BGE 86 I 51
 
10. Extrait de l'arrêt du 19 février 1960 dans la cause Acora SA contre Commission genevoise de recours de l'impôt pour la défense nationale.
 
Regeste
Art. 49, 57 und 60 WStB.
 
Sachverhalt


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A.- Acora SA a été constituée à Genève, le 29 septembre 1956, avec un capital-actions de 50 000 fr., entièrement libéré. Dans le compte de pertes et profits, arrêté au 30 juin 1957 figurait une somme spécifiée comme paiement d'intérêts sur une dette. Invitée par l'autorité de taxation à communiquer le nom et l'adresse du créancier, ainsi que le taux des intérêts dus, Acora SA refusa de répondre sur le premier point, alléguant que ses bailleurs de fonds désiraient n'être pas nommés; elle affirma que l'intérêt convenu était de 4%.
L'imposition pour les VIIIe et IXe périodes fiscales (1955 et 1956, 1957 et 1958) eut lieu conformément à

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l'art. 58 al. 4 et 5 AIN; elle fut fondée sur le résultat du premier exercice reporté sur une année civile. Cependant, vu le refus de la contribuable d'indiquer le nom de son créancier, le fisc ajouta au bénéfice comptable le montant des intérêts passifs portés au compte de pertes et profits pour la dette anonyme. Mais il n'ajouta le principal de cette dette ni au capital qui sert à déterminer le taux de l'imposition, ni au capital soumis à l'impôt complémentaire.
Acora SA forma une réclamation non pas contre le calcul du bénéfice net, mais contre celui du capital qui sert à fixer le taux de l'imposition. Elle fut déboutée tant par l'autorité de taxation, le 12 juin 1958, que par la Commission genevoise de recours de l'impôt pour la défense nationale, le 2 juin 1959.
B.- Contre cette dernière décision, Acora SA a formé un recours de droit administratif. Son argumentation se résume comme il suit:
La décision entreprise est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral, notamment à l'arrêt S. I. Home de la Gare, du 27 novembre 1953, mais cette jurisprudence est en contradiction avec le texte légal. En effet, l'art. 57 al. 1, 2e phrase, AIN n'exclut du capital qui sert à fixer le taux de l'imposition que les réserves constituées au moyen de bénéfices non imposés et, contrairement à ce qu'admet le Tribunal fédéral, toute réserve qui ne provient pas d'un bénéfice doit être ajoutée à ce capital. En l'espèce, la réserve que forme le principal de la dette anonyme n'a pas été constituée au moyen d'un bénéfice. Cette dette a été créée le 17 octobre 1956 déjà, quinze jours après l'inscription d'Acora SA au registre du commerce. Elle a permis à la débitrice d'acquérir une créance contre une société française avec l'agrément de l'Office français des changes. Ce placement figure à l'actif du bilan. L'existence de la dette est ainsi prouvée. La genèse de l'art. 57 al. 1, 2e phrase, AIN montre qu'en introduisant cette disposition nouvelle dans le texte

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légal, en 1950, le législateur a simplement voulu empêcher que les contribuables qui constituent des réserves pour diminuer d'autant le bénéfice imposable puissent les ajouter au capital qui sert à fixer le taux de l'impôt. En revanche, il n'a nullement voulu exclure de ce capital les réserves qui n'ont pas été constituées au moyen de bénéfices. Le fisc genevois a donc refusé à tort d'ajouter le principal de la dette anonyme au montant des réserves que vise la première phrase de l'art. 57 al. 1 AIN.
C.- La Commission genevoise de recours et l'Administration fédérale des contributions concluent au maintien de la jurisprudence instituée par l'arrêt Home de la Gare (précité).
 
Considérant en droit:
La recourante admet que les intérêts passifs de la dette anonyme ne peuvent être déduits dans le calcul du bénéfice imposable. Mais, dit-elle, cette solution implique que la dette est inexistante. Elle en conclut que le principal de cette dette apparaît comme une réserve, laquelle devrait être ajoutée au "capital proportionnel" conformément à l'art. 57 al. 1 AIN, nonobstant la dernière phrase de cette disposition légale.
Effectivement, dans son arrêt Home de la Gare, le

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Tribunal fédéral a dit que la dette anonyme doit être tenue pour inexistante et que, par conséquent, le principal d'une telle dette apparaît comme une réserve. Un nouvel examen de cette question appelle les précisions suivantes: La dette anonyme peut évidemment être fictive ou devenir telle, par exemple lorsque le créancier en a fait remise. Du point de vue comptable, si une dette inscrite au bilan est considérée comme inexistante, il y apparaît une réserve. Mais le refus de nommer les créanciers, à lui seul, ne permet pas de conclure que la dette n'existe pas en réalité. Toutefois, ce refus empêche le fisc d'en constater l'existence avec certitude et de s'assurer que le créancier la déclare avec les intérêts éventuels (art. 89 al. 2 AIN). Le fisc peut dès lors la tenir pour inexistante; cela ne signifie pas cependant qu'elle le soit dans la réalité.
Ainsi, du point de vue fiscal, la dette anonyme ne doit pas, en principe, être considérée comme une réserve. En effet, la réserve se définit comme ce qui reste de la fortune nette d'une société après déduction du capital social (Archives, t. 15, p. 365 ss). S'agissant d'une dette dont le caractère fictif n'est pas établi, il serait excessif de la compter comme un élément de la fortune sociale. Aussi bien, dans son arrêt Home de la Gare, le Tribunal fédéral avait-il déjà relevé qu'il s'agissait en tout cas d'une réserve de nature spéciale, car rien ne permettait d'admettre qu'elle ait été constituée au moyen de bénéfices d'exploitation, d'une réévaluation, d'une remise de dette, etc. Elle provenait, au contraire, exclusivement de ce que les créances anonymes devaient être tenues pour inexistantes en vertu de l'art. 89 al. 2 AIN.
La dette anonyme ne devant pas être considérée fiscalement comme une réserve, c'est-à-dire comme un élément de la fortune sociale, il n'y a pas lieu d'en tenir compte dans le calcul du capital qui sert à déterminer le taux de l'imposition, ni de la soumettre à l'impôt complémentaire. Cette solution n'a rien d'exorbitant. Si le fisc avait admis que la dette avait réellement cessé d'exister au

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cours de l'exercice, il aurait pu considérer la formation de cette réserve comme bénéfice imposable. Il ne l'a pas fait, car il n'est pas prouvé que la dette ait cessé d'exister. Comme il n'est pas non plus prouvé qu'elle existe, le fisc se borne à ne pas en tenir compte. Par le même motif, on ne saurait déduire les intérêts passifs du bénéfice imposable.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.