BGE 145 I 142
 
7. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A.X. contre Département de l'instruction publique, de la culture et du sport (recours en matière de droit public)
 
2C_927/2017 du 29 octobre 2018
 
Regeste
Sonderschulung; Massnahmen der Sonderpädagogik zwischen 18 und 20 Jahren. Art. 5 und 24 des Übereinkommens vom 13. Dezember 2006 über die Rechte von Menschen mit Behinderungen; Art. 8 und 62 BV; interkantonale Vereinbarung vom 25. Oktober 2007 über die Zusammenarbeit im Bereich der Sonderpädagogik; Gesetz des Kantons Genf vom 17. September 2015 über die öffentliche Schule; Reglement des Kantons Genf vom 21. September 2011 über die Integration der Kinder und Jugendlichen mit besonderen Erziehungsbedürfnissen oder Behinderungen.
 
Sachverhalt


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A. Née en 1999, A.X. est atteinte d'une infirmité motrice cérébrale d'origine génétique. Depuis le 30 août 2010, elle a bénéficié de mesures de pédagogie spécialisée à l'Ecole et Foyer de Clair Bois-Lancy (ci-après: l'Ecole Clair Bois-Lancy).
L'Ecole Clair Bois-Lancy, qui accueille des enfants de 10 à 18 ans, est l'un des cinq foyers de la Fondation Clair Bois (ci-après: la Fondation), un organisme spécialisé dans l'accompagnement de personnes polyhandicapées et subventionné par la République et canton de Genève. La Fondation est composée de quatre autres foyers, le

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Foyer et Ecole Clair Bois-Chambésy, consacré aux enfants jusqu'à 12 ans, et les Foyers Clair Bois-Gradelle, Clair Bois-Pinchat et Clair Bois-Minoteries, tous trois réservés aux adultes polyhandicapés.
B. Par courrier du 20 octobre 2016, la mère de A.X., B.X., a adressé à l'Office médico-pédagogique du Département de l'instruction publique, de la culture et du sport de la République et canton de Genève (ci-après respectivement: l'Office médico-pédagogique et le Département) une demande de prolongation de la scolarité de sa fille au sein de l'Ecole Clair Bois-Lancy, en soulignant que le potentiel d'acquisitions cognitives et éducatives de A.X. était en plein développement. Elle a précisé que le Directeur de l'Ecole Clair Bois-Lancy avait répondu favorablement à cette demande.
La Directrice d'établissements spécialisés et de l'intégration à l'Office médico-pédagogique a, le 28 novembre 2016, indiqué à B.X. que la réflexion sur un changement de structure devait s'appuyer sur la disponibilité dans les institutions du monde adulte. Par courrier du 21 février 2017 résumant un entretien qui s'était déroulé le 10 février 2017, elle a précisé à B.X. qu'il fallait, d'une part, respecter une équité de traitement envers toutes les familles et éviter un blocage des demandes d'entrée des plus jeunes en gérant les flux des élèves d'une structure à l'autre et, d'autre part, que, selon un critère approuvé par le Département, la "validation du projet de scolarité jusqu'à 20 ans ne [pouvait] se faire que sur la base d'une progression suffisante du jeune pour lui permettre d'accéder à une structure lui offrant une orientation autre [...]". Elle a ajouté que A.X. pourrait rejoindre la structure pour adultes Clair Bois-Gradelle à partir du 1er novembre 2017, aucune place n'étant disponible avant cette date.
Le 16 mars 2017, B.X. a répondu qu'elle ne comprenait pas le refus de prolongation de scolarité de sa fille et a sollicité une décision.
C. Par décision du 10 mai 2017, l'Office médico-pédagogique a refusé d'accorder à A.X. le droit de passer une année supplémentaire au sein de l'Ecole Clair Bois-Lancy.
Contre cette décision, B.X., agissant pour sa fille, a formé un recours à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice), en concluant à son annulation et à la prolongation de la scolarité spécialisée de A.X. au sein de l'Ecole Clair Bois-Lancy jusqu'à ses 20 ans (soit jusqu'au 5 octobre 2019).


