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Urteilskopf

145 I 167


9. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Stauber contre Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours en matière de droit public)
1C_136/2018 du 26 novembre 2018

Regeste

Art. 29 Abs. 2 BV; Art. 80 Abs. 1 KV/VD; Art. 90a des Gesetzes über die politischen Rechte des Kantons Waadt; Anspruch von Initianten auf rechtliches Gehör im Rahmen eines Verfahrens über die Ungültigerklärung einer Waadtländer Volksinitiative durch die kantonale Exekutive.
Tragweite und Anwendungsbereich des Anspruchs auf rechtliches Gehör (E. 4.1). Einschlägige Doktrin und Rechtsprechung (E. 4.2).
Unter bestimmten Umständen besteht für die Initianten ein Anspruch auf rechtliches Gehör (Art. 29 Abs. 2 BV), wenn eine kantonale Exekutive über die Gültigkeit einer Initiative entscheidet, bevor dafür Unterschriften gesammelt werden (E. 4.3).
Im vorliegenden Fall wurde den Initianten das rechtliche Gehör nicht verweigert, da der Exekutiventscheid auf einer voraussehbaren rechtlichen Argumentation beruhte (E. 4.4).

Sachverhalt ab Seite 168

BGE 145 I 167 S. 168

A. Le 21 mars 2017, Philipp Stauber ainsi que 17 autres électrices et électeurs ont transmis au Service des communes et du logement du canton de Vaud une demande d'initiative populaire, intitulée "Immigration libre et frontières ouvertes: Gardons nos places de travail en priorité pour nos résidents". Il s'agit d'une initiative constitutionnelle rédigée de toutes pièces visant l'introduction des articles suivants dans la Constitution vaudoise du 14 avril 2003 (Cst./VD; RS 131.231):
Art. 58a Priorité de l'emploi dans le secteur public (nouveau)
Dans leur rôle d'employeur, l'État et les communes accordent la priorité de l'emploi aux citoyens suisses et aux titulaires d'une autorisation d'établissement.
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Art. 58b Préférence indigène à l'embauche par l'impôt (nouveau)
1. L'emploi d'un travailleur étranger donne lieu à une imposition fiscale de l'employeur si les conditions cumulatives suivantes sont remplies:
a) Le travailleur est titulaire d'une autorisation de séjour, titulaire d'une autorisation frontalière ou une personne sans autorisation de séjour.
b) Le travailleur n'est pas un réfugié reconnu.
c) Le travailleur est soumis à l'impôt à la source sur le revenu de son activité dépendante.
d) Le travailleur est soumis à l'impôt à la source sur le revenu depuis moins de cinq ans.
e) L'impôt annualisé à la source sur le revenu du travailleur est inférieur au montant maximum donné à l'alinéa 5.
f) Le revenu brut soumis à l'impôt à la source du conjoint vivant en ménage commun avec le travailleur ne donne pas lieu à une taxation ordinaire.
2. La loi peut prévoir l'imposition fiscale de l'employeur pour l'emploi d'autres catégories de travailleurs soumis à l'impôt à la source sur le revenu.
3. L'impôt est prélevé par l'État. Si le travailleur est domicilié dans le canton de Vaud, la moitié de l'impôt est versée à sa commune de domicile.
4. La période fiscale correspond à l'année civile.
5. Le montant maximum de l'impôt annuel, d'au moins 12'000 francs par travailleur, est adopté par le Grand Conseil chaque année sur proposition du Conseil d'Etat.
6. L'impôt est plafonné en fonction de la durée cumulée de l'assujettissement du travailleur à l'impôt à la source sur le revenu. Le barème des plafonds annuels est linéairement dégressif sur les premiers cinq ans de son assujettissement. Pour la 1ère année, le plafond est égal au montant maximum de l'impôt annuel donné à l'alinéa 5. Dès la 6ème année, l'impôt s'annule.
7. Les plafonds annuels de l'alinéa 6 déterminent prorata temporis le plafond applicable à une période fiscale.
xx. Dispositions transitoires ad art. 58a et 58b
1. La législation d'application des articles 58a et 58b sera édictée dans les deux ans au plus tard suivant leur adoption par le peuple.
2. L'impôt prévu par l'art. 58b est appliqué rétroactivement aux contrats de travail conclus à partir du 1er janvier 2018.

