BGE 100 Ia 82
 
13. Arrêt du 13 février 1974 dans la cause Commune de Montana contre Tavelli et Conseil d'Etat du canton du Valais.
 
Regeste
Gemeindeautonomie. Baurecht.
2. Befugnis des mit einer Beschwerde gegen einen kommunalen Entscheid befassten Staatsrats zur Prüfung der Rechtsfragen, die sich im Bereich des Baurechtes stellen; Anwendung eines unbestimmten Rechtsbegriffes (Erw. 4).
3. Aesthetik der Bauten, Landschaftsschutz (Erw. 4 und 5).
 
Sachverhalt


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A.- Aldo Tavelli a demandé à l'administration communale de Montana, en juin 1970, l'autorisation d'aménager une lucarne de 4 m 70 de long et 1 m 90 de haut sur le toit de son chalet. La Commune a refusé cette autorisation, pour le motif que le projet présenté était inesthétique et ne cadrait pas avec le site environnant. Tavelli a recouru contre cette décision auprès du Conseil d'Etat; ayant par la suite modifié son projet, il a retiré son recours en août 1971.
Le nouveau projet prévoyait une lucarne de 4 m de long sur 1 m 60 de haut. La Commune a également refusé l'autorisation requise pour ce projet, jugeant la réduction du volume insuffisante pour l'amener à modifier sa position. Sur recours de Tavelli, le Conseil d'Etat a annulé la décision communale le 6 décembre 1972: selon lui, la Commune avait estimé à tort que la construction en question était de nature à porter préjudice à l'aspect esthétique du site environnant.
B.- Agissant par la voie du recours de droit public, la Commune de Montana requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat. Elle allègue la violation de l'autonomie communale.
Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours. L'intimé Tavelli conclut à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet.
Une délégation du Tribunal fédéral a procédé à une inspection des lieux en présence des parties et de leurs représentants.
 
Considérant en droit:
1. Selon la jurisprudence, une commune a qualité pour former un recours de droit public lorsqu'un acte normatif ou une décision de l'autorité cantonale la touche en tant que détentrice de la puissance publique et qu'elle allègue une violation de son autonomie (RO 99 Ia 74, 98 Ia 431). Ces conditions sont réunies en l'espèce: la Commune de Montana reproche

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en effet au Conseil d'Etat de n'avoir pas respecté la compétence et le pouvoir d'appréciation de l'autorité communale, alors que l'autorité cantonale n'aurait qu'une cognition limitée pour examiner si l'autorité communale compétente a fait un bon usage de son pouvoir d'appréciation. Le recours est donc recevable.
Le champ et la portée de l'autonomie communale sont déterminés par le droit cantonal, que le Tribunal fédéral examine en principe librement s'il s'agit de dispositions constitutionnelles, et sous l'angle restreint de l'arbitraire s'il s'agit de dispositions légales (RO 99 Ia 74 consid. 2, 97 I 512 s. et 522 et les arrêts cités).
La loi du 2 juin 1851 sur le régime communal ne contient que des dispositions sur la répartition des attributions entre les divers organes communaux; elle ne donne pas d'indication sur les attributions communales en matière de constructions. En revanche, la loi sur les constructions (LC) du 19 mai 1924 autorise les communes à établir des règlements sur la

