BGE 98 Ia 226
 
34. Arrêt du 2 février 1972 dans la cause R. contre Chambre d'accusation du canton de Genève.
 
Regeste
Behandlung eines von einer deutschen Behörde in einer Strafsache gestellten Rechtshilfegesuches in der Schweiz. Art. 12 des schweiz. deutschen Auslieferungsvertrages vom 24. Januar 1874. Art. 4 BV.
Art. 12 des schweiz.-deutschen Staatsvertrages verweist auf die kantonale Strafprozessordnung; er wird durch eine unrichtige Anwendung derselben nicht verletzt (Erw. 2 b).
Mangels besonderer Vorschriften sind die Bestimmungen der kantonalen Strafprozessordnung auf die auf das Gesuch hin vorgenommenen Akte anwendbar, soweit dies mit dem Zweck des Gesuchs vereinbar ist (Erw. 4).
Anwendung dieses Grundsatzes:
- auf das Recht des Angeschuldigten auf Akteneinsicht (Erw. 5);
- auf eine Haussuchung und deren Folgen (Erw. 6).
Gleichbehandlung der Parteien im Strafprozess (Erw. 7).
 
Sachverhalt


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A.- Le Ministère public (Staatsanwaltschaft) près la Cour de justice (Landgericht) de Hambourg a ouvert une information pénale contre les personnes responsables de deux sociétés commerciales allemandes, pour faux et usage de faux au sens des §§ 273, 271 et 272 du code pénal (Strafgesetzbuch) allemand et pour soustraction d'impôt, infractions commises à l'occasion de l'importation de préparations alimentaires contenant des extraits de lait. Lesdites personnes sont prévenues d'avoir fait établir de faux certificats d'origine des marchandises et d'en avoir fait usage en Allemagne. Le principal auteur de ces agissements serait R., apatride, qui d'après son papier à lettres serait domicilié à Genève.
Le 3 août 1970, le Parquet de Hambourg a décerné commission rogatoire aux autorités genevoises, les priant de procéder à diverses mesures d'instruction à Genève, notamment auprès de R., d'interroger celui-ci et d'autres personnes et de fournir des photocopies de documents trouvés au cours de l'exécution de ces mesures. Cette demande d'entraide judiciaire a été transmise le 31 août 1970 à la Division de police du Département fédéral de justice et police, à Berne. Dans la lettre d'envoi, l'autorité requérante donne l'assurance que les renseignements recueillis seront utilisés dans la poursuite des infractions de droit pénal ordinaire - usage de titres faux, faux intellectuel médiat (mittelbare Falschbeurkundung) - et ne le seront en aucune façon dans une procédure douanière ou fiscale quelconque.
Le 15 septembre 1970, la Division fédérale de police a fait suivre la commission rogatoire au doyen des juges d'instruction de Genève. Le juge d'instruction auquel la cause a été attribuée a rendu le 30 novembre une ordonnance aux termes de laquelle il serait procédé à une perquisition et à la saisie des documents