B. Par décision du 13 septembre 2017, publiée dans la Feuille des avis officiels du 19 septembre 2017, le Conseil d'Etat du canton de Vaud a considéré que l'initiative en question était nulle, au motif
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qu'elle n'était pas conforme au droit supérieur, notamment à l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681).
Le Comité d'initiative et Philipp Stauber ont déposé un recours contre cette décision auprès de la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: Tribunal cantonal). Par arrêt du 16 février 2018, celle-ci a rejeté le recours et confirmé la décision du 13 septembre 2017.

C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Philipp Stauber demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 16 février 2018. (...)
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(extrait)

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Conformément à l'art. 80 al. 1 Cst./VD, le Conseil d'Etat valide les initiatives populaires avant d'autoriser la récolte de signatures; il constate la nullité de celles qui sont contraires au droit supérieur (let. a) ou violent l'unité de rang, de forme ou de matière (let. b).
L'art. 90a de la loi vaudoise du 16 mai 1989 sur l'exercice des droits politiques (LEDP/VD; RSV 160.01) précise qu'avant d'autoriser la récolte de signatures, le Conseil d'Etat statue à bref délai, de manière motivée, sur la validité de l'initiative; il constate sa nullité si elle est contraire au droit supérieur (let. a) ou viole l'unité de rang, de forme ou de matière (let. b).

4. Le recourant fait d'abord grief au Tribunal cantonal d'avoir considéré qu'un citoyen ou un comité d'initiative ne pouvait pas se prévaloir du droit d'être entendu dans la procédure d'examen de la validité d'une initiative populaire. Il se plaint d'une violation de l'art. 29 al. 2 Cst.

