BGE 101 Ib 198
 
35. Extrait de l'arrêt du 28 février 1975 dans la cause Meier contre Valais, Conseil d'Etat
 
Regeste
Bundesbeiträge für Bodenverbesserungen, Rückerstattung wegen Zweckentfremdung. Art. 85 und 86 LwG.
 
Sachverhalt


BGE 101 Ib 198 (198):

En 1965, Gabrielle et Jean-Jacques Demierre sont entrés en possession de la parcelle agricole No 274 du cadastre de Plan-Conthey, qui leur était attribuée dans le cadre du remaniement parcellaire officiel de Conthey-Plaine, subventionné par la Confédération. Au printemps 1967, ils ont fait morceler ce bien-fonds en quatre parcelles de grandeur inégale, dont l'une, de 1239 m2, a été vendue le 18 octobre 1969 à Heinz Meier, qui y a construit une maison familiale en 1970.
En 1973, le Service cantonal des améliorations foncières a réclamé à Meier le remboursement des subsides alloués par les pouvoirs publics dans le cadre du remaniement parcellaire, en relevant que Meier avait, par la construction d'un bâtiment, détourné la parcelle de son affectation agricole.


BGE 101 Ib 198 (199):

Après avoir recouru en vain au Département de l'intérieur du canton du Valais et au Conseil d'Etat, Meier a formé un recours de droit administratif auprès du Tribunal fédéral, qui l'a admis et a cassé la décision attaquée.
 
Extrait des motifs:
2. En vue de maintenir ou d'accroître le rendement des terres et de faciliter leur exploitation, la loi fédérale sur l'agriculture prévoit l'octroi de subsides par la Confédération (art. 77 et 91 LAgr.); mais elle contient aussi des dispositions destinées à assurer le maintien de l'affectation qui a motivé le versement de ces subsides. Les mesures prévues à cet effet sont notamment l'interdiction de désaffecter des immeubles sans autorisation et l'obligation de rembourser les subsides en cas de désaffectation; elles font l'objet d'une mention au registre foncier (art. 84, 85 al. 2 et 86 al. 3 LAgr.). L'obligation de rembourser les subsides existe non seulement lorsque la modification de l'affectation se fait sans autorisation, mais également lorsqu'elle est autorisée; dans ce dernier cas cependant, l'autorité compétente peut, pour de justes motifs, dispenser totalement ou partiellement du remboursement des subsides (art. 85 LAgr.). Comme acte de modification d'affectation, la loi mentionne expressément le nouveau morcellement (art. 86); quant à l'ordonnance de 1954, elle indique notamment, outre le nouveau morcellement, l'utilisation comme terrain à bâtir ou à d'autres fins non agricoles (art. 56 al. 2). Le remboursement porte sur la part du subside fédéral proportionnée à l'immeuble ou à l'ouvrage soustrait à son affectation (art. 57 al. 1 OAF 1954).
Or cette opinion est contraire aussi bien à l'art. 86 LAgr.

BGE 101 Ib 198 (200):

qu'à l'art. 56 al. 2 OAF 1954; elle est aussi en contradiction avec l'esprit des dispositions fédérales relatives aux améliorations foncières. Le remaniement des domaines agricoles est en effet un des principaux buts à atteindre en vue de faciliter et d'améliorer l'exploitation des terrains agricoles et ce sont en fait les travaux de remaniement parcellaire qui sont les plus importants parmi les mesures d'améliorations foncières (cf. Message du Conseil fédéral du 19 janvier 1951 à l'appui d'un projet de loi sur l'amélioration de l'agriculture et le maintien de la paysannerie, FF 1951 I p. 141 ss, notamment, p. 243-249). Morceler à nouveau des terrains remaniés, c'est donc aller expressément à l'encontre d'un des objectifs principaux visés par le législateur. Ainsi, en refusant de reconnaître au nouveau morcellement opéré en 1967 le caractère de modification de l'affectation de l'ancienne parcelle No 274, le Conseil d'Etat a violé le droit fédéral.
b) Il est vrai que d'autres actes peuvent également constituer une modification d'affectation, notamment la construction de bâtiments ne servant pas à des fins agricoles; et c'est même un tel acte qui fait naître le plus souvent l'obligation de rembourser, dans la mesure où il n'a pas été précédé d'un premier acte de modification, tel qu'un nouveau morcellement. Mais lorsqu'un morcellement est d'abord intervenu, c'est cet acte qui est déterminant pour la naissance de l'obligation de rembourser. Après un tel acte, le terrain est déjà détourné de son affectation, de sorte que les actes ultérieurs ne sont plus eux-mêmes des actes de désaffectation, ils ne font que confirmer la désaffectation intervenue.
En l'espèce, les autorités cantonales auraient donc dû réclamer le remboursement des subsides aux propriétaires qui avaient procédé au nouveau morcellement de la parcelle 274. Après ce remboursement, la mention "Améliorations foncières" aurait dû être radiée au registre foncier, de sorte que le nouvel acquéreur aurait pu user de son terrain sans les restrictions découlant du remaniement parcellaire. Le fait que le remboursement des subsides n'ait pas été réclamé à ce moment-là et que la mention n'ait pas été radiée au registre foncier avant la vente à Meier ne change rien au principe selon lequel c'est le premier acte de désaffectation qui fait naître l'obligation de rembourser à la charge de celui qui accomplit cet acte.


BGE 101 Ib 198 (201):

c) Sans doute la mention au registre foncier a notamment pour but de renseigner un acquéreur éventuel au sujet des restrictions découlant du remaniement parcellaire, et cette mention le lie dans la mesure où il n'y a pas eu précédemment d'acte de désaffectation. L'obligation de maintenir l'affectation empêche notamment l'acquéreur de procéder à un nouveau morcellement ou de construire un bâtiment ne servant pas à des fins agricoles; s'il procède à de telles opérations, il est tenu de rembourser lui-même le subside. Mais s'il y a eu précédemment un acte de désaffectation, l'obligation de rembourser est née à la charge du précédent propriétaire et la mention est devenue caduque.
Il ne serait pas satisfaisant de laisser aux autorités cantonales la possibilité de choisir entre plusieurs personnes qui auraient accompli des actes présentant en eux-mêmes le caractère d'actes de désaffectation. La question du remboursement du subside devrait être réglée en principe aussi rapidement que possible; il ne siérait pas d'en reporter la solution à plus tard, au moment où intervient le dernier acte confirmant la désaffectation. De toute façon, il importe que le moment de la naissance du droit au remboursement puisse être établi de façon précise; tel est le cas s'il y a morcellement, qui implique des inscriptions au registre foncier.
Au surplus, il sied en général que le remboursement soit réclamé autant que possible au premier propriétaire, car c'est lui qui en principe a bénéficié des avantages du remaniement parcellaire.