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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_80/2020
Arrêt du 13 mars 2020
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Fonjallaz et Müller.
Greffière : Mme Nasel.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Pauline Chappuis, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy.
Objet
Détention provisoire,
recours contre la décision du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre pénale des recours, du 10 janvier 2020
(CPR 66 /2019 - AJ 67 /2019).
Faits :
A.
Le 3 juillet 2019, un rapport de dénonciation a été établi, duquel il ressort que le 22 juin 2019, les gardes-frontières ont contrôlé un véhicule quittant le territoire suisse et conduit par B.________, accompagné de A.________; un montant de 99'600 fr. y a été découvert; une forte contamination notamment à la cocaïne des liasses de billets de banque et de plusieurs endroits à l'intérieur dudit véhicule a également été constatée. En outre, plusieurs téléphones portables ont été séquestrés et saisis et font l'objet d'une mesure de perquisition de documents et enregistrements. Une instruction pénale a été ouverte le même jour contre les prénommés pour infraction à la LStup (RS 812.121).
B.
Le juge des mesures de contrainte a ordonné, le 25 juin 2019, puis le 23 septembre 2019, la détention provisoire de A.________ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 22 septembre 2019, respectivement prolongé celle-ci jusqu'au 22 décembre 2019. La détention provisoire de l'intéressé a été prolongée, à la requête du ministère public, par décision du 20 décembre 2019 du juge des mesures de contrainte, pour une nouvelle période de trois mois, soit jusqu'au 22 mars 2020.
Le 10 janvier 2020, la Chambre pénale des recours de la République et canton du Jura a rejeté le recours formé par A.________ contre cette dernière décision.
C.
A.________ interjette un recours au Tribunal fédéral, concluant, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision du 10 janvier 2020 précitée et, partant, à ce que sa mise en liberté immédiate soit ordonnée. Subsidiairement, il requiert sa mise en liberté immédiate moyennant le dépôt de ses documents d'identité auprès d'une autorité allemande compétente pendant trois mois et qu'il se présente hebdomadairement à un poste de police allemand ou tout autre service administratif adéquat pendant trois mois. Très subsidiairement, il demande le renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour qu'il rende une nouvelle décision. En tout état de cause, il sollicite l'assistance judiciaire, respectivement la désignation de son avocate en qualité de mandataire d'office pour la procédure fédérale.
Invités à se prononcer, le Procureur du Ministère public de la République et canton du Jura a conclu au rejet du recours, tandis que la cour cantonale ne s'est pas déterminée. Le recourant a déposé des observations supplémentaires.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Les faits nouveaux allégués par le procureur dans ses déterminations du 25 février 2020 - en particulier le fait que la commission rogatoire aurait révélé que le recourant serait propriétaire du véhicule en cause - sont postérieurs à l'arrêt attaqué. Ils ne sauraient dès lors être pris en considération à ce stade en vertu de l'art. 99 al. 1 LTF. Cas échéant, il appartiendra au juge de la détention d'en tenir compte dans ses décisions ultérieures. Quoi qu'il en soit, ces faits sont sans incidence pour le sort de la cause.
3.
Le recourant conteste l'existence de soupçons suffisants de culpabilité.
3.1. Une mesure de détention provisoire n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP). En tout état de cause, la détention avant jugement ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible (art. 212 al. 3 CPP).
Selon la jurisprudence, il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 330 consid. 2.1 p. 333.; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2 p. 318 s.). En d'autres termes, les soupçons doivent se renforcer plus l'instruction avance et plus l'issue du jugement au fond approche. Si des raisons plausibles de soupçonner une personne d'avoir commis une infraction suffisent au début de l'enquête, ces motifs objectifs doivent passer de plausibles à vraisemblables (arrêt 1B_7/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1).