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relatifs aux agissements reprochés à R., tant au domicile de celui-ci qu'au siège d'une société et d'une banque nommément désignées, ainsi qu'en tous autres endroits utiles. Ces perquisitions ont eu lieu le même jour; le fils de R. a assisté à celle qui a été exécutée au domicile de son père et a donné son accord. De nombreux documents ont été saisis et le juge a entendu diverses personnes.
R. s'est présenté le 25 janvier 1971 devant le juge d'instruction, qui lui a signifié une "inculpation pour faux et usage de faux au sens des §§ 47, 74, 271, 272, 273 ss du Code pénal allemand". Il a été interrogé, en présence de ses avocats et de deux représentants du Service allemand de recherches en matière douanière (Zollfahndungsstelle) de Hambourg, mais a refusé de répondre à la plupart des questions posées, déclarant qu'elles ne concernaient pas la procédure pour faux et usage de faux et qu'il s'agissait de questions économiques. Il a indiqué que son domicile était en France.
Les conseils de R. ont demandé au juge d'instruction, vu l'art. 59 PP gen., de donner lecture de la dénonciation ou de la plainte, des procès-verbaux, des rapports et des dépositions des témoins, et de représenter à leur client les objets séquestrés. Le juge s'est borné à leur remettre copie des procès-verbaux d'audition de leur mandant, refusant pour le surplus à celui-ci tout accès à la procédure.
B.- Le 29 janvier 1971, R. a formé auprès de la Chambre d'accusation de Genève un recours contre le refus du juge d'instruction, concluant à ce qu'il soit prononcé que les dispositions du code de procédure pénale genevois s'appliquent à tous les actes du juge d'instruction, à ce que le recourant puisse prendre connaissance du dossier intégral et en recevoir copie et à ce qu'il soit dit qu'il y a lieu de procéder conformément aux art. 80 ss. PP gen. réglant la procédure spéciale pour le faux. Le 1er février 1971, il a déposé un nouveau recours, dirigé contre les séquestres effectués tant à la banque précitée qu'au domicile de sa femme, de son fils et des parents et beaux-parents de sa femme; il demandait à la Chambre de dire que les objets séquestrés seraient représentés à ses conseils et à lui-même et que ceux des documents saisis qui ne se rapportent pas à la procédure en faux et usage de faux, mais qui peuvent servir à des procédures fiscales ou douanières lui seraient restitués, sans être transmis à l'autorité requérante.


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Par lettre du 26 février 1971, le Parquet de Hambourg a déclaré qu'en vertu du droit allemand, soit du § 147 al. 2 de la loi de procédure pénale (Strafprozessordnung), le dossier ne pourrait être soumis à l'inculpé, sous réserve du procès-verbal de son audition. Il ajoutait que l'examen par l'inculpé des pièces jointes à la demande d'entraide mettrait en péril la réalisation du but de l'information. Consultée, la Division fédérale de police a exprimé l'avis que l'on devait limiter le champ d'application du droit suisse et refuser de donner connaissance à R. du dossier allemand.
La Chambre d'accusation, statuant le 30 juillet 1971, a rejeté les deux recours.
C.- R. forme un recours de droit public et requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation, de dire que le juge d'instruction avait l'obligation d'appliquer strictement le code de procédure pénale genevois lors de l'exécution des commissions rogatoires décernées par le Parquet de Hambourg et de retourner le dossier audit juge pour qu'il procède conformément aux dispositions de ce code. Il se plaint de la violation de l'art. 4 Cst., des art. 2, 60 et 130 Cst. gen. et de l'art. 12 du Traité germano-suisse du 24 janvier 1874.
D.- La Chambre d'accusation et le Procureur général du canton de Genève concluent au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
2. a) Le recourant se plaint tout d'abord de violation du traité d'extradition conclu entre la Suisse et l'Allemagne le 24 janvier 1874, plus précisément de son art. 12, qui dispose notamment qu'il sera donné suite à la commission rogatoire "en conformité de la législation du pays où le témoin doit être entendu ou la commission exécutée". Ce grief est recevable, en vertu de l'art. 84 lit. c OJ. La norme prétendument violée n'est pas une disposition de droit pénal - dont la violation eût pu faire l'objet d'un pourvoi en nullité - mais une règle de procédure (cf. RO 95 II 378 et 96 I 390). Elle régit aujourd'hui encore l'entraide judiciaire entre la Suisse et l'Allemagne. Ce dernier