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Par arrêt du 19 septembre 2017, la Cour de justice a rejeté le recours. En substance, les juges cantonaux ont retenu que le Département n'avait pas violé le droit à l'éducation de la recourante, ni méconnu le principe de la légalité et l'interdiction de la discrimination fondée sur le handicap en lui refusant la prolongation de sa scolarité au sein de l'Ecole Clair Bois-Lancy jusqu'à ses 20 ans.
D. Contre l'arrêt du 19 septembre 2017, A.X., agissant par sa mère, désignée curatrice par ordonnance du 14 septembre 2017 du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant de la République et canton de Genève, forme un recours en matière de droit public. (...)
Le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
(extrait)
 
Extrait des considérants:
5.1 A teneur de l'art. 24 par. 1 de la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées (RS 0.109; ci-après: la Convention ou CDPH), les Etats parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à l'éducation. En vue d'assurer l'exercice de ce droit sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances, les Etats parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l'insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d'éducation qui visent: a) le plein épanouissement du potentiel humain et du sentiment de dignité et d'estime de soi, ainsi que le renforcement du respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de la diversité humaine; b) l'épanouissement de la personnalité des personnes handicapées, de leurs talents et de leur créativité ainsi que de leurs aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités; c) la participation effective des personnes handicapées à une société libre.
Selon le Message du Conseil fédéral du 19 décembre 2012 portant approbation de la Convention (FF 2013 601, 639), l'art. 24 CDPH est une disposition de nature globalement programmatoire.

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L'interdiction des discriminations en ce qui concerne l'exercice du droit à l'éducation, exprimée à l'alinéa 1 de la disposition, est toutefois directement applicable, en ce sens que si l'Etat propose des offres dans le domaine de l'éducation, il doit concevoir un accès non discriminatoire et ne doit exclure personne de leur utilisation pour des motifs discriminatoires.
5.2 Selon l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. Cette règle interdit toute mesure étatique défavorable à une personne et fondée sur le handicap de cette personne, si cette mesure ne répond pas à une justification qualifiée (cf. ATF 143 I 129 consid. 2.3.1 p. 133 s.). D'après l'art. 8 al. 4 Cst., la loi prévoit des mesures en vue d'éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées. L'élimination des inégalités factuelles qui frappent ces personnes fait ainsi l'objet d'un mandat constitutionnel spécifique, dont la mise en oeuvre incombe au législateur (cf. ATF 141 I 9 consid. 3.1 p. 12; ATF 139 II 289 consid. 2.2.1 p. 294; ATF 134 I 105 consid. 5 p. 108). Celui-ci a adopté la loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l'élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (loi sur l'égalité pour les handicapés, LHand; RS 151.3). Selon cette loi, il y a inégalité lorsque les personnes handicapées font l'objet, par rapport aux personnes non handicapées, d'une différence de traitement en droit ou en fait qui les désavantage sans justification objective ou lorsqu'une différence de traitement nécessaire au rétablissement d'une égalité de fait entre les personnes handicapées et les personnes non handicapées fait défaut (art. 2 al. 2 LHand).
En outre, d'après l'art. 62 al. 3 Cst. (entré en vigueur le 1er janvier 2008 [RO 2007 5765]), les cantons pourvoient à une formation

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spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, au plus tard jusqu'à leur 20e anniversaire. Selon l'art. 20 al. 1 LHand, les cantons veillent à ce que les enfants et adolescents handicapés bénéficient d'un enseignement de base adapté à leurs besoins spécifiques. L'art. 20 LHand concrétise les principes constitutionnels (art. 8 al. 2, 19 et 62 al. 3 Cst.), mais ne va guère au-delà (cf. ATF 141 I 9 consid. 3.2 p. 12 s.; ATF 138 I 162 consid. 3.1 p. 164 s.; arrêt 2C_246/2016 du 23 juin 2017 consid. 2.2 et les arrêts cités).
5.4 Ni l'art. 19, ni l'art. 62 al. 2 Cst. ne fixent de limites d'âge. Selon la jurisprudence, le droit garanti par l'art. 19 Cst. s'applique durant la scolarité obligatoire (ATF 129 I 35 consid. 7.4 p. 39; arrêt 2C_638/2007 du 7 avril 2008 consid. 3.4), ce qui comprend le jardin d'enfants, dans la mesure où il est obligatoire, le degré primaire et le degré secondaire I (cf. ATF 140 I 153 consid. 2.3.1 p. 156). Les art. 19 et 62 al. 2 Cst. ne peuvent en revanche être invoqués après la majorité (cf. JACQUES DUBEY, Droits fondamentaux, vol. II, 2018, § 46, n. 4668, p. 999; MÜLLER/SCHEFER, Grundrechte in der Schweiz, 4e éd. 2008, p. 784-785 et p. 804, par référence à l'art. 11 Cst., que les art. 19 et 62 Cst. concrétisent). Ces dispositions ne trouvent donc pas application dans la présente cause.
Affirmer que l'art. 62 al. 3 Cst. garantit un droit individuel à la formation spéciale jusqu'à 20 ans ne va toutefois pas de soi. Tout d'abord, si l'on s'en tient à la lettre, la disposition fixe un maximum plutôt qu'une limite minimale (au plus tard jusqu'à leur 20e anniversaire; critique sur cette formulation, DUBEY, op. cit., § 46, n. 4697, p. 1005). Ensuite, l'art. 62 al. 3 Cst. ne fait pas partie du catalogue des droits fondamentaux de la Constitution et la reconnaissance d'un droit à la formation spéciale jusqu'à 20 ans peut soulever des questions d'égalité de traitement avec d'autres groupes (cf. supra consid. 5.2 et 5.4; cf. GIOVANNI BIAGGINI, BV Kommentar, 2e éd. 2017, n° 10 ad art. 62 Cst.;