3.2. En l'occurrence, la cour cantonale a retenu les indices suivants à la charge du recourant: l'interpellation de ce dernier et celle de B.________ à bord d'un véhicule dans lequel se trouvait des billets de banque totalisant la somme de 99'600 fr., lesquels étaient contaminés notamment à la cocaïne, de même que ledit véhicule; l'analyse des téléphones portables saisis ainsi que du relevé des champs d'antennes téléphoniques dont il résulte l'existence de liens étroits entre les prénommés avec de fréquentes communications entre eux et des déplacements dans plusieurs pays dans lesquels ils entretenaient divers contacts, notamment en Suisse et à Bienne; les propos évasifs du recourant sur les motifs de ses voyages, en particulier avec B.________; son incapacité de préciser à qui appartenait le véhicule dans lequel l'argent a été retrouvé, de situer la date à laquelle il est arrivé en Suisse en juin 2019 et de préciser le lieu dans lequel il s'est rendu à Bienne avec le prénommé; l'autorité précédente a enfin tenu compte de l'incohérence des déclarations de B.________ à ce sujet et du refus du recourant de fournir les codes d'activation des téléphones portables saisis.
Le recourant ne développe aucune argumentation propre à remettre en cause ces indices. Il se contente à cet égard d'affirmer qu'il ne serait pas le propriétaire du véhicule dans lequel il a été interpellé et qu'il n'était pas au courant de la présence du montant découvert dans le plafonnier dudit véhicule, ce qui serait conforté par l'absence de traces de son ADN. Il se contente également de prétendre que son amitié avec B.________ et ses voyages ne constitueraient pas des éléments probants. Ces seules déclarations ne permettent toutefois pas de contredire l'appréciation du Tribunal cantonal qui s'est fondé sur un faisceau d'indices convergents et convaincants. Concernant l'incohérence des déclarations de B.________, elle apparaît également pertinente dans l'évaluation de la possibilité que ces derniers aient pris part à un trafic de drogue. Quant au refus du recourant de fournir les codes d'activation des téléphones portables saisis, il s'agit d'un élément parmi de nombreux autres retenus par la cour cantonale. Sur ce point, l'autorité précédente a en outre expliqué que cette circonstance ne permettait pas de confirmer l'allégué formulé par le recourant, selon lequel aucun message ne pouvait faire penser à des ventes de produits stupéfiants ou à des transactions douteuses; elle a en effet relevé, à cet égard, que le refus du recourant de fournir les codes en question avait empêché l'extraction des données de tous ses téléphones portables. Sur ce dernier point, le recourant se contente de réitérer ses propos sans toutefois invoquer - ni a fortiori démontrer - l'arbitraire de ces considérations.
Pour le reste, et contrairement à ce qu'affirme le recourant, l'instruction a permis de renforcer les soupçons à son encontre au regard notamment du résultat de l'analyse des téléphones portables saisis et des relevés des champs d'antennes téléphoniques.
3.3. Dès lors, eu égard aux charges qui pèsent à l'égard du recourant - trafic de stupéfiants de grande ampleur - et compte tenu du stade de l'enquête, le faisceau d'indices retenu par la cour cantonale apparaît suffisant au sens de la jurisprudence précitée pour fonder le maintien en détention du prénommé. Sa détention est d'autant plus justifiée en l'espèce qu'il ressort de l'arrêt attaqué que d'autres mesures d'instruction doivent encore être administrées: il résulte en effet de la décision entreprise qu'il y a notamment lieu de déterminer si le recourant et le conducteur du véhicule en cause ont eu des contacts avec le milieu de la drogue de la ville de Bienne; de plus, des renseignements doivent encore être fournis au sujet notamment des éventuels antécédents des intéressés et de l'historique du véhicule.
4.
Le recourant ne conteste pas l'existence d'un risque de fuite. Il dénonce toutefois une violation de son droit à une décision motivée et plus largement de son droit d'être entendu en lien avec les mesures de substitution qui seraient, selon lui, à même de pallier le risque de fuite (cf. art. 237 CPP).
4.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution la saisie des documents d'identité (let. b) et l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (let. d).
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le devoir, pour l'autorité, de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, l'autorité doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2 p. 70; 141 IV 244 consid. 1.2.1 p. 246). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565; arrêt 1B_335/2019 du 16 janvier 2020 consid. 3.1.1). L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 143 III 65 consid. 5.2 p. 70; 142 II 154 consid. 4.2 p. 157).