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police des constructions (art. 4); mais elle confère aussi au Conseil d'Etat le droit d'imposer à une ou plusieurs communes l'obligation d'édicter un règlement approprié aux conditions locales et même le droit de leur imposer d'office un règlement, si elles ne s'exécutent pas (art. 5). Pour avoir force de loi, les règlements communaux doivent être approuvés par le Conseil d'Etat (art. 6); ils doivent contenir des dispositions relatives à certaines matières déterminées (art. 8), mais peuvent également contenir d'autres dispositions dont la nature est précisée par le législateur, notamment les règles et conditions relatives à la sauvegarde de l'esthétique des bâtiments, des localités et des sites (art. 9 ch. 7).
D'autre part, l'ordonnance du Conseil d'Etat du 13 janvier 1967 "sur l'organisation et les attributions de la Commission cantonale des constructions" prévoit la possibilité de recourir au Conseil d'Etat contre la décision de l'autorité communale écartant un projet de construction qui lui a été soumis (art. 8 et 21). Le pouvoir d'examen du Conseil d'Etat, saisi d'un recours contre une décision communale, est réglé par l'arrêté du Conseil d'Etat du 11 octobre 1966 "concernant la procédure administrative par-devant le Conseil d'Etat et ses départements" (APA), dont l'art. 21 dispose:
"Le recourant peut invoquer toute violation du droit, l'inopportunité du contenu de la décision ainsi que la constatation inexacte ou incomplète des faits. L'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation sont assimilés à une violation du droit.
Dans les affaires qui rentrent dans les compétences propres des communes, l'inopportunité de la décision ne peut être invoquée."
On peut retenir de ces différentes dispositions que, malgré les pouvoirs assez étendus réservés au Conseil d'Etat, il reste aux Communes une liberté d'appréciation suffisamment importante pour qu'on puisse leur reconnaître en principe une certaine autonomie en cette matière.
Il y aura alors violation de cette autonomie si le Conseil d'Etat abuse de son pouvoir d'appréciation ou qu'il interprète arbitrairement le droit - cantonal ou communal - applicable (RO 96 I 153).
4. Bien que l'arrêté du 11 octobre 1966 sur la procédure administrative émane du Conseil d'Etat lui-même, la recourante en admet implicitement la validité et reconnaît à l'autorité cantonale le pouvoir d'examiner librement l'application du

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droit communal. Mais elle prétend que pour examiner si la Commune a fait un bon usage de son pouvoir d'appréciation, le Conseil d'Etat ne dispose que d'une cognition limitée et ne peut intervenir qu'en cas d'excès ou d'abus de son pouvoir par la Commune; elle prétend en outre que la cognition du Conseil d'Etat est également limitée dans les questions d'application de notions juridiques indéterminées, domaine dans lequel une certaine latitude de jugement est laissée aux autorités communales.
a) Pour justifier son refus d'autoriser l'aménagement de la lucarne litigieuse, la Municipalité s'est appuyée, dans son recours, sur l'art. 75 al. 2 de son règlement sur les constructions (RC) des 28 avril/8 septembre 1957, homologué par le Conseil d'Etat le 15 juillet 1958. La disposition précitée donne à la Municipalité "le droit de s'opposer à toute construction qui nuit au développement esthétique d'un quartier". Or il s'agit là d'une notion juridique indéterminée, considérée comme une question de droit par la doctrine et la jurisprudence (RO 94 I 135, avec les arrêts et les auteurs cités, 96 I 373; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 169). Le Conseil d'Etat pouvait donc, dans le cadre de la compétence que lui reconnaît l'art. 21 APA, examiner l'application par la Commune de l'art. 75 al. 2 RC. S'agissant d'une question de droit, il jouissait en principe d'un pouvoir de libre examen, mais devait cependant laisser à l'autorité communale une certaine marge d'appréciation.
Il n'est dès lors pas nécessaire de rechercher s'il s'agit d'une matière appartenant au domaine propre ou au domaine délégué de la Commune (le Conseil d'Etat affirme, dans sa réponse au présent recours, que cette matière relève du domaine délégué à la Commune), distinction qui a sans doute son importance pour l'application de l'art. 21 APA de 1966, mais qui n'est plus le critère déterminant - selon la jurisprudence du Tribunal fédéral inaugurée en 1967 (RO 93 I 154 ss. et 427 ss.; cf. aussi RO 96 I 152) - pour décider si une commune est autonome ou pas dans un secteur déterminé. Si, au cours de l'examen qui va suivre, la Cour de céans arrive à la conclusion que le Conseil d'Etat, agissant dans les limites de son pouvoir d'examen des questions juridiques, n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni appliqué arbitrairement l'art. 75 al. 2 RC, elle pourra se dispenser de rechercher si l'autorité cantonale aurait également pu contrôler la décision sous l'angle de l'opportunité.


