BGE 80 I 249
 
40. Extrait de l'arrêt du 15 septembre 1954 dans la cause société immobilière du domaine de Mimorey contre Energie de l'Quest-Suisse SA
 
Regeste
Streitigkeit zwischen einem Elektrizitätswerk und einem Privaten wegen Bäumen, welche eine Starkstromleitung gefährden oder stören. Sonderverfahren gemäss Art. 44 EIG.
2. Die Zuständigkeit der Lokalbehörde ist nur gegeben, wenn es sich um die Beseitigung einzelner Äste handelt und diese Massnahme das weitere Wachstum des Baumes nicht gefährden kann, nicht dagegen, wenn der Baum geköpft werden soll (Erw. 3).
 
Sachverhalt


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Le 13 avril 1934, le Conseil fédéral a accordé à la société anonyme l'Energie de l'Quest-Suisse, à Lausanne (ci-après EOS) un droit d'expropriation en vue de l'acquisition des droits de passage pour la construction et l'exploitation d'une ligne à haute tension entre Romanel sur Lausanne et Chèvres près de Genève. Cette conduite électrique, achevée peu après, traverse la partie nord du domaine appartenant à la société immobilière de Mimorey et situé dans le district de Nyon. Elle franchit notamment un bosquet de pins qui se trouve sur la propriété.
Le 19 mars 1937, le Tribunal fédéral a alloué à la société immobilière de Mimorey une indemnité de 3303 fr. 20. Cette indemnité ne concerne pas le bosquet de pins, qui paraissait à l'époque devoir rester intact.
Jusqu'en 1954, l'EOS a exploité la ligne avec un seul terne (ensemble de trois fils conducteurs). Au début de 1954, elle a entrepris d'en installer un second. Elle en a informé la société immobilière de Mimorey le 6 mars 1954, en lui demandant l'autorisation d'écimer quelques-unes des plantes du bosquet de pins. La société immobilière de Mimorey ayant refusé son consentement, l'EOS a recouru à la procédure de l'art. 44 LIE et demandé à cet effet une décision au Voyer qui est, dans le canton de Vaud, l'autorité compétente au sens de cette disposition. La société immobilière de Mimorey a écrit au Voyer du premier arrondissement, en déclarant s'opposer à l'écimage requis et en précisant que l'art. 44 LIE, applicable seulement en cas d'élagage, ne l'était pas à des mesures plus graves comme celles prévues en l'espèce.


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Le Voyer a rendu sa décision le 12 mai 1954. Il a admis sa compétence en vertu de l'art. 44 LIE, autorisé l'EOS à ébrancher un certain nombre de pins et fixé l'indemnité allouée à la société immobilière de Mimorey à 300 fr., les dispositions des art. 41 litt. c et 66 litt. b LEx demeurant d'ailleurs réservées. Ainsi que l'a montré une inspection locale, l'opération a consisté, dans la plupart des cas, à couper le tronc à une certaine distance du sommet (2 m. à 2 m. 50). Il s'agit donc en fait d'un écimage et non d'un simple ébranchage.
La société immobilière de Mimorey interjette un recours de droit public contre la décision du Voyer. Elle se plaint d'avoir été victime d'un acte d'arbitraire et fait valoir que l'autorité qui a statué était manifestement incompétente.
 
Considérant en droit:
C'est sur le terrain de cette disposition qu'il convient d'examiner le recours, en tant qu'il fait valoir l'incompétence de l'autorité cantonale. Sans doute, la société immobilière de Mimorey ne cite-t-elle pas expressément l'art. 84 litt. d OJ et se borne-t-elle à taxer d'arbitraire la décision du Voyer sur cette question de compétence. Mais peu importe. Car le grief d'arbitraire comprend le moyen pris d'une fausse application de la loi (RO 76 I 42).
3. En vertu de l'art. 44 LIE, lorsque des "branches

