BGE 105 Ib 399
 
59. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 11 mai 1979 dans la cause Greuter contre Département fédéral de l'intérieur (recours de droit administratif)
 
Regeste
Eidg. Medizinalprüfungen. In die Schweiz zurückgekehrter Auslandschweizer.
 
Sachverhalt


BGE 105 Ib 399 (400):

Citoyen suisse né en Amérique du Sud, Gilbert Greuter a fait ses études primaires, secondaires et universitaires aux Etats-Unis, où sa famille s'est installée dès 1947. Après avoir passé une licence en zoologie et obtenu le titre de "Bachelor of Arts" d'une université américaine, il est rentré en Suisse avec sa famille en 1965. Désirant entreprendre des études de médecine, il s'est fait immatriculer à la Faculté de médecine de l'Université de Genève et a demandé d'être mis au bénéfice d'une équivalence pour tenir compte des études qu'il avait suivies aux Etats-Unis.
Par lettre du 8 octobre 1965, le Département fédéral de l'intérieur a reconnu que le titre de "Bachelor of Arts" de Greuter équivalait à un certificat de maturité fédérale pour l'admission aux examens fédéraux des professions médicales, à la condition que l'intéressé passe l'examen complémentaire de langue maternelle, d'une deuxième langue nationale, ainsi que d'histoire et de géographie de la Suisse. Il a en outre dispensé Greuter de l'examen des sciences naturelles pour les médecins et lui a compté deux des semestres accomplis à l'étranger.
Greuter ne s'est pas soumis aux épreuves complémentaires de maturité requises pour l'admission aux examens fédéraux de médecine; il a passé les examens de Faculté et obtenu en 1971 le certificat cantonal de fin d'études médicales. De 1972 à 1977, il a fait différents stages en Suisse et à l'étranger.
Désireux de s'installer à son compte, Greuter a demandé au Comité directeur des examens fédéraux pour les professions médicales, par lettre du 20 février 1977, d'être admis à l'examen professionnel particulier pour médecin en vertu de l'ordonnance du Département fédéral de l'intérieur du 28 février 1969 concernant les examens professionnels particuliers pour Suisses de l'étranger. Cette demande a été rejetée par décision du 2 mai 1977, contre laquelle Greuter a formé en temps utile un recours administratif auprès du Département fédéral de l'intérieur, qui l'a rejeté par décision motivée du 20 février 1978.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, Greuter demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Département fédéral de l'intérieur et de l'autoriser à se présenter à l'examen professionnel particulier pour médecin.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 


BGE 105 Ib 399 (401):

Extrait des motifs:
2. Selon l'art. 21 de la loi genevoise du 11 décembre 1926 sur l'exercice des professions médicales et des professions auxiliaires, l'autorisation d'exercer la profession de médecin ne peut être accordée qu'aux personnes possédant le diplôme fédéral de médecine. En l'espèce, le problème essentiel est donc de savoir si - comme il le prétend - le recourant a le droit de recevoir ce diplôme fédéral de médecine après avoir passé non pas tous les examens fédéraux de médecine, mais seulement l'examen professionnel particulier prévu par l'art. 115 al. 2bis du règlement des examens fédéraux pour les professions médicales (en abrégé: REFM; SR 811.112.1), du 22 décembre 1964, et par l'ordonnance du 18 novembre 1975 (SR 811.112.13). En raison de sa situation spéciale, il soutient qu'il doit être admis à cet examen professionnel particulier, alors que le Département fédéral de l'intérieur s'est prononcé négativement, considérant qu'en vertu de l'art. 3 lettre b de son ordonnance du 18 novembre 1975, le diplôme final d'une université suisse ne donne pas le droit d'être admis à l'examen professionnel particulier lorsque le détenteur a subi, en tant que citoyen suisse, des examens de faculté dans une université suisse.
a) La loi fédérale du 19 décembre 1877 concernant l'exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération suisse (ci-après: la loi; SR 811.11) ne fixe pas elle-même les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance du diplôme fédéral de médecine. Selon l'art. 6, c'est au Conseil fédéral qu'il appartient, sous réserve de l'approbation de l'Assemblée fédérale (al. 2), de régler l'organisation des commissions d'examens, les connaissances scientifiques

