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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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8C_202/2019
Arrêt du 9 mars 2020
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Heine et Abrecht.
Greffière : Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
recourante,
contre
A.________ Sàrl,
Monsieur B.________,
représenté par Me Adrien Curtin, avocat,
intimé.
Objet
Assurance-accidents (délimitation de l'activité lucrative indépendante avec l'activité lucrative dépendante),
recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 13 février 2019 (A/409/2018 ATAS/107/2019).
Faits :
A.
A.a. Selon le registre du commerce, B.________ exploite depuis novembre 1996, sous la raison de commerce C.________, une entreprise individuelle ayant pour buts le commerce et la réparation de motos et vélomoteurs. En 2009, il a fondé, seul, la société A.________ Sàrl (ci-après: la Sàrl), dont il est l'unique associé gérant avec signature individuelle et qui a pour but le commerce, l'achat, la vente, la réparation, la location de motos, cycles, accessoires et pièces.
Le 30 mars 2009, B.________ a indiqué à la Caisse nationale d'assurances en cas d'accidents (ci-après: la CNA) qu'il avait récemment fondé la Sàrl, laquelle reprendrait dès le 1 er avril 2009 l'entreprise individuelle; dès cette date, cette dernière n'emploierait plus d'ouvrier, tandis que la Sàrl aurait trois employés. La CNA ayant demandé si B.________, associé gérant, était salarié de la Sàrl, il lui a été répondu par la négative. Selon les factures de primes définitives 2009 et 2010 établies par la CNA, trois tierces personnes étaient employées de la Sàrl. Par la suite, cette dernière a régulièrement informé la CNA des changements intervenus dans son personnel et des factures de primes définitives ont été établies pour les années 2011, 2012 et 2013.
A.b. Ayant appris que B.________ était, selon ses dires, indépendant dans le domaine de la vente et la réparation de motos, la CNA, après avoir pris des renseignements, a indiqué en juillet 2014 à la Sàrl que l'intéressé ne remplissait pas les conditions requises pour que son activité puisse être qualifiée d'indépendante; il devait ainsi être considéré comme salarié de la Sàrl et bénéficiait à ce titre de la couverture contre les accidents conformément à la loi; en tant qu'associé de la Sàrl travaillant dans l'entreprise, il était assuré sur la base du salaire déterminant réalisé, mais au minimum du salaire correspondant aux usages professionnels et locaux.
Par décision du 23 juillet 2014 adressée à B.________, la CNA a constaté que celui-ci exerçait une activité dépendante dès le 1 er janvier 2014. L'intéressé s'est opposé à la décision, indiquant notamment qu'il était indépendant depuis 1982 et inscrit à l'AVS. La CNA a rejeté l'opposition par décision du 3 décembre 2014. Cette décision ayant été annulée par la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève, la CNA a rendu le 19 septembre 2016 une nouvelle décision, confirmée sur opposition le 28 décembre 2017, constatant que B.________ exerçait une activité dépendante auprès de la Sàrl dès le 1 er janvier 2014.
B.
Par jugement du 13 février 2019, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève a admis le recours interjeté par B.________ contre la décision sur opposition du 28 décembre 2017, qu'elle a annulée.
C.
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à son annulation en tant qu'il reconnaît à B.________ le statut d'indépendant pour les activités réalisées à l'égard de A.________ Sàrl et à la confirmation de la décision sur opposition du 28 décembre 2017.
A.________ Sàrl a indiqué qu'elle n'avait pas de déterminations particulières sur le recours et a conclu à son rejet.
L'autorité précédente et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à présenter des déterminations.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. La CNA conteste l'annulation de sa décision sur opposition du 28 décembre 2017 constatant le statut de salarié de B.________ à l'égard de la Sàrl à partir du 1 er janvier 2014 et confirmant deux factures de primes après révision établies les 6 septembre 2016 (primes pour l'année 2014) et 18 octobre 2016 (primes pour l'année 2015) sur la base d'un salaire mensuel brut estimé de 5600 fr. par mois, soit de 67'200 fr. par an. Le litige porte sur la qualification - salariée ou indépendante - de l'activité exercée à partir du 1 er janvier 2014 par B.________ à l'égard de la Sàrl.