4.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de
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nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 p. 52 ss; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298 s. et les arrêts cités). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299 et les arrêts cités).
Le droit d'être entendu se rapporte surtout à la constatation des faits. Le droit des parties d'être interpellées sur des questions juridiques n'est reconnu que de manière restreinte (arrêt 4A_525/2017 du 9 août 2018 consid. 3.1), lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties, lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il existe un pouvoir d'appréciation particulièrement large (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3e éd. 2013, n. 1336). Le droit d'être entendu ne porte en principe pas sur la décision projetée (ATF 132 II 257 consid. 4.2 p. 267; arrêts 2C_21/2013 du 5 juillet 2013 consid. 3.1; 2P.33/2006 du 18 avril 2007 consid. 2.1). L'autorité n'a donc pas à soumettre par avance aux parties, pour prise de position, le raisonnement qu'elle entend tenir. Cependant, lorsqu'elle envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence, le droit d'être entendu implique de donner au justiciable la possibilité de se déterminer à ce sujet (ATF 131 V 9 consid. 5.4.1 p. 26; ATF 128 V 272 consid. 5b/bb p. 278; arrêt 2C_356/2017 du 10 novembre 2017 consid. 4.3 et les références).
Dans le cadre d'un procédure législative, c'est-à-dire dans une procédure qui conduit à l'adoption de normes générales et abstraites, la Constitution fédérale ne confère pas aux citoyens le droit d'être entendus (ATF 137 I 305 consid. 2.4 p. 315 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, une exception n'est admise que lorsque certaines personnes (destinataires dits "spéciaux") sont touchées de façon sensiblement plus grave que le plus grand nombre des destinataires "ordinaires", par exemple lorsqu'un décret de portée générale ne touche concrètement qu'un très petit nombre de propriétaires (ATF 134 I 269 consid. 3.3.1 p. 274; ATF 121 I 230 consid. 2c p. 232 s.; ATF 119 Ia 141 consid. 5 p. 149 ss; arrêt 1C_333/2015 du 24 mai 2016 consid. 3.1).
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4.2 De nombreux auteurs soutiennent que les initiants devraient bénéficier du droit d'être entendu, dans le contexte du contrôle parlementaire d'une initiative populaire (ALFRED KÖLZ, Die kantonale Volksinitiative in der Rechtsprechung des Bundesgerichts, ZBl 83/1982 p. 29-30; ANDREAS AUER, Problèmes et perspectives du droit d'initiative à Genève, 1987, n. 108; HANGARTNER/KLEY, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen, 2000, n. 2146; MICHELE ALBERTINI, Der verfassungsmässige Anspruch auf rechtliches Gehör im Verwaltungsverfahren des modernen Staates, 2000, p. 183; MÜLLER/SCHEFER, Grundrechte in der Schweiz, 4e éd. 2008, p. 852; STÉPHANE GRODECKI, L'initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, p. 328 à 331; contra PATRIZIA ATTINGER, Die Rechtsprechung des Bundesgerichts zu kantonalen Volksinitiativen, 2016, p. 71 ss, 79).
Selon la jurisprudence, il n'y a cependant aucun droit constitutionnel des électeurs ou du comité d'initiative à être entendu lorsqu'un parlement cantonal se prononce sur la validité d'une initiative populaire (ATF 123 I 63 consid. 2 p. 66 ss.). Le Tribunal fédéral a fondé son argumentation sur différents éléments. Il a d'abord pris en considération la nature des questions litigieuses (le respect du principe de l'unité de la matière et les modalités d'une scission de l'initiative selon le droit cantonal), qui n'exigent pas de l'autorité compétente qu'elle administre des preuves ou apprécie des faits (arrêt précité consid. 2d).
Mais le Tribunal fédéral a surtout relevé que de nombreuses sensibilités politiques sont représentées au sein d'un parlement et que tous les éléments pertinents peuvent être discutés en commission ou en plenum, de sorte que le pouvoir d'appréciation dont dispose cette autorité dans le traitement de la validité d'une initiative n'impose pas un droit d'être entendu en faveur du comité d'initiative. Il a ajouté que les membres du comité d'initiative ont des moyens indirects et légitimes de faire valoir leurs intérêts auprès des députés, lors des différentes étapes de la procédure d'examen de la recevabilité: ils peuvent par exemple s'adresser aux représentants des partis politiques, siégeant au Grand Conseil (arrêt précité consid. 2d).