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Etat, en effet, n'a pas ratifié la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, du 20 avril 1959, ni l'accord qu'il a conclu avec la Suisse, le 13 novembre 1969, pour la compléter et en faciliter l'application. Bien qu'il ne soit ressortissant d'aucun des deux Etats parties au traité de 1874, R. a qualité pour invoquer cet accord international. En effet, celui-ci pose ici une règle objective s'appliquant de façon générale à chacun sans distinction de nationalités et toute personne ayant un intérêt juridique à l'application de cette règle peut recourir contre une décision qui la méconnaît (cf. RO 93 I 167). En pareille hypothèse, le Tribunal fédéral examine librement les questions de fait et de droit (RO 96 I 390 consid. 1). L'épuisement des instances cantonales n'étant pas prescrit, il peut se saisir de moyens invoqués pour la première fois devant lui (RO 93 I 167, 281).
b) Par l'art. 12 du traité de 1874, chaque partie s'est engagée à donner suite, dans les formes prévues par sa législation interne, aux commissions rogatoires décernées par l'autre Etat. S'agissant d'une commission rogatoire à exécuter en Suisse et en l'absence de dispositions de droit fédéral réglant la procédure en matière d'entraide judiciaire internationale, le canton exécute la commission rogatoire selon sa propre législation, la Division de police du Département fédéral de justice et police se bornant à écarter les demandes manifestement irrecevables (cf. JAAC 1957, p. 17 ss.). C'est ainsi à tort que la Division de police affirme, dans sa lettre du 28 mai 1971 adressée au juge d'instruction, que la disposition de l'art. 12 n'a pas pour but de donner à la personne visée une position plus favorable que celle qu'elle aurait eue si l'acte d'instruction avait pu être effectué sur le territoire de l'Etat requérant. En réalité, le traité de 1874 renvoie au droit cantonal, sans restriction.
Il ne pourrait toutefois y avoir violation du traité que si les autorités genevoises avaient réellement appliqué une loi étrangère, notamment la loi allemande, en lieu et place du droit suisse. Il n'en est rien. La Chambre d'accusation relève expressément qu'il n'a jamais été question d'appliquer le droit allemand, et qu'elle s'est fondée exclusivement sur le droit suisse, soit en l'espèce sur le droit de procédure genevois. Le recourant affirme certes que les dispositions de ce droit de procédure ont été violées. Mais une telle violation n'est pas assimilable à une violation du traité. Le droit cantonal de

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procédure applicable ne devient pas partie intégrante de l'accord international, quand bien même celui-ci y renvoie. Le moyen pris de la violation de l'art. 12 du traité doit ainsi être rejeté.
a) En tant qu'il se fonde sur la première de ces deux dispositions, ce moyen est recevable. La décision attaquée est en effet rendue en dernière instance cantonale; elle doit être considérée comme finale (art. 87 OJ), car elle met fin à la procédure engagée devant les autorités genevoises contre R. Au demeurant, de jurisprudence constante, le Tribunal fédéral examine le moyen pris de l'art. 4 Cst. même s'il ne s'agit pas d'une décision finale, lorsque, comme en l'espèce, le recourant invoque encore d'autres griefs qui sont eux-mêmes recevables (RO 95 I 443 et les citations). Enfin, l'étranger, même domicilié à l'étranger, peut se plaindre d'un déni de justice matériel (RO 91 I 49 et les arrêts cités, 92 I 15; 95 I 106, 411).
b) L'art. 2 Cst. gen., qui dispose que tous les Genevois sont égaux devant la loi, n'a pas d'autre portée que l'art. 4 Cst.; il n'a pas à faire l'objet d'un examen particulier.
a) Cette opinion ne peut être approuvée. Sans doute, l'exécution de l'entraide judiciaire internationale étant laissée par la Confédération à la compétence des cantons, ceux-ci peuvent édicter des règles de droit s'appliquant spécialement à cette matière. Mais le canton de Genève ne l'a pas fait et la Chambre d'accusation ne peut se fonder sur aucune disposition légale pour affirmer que ce sont les dispositions du code de procédure administrative qui s'appliquent au premier chef, alors que ce code régit des matières toutes différentes. En réalité, l'audition d'une personne pour les fins d'une information pénale et l'exécution d'une perquisition domiciliaire pour les mêmes fins