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PETER HÄNNI, in Basler Kommentar, Bundesverfassung, 2015, n° 37 ad art. 62 Cst.; PETER UEBERSAX, Der Anspruch Behinderter auf ausreichende Grund- und Sonderschulung, in Kinder und Jugendliche mit Behinderungen, Gabriela Riemer-Kafka [éd.], 2011, p. 17 ss, 26; dans le sens de l'affirmation d'un droit individuel: Message du 14 novembre 2001 concernant la Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons [ci-après: message RPT], FF 2002 2155, 2328). La question de savoir si l'art. 62 al. 3 Cst. confère un droit à la formation spéciale jusqu'à 20 ans peut toutefois demeurer indécise en l'espèce, car un tel droit découle des dispositions du droit intercantonal (cf. infra consid. 5.6) et cantonal (cf. infra consid. 5.7) applicables.
5.6 Pour mettre en oeuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (ci-après: CDIP) a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS; ci-après également: l'Accord intercantonal), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2011 et auquel la République et canton de Genève est partie (AICPS; rs/GE C 1 08). Cet Accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée, laquelle fait partie du mandat public de formation (cf. art. 1 et 2 let. a AICPS). Les cantons s'entendent en particulier sur une définition commune des ayants droit, ainsi que sur l'offre de base en pédagogie spécialisée (art. 1 let. a, 3 et 4 AICPS; cf. CDIP, Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée du 25 octobre 2007, Commentaire des dispositions [ci-après: commentaire desdispositions de l'Accord intercantonal], p. 2 ad art. 1 AICPS, disponible sur: www.edk.ch/dyn/14642.php, consulté le 22 octobre 2018).
Or, selon l'art. 3 AICPS, "de la naissance à l'âge de vingt ans révolus, les enfants et les jeunes qui habitent en Suisse ont droit à des mesures appropriées de pédagogie spécialisée dans les conditions suivantes: (...) b. durant la scolarité obligatoire: s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point de ne pas ou de ne plus pouvoir suivre l'enseignement de l'école ordinaire sans soutien spécifique, ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté".
Cette disposition reprend la limite d'âge qui figurait à l'ancien art. 19 de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI; RS 831.20; RO 1995 1126 1132), abrogé avec la réforme de la

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péréquation financière (RO 2007 5779) et le transfert aux cantons de l'entière responsabilité de la formation scolaire spéciale (cf. message RPT, FF 2002 2155, 2328). L'art. 19 LAI prévoyait en effet des subsides pour la formation scolaire spéciale jusqu'à 20 ans révolus (cf. STÉPHANIE EMERY, Les mesures de formation scolaire spéciale des mineurs, in La 5e révision de l'AI, Kahil-Wolff/Simonin [éd.], 2009, p. 225 ss, 229).
Il est relevé dans le commentaire des dispositions de l'Accord intercantonal que le domaine de la pédagogie spécialisée s'oriente ainsi, d'une part, sur l'accès à l'offre de formation selon les principes valant pour l'école ordinaire et, d'autre part, sur les principes issus de la LAI pour ce qui concerne la limite d'âge, à savoir 20 ans, même si, selon les auteurs du commentaire, l'âge de 18 ans aurait été plus approprié (CDIP, Commentaire des dispositions de l'Accord intercantonal, p. 6 ad art. 3 AICPS).
5.7 Sur le plan cantonal genevois, la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015, entrée en vigueur le 1er janvier 2016 (LIP/GE; rs/GE C 1 10), régit d'une part "l'instruction obligatoire, définie comme la scolarité et la formation obligatoires jusqu'à l'âge de la majorité pour l'enseignement public et privé" (art. 1 al. 1) et, d'autre part, "l'intégration et l'instruction des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés de la naissance à l'âge de vingt ans révolus" (art. 1 al. 2). Le chapitre V de la loi (art. 28 à 36), dont l'art. 28 renvoie à l'Accord intercantonal, est consacré à la pédagogie spécialisée. L'art. 30 LIP/GE a le même contenu que l'art. 3 de l'Accord intercantonal, à ceci près qu'il ne fait pas référence à la scolarité obligatoire. Ainsi, selon cette disposition, "de la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes [qui remplissent les critères de domicile et de besoins] ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée".
 
