BGer 4A_126/2019
 
BGer 4A_126/2019 vom 17.02.2020
 
4A_126/2019
 
Arrêt du 17 février 2020
 
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
A.________ AG,
représentée par Me Rocco Rondi,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Stephen Street,
intimé.
Objet
opérations boursières effectuées sans mandat du client; allégation du " dommage ";
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève Chambre civile du 15 janvier 2019 (C/8112/2011, ACJC/56/2019).
 
Faits :
A. 
A.a. B.________ (ci-après: le client ou le demandeur), ressortissant turc, était et est domicilié en Turquie.
Le 13 juillet 2007, il a noué une relation bancaire intitulée execution only avec la succursale genevoise de U.________ SA, dont le siège était à Lugano et qui est devenue A.________ AG, avec siège à Zurich, par suite de contrat de transfert de patrimoine du 7 avril 2017 (ci-après: la banque ou la défenderesse). Il a ouvert auprès de la banque le compte dit "xxx " n°..., avec clause de banque restante, et a signé les conditions générales de la banque comportant notamment une clause de réclamation avec fiction d'acceptation, faute de contestation dans le délai d'un mois.
A.b. De 2007 au 30 juin 2009, son chargé de relation auprès de la banque était C.________, employé au sein du département turc de celle-ci (ci-après: le chargé de relation), ce département étant supervisé par D.A.________.
C.________ a rendu régulièrement visite au client en Turquie, notamment en mai 2009.
Durant cette période, C.________ a acheté pour le client des parts d'un fonds de placement, dont le sort n'est plus litigieux (arrêt de renvoi 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5). Il a également procédé à des opérations pour lesquelles le client prétendait n'avoir pas donné d'instructions, dont le sort n'est plus litigieux non plus (arrêt de renvoi précité Faits A.c.b).
A.c. C.________ a quitté la banque au 30 juin 2009. D.A.________ est devenu le nouveau chargé de relation du client.
La banque n'a pas informé le client que C.________ n'était plus son employé. Elle ne l'a pas non plus interpellé pour savoir si C.________ demeurait son représentant ou était autorisé à continuer à effectuer des opérations sur son compte en tant que gérant externe. Elle ne lui a pas fait signer de procuration, ni en faveur de C.________, ni en faveur de la société de gestion de celui-ci, E.________ Group SA (ci-après: E.________), dont D.B.________, père de D.A.________ était aussi administrateur.
C.________ a pourtant continué à effectuer des opérations sur le compte "xxx " en tant que gérant externe par le biais de sa société de gestion, E.________.
Pour toutes les opérations effectuées sur le compte "xxx", la banque a émis un avis relatif à des instructions reçues par téléphone et les opérations ont toutes été comptabilisées dans les relevés du compte, les documents correspondants étant à la disposition du client en banque restante.
Ce n'est que le 18 février 2010, lors d'une visite de C.________ en Turquie, que le client a été informé que celui-ci avait quitté la banque. C.________ lui a fait signer une procuration en faveur de sa société E.________, qu'il a antidatée par la suite.
Quatre jours après, le client s'est rendu à la banque avec son épouse et son ancien banquier. Il y a consulté son courrier en banque restante et a rencontré C.________. Il s'est alors rendu compte que de nombreux ordres avaient été donnés sans instructions de sa part et qu'il en était résulté des pertes. Le 23 février 2010, il a révoqué avec effet immédiat la procuration signée en faveur de E.________ et, le 28 septembre 2010, il a fait transférer ses avoirs dans une autre banque.
B. Le 17 octobre 2011, B.________ a déposé une action en paiement contre la banque devant le Tribunal de première instance de Genève. Il a conclu à la condamnation de la banque à lui payer le montant total de 1'770'153,19 USD avec intérêts à 6% l'an dès le 1er mai 2009.
Seules les opérations effectuées sans son autorisation sur ordre de C.________, alors que celui-ci avait quitté la banque, soit entre le 1er juillet 2009 et le 23 février 2010, sont présentement encore litigieuses.
En ce qui les concerne, le Tribunal de première instance du canton de Genève a condamné la défenderesse à payer au demandeur le montant de 284'129 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, par jugement du 11 novembre 2015, confirmé par la Cour de justice dans son arrêt du 16 décembre 2016.
Par arrêt de renvoi du 29 janvier 2018, le Tribunal fédéral a constaté que le montant de 284'129 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, confirmé par la cour cantonale, était définitivement acquis au demandeur et a renvoyé la cause à la cour cantonale pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants.
Statuant après renvoi par arrêt du 15 janvier 2019, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a réformé le jugement de première instance et condamné la banque à payer au demandeur le montant de 841'465,44 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, lequel comprend le montant déjà acquis de 284'129 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011.
Examinant les pertes subies par le client à la suite de ces opérations exécutées sans mandat, la cour cantonale a retenu que la banque n'avait enregistré aucune procuration en faveur de C.________ ou de sa société E.________ et qu'aucun membre du personnel de la banque ne s'était interrogé sur la légitimation de ceux-ci. Elle a considéré que, même dans une relation de type execution only, la banque aurait dû interpeller son client pour obtenir une confirmation que C.________ était autorisé à continuer à effectuer des opérations en tant que gérant externe ou, à tout le moins, l'informer immédiatement du fait que celui-ci avait quitté son poste auprès d'elle. La cour cantonale en a déduit que la banque avait violé les règles élémentaires de prudence en exécutant ces opérations sans autorisation du client et qu'elle avait commis une faute grave engageant sa responsabilité. La banque ne pouvait pas présumer que le client continuerait à faire confiance à C.________ après qu'il eût quitté la banque.
Quant aux clauses de banque restante et de réclamation contenant les fictions de notification et d'acceptation, elles ne pouvaient être appliquées en l'espèce, car leur application stricte aurait des