2.2. Dès lors que le litige ne porte pas sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, l'exception prévue à l'art. 105 al. 3 LTF ne s'applique pas (cf. ATF 140 V 136 consid. 1.2.2 p. 138 s.; 135 V 412 consid. 1.2.2 p. 414 s. et les références; arrêt 8C_872/2017 du 3 septembre 2018 consid. 2.1, non publié in ATF 144 V 313). Aussi le Tribunal fédéral statue-t-il sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2 p. 313) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
3.
3.1. Selon l'art. 1a LAA, les travailleurs occupés en Suisse sont assurés à titre obligatoire contre le risque d'accident. Est réputé travailleur au sens de cette disposition quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la législation sur l'AVS (art. 1 OLAA). Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (cf. art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss RAVS). Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé; quant au revenu provenant d'une activité indépendante, il comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS).
3.2. Le point de savoir si l'on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 p. 245). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D'une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l'entrepreneur. Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d'activité; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 144 V 111 consid. 4.2 p. 112 s.; 123 V 161 consid. 1 p. 163; 122 V 169 consid. 3a p. 171; 119 V 161 consid. 2 p. 162 et les références; arrêt 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Si l'assuré exerce simultanément plusieurs activités lucratives, il faut examiner pour chacune d'elles si le revenu en découlant est celui d'une activité indépendante ou salariée, même si les travaux sont exécutés pour une seule et même entreprise (ATF 122 V 169 consid. 3b p. 172 précité; 104 V 126 consid. 3b p. 127).
3.3. Selon la jurisprudence, le gérant ou le dirigeant d'une entreprise employé par cette dernière est, même s'il a dans les faits une position d'actionnaire unique ou majoritaire et a une influence déterminante sur la marche des affaires, formellement un travailleur salarié de la société. Cependant, ce ne sont pas les rapports de droit civil qui sont déterminants pour déterminer le statut d'une personne du point de vue des assurances sociales, mais bien la position économique. La question de savoir si une personne a une influence déterminante sur la politique de l'entreprise et le développement de celle-ci - et doit ainsi être considérée comme tirant ses revenus d'une activité indépendante - doit être examinée sur la base de critères tels que le cercle des actionnaires, la participation au capital social, la composition du conseil d'administration, le taux d'activité des actionnaires et leur fonction dans la société (arrêts 8C_121/2017 du 5 juillet 2018, publié in SVR 2019 UV n° 3 p. 9, consid. 7.1; 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.1; I 185/02 du 29 janvier 2003 consid. 3.1).
4.
4.1. La cour cantonale a retenu que B.________ était titulaire depuis 1996 d'une entreprise individuelle ayant pour but le commerce et la réparation de motos et vélomoteurs et qu'en 2009, il avait fondé, seul, une Sàrl ayant pour but le commerce, l'achat, la vente, la réparation, la location de motos, cycles, accessoires et pièces, dont il était l'unique ayant droit économique depuis sa création. Il était ainsi à la tête d'une exploitation commerciale, au sens économique du terme, existant pour partie sous la forme d'une raison individuelle et pour partie sous la forme d'une Sàrl, et exerçait son activité commerciale selon sa propre organisation librement choisie. Il possédait sa propre infrastructure, soit des locaux commerciaux qu'il louait au nom de la Sàrl depuis le 1 er janvier 2012, et avait depuis la création de la Sàrl occupé du personnel qu'il avait dûment déclaré auprès de la CNA notamment. L'exercice de son activité, selon sa propre organisation librement choisie, était reconnaissable de l'extérieur puisqu'il apparaissait au registre du commerce comme l'unique propriétaire et associé gérant de la Sàrl avec signature individuelle, de sorte qu'il agissait en son propre nom et pour son propre compte lorsqu'il concluait les contrats avec la clientèle. En tant qu'unique associé de la Sàrl, il était financièrement intéressé à son rendement, encourait les pertes et assumait seul les dettes de celle-ci (cf. art. 794 CO) et endossait ainsi le risque économique de l'entreprise. S'agissant du lien de subordination, en sa qualité de propriétaire de l'intégralité du capital social de la Sàrl et d'unique associé gérant, il définissait de manière autonome la politique commerciale, la gestion et l'exploitation de la Sàrl. Il ne dépendait ainsi pas d'un employeur du point de vue économique ou dans l'organisation de son travail, mais gérait seul la Sàrl, sans lien de subordination envers quiconque.
