BGE 102 Ia 101
 
19. Extrait de l'arrêt du 23 juin 1976 dans la cause A.M. contre R.M.
 
Regeste
Art. 4 BV; Art. 145 ZGB.
 
Sachverhalt


BGE 102 Ia 101 (101):

Statuant sur le recours formé par A. M. contre l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue par le président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine, le Tribunal civil du même arrondissement juge, le 17 mars 1976, que A. M. doit verser à son épouse une pension mensuelle de 1'100 fr. dès le 1er mars 1976. A lire les considérants de la décision, le montant de 1'100 fr. comprend 300 fr. pour l'enfant Alain, né le 2 avril 1956. Il est ordonné d'office que la contribution en faveur d'Alain sera versée aussi longtemps qu'il poursuivra ses études.
A. M. forme un recours de droit public, concluant à l'annulation de la décision dans la mesure où elle l'astreint à contribuer aux frais d'entretien au-delà de la majorité.
 
Considérant en droit:
En cas de divorce, celui des parents auquel est attribué le droit de garde ou la puissance paternelle est tenu de pourvoir à l'entretien complet de l'enfant. Ainsi, dès le moment où il prononce par mesures provisionnelles ou par jugement au fond, le juge arrête, au besoin d'office et au-delà des conclusions des parties (ATF 82 II 470), la contribution due par l'autre parent sur la base des art. 145 ou 156 al. 2 CC (HEGNAUER, n. 19, 82, 161 et 163 ad art. 272 CC). Cependant, le jugement de divorce ne peut pas accorder à la mère elle-même une contribution aux frais d'entretien de l'enfant majeur, fût-il en période de formation professionnelle et auprès de sa mère (ATF 61 II 217, ATF 69 II 68; HEGNAUER, n. 71 ad art. 272 CC; BÜHLER, in Revue du droit de tutelle, 1967, p. 87). Et même lorsqu'il intervient avant la majorité, le jugement ne peut accorder une contribution à la mère elle-même que jusqu'à l'époque où l'enfant atteint ses vingt ans révolus. En effet, l'enfant mineur est déjà lui-même créancier de la contribution et celui des parents auquel est attribué le droit de garde ou la puissance paternelle agit en qualité de représentant légal (ATF 69 II 68, ATF 90 II 355, ATF 98 IV 207; HINDERLING, Ehescheidungsrecht, notamment pp. 162/163). Dès lors que la puissance paternelle ou le droit de garde tombe avec l'avénement de la majorité, le pouvoir de représentation légal tombe du même coup. L'enfant doit agir lui-même, comme, du reste, en dehors du cas de divorce.
La seule exception est celle où une convention sur les effets accessoires du divorce est passée, aux termes de laquelle le père s'engage à entretenir son fils après la majorité. Une telle

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convention est en principe ratifiée par le juge (HEGNAUER, n. 75 ad art. 272 CC), parce que cet accord est de nature à préserver au mieux les intérêts de l'enfant par une solution amiable, simple et pratique.
5. Il n'y a pas lieu de s'écarter de cette application logique des règles de droit en matière de mesures provisionnelles, sous peine de créer un conflit né de la coexistence de deux légitimations. Tout d'abord, il ne serait pas heureux que le juge des mesures provisionnelles puisse statuer sur le sort de l'enfant majeur, alors que le juge du fond ne le peut pas. De plus, si la contribution accordée à la mère se montrait insuffisante, la prétention complémentaire du fils pourrait être écartée au motif que la quotité a déjà été fixée en faveur de la mère. Par ailleurs, la situation pourrait se compliquer lorsque l'enfant quitte le domicile de sa mère pour devenir indépendant. Des difficultés peuvent également se présenter en matière de poursuite, en cas de requête de mainlevée de l'opposition, dès lors que la mère bénéficiaire de la contribution ne représente plus l'enfant créancier. Enfin, l'enfant majeur deviendrait une troisième partie, indépendante, dans un procès qui oppose père et mère.
Ces considérations démontrent que la solution adoptée par le Tribunal de l'arrondissement de la Sarine n'est pas soutenable: en matière de mesures provisionnelles comme dans le cadre du jugement au fond, il est arbitraire de nier pratiquement la légitimation de l'enfant majeur. Pour ce motif, la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où elle accorde à la mère elle-même un montant de 300 fr. pour Alain, au-delà de sa majorité. Il appartiendra à l'enfant d'entreprendre une procédure séparée et d'agir lui-même afin d'obtenir satisfaction.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours et annule le jugement attaqué dans la mesure où il accorde, pour l'enfant Alain, au-delà de sa majorité, un montant mensuel de 300 fr. à titre de contribution à ses frais d'entretien.