BGE 105 Ib 399 (402):

requises des aspirants et la finance d'examen. En vertu de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté un premier règlement pour les examens fédéraux de médecine le 2 juillet 1880 (RO 1880-81, p. 99 ss.). Par la suite, il a modifié ce texte à plusieurs reprises, édictant de nouveaux règlements les 11 décembre 1899, 29 novembre 1912, 22 janvier 1935 et 22 décembre 1964 (RO 1899 p. 607, 1912 p. 699, 1935 p. 42, 1964 p. 1314); par arrêté du 26 février 1969, il a encore modifié le texte des art. 115 et 116 du règlement de 1964 (RO 1969 p. 239).
Soumis à l'approbation préalable des Chambres fédérales, qui y ont apporté quelques modifications, le premier règlement pour les examens fédéraux de médecine avait été ratifié par arrêté fédéral du 1er juillet 1880 (RO 1880-81, p. 99). Ce règlement comprenait un art. 74 aux termes duquel "le Conseil fédéral pourvoit à l'exécution du présent règlement conformément aux prescriptions de la loi fédérale du 19 décembre 1877; il est autorisé à y apporter les modifications qui deviendraient nécessaires" (voir, à ce sujet, le Message du 21 mai 1880, FF 1880 III 27 et 54). Ainsi, fort de cette autorisation, le Conseil fédéral n'a pas soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale les modifications successives qu'il a apportées à ce premier règlement, ni même les nouveaux règlements qu'il a édictés en 1912, 1935 et 1964.
Cette façon de procéder du Conseil fédéral est sans doute discutable, mais le recourant ne prétend pas que les textes réglementaires seraient nuls, faute d'approbation par les Chambres fédérales. On pourrait à la rigueur admettre qu'en ratifiant le projet de règlement pour les examens fédéraux de médecine par arrêté du 1er juillet 1880 et en approuvant ainsi la disposition de l'art. 74 de ce règlement, les Chambres ont libéré le Conseil fédéral de cette obligation de leur soumettre toute modification qui deviendrait nécessaire. Mais même si ce procédé était considéré comme non conforme à l'art. 6 al. 2 de la loi de 1877, la situation du recourant n'en serait pas améliorée pour autant. En effet, le Tribunal fédéral peut examiner librement les dispositions d'une ordonnance d'exécution (cf. ATF 104 Ib 209 consid. 2 et 3b); or, sous cet angle, la décision attaquée paraît tout à fait conforme à la loi, comme on va le voir.
b) Dans son message du 18 mai 1877, le Conseil fédéral avait précisé que "la loi est fondée sur les principes mêmes qui ont prévalu dans les débats

BGE 105 Ib 399 (403):

sur la révision de la Constitution fédérale, c'est-à-dire qu'elle a pour but de régler d'une manière uniforme, de par la Confédération, les conditions nécessaires pour obtenir un diplôme de médecin, de pharmacien ou de vétérinaire, les Cantons cessant dès lors de délivrer de semblables diplômes" (FF 1877 II 822). Cela implique qu'en principe, pour obtenir le diplôme fédéral de médecine et avoir ainsi l'autorisation d'exercer cette profession dans toute l'étendue de la Confédération, il faut avoir été admis (aux conditions prévues à l'art. 16 REFM) aux diverses séries d'examens fédéraux de médecine et les avoir tous subis avec succès devant une des commissions constituées conformément au règlement. Celui qui ne s'est pas présenté à ces examens fédéraux, notamment parce qu'il ne remplissait pas les conditions requises à l'art. 16 REFM, mais a réussi les examens cantonaux organisés dans les diverses facultés suisses de médecine, n'a donc pas droit à la délivrance du diplôme fédéral de médecine. En effet, il ressort clairement des travaux préparatoires de la loi que l'on a voulu, en 1877, exclure la possibilité de considérer comme équivalents les examens de faculté et les examens fédéraux de médecine.
Toutefois, dans les divers règlements qui se sont succédés depuis 1880, le Conseil fédéral a toujours admis que certains candidats au diplôme fédéral de médecine pouvaient bénéficier de quelques allégements. Mais, comme le Tribunal fédéral l'a relevé dans deux arrêts relativement récents (arrêt Aeschlimann du 22 novembre 1974, p. 6 s., et arrêt Daar-Weizmann du 17 septembre 1976), l'examen professionnel fédéral est en principe toujours requis, en tant qu'exigence minimale, même dans les cas où des allégements sont prévus pour tenir compte des circonstances particulières, notamment dans le cas des étudiants tessinois porteurs de diplômes italiens (règlement du 29 avril 1943; SR 811.112.12), le cas des réfugiés porteurs d'un diplôme final étranger ou suisse (ordonnance du Département fédéral de l'intérieur du 21 décembre 1973; SR 811.112.19), le cas des Suisses de l'étranger (art. 115 REFM) et celui des naturalisés (art. 116 REFM).
c) ...
4. C'est également en vain que Greuter se plaint de la violation de ses droits constitutionnels, notamment du principe de la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 4