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d'arbres" menacent la sécurité ou le fonctionnement d'une ligne électrique et que l'entreprise en requiert l'enlèvement, l'autorité locale désignée par le gouvernement cantonal est compétente pour statuer quant au bien-fondé de la demande et au montant de l'indemnité.
La terminologie utilisée dans cette disposition montre que le législateur n'a entendu y soumettre que des cas de peu d'importance. En effet, le langage oppose les branches ou rameaux au tronc ou à la tige, et ce qui est l'un n'est pas l'autre. Or, l'intervention de l'autorité locale est limitée à l'hypothèse où il s'agit d'enlever des "branches d'arbres", c'est-à-dire à une opération qui n'a nullement sur la vitalité de la plante des conséquences aussi graves que le sectionnement du tronc à une certaine distance du faîte.
Le peu d'importance des éventualités visées par l'art. 44 LIE ressort aussi du fait que le législateur fédéral a laissé toute latitude aux cantons dans le choix de l'autorité compétente. Ceux-ci peuvent donc désigner une autorité judiciaire, mais aussi une autorité administrative, même de rang inférieur dans l'échelle hiérarchique. De plus, l'autorité statue sans recours et après une procédure très sommaire, puisque le prononcé doit être rendu dans un délai de huit jours à compter de la requête.
Enfin, l'historique de l'art. 44 LIE confirme la portée restreinte qu'il faut donner à cette disposition. Le projet de la loi fédérale concernant les installations électriques à faible et à fort courant (FF 1899 IV 477) contenait un art. 7 obligeant les propriétaires à enlever les branches d'arbres menaçant la sécurité ou l'emploi d'une ligne. Mais, de même que sous l'empire de la loi du 26 juin 1889 concernant l'établissement de lignes télégraphiques et téléphoniques - abrogée depuis par la LIE de 1902 -, cette obligation n'était prévue qu'à l'égard des conduites établies par la Confédération et non en ce qui concerne les lignes construites par des entreprises privées. C'est la commission parlementaire qui a décidé de l'étendre en faveur de celles-ci et notamment au bénéfice des sociétés transportant

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du courant fort. Sa proposition a fait l'objet de vives controverses aux Chambres, où des avis divergents ont été exprimés. Certains orateurs ont proposé de supprimer cette possibilité nouvelle de porter atteinte à la propriété d'autrui sur la simple demande d'une entreprise électrique et sans suivre la procédure de l'expropriation. D'autres, au contraire, ont suggéré de la prévoir non seulement pour les branches d'arbres, mais pour l'arbre comme tel. Si, finalement, l'art. 44 a été adopté dans sa forme actuelle, les adversaires du projet ont reçu néanmoins certains apaisements. En effet, il est résulté de la discussion qu'il fallait interpréter la disposition litigieuse dans ce sens que l'ébranchage devrait faire l'objet d'une procédure d'expropriation lorsqu'il porterait atteinte à la croissance de l'arbre et que la nouvelle procédure devrait être réservée aux "cas minimes", aux "bagatelles", où il s'agirait d'enlever ici ou là quelques petits rameaux (Bull. stén. de l'Assemblée fédérale, 1900, p. 568, 597 ss., notamment 600, 655, 699 ss.).
Ainsi, la terminologie de la loi, la procédure qu'elle a instituée et sa genèse montrent que l'art. 44 LIE ne permet le recours à l'autorité locale que lorsqu'il s'agit d'enlever certaines branches et que cette opération ne risque en tout cas pas de nuire à la croissance ultérieure de l'arbre. En revanche, quand l'intervention affecte la vitalité même de la plante, notamment en cas d'écimage, c'est-à-dire de sectionnement du tronc lui-même à une certaine distance du faîte, l'entreprise ne saurait procéder par la voie de l'art. 44 LIE (HESS, Das Enteignungsrecht des Bundes, p. 348 ss.).....
La décision attaquée doit dès lors être annulée. Il appartiendra à la recourante de saisir dès maintenant la commission fédérale d'estimation, en se conformant par analogie aux règles de l'art. 41 LEx.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
admet le recours et annule la décision attaquée.