Erwägung 6
6.2 Dans ses déterminations, le Département relève qu'après les 18 ans de la recourante, il ne peut plus être question de scolarité

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obligatoire et que seule entre en considération une formation professionnelle initiale ou générale du degré secondaire II, qui se révèle, selon lui, impossible dans le cas de la recourante.
Ces considérations sont sans rapport avec la situation d'une jeune personne handicapée mentale. En effet, dans le domaine de la pédagogie spécialisée, l'Accord intercantonal et le droit cantonal retiennent expressément l'âge de 20 ans et non celui de 18 ans. Il convient certes de relever que l'art. 3 de l'Accord intercantonal contient une certaine ambiguïté, voire renferme une contradiction, puisqu'il est également fait référence dans cette disposition à la scolarité obligatoire, laquelle se termine à 18 ans dans le canton de Genève (cf. art. 1 LIP/GE). Il n'est toutefois pas besoin d'examiner plus en détails en l'espèce les conséquences de cette formulation, dès lors que le droit cantonal genevois est pour sa part extrêmement clair en ce qu'il prévoit, à l'art. 30 LIP/GE, le droit à des prestations de pédagogie spécialisée jusqu'à 20 ans, sans référence à la notion de scolarité obligatoire. Le critère de la majorité de la recourante n'est donc, sur le principe, pas pertinent dans le cadre de la présente cause, relative aux mesures de pédagogie spécialisée.
L'Accord intercantonal prévoit également des mesures renforcées, octroyées lorsque les mesures "ordinaires" s'avèrent insuffisantes (art. 5 al. 1 AICPS). Selon l'art. 5 al. 2 AICPS, une mesure renforcée se caractérise par certains ou par l'ensemble des critères suivants: une longue durée, une intensité soutenue, le niveau de spécialisation des intervenants ainsi que des conséquences marquantes sur la vie quotidienne, sur l'environnement social ou le parcours de vie de l'enfant ou du jeune.


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L'attribution de mesures renforcées fait l'objet d'une décision, prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 in fine AICPS). Ces besoins individuels sont déterminés dans les cantons au moyen d'un instrument commun, la procédure d'évaluation standardisée (PES) (art. 6 al. 3 et 7 al. 1 let. c AICPS). Cette procédure, fondée sur la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé élaborée par l'Organisation mondiale de la santé, remplace les anciens critères de l'assurance-invalidité et se concentre sur les besoins effectifs et sur les objectifs de développement et de formation des enfants et des jeunes (cf. Procédure d'évaluation standardisée adoptée le 30 octobre 2014 par l'Assemblée plénière de la CDIP, disponible sur: www.edk.ch/dyn/17509.php; ROMAIN LANNERS, Le concordat sur la pédagogie spécialisée souffle ses dix bougies, Revue suisse de pédagogie spécialisée 3/2018, p. 49 ss, 51). La pertinence des mesures attribuées est réexaminée périodiquement (art. 6 al. 4 AICPS).
Le Règlement du 21 septembre 2011 sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés (RIJBEP; rs/GE C 1.12.01; ci-après également: le règlement) complète ces dispositions. L'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre notamment l'enseignement spécialisé, défini comme l'enseignement permettant d'apporter des réponses pédagogiques aux élèves à besoins éducatifs particuliers (art. 10 al. 5 RIJBEP; cf. aussi art. 7 AICPS et CDIP, terminologie uniforme pour le domaine de la pédagogie spécialisée adoptée par la CDIP le 25 octobre 2007 sur la base de l'Accord intercantonal, disponible sur: www.edk.ch/dyn/17509.php, consulté le 22 octobre 2018).
Le chapitre IV du règlement est consacré aux mesures individuelles renforcées (cf. supra consid. 7.1). L'art. 12 RIJBEP reprend la définition de l'art. 5 al. 2 AICPS. Il est rappelé que l'évaluation des besoins en mesures individuelles renforcées d'un enfant ou d'un jeune est effectuée conformément à la procédure d'évaluation standardisée (art. 13 RIJBEP). Ont notamment droit aux mesures individuelles renforcées en enseignement spécialisé les enfants et jeunes handicapés mentaux et/ou souffrant d'une maladie génétique invalidante

