personne normalement prudente, est donc si minime que Rombaldi n'avait pas l'obligation de prendre des mesures spéciales pour l'éviter. En particulier, l'écriteau préconisé par la juridiction cantonale eût été inutile en l'espèce, puisque l'intimée n'aurait pu le voir dans l'obscurité.
Ainsi, l'immeuble du recourant n'est pas affecté des vices de construction et des défauts d'entretien que la Cour valaisanne y a vus.
3. Du reste, devrait-on admettre l'existence de tels défauts que, de toute façon, le rapport de causalité avec l'accident serait interrompu par la faute grave de l'intimée. Sans doute le vestibule était-il obscur lorsqu'elle est entrée dans la maison. Mais, la porte du bureau étant restée ouverte, la lampe de ce local projetait sur le palier supérieur une lueur visible de la porte d'entrée. Dame Lietti devait donc savoir de quel côté se diriger, d'autant plus que demoiselle Rombaldi l'avait appelée. Si elle était encore incertaine ou ne voulait pas s'avancer dans l'obscurité, il lui était facile de demander à demoiselle Rombaldi d'allumer la lampe du palier. De plus, lorsqu'elle eut ouvert la porte conduisant à la cave, elle se serait rendu compte, si elle avait déployé la plus légère attention, qu'elle faisait fausse route et elle fût revenue en arrière. Et si même elle voulait s'engager dans cette direction, la plus élémentaire prudence lui commandait de ne le faire qu'après avoir éclairé les lieux ou de s'avancer dans la nuit en prenant de grandes précautions. Elle a commis ainsi une succession de fautes telles qu'on doit les considérer comme la cause exclusive de l'accident.
Dès lors, son action n'est pas fondée.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Les deux recours sont admis, le jugement attaqué est annulé et l'action est rejetée.