Au vu de l'ensemble de ces circonstances, les premiers juges sont arrivés à la conclusion qu'en constituant seul la Sàrl en 2009, B.________ avait bénéficié d'une organisation d'entreprise, loué des locaux, engagé du personnel, exploité de manière autonome sa société et supporté le risque d'entrepreneur. Par conséquent, il avait un statut indépendant et la CNA ne pouvait pas l'assurer à titre obligatoire dès le 1er janvier 2014.
4.2. Invoquant une violation du droit fédéral, soit en particulier de l'art. 1a LAA, ainsi qu'une constatation manifestement inexacte des faits, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir à tort reconnu le statut d'indépendant de B.________, sous l'angle de l'obligation d'être assuré contre le risque d'accident selon l'art. 1a LAA, à l'aune de la jurisprudence fédérale en matière d'assurance-chômage, non pertinente à cet égard. Elle soutient en outre que contrairement à l'appréciation erronée des juges cantonaux, B.________ n'agissait pas en son propre nom et pour son propre compte lorsqu'il concluait les contrats avec la clientèle, puisqu'en tant qu'organe de la Sàrl, il avait un intérêt à ce que la Sàrl fonctionne au mieux et le devoir de veiller fidèlement aux intérêts de la société (cf. art. 812 CO). Il était par ailleurs peu probable, selon la recourante, qu'un risque spécifique d'entrepreneur puisse exister dans la constellation donnée avec une entité juridique autonome et une entreprise individuelle ayant des domaines d'activités pratiquement identiques.
4.3. Force est tout d'abord de constater, à la lecture des griefs soulevés par la recourante, que celle-ci ne se plaint en réalité pas d'un établissement manifestement inexact des faits - les faits qu'elle invoque ayant été constatés par la cour cantonale -, mais d'une appréciation juridique erronée des faits constatés, laquelle relève de l'application du droit fédéral que le Tribunal fédéral revoit librement (art. 106 al. 1 LTF).
4.4. On peut certes donner acte à la recourante que certains des arrêts cités par la cour cantonale - qui concernent la question de savoir si une personne n'a pas droit aux prestations de l'assurance-chômage parce qu'elle a au sein d'une personne morale une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur (arrêt 8C_331/2017 du 8 mars 2018; ATF 126 V 212 consid. 2b p. 213), respectivement parce qu'elle n'est pas apte au placement du fait qu'elle n'a pas l'intention ou n'est pas à même d'exercer une activité salariée (arrêts 8C_435/2010 du 25 janvier 2011 et C 224/01 du 13 décembre 2002) - ne sont pas pertinents pour examiner la question du statut indépendant ou dépendant de B.________ au sens de l'art. 1a LAA.
Cela étant, la qualification de l'activité déployée par B.________ au sein de la Sàrl comme activité indépendante au sens des art. 1a LAA et 1 OLAA (cf. consid. 3.1 supra) échappe à la critique. Selon les constatations de fait de la juridiction cantonale, lesquelles lient le Tribunal fédéral (cf. consid. 2.2 supra), B.________ détenait l'entier du capital social de la Sàrl et prenait seul, étant l'unique associé gérant de la Sàrl avec signature individuelle, toutes les décisions relatives à la marche de l'entreprise. Dans ces conditions, il doit être considéré comme indépendant du point de vue des assurances sociales, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus (cf. consid. 3.3 supra, en particulier arrêt 8C_121/2017 du 5 juillet 2018 consid. 7.1), à laquelle ni la cour cantonale ni la recourante ne se sont référées.
5.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 9 mars 2020
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : Fretz Perrin