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(art. 15 al. 2 et 3 let. a et e RIJBEP). Tout enfant ou jeune mis au bénéfice d'une mesure individuelle renforcée fait l'objet d'un projet éducatif individuel de pédagogie spécialisée (art. 26 RIJBEP). Les mesures octroyées font l'objet d'une décision, qui précise le type de prestation, sa durée et, en cas de mesure d'enseignement spécialisé, le type de structure retenu (art. 23 al. 1 RIJBEP).
La recourante relève pour sa part que son placement au Foyer Clair Bois-Gradelle, une institution pour adultes, ne peut pas constituer une mesure de pédagogie spécialisée à laquelle les jeunes personnes handicapées peuvent prétendre jusqu'à 20 ans.
Cela étant, il convient de tenir compte de l'éventualité de mettre en place des mesures transitoires pour assurer le passage d'un établissement à un autre. En l'espèce, il résulte de l'arrêt entrepris que la recourante devra de toute façon à terme être prise en charge dans un foyer pour adultes, son handicap affectant son autonomie. Dans une telle configuration, on ne saurait exclure que la jeune personne handicapée soit, à l'approche du terme de son droit aux mesures de pédagogie spécialisée, d'ores et déjà dirigée vers le foyer pour adultes

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où elle continuera son parcours. Une telle solution repose sur des considérations pratiques et organisationnelles, qui sont admissibles à condition qu'elles n'aillent pas à l'encontre des intérêts de la personne concernée. En l'occurrence, selon les faits constatés, le foyer Clair Bois-Lancy n'est en principe pas prévu pour les jeunes au-delà de 18 ans. Il résulte en outre de l'arrêt entrepris que les places dans les foyers pour adultes sont limitées dans le canton de Genève, ce que la recourante ne dément pas. Envisager qu'elle soit déjà inscrite dans un foyer pour adultes, afin de lui garantir une place, n'est partant pas une préoccupation dénuée de pertinence et peut au demeurant faciliter une transition sans heurts pour la jeune femme entre différentes étapes de sa vie. En définitive, on peut ainsi retenir que, dans une situation comme celle du cas d'espèce où la jeune personne handicapée sera accueillie à terme dans une institution pour adultes, il n'est pas exclu qu'une période de transition soit aménagée, au cours de laquelle la personne fréquente déjà l'institution pour adultes. Il faut toutefois que les mesures de pédagogie spécialisée auxquelles elle peut prétendre jusqu'à ses 20 ans soient toujours assurées. En d'autres termes, le passage dans une institution pour adultes avant l'âge de 20 ans à titre de mesure transitoire, s'il peut être admis, ne constitue pas une circonstance justifiant une remise en question des mesures de pédagogie spécialisée auxquelles le jeune a droit.
7.6.1 Dans leur arrêt, les précédents juges ont retenu que les mesures de pédagogie spécialisée étaient envisagées comme un catalogue de prestations dans lequel l'autorité compétente choisissait la ou les plus adaptées aux besoins spécifiques de chaque bénéficiaire, celui-ci ne détenant pas un droit à toutes les mesures existantes en même temps, mais seulement à toutes celles qui seraient adaptées à ses besoins. L'autorité disposait donc d'une marge d'appréciation en la matière. En l'occurrence, la recourante n'aurait plus accès à la mesure de pédagogie spécialisée correspondant à la "scolarité proprement dite", mais elle continuerait à bénéficier au foyer Clair Bois-Gradelle de toutes les "autres" mesures figurant dans son projet