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sont régies par la loi de procédure pénale. Lorsqu'elles sont exécutées en vertu d'une commission rogatoire, elles sont confiées aux mêmes magistrats. Ceux-ci doivent en principe suivre les mêmes règles que lorsqu'ils agissent de leur chef. Les garanties instituées par le législateur cantonal en faveur des individus poursuivis pénalement doivent profiter également aux individus qui sont poursuivis dans un pays étranger, mais à l'égard desquels le magistrat informateur a reçu une commission rogatoire. En principe, la différence des situations de fait ne justifie pas que l'on fasse abstraction de ces garanties dans ce dernier cas, surtout lorsqu'il y a lieu de recourir à des mesures de contrainte. Les règles de la procédure pénale devront donc s'appliquer en principe et dans toute la mesure compatible avec le but de la commission rogatoire. Il est du reste manifeste que la loi fédérale sur l'extradition aux Etats étrangers, du 22 janvier 1892, se réfère à la procédure pénale lorsqu'elle renvoie, en son art. 18, à la loi cantonale. D'une façon générale, ces lois seules contiennent les prescriptions relatives à la forme de l'arrestation des délinquants et aux perquisitions et saisies en matière pénale, auxquelles l'article précité renvoie. C'est de toute évidence dans le même sens que l'on a prévu, à l'art. 12 du traité germano-suisse, qu'il sera donné suite à la commission rogatoire en conformité de la législation du pays requis. Ennn, dans son message du 1er mars 1966 (FF 1966 I 490), relatif à l'approbation de la convention européenne d'entraide judiciaire, le Conseil fédéral relève expressément que la disposition de cette convention selon laquelle l'entraide doit être fournie dans les formes prévues par la législation du pays requis oblige à appliquer les dispositions des lois de procédure pénale en vigueur, et constitue la base légale nécessaire pour l'application de ces dispositions à la situation particulière créée par l'exécution d'une commission rogatoire.
b) Le code de procédure pénale genevois est cependant établi en premier lieu pour s'appliquer aux cas où l'action publique est intentée dans le canton de Genève. Lorsqu'il s'agit de situations que la loi ne règle pas directement, et que le juge se trouve ainsi en présence d'une lacune, il lui appartient de procéder conformément à l'art. 1er CC et de prononcer selon les règles qu'il établirait s'il avait à faire acte de législateur (RO 90 I 141, 95 I 166). Bien que le droit cantonal genevois ne contienne pas de règle analogue à l'art. 1er CC, les tribunaux peuvent s'inspirer

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de cette dernière disposition pour statuer dans une telle hypothèse. La Cour de justice l'a admis à plusieurs reprises (cf. SJ 1920 p. 329, 1952 p. 553; cf. aussi MEIER-HAYOZ, n. 75 ad art. 1er CC). Le juge peut alors prononcer par analogie selon une disposition légale qui ne s'applique pas directement au cas particulier, mais réglemente une situation proche de celle qu'il s'agit de régler (cf. MEIER-HAYOZ, n. 346 ss. ad art. 1er CC). Lorsque les dispositions de la procédure pénale ne peuvent s'appliquer au cas de l'entraide judiciaire, le juge peut prononcer en appliquant par analogie d'autres dispositions légales, comme celles de la procédure administrative, mais il ne peut le faire qu'en demeurant dans le cadre général du système de la procédure pénale, en adoptant des solutions qui soient en harmonie avec ce système.
"Art. 59, 1re phrase. - Dès que l'inculpé se présente sur un mandat de comparution, ou qu'il a été contraint par un mandat d'amener, le juge d'instruction lui fait lire la dénonciation ou la plainte, les procès-verbaux, les rapports et les dépositions des témoins déjà entendus.
Art. 63 al. 2. - Dans toute cause, la partie civile ou son conseil, l'inculpé ou son conseil, ont le droit de voir les minutes, les pièces du dossier, ainsi que les objets servant à l'information, sous réserve des dispositions des articles 58 et 70."
L'art. 58, auquel se réfère l'art. 63 al. 2, traite du secret de la procédure dans la phase préliminaire (avant que l'inculpé ait été atteint par un mandat et. ait été interrogé par un juge d'instruction); quant à l'art. 70, il permet au juge d'instruction de suspendre l'information contradictoire lorsque l'importance d'une procédure l'exige, et de tenir l'inculpé au secret pendant huit jours, ou plus longtemps avec l'autorisation de la Chambre d'accusation.
a) En dépit de la demande présentée par les avocats du recourant, le juge a refusé de donner lecture de la dénonciation ou de la plainte, ainsi que des dépositions des témoins déjà entendus et n'a pas permis au recourant de prendre connaissance du dossier intégral. Approuvant cette décision, la Chambre