4.2. En l'espèce, la cour cantonale a retenu que le recourant, ressortissant albanais, résidait en Allemagne et ne présentait aucun lien avec la Suisse, si bien que le risque de fuite était manifeste; aucune mesure de substitution ne permettait de pallier ce risque; les mesures de substitution proposées ne permettaient en particulier pas d'assurer la présence du recourant en Suisse; enfin, elle a précisé que le fait qu'il soit susceptible d'une mesure d'extradition de l'Allemagne était sans pertinence.
Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision des juges précédents, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée ne convient pas au recourant. Dans le cas particulier, la cour cantonale a exposé de façon suffisamment claire et détaillée les éléments qui l'ont amenée à admettre un risque de fuite que les mesures de substitution proposées ne permettraient pas de pallier. Il n'y a dès lors pas violation du droit d'être entendu sous cet angle. Cela étant, le raisonnement opéré par la cour cantonale peut être confirmé, ce d'autant que les charges qui pèsent contre le recourant sont graves (trafic de stupéfiants de grande ampleur). Les mesures de substitution proposées apparaissent, vu les circonstances, insuffisantes pour garantir la présence en Suisse du recourant au cours de l'instruction et, en cas de renvoi au jugement, aux débats. Le simple engagement de ce dernier de revenir en Suisse pour les besoins de la procédure, respectivement de fournir toutes les garanties possibles à ce sujet, ne permet pas de modifier cette appréciation; il est encore précisé, comme l'a indiqué l'autorité précédente, qu'il est sans importance que son extradition de l'Allemagne puisse être obtenue (ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36 s.; arrêt 1B_440/2019 du 3 octobre 2019 consid. 4.1). On ne voit au demeurant pas quelle autre mesure de substitution serait propre à éviter le risque de fuite.
Le maintien de la détention du recourant jusqu'au 22 mars 2020 étant justifié par un risque de fuite, il n'y a pas lieu d'examiner si cette mesure s'imposait aussi en raison d'un risque de collusion ou de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. b et c CPP.
5.
Le recourant s'en prend ensuite à la durée de la détention, respectivement soutient que le principe de la célérité serait violé. Il fait valoir que la commission rogatoire tendant à l'audition de la propriétaire du véhicule n'aurait été déposée qu'en date du 31 octobre 2019 alors qu'elle aurait pu l'être lors de son arrestation en juin 2019.
En l'occurrence, la durée de la détention apparaît manifestement compatible avec celle d'une éventuelle peine privative de liberté; en effet, en cas de culpabilité du recourant, celui-ci s'expose, au vu des charges retenues à son encontre (infraction grave à la LStup), à une peine de longue durée. S'agissant du déroulement de l'enquête, la cour cantonale a rappelé que la seule commission rogatoire décernée en Allemagne le 31 octobre 2019 ne permettait pas encore d'établir une violation du principe de la célérité, les autres actes d'enquête apparaissant avoir été effectués avec la diligence requise. Il apparaît en effet que l'enquête n'a jusqu'à présent pas connu de période d'inactivité susceptible de contrevenir à l'art. 5 CPP. A cela s'ajoute que des mesures d'instruction sont actuellement en cours. De plus, il ressort de la décision cantonale que l'attitude du recourant, en particulier son refus de divulguer les codes d'activation de ses téléphones portables - quand bien même il n'a pas d'obligation de collaborer à l'enquête -, n'est pas étrangère aux difficultés rencontrées durant l'instruction. Dans ces circonstances, on ne discerne aucune violation des principes de proportionnalité et de célérité en l'état.
6.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Pauline Chappuis comme avocate d'office et d'allouer à celle-ci une indemnité à titre d'honoraires, qui sera fixée forfaitairement et supportée par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Pauline Chappuis est désignée comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton du Jura et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre pénale des recours.
Lausanne, le 13 mars 2020
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
La Greffière : Nasel