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personnalisé. Le refus de la poursuite du volet scolaire des mesures de pédagogie spécialisée de la recourante était en outre justifié par la progression insuffisante de la jeune fille. Selon la Cour de justice, la décision du Département respectait donc les droits de la recourante.
7.6.2 L'art. 4 al. 1 let. b de l'Accord intercantonal et l'art. 33 LIP/GE indiquent que l'offre de base en matière de pédagogie spécialisée englobe "des mesures de pédagogie spécialisée". On comprend donc qu'il y a plusieurs types de mesures, qui sont octroyées en fonction des besoins individuels, ainsi que l'a relevé la Cour de justice. L'arrêt entrepris n'est toutefois pas très clair s'agissant de la terminologie employée, le terme "scolarité proprement dite" ne figurant notamment pas dans les bases légales applicables. En réalité, on ne comprend ce terme qu'en se référant à l'ancien art. 19 LAI, qui prévoyait que la scolarité proprement dite constituait un des aspects de la formation scolaire spéciale (cf. ancien art. 19 LAI; RO 1971 56 57). La "scolarité proprement dite" n'est ainsi qu'une des mesures relevant de la pédagogie spécialisée et non l'équivalent de la pédagogie spécialisée. Elle se rapproche le plus de la prestation "enseignement spécialisé" telle que décrite à l'art. 10 al. 5 RIJBEP. En outre, le droit aux mesures de pédagogie spécialisée est un droit à des mesures appropriées (cf. art. 3 AICPS) et la pertinence des mesures doit être réexaminée périodiquement (cf. art. 6 al. 4 AICPS; art. 31 al. 6 LIP/GE; art. 24 RIJBEP).
Ainsi, comme l'a relevé la Cour de justice, la "scolarité proprement dite" n'est qu'une des mesures de pédagogie spécialisée et il n'existe pas, sur le principe, un droit à toutes les mesures de pédagogie spécialisée en même temps, mais seulement un droit aux mesures appropriées aux besoins individuels de la personne concernée. Ce constat ne répond toutefois pas encore à la question de savoir quelles sont en l'espèce les mesures dont a concrètement besoin la recourante et a fortiori si celles-ci peuvent être garanties dans le foyer pour adultes Clair Bois-Gradelle.
D'une part, les précédents juges se sont contentés de confirmer la position du Département au sujet de la progression insuffisante de la recourante en indiquant que, selon eux, la formation initiale, notamment spéciale, avait pour but de permettre de trouver un emploi ainsi qu'exercer une profession et que tout jeune suivant le cursus

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régulier était systématiquement évalué dans sa progression. Cette motivation ne fait nullement référence à la situation concrète et notamment aux indications de la pédiatre de la recourante expliquant pour quels motifs la jeune fille a été retardée dans ses apprentissages (cf. consid. 3.3 non publié). Elle est en outre, comme le relève la recourante, discriminatoire (cf. supra consid. 5.1 et 5.2). On ne saurait en effet poser les mêmes critères d'évaluation pour la recourante que pour d'autres jeunes suivant le cursus régulier, alors que ses progrès sont, selon les faits de l'arrêt entrepris, au stade de l'apprentissage des saisons, sauf à vider de son sens le droit aux mesures de formation spéciale jusqu'à 20 ans. La notion de progression suffisante ne figure au demeurant dans aucune base légale consacrée à la pédagogie spécialisée, comme le souligne également la recourante.
D'autre part, s'agissant de toutes les "autres" mesures, on ignore exactement en quoi elles consistent, quels sont les besoins individuels de la recourante tels que résultant de la procédure d'évaluation standardisée et comment ces mesures seront garanties dans un foyer pour adultes.
7.6.4 En définitive, la Cour de céans n'est pas en mesure de déterminer si le refus de laisser la recourante poursuivre son séjour au foyer Clair Bois-Lancy au profit d'un placement dans une institution pour adultes à titre transitoire, par exemple dans l'institution pour adultes Clair Bois-Gradelle, garantit le droit de l'intéressée aux mesures de pédagogie spécialisée auxquelles elle peut prétendre jusqu'à ses 20 ans. Il manque en effet dans l'arrêt entrepris tant des informations concrètes au sujet des besoins individuels de la recourante, notamment du point de vue de la "scolarité proprement dite", qu'au sujet des mesures de pédagogie spécialisée qui seront dispensées à la recourante au cas où elle serait placée dans un foyer pour adultes. Dans ces conditions, il y a lieu de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour instruction complémentaire quant au contenu du projet individualisé de la recourante et à la question de savoir si sa mise en oeuvre peut être garantie dans le foyer pour adultes où la recourante sera placée à terme.