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d'accusation considère que le juge a appliqué en l'espèce l'art. 70 PP, qui lui permet de suspendre l'information contradictoire.
Il n'est pas nécessaire de décider si le magistrat pouvait suspendre l'information contradictoire tout en autorisant les avocats à assister à l'audience, ce que le recourant conteste, ni de rechercher si cette suspension entraîne la suppression de la faculté de consulter le dossier. En effet, même si les règles de la procédure pénale genevoise sont applicables en principe à l'exécution de commissions rogatoires décernées par une autorité judiciaire étrangère - et notamment une autorité allemande en vertu du traité de 1874 - c'est à la condition que la situation soit similaire à celle qui se présente dans une procédure ouverte à Genève. Or, entre les deux cas, il y a une différence essentielle. La procédure pénale ordinaire fait une place importante au principe de la contrainte: le juge d'instruction peut, dans les conditions déterminées par la loi, ordonner la détention d'une personne prévenue d'un crime ou d'un délit, "pour assurer l'instruction d'une procédure criminelle ou correctionnelle" (art. 12 Cst. gen.). Les droits que la loi confère à l'inculpé ont pour contrepartie la faculté pour le juge d'ordonner sa détention préventive, dont l'une des fonctions essentielles est de parer au danger de collusion, en empêchant l'inculpé de communiquer avec d'autres personnes (cf. art. 44 PPF; RO 96 IV 46, 97 I 52 et les citations). Le libre accès de l'inculpé au dossier n'eût pu être autorisé dans tous les cas par la loi si le juge n'avait le pouvoir d'ordonner la détention préventive.
b) En l'espèce, l'application stricte des art. 59 et 63 al. 2 PP gen. procurant la connaissance de toutes les pièces du dossier à l'inculpé eût permis à celui-ci de tirer parti de cette connaissance pour prendre contact avec d'autres personnes, notamment des personnes susceptibles d'être entendues comme témoins et pour influencer leur déposition. Le Procureur près la Cour de Hambourg signale clairement ce risque - du reste évident - dans sa lettre du 21 février 1971 au juge d'instruction. Cette objection apparaît déterminante. Le juge d'instruction genevois, appelé à entendre le recourant, ne disposait à son égard d'aucun pouvoir de contrainte. R. comparaissait volontairement. Il ne pouvait dès lors bénéficier du droit de consulter le dossier dans la même mesure qu'un inculpé soumis aux règles de la procédure pénale genevoise dans toute leur étendue. Si l'on suivait le raisonnement du recourant jusqu'au bout,