4.3 La jurisprudence ne s'est jusqu'à présent prononcée que sur des décisions relatives à la validité d'initiatives rendues par un parlement cantonal. On peut se demander si la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu est applicable lorsque c'est l'exécutif cantonal
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qui rend une décision sur la validité d'une initiative. En effet, l'argumentation principale ressortant de l' ATF 123 I 63 se rapporte aux différentes sensibilités politiques représentées au parlement et sur la possibilité indirecte pour les initiants de faire valoir leur point de vue auprès des membres du pouvoir législatif. On ne peut pas transposer ce raisonnement lorsque c'est l'exécutif cantonal qui statue.
Il n'est pas aisé de qualifier juridiquement la décision du Conseil d'Etat relative à la validité d'une initiative populaire cantonale. Une telle décision n'est pas un acte de législation; elle précède, le cas échéant, la procédure législative proprement dite (ATF 123 I 63 consid. 2a p. 67). Dans le canton de Vaud, la particularité réside en ce que la décision de validité de l'initiative est prise par le Conseil d'Etat avant que les signatures soient récoltées. Selon le droit vaudois, la demande d'initiative doit être annoncée au département avant la récolte des signatures par au moins sept électeurs constituant le comité (art. 89 al. 1 LEDP/VD). La décision de validité de l'initiative populaire peut ainsi être qualifiée de décision individuelle et concrète s'adressant à une ou plusieurs personnes déterminées (les initiants qui sont les destinataires de la décision) dans un cas d'espèce. A ce stade, l'initiative n'est encore signée par personne et la décision constatant la nullité de l'initiative ne concerne que les initiants. A ce titre, ceux-ci peuvent bénéficier de la garantie du droit d'être entendus. En tant que destinataires exclusifs, ils ont le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment.
La particularité en matière d'initiative populaire réside toutefois en ce que les initiants ont en principe déjà détaillé leurs arguments dans l'exposé des motifs, qui accompagne le texte de l'initiative. L'exercice du droit d'être entendu se justifie cependant lorsque, par exemple, l'exécutif a conduit une instruction avant de rendre sa décision, en sollicitant un avis de droit ou en requérant des statistiques ou des informations factuelles auprès d'un de ses départements ou auprès de tiers. Les initiants ont alors le droit de se déterminer sur ces éléments. En pareilles circonstances, le droit d'être entendu exige qu'avant de constater la nullité de l'initiative pour non-conformité au droit supérieur ou pour violation de l'unité de rang, de forme ou de matière (art. 80 al. 1 Cst./VD), le Conseil d'Etat donne l'occasion aux initiants de faire valoir leur point de vue sur ces éléments. L'autorité n'a cependant pas à soumettre par avance aux parties le raisonnement qu'elle entend tenir pour prise de position. Toutefois, lorsqu'elle envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif
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juridique dont les initiants ne pouvaient supputer la pertinence, le droit d'être entendu implique de leur donner la possibilité de se déterminer à ce sujet (cf. ATF 131 V 9 consid. 5.4.1 p. 26 et les références).
Au demeurant, le législateur vaudois a expressément prévu que le département, s'il entend refuser la récolte de signatures au motif que le titre de l'initiative induit en erreur, contient des éléments de publicité commerciale ou prête à confusion, ou que la liste ne satisfait pas aux exigences de forme posées par la présente loi ou encore que l'objet de l'initiative ne s'inscrit pas dans le cadre de l'article 78 Cst./VD, est tenu d'entendre le comité d'initiative (art. 90 al. 1 LEDP/ VD). Il est vrai que la loi vaudoise ne mentionne pas explicitement une telle exigence pour le Conseil d'Etat lorsqu'il statue sur la validité de l'initiative (art. 90a LEDP/VD). Peu importe toutefois que le législateur cantonal ait eu (ou non) l'intention d'octroyer le droit d'être entendu aux initiants. Cette garantie procédurale s'impose de par le droit fédéral (art. 29 al. 2 Cst.).

4.4 En l'occurrence, le Conseil d'Etat n'a pas mené d'instruction avant de rendre sa décision; il n'a pas sollicité d'avis de droit; il a opéré une analyse juridique portant sur la conformité de l'initiative en cause à l'ALCP. Le recourant, membre du comité d'initiative, pouvait s'attendre à ce que la question de la conformité au droit supérieur, en particulier à l'ALCP, soit traitée. Il était libre de joindre au projet d'initiative des explications complémentaires, tel l'avis de droit qu'il a déclaré détenir, sans jamais l'avoir produit en procédure. Dans la mesure où la décision de l'exécutif cantonal se fonde sur une argumentation juridique prévisible, le recourant ne peut pas se plaindre d'une violation de son droit d'être entendu.
Quoi qu'il en soit, une telle violation - mineure en l'espèce - aurait été réparée dans le cadre de la procédure de recours pour autant que la partie concernée ait eu la possibilité de s'exprimer et de recevoir une décision motivée de la part de l'autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 p. 226; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 p. 285). Tel aurait été le cas en l'occurrence puisque le recourant a pu faire valoir ses arguments devant la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. La violation du droit d'être entendu aurait ainsi été guérie. Le recourant n'expose d'ailleurs pas que tel n'aurait pas été le cas.
BGE 145 I 167 S. 175
Par conséquent, le grief de la violation du droit d'être entendu doit être rejeté.

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Sachverhalt

Erwägungen 3 4

Referenzen

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