BGE 105 Ib 399 (404):

Cst.), moyens qui sont en principe recevables dans un recours de droit administratif (ATF 104 Ib 121 consid. 1, ATF 103 Ib 137 consid. 2a, ATF 102 Ib 67); mais, en l'espèce, ces griefs ne sont pas fondés.
a) Ayant obtenu le diplôme de fin d'études d'une université suisse, Greuter n'est pas tenu de passer un examen complémentaire de maturité. Dans la décision attaquée, le Département fédéral de l'intérieur l'admet expressément; il laisse entendre en outre que si le recourant en faisait la demande, la dispense des examens propédeutiques pourrait être accordée pour tenir compte de l'avis que le Tribunal fédéral a exprimé dans son arrêt Daar-Weizmann du 17 septembre 1976 (consid. 4a). C'est donc l'examen professionnel final que Greuter aura à subir s'il désire obtenir le diplôme fédéral de médecine et, par voie de conséquence, l'autorisation d'exercer sa profession dans toute l'étendue de la Confédération.
Considérée pour elle-même, cette exigence peut paraître sévère; elle n'est cependant nullement contraire au principe de la proportionnalité, qui découle de la garantie de la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31 Cst.). Rentré de l'étranger avant même de commencer ses études de médecine, le recourant avait en effet la possibilité d'être admis, dès le début de ses études, aux examens fédéraux de médecine en passant simplement l'examen complémentaire de maturité. N'ayant pas suivi la voie qui lui avait été indiquée en 1965, le recourant ne peut donc s'en prendre qu'à lui-même s'il doit aujourd'hui subir à nouveau toute la série d'épreuves qui constituent l'examen professionnel final (voir aussi, dans ce sens, l'arrêt Daar-Weizmann du 17 septembre 1976, consid. 2c p. 8).
b) A l'appui de son recours, Greuter fait valoir encore le caractère prétendument arbitraire de la distinction qui est "opérée entre Suisses de l'étranger revenus au pays après la fin de leurs études et qui peuvent faire valoir directement leur diplôme obtenu à l'étranger et ceux qui ne reviennent qu'en cours d'études, comme le recourant, auquel la novelle de 1975 refuserait l'accès à l'examen professionnel particulier". Or, loin d'être arbitraire, cette distinction s'est imposée depuis longtemps - soit bien avant la "novelle de 1975" - en raison des situations différentes dans lesquelles se trouvent ces deux catégories de Suisses de l'étranger.
Pour obtenir le diplôme fédéral de médecine, les candidats en médecine n'ont pas le choix entre les examens fédéraux et les examens de faculté;

BGE 105 Ib 399 (405):

dans la mesure où ils en ont la possibilité, ils ont l'obligation de se présenter aux examens fédéraux. C'est là le principe fondamental que le législateur de 1877 a adopté, voulant précisément éviter de poser le problème d'une équivalence possible entre les examens fédéraux, d'une part, et les examens de faculté, d'autre part. Or le Suisse qui, comme le recourant, rentre de l'étranger avant même d'avoir commencé ses études de médecine et suit ainsi toutes ses études dans une faculté suisse de médecine a la possibilité d'être admis dès le début aux examens fédéraux à la seule condition d'être porteur d'un diplôme d'études secondaires jugé équivalent au certificat de maturité et, le cas échéant, de subir avec succès un examen complémentaire de maturité. Ce Suisse rentré de l'étranger n'a donc droit à aucun traitement de faveur. En revanche, la situation est différente pour le Suisse de l'étranger qui a suivi régulièrement ses études de médecine dans une faculté de médecine du pays où ses parents sont domiciliés (art. 3 lettre a de l'ordonnance du 18 novembre 1975). Aussi longtemps qu'il n'était pas rentré en Suisse, il lui était impossible de se présenter aux examens fédéraux de médecine. Il est dès lors normal que la question d'équivalence des examens étrangers et des examens fédéraux soit posée et que cet étudiant puisse être dispensé d'une partie des examens fédéraux, s'il entend obtenir le diplôme fédéral de médecine (art. 115 REFM). Le moyen tiré d'une prétendue violation de l'art. 4 Cst. n'est donc pas fondé.