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il faudrait admettre que le juge d'instruction disposait à son égard du pouvoir qui lui appartient à l'égard d'un inculpé relevant de sa juridiction, ce qui n'est évidemment pas le cas. L'intérêt que fait valoir l'autorité requérante à la sauvegarde du secret du dossier est un intérêt digne de protection, et qui doit être considéré comme supérieur à l'intérêt du recourant à la connaissance des pièces du dossier (RO 92 I 263, 95 I 445).
c) Il n'en demeure pas moins qu'étant interrogé par un juge d'instruction sous le coup d'une inculpation, le recourant a le droit de savoir ce qui lui est reproché. En son art. 6 § 3 lit. a, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme prévoit que tout accusé a le droit d'"être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui". Dans son rapport du 9 décembre 1968 à l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral déclare que les droits de la défense tels que les énonce la Convention consacrent des règles élémentaires d'une bonne justice pénale (FF 1968 II 1120; voir aussi JEAN GRAVEN, Les droits de l'accusé dans le procès pénal, RPS 1956, p. 141 ss., ainsi que l'art. 14 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations Unies). Bien que la Suisse ne soit pas liée aujourd'hui par la Convention européenne précitée, le principe énoncé à l'art. 6 § 3 lit. a de cette convention est conforme à l'ordre juridique national et doit être respecté dans l'administration de la justice. La loi fédérale sur la procédure pénale dispose aussi que le juge donne connaissance à l'inculpé du fait qui lui est imputé (art. 40 al. 2 PPF).
En l'espèce, s'il n'a pas donné lecture au recourant de la requête du Parquet de Hambourg, le juge d'instruction lui a fait savoir, à l'audience du 25 janvier 1971, qu'il était inculpé de faux et usage de faux, au sens des §§ 47, 74, 271, 272, 273 ss. du code pénal allemand; il lui a montré les certificats de circulation des marchandises faisant partie du dossier des autorités allemandes. Le recourant a alors déclaré que c'était la première fois qu'il voyait ces pièces, qu'il n'avait donné aucune instruction pour leur confection et a contesté qu'il s'agît de faux. Cela étant, il ne peut prétendre ignorer de quoi il est inculpé. Dans toute la mesure où il pouvait le faire sans compromettre la réalisation du but de l'information, le juge d'instruction a

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satisfait à l'obligation que lui imposait l'art. 59 PP gen. L'ordonnance de la Chambre d'accusation rejetant le recours ne peut être taxée d'arbitraire sur ce point.
b) L'art. 115 PP gen. traite de la commission rogatoire décernée par le juge genevois aux fins d'obtenir une visite domiciliaire hors du canton; il ne s'applique pas ici. Quant à l'art. 174 PP gen., il permet à l'inculpé de recourir à la Chambre d'accusation contre les décisions du juge d'instruction. Il n'a pas été violé, puisque R. a pu exercer son recours, qui a été examiné au fond par la Chambre.
c) En revanche, il faut examiner le grief relatif à l'application de l'art. 59, 2e phrase, PP gen., qui dispose que le juge d'instruction représente à l'inculpé les objets déposés comme pièces de conviction et lui demande s'il les reconnaît.
Lorsque le juge d'instruction genevois procède à une visite domiciliaire, il doit observer strictement les dispositions des art. 31 à 34 Cst. gen., qui fixent les formes à respecter en cette matière, et celles des art. 108 à 114 PP gen., de même que celles des art. 24 à 26 du même code, auxquels l'art. 113 renvoie. Le juge doit donc procéder en présence de l'inculpé ou de celui qui occupe le domicile, ou devant son fondé de pouvoirs, lui présenter les objets pour qu'il les reconnaisse et, s'il y a lieu, les paraphe.
Ces règles ne souffrent pas d'exception dans le cas où le magistrat agit en vertu d'une commission rogatoire. Il ne s'agit plus en effet de sauvegarder le secret d'une procédure ouverte à l'étranger et qui ne pourrait être dévoilée à l'inculpé sans risque de collusion entre celui-ci et d'autres personnes impliquées dans l'affaire. L'opération se déroule à Genève et