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b) Le Conseil d'Etat a estimé que les conditions prévues par l'art. 75 al. 2 RC n'étaient pas remplies en l'espèce, c'est-à-dire que la construction litigieuse n'était pas de nature à nuire au développement esthétique du quartier. Il a constaté que la région où se trouve le chalet Tavelli présente des styles de construction absolument différents. Au sud, le long de la route, on trouve une construction à toit plat bâtie selon l'ordre contigu, et à l'est le bâtiment "Ambassadeurs" avec des toits en pente et des toits plats. Deux lucarnes sont aménagées sur chaque pente du toit d'un chalet - situé à 300 m à l'est de celui du recourant, le chalet Petit - construit en 1971 sur la base d'un permis accordé par le Conseil communal en 1970. Des lucarnes semblables à celle que prévoit le recourant existent sur le chalet Hendrica, situé à proximité immédiate, et sur le toit de l'Hôtel du Lac, de l'autre côté du Lac Grenon. Ces faits démontrent clairement, dit le Conseil d'Etat, que la construction projetée n'est absolument pas en contradiction avec les maisons du même genre se trouvant à proximité immédiate, de sorte que le refus communal d'autoriser l'aménagement de la lucarne litigieuse est injustifié.
Dans son recours de droit public, la Commune de Montana ne conteste expressément aucun des faits allégués par le Conseil d'Etat. Mais elle prétend - dans son recours comme aussi au cours de l'instruction - qu'elle a décidé depuis quelques années de ne plus autoriser l'aménagement de lucarnes dans le toit. Elle aurait été amenée à prendre cette décision à la suite des excès commis par les promoteurs immobiliers qui, en utilisant des lucarnes, arrivaient à obtenir des étages supplémentaires pour leurs constructions. On ne saurait reprocher à la Commune de tout mettre en oeuvre pour éviter un développement désordonné de constructions de tout style sur son territoire, ni d'interdire les lucarnes là où cette mesure est nécessaire pour empêcher les abus signalés. Mais la Commune admet qu'en l'espèce le chalet Tavelli pourrait, selon les normes qui lui sont applicables, avoir un étage de plus, de sorte que l'aménagement de la lucarne envisagée ne vise nullement à obtenir un nombre d'étages et un volume supérieurs à ceux qui sont autorisés. C'est donc uniquement sous l'angle de l'esthétique qu'il faut examiner le cas litigieux.
S'agissant en l'espèce de l'application de l'art. 75 al. 2 RC, c'est-à-dire du point de savoir si la construction d'une lucarne nuirait au développement esthétique du quartier, il faut placer le projet de construction dans le contexte du quartier tel qu'il s'est développé jusqu'ici. Le Conseil d'Etat, qui devait examiner si la Commune avait donné une juste interprétation à l'art. 75 RC, a constaté qu'en définitive elle n'avait pas fait usage de critères objectifs et systématiques pour déterminer si la construction d'une lucarne était de nature à enlaidir le quartier. La Commune s'est en effet bornée à faire état d'une pratique adoptée - selon ses dires - depuis quelques années, sans la justifier par rapport à l'art. 75 al. 2 RC invoqué par elle et sans examiner si la lucarne envisagée pouvait effectivement porter préjudice au développement esthétique du quartier.
L'inspection des lieux à laquelle a procédé la délégation du Tribunal fédéral a confirmé que la lucarne projetée par Tavelli serait visible à partir de certams endroits seulement, que d'autres lucarnes ont déjà été aménagées dans plusieurs constructions du voisinage et qu'il n'y a au surplus, dans le secteur, aucune unité de construction dont l'harmonie pourrait être détruite par l'aménagement d'une lucarne dans le toit d'un chalet. En interdisant la lucarne litigieuse sous prétexte qu'elle nuirait à l'esthétique d'un tel quartier, la Commune a excédé les limites de son pouvoir d'appréciation. Le Conseil d'Etat pouvait donc annuler une telle décision sans commettre un abus ou un excès de son pouvoir d'appréciation, ni tomber dans l'arbitraire.
Ainsi le grief de violation de l'autonomie communale se révèle mal fondé.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.