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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_112/2020
Arrêt du 20 mars 2020
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Fonjallaz et Haag.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Nassima Lagrouni, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Détention provisoire,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 30 janvier 2020 (P/9646/2019, ACPR/80/2020).
Faits :
A.
A.a. A.________, ressortissant de Bosnie-Herzégovine né en 1969, fait l'objet d'une instruction pénale pour vol (art. 139 CP) et violation de domicile (art. 186 CP) menée par le Ministère public de la République et canton de Genève.
A.b. Dans le cadre de cette procédure (enregistrée sous la référence P/9646/2019), l'intéressé avait été interpellé une première fois le 7 mai 2019 pour le vol d'un téléphone portable commis le 24 avril 2019 au préjudice de B.________, vendeuse du magasin Sunrise du centre commercial Balexert, à Genève. Il a ensuite été arrêté une seconde fois le 21 mai 2019 en raison du vol de deux téléphones portables et de la tentative de vol d'un troisième appareil, au préjudice du magasin MediaMarkt de Carouge (GE), ainsi que de violations de domicile, le prévenu ayant fait l'objet d'interdiction d'entrée dans ce commerce. Le prévenu avait alors déclaré échanger les appareils volés auprès de dealers contre de la cocaïne qu'il consommait à raison de 2 grammes par semaine.
Le lendemain, il avait été remis en liberté par le Ministère public moyennant qu'il entreprenne, à titre de mesures de substitution, un traitement ambulatoire auprès d'un psychiatre choisi avec son conseil pour se sevrer de sa dépendance et se présente à toutes les convocations judiciaires. Par ordonnance du 23 mai 2019, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a validé ces mesures de substitution pour une durée de 6 mois, soit jusqu'au 23 novembre 2019.
Le 6 août 2019, A.________ a été interpellé au magasin Migros Electronics du MParc de Carouge en possession d'un téléphone portable dissimulé sur lui. A cette occasion, il lui a été reproché trois autres vols en ce même lieu portant sur six téléphones portables et perpétrés les 24 et 29 juillet et 3 août 2019. Deux autres téléphones non signalés volés avaient par ailleurs été retrouvés à son domicile.
Par ordonnance pénale du 11 novembre 2019, le Ministère public a condamné A.________, en raison des faits énumérés sous la présente let. A.b, pour vol, tentative de vol et violation de domicile à une peine privative de liberté de 180 jours, avec sursis pendant 3 ans.
Le prévenu a formé opposition à cette ordonnance pénale.
A.c. Entretemps, le 9 novembre 2019, A.________ avait à nouveau été interpellé pour avoir dérobé une veste au magasin C&A du centre commercial de Balexert, où il était interdit d'entrée.
Par ordonnance pénale du 10 novembre 2019, rendue dans une procédure distincte référencée sous P/22884/2019, il a été condamné pour violation de domicile et vol d'importance mineure à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 fr., ainsi qu'à une amende de 300 francs.
Le prévenu ayant également formé opposition à cette ordonnance pénale, la procédure P/22884/2019 a été jointe à la procédure P/9646/2019, sous cette dernière référence.
A.d. Le 23 décembre 2019, A.________ a été interpellé par la police à la requête du service de sécurité du centre commercial La Praille, à Carouge, après qu'il a été constaté que celui-ci se serait approprié sans droit et dans un dessein d'enrichissement un téléphone portable de marque Samsung S10 d'une valeur de 895 francs.
A.e. Le 7 janvier 2020, le Ministère public a ordonné une expertise psychiatrique à l'égard du prévenu.
B.
Par ordonnance du 24 décembre 2019, le Tmc a ordonné le placement de A.________ en détention provisoire pour une durée de 3 mois, soit jusqu'au 24 mars 2020.
Le recours formé par le prévenu contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt du 30 janvier 2020 de la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise, laquelle, tout en excluant l'existence de risques de fuite et de collusion suffisants, a retenu en revanche l'existence d'un risque de récidive que des mesures de substitution ne permettaient pas de pallier.
C.
Par acte du 29 février 2020, A.________ forme un recours en matière pénale contre l'arrêt du 30 janvier 2020. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa libération immédiate, subsidiairement moyennant les mesures de substitution suivantes: placement en foyer socio-éducatif, obligation de se soumettre à un suivi psychothérapeutique et médicamenteux régulier, obligation de remettre au Ministère public ses documents d'identité et obligation de se présenter chaque semaine dans un poste de police.
Invitée à se déterminer, la cour cantonale a renoncé à présenter des observations, se référant aux considérants de l'arrêt attaqué. Le Ministère public a pour sa part conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.
Le 17 mars 2019, A.________ a persisté dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite, un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à l'examen de ces hypothèses, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; ATF 139 IV 186 consid. 2 p. 187 s.).
3.
Dans le cadre de la présente procédure de recours, le recourant ne remet pas en cause, en tant que telle, l'existence de charges portant sur la commission répétée de vols, essentiellement de téléphones portables et, à une occasion, de vêtements, ainsi que sur des violations de domicile commises au préjudice de commerces dont il s'était vu interdit d'entrée.
Il conteste en revanche que le risque de récidive retenu par la cour cantonale permette de justifier sa mise en détention.
3.1. Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 p. 13 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9 p. 17). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.2 p. 13; 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86; arrêt 1B_413/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1).