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le fait que le juge agit en vertu d'une commission rogatoire n'en modifie pas le caractère.
Si le recourant avait été présent lors de la perquisition, les objets séquestrés auraient dû lui être présentés pour qu'il les reconnaisse (art. 26 PP gen.). La loi permet certes de procéder même en l'absence de l'inculpé, mais cette absence, qui n'est pas fautive, ne doit pas le priver de ses droits. Il ne saurait donc être question d'observer le secret à l'égard des documents appartenant au recourant et séquestrés chez lui ou ailleurs, pas plus que de ceux qui, établis par des tiers, le concernent personnellement, tels les comptes de banque. En vertu de l'art. 59 PP gen., le juge avait l'obligation de les représenter au recourant. Cette disposition s'appliquait directement et sa violation ne se justifie par aucun intérêt supérieur (cf. dans le même sens, l'arrêt du Bundesverfassungsgericht allemand, du 9 mars 1965, Entscheidungen 18, p. 399 ss.). Le recours doit donc être admis sur ce point.
Au demeurant, le Parquet de Hambourg n'a présenté des objections qu'en ce qui concerne la communication au recourant des pièces jointes à la commission rogatoire ("Rechtshilfeunterlagen") et non des documents saisis à Genève. De même, la Division fédérale de police, consultée par le juge d'instruction, a déclaré estimer que la communication du "dossier allemand" devait - seule - être refusée.
d) Le recourant, ayant le droit d'examiner les pièces saisies, peut aussi s'opposer à ce que celles qui ne concernent pas l'inculpation de faux et d'usage de faux soient transmises à l'autorité requérante. Certes, celle-ci a pris l'engagement de ne pas utiliser les renseignements recueillis à Genève à d'autres fins que la poursuite des actes ressortissant au droit pénal commun et il faut lui faire confiance sur ce point (RO 95 I 446). Il n'en reste pas moins que, si les documents saisis sont sans rapport aucun avec l'inculpation de faux et d'usage de faux, le recourant a un intérêt digne de protection à ce qu'ils ne soient pas transmis à l'autorité requérante. Ses droits doivent être sauvegardés dans cette mesure et il doit pouvoir s'opposer à la communication à l'autorité allemande des documents sans rapport avec l'inculpation qui lui a été signifiée, puis recourir à la Chambre d'accusation contre la décision que le juge d'instruction rendra sur le vu de son opposition.


BGE 98 Ia 226 (238):

7. Le recourant reproche encore à la Chambre d'accusation d'avoir violé la nécessaire égalité des parties, en ne lui permettant pas de prendre connaissance du dossier, alors que le représentant du Ministère public y avait accès. Il y voit une nouvelle violation de l'art. 4 Cst.
En réalité, l'inégalité des parties au stade préliminaire de l'instruction résulte du texte exprès de la loi genevoise: en vertu de l'art. 63 PP, le droit de consulter les pièces du dossier peut être retiré temporairement à l'inculpé ou à son conseil; il ne peut l'être au Procureur général, qui a le droit de prendre connaissance de la procédure en tout état de cause. Cette règle n'est pas contraire à l'art. 4 Cst. L'égalité des parties est assurée par la loi pour les débats du tribunal de jugement. Elle ne l'est pas nécessairement au stade de l'instruction préparatoire: le juge peut et doit alors prendre les mesures nécessaires pour éviter que la réalisation du but de l'instruction ne soit mise en péril. On ne saurait, sous prétexte d'égalité, permettre à l'inculpé de faire échec à la poursuite, notamment en prenant contact avec des tiers et en faisant disparaître des preuves.
Le recourant invoque encore l'art. 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui exige que l'accusé bénéficie d'un procès équitable, postulant l'égalité des armes entre les parties (cf. rapport du Conseil fédéral précité, FF 1968 II 1109). Cette convention ne lie pas la Suisse à ce jour; au reste, la procédure suivie en l'espèce ne la viole pas. Le principe du procès équitable et de l'égalité des armes ne peut être affirmé, selon la jurisprudence de la Commission européenne des droits de l'homme, qu'à l'égard de l'ensemble du procès, non d'un aspect ou d'un incident particulier de celui-ci (Annuaire de la Convention européenne des droits de l'homme, 1961, p. 549-551; cf. aussi arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans la cause Neumeister, Annuaire 1968, p. 829).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet partiellement le recours, en tant qu'il est recevable, et annule l'ordonnance attaquée dans la mesure où elle refuse au recourant le droit d'examiner les pièces saisies à son préjudice et celui de s'opposer à ce que les pièces sans rapport avec l'inculpation de faux et usage de faux soient transmises à l'autorité allemande.