S'agissant des infractions contre le patrimoine, si celles-ci perturbent la vie en société en portant atteinte à la propriété, le cas échéant de manière violente, elles ne mettent cependant pas systématiquement en danger l'intégrité physique ou psychique des victimes. En présence de telles infractions, une détention n'est ainsi justifiée à raison du risque de récidive que lorsque l'on est en présence d'infractions particulièrement graves (ATF 143 IV 9 consid. 2.7 p. 15; arrêts 1B_6/2020 du 29 janvier 2020 consid. 2.2, destiné à la publication; 1B_43/2020 du 14 février 2020 consid. 2.1; 1B_11/2020 du 23 janvier 2020; 1B_595/2019 du 10 janvier 2020 consid. 4; 1B_470/2019 du 16 octobre 2019 consid. 2.2; 1B_247/2016 du 27 juillet 2016 consid. 2.2).
3.2. La cour cantonale a justifié la mise en détention du recourant par le fait qu'il n'avait pas hésité à récidiver à plusieurs reprises par des vols perpétrés après le prononcé, en date du 23 mai 2019, de mesures de substitution à la détention provisoire, alors que son casier judiciaire faisait par ailleurs état d'une précédente condamnation pour violation de domicile et vol d'importance mineure commis le 29 avril 2019. Elle a également pris en considération que l'infraction de vol, passible d'une peine privative de liberté maximale de 5 ans (cf. art. 139 ch. 1 CP), constituait un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP et devait donc être qualifiée de grave (cf. arrêt entrepris, consid. 6.2 p. 9).
3.3. Si le recourant, qui serait atteint d'un trouble dépressif récurrent associé à un retard intellectuel (cf. arrêt entrepris, ad " En fait ", let. E.a p. 5), avait certes récidivé après le prononcé initial de mesures de substitution en mai 2019, il ne peut pas pour autant être déduit de l'arrêt entrepris que le recourant avait enfreint l'obligation de traitement qui lui avait alors été imposée (cf. art. 270 al. 5 CPP), dès lors qu'il ressort au contraire du certificat médical du Dr Aymeric Reyre, daté du 15 janvier 2020 et produit par le recourant lors de la procédure cantonale, qu'il était suivi avant sa mise en détention par le Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrée (CAPPI) de Genève-Jonction.
De surcroît, les agissements reprochés au recourant, certes répétés, ne permettent toutefois pas de déduire qu'il aurait mis en danger l'intégrité physique ou psychique d'autrui, les actes en cause portant exclusivement sur des violations de domicile commises au préjudice de commerces durant leurs heures d'ouverture et sur des vols à l'étalage pour lesquels il avait généralement été pris en flagrant délit, de sorte que les objets soustraits avaient pu être restitués à leurs propriétaires. Dans ce contexte, la prise en considération de la peine-menace pour justifier de la gravité de l'infraction en cause n'est pas décisive. On ne saurait non plus constater une tendance à l'aggravation des actes en raison de leur intensité ou de leur fréquence, le nombre de vols constatés paraissant au contraire avoir diminué depuis le mois d'août 2019. La situation sanitaire actuelle et la fermeture des commerces qui y est associée (cf. art. 6 de l'Ordonnance 2 du Conseil fédéral sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus [Covid-19] du 13 mars 2020; RS 818.101.24) amoindrissent au surplus en l'espèce le risque de récidive qui reste néanmoins concret vu la faible prise de conscience du recourant de l'illicéité de ses actes.
Cela étant, il y a lieu d'admettre qu'en l'occurrence, le risque de récidive ne justifie pas, au regard de la nature des infractions en cause, le placement du recourant en détention. En revanche, des mesures de substitution peuvent encore constituer, comme relevé ci-après, des garanties suffisamment adéquates dans le cas particulier.
4.
4.1. Le principe de proportionnalité impose en effet également d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité; cf. art. 36 Cst. et 212 al. 2 let. c CPP). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c), l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (let. d), l'obligation d'avoir un travail régulier (let. e) et l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (let. f). Cette liste est exemplative et le juge de la détention peut également, le cas échéant, assortir les mesures de substitution de toute condition propre à en garantir l'efficacité (ATF 142 IV 367 consid. 2.1 p. 370).
4.2. Il ressort du certificat médical sus-évoqué que le recourant faisait l'objet d'un suivi psychiatrique depuis son lieu de détention à raison d'une séance hebdomadaire, pour lequel il se montrait " compliant ". Le médecin relevait toutefois que le contexte carcéral était peu adapté à sa pathologie et qu'il ne permettait pas d'assurer une prise en charge adéquate, faute d'une unité spécialisée au sein de la prison (cf. arrêt entrepris, ad " En fait ", let. E.a p. 6).
Aussi, si la cour cantonale a estimé que des mesures de substitution n'étaient pas aptes à pallier le risque concret de récidive, elle ne fait toutefois état d'aucun élément permettant de douter que le traitement envisagé en dehors du cadre carcéral serait précisément de nature à empêcher le recourant de récidiver. Elle ne remet pas non plus en cause la volonté du recourant d'entreprendre un tel traitement.
4.3. Cela étant, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'ordonner en première instance et sans autre débat les mesures de substitution adéquates dans le cas d'espèce (arrêts 1B_43/2020 du 14 février 2020 consid. 3.1; 1B_108/2018 du 28 mars 2018 consid. 3.4). Il convient dès lors de renvoyer la cause à l'instance précédente pour qu'elle examine, au regard des considérations précédentes, quelles mesures de substitution sont adéquates pour réduire le risque de récidive. Il lui appartiendra ainsi de déterminer également l'opportunité d'ordonner au recourant, outre l'obligation de traitement, celle de résider dans un foyer socio-éducatif et d'entreprendre des démarches afin de trouver dans les meilleurs délais une place disponible dans un tel foyer.
5.
Le recours est par conséquent admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle procède au sens des considérants. Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). La demande d'assistance judiciaire est sans objet. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 et 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt du 30 janvier 2020 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision au sens des considérants.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de dépens, fixée à 2000 fr., est allouée à la mandataire du recourant, à la charge du canton de Genève.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 20 mars 2020
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
Le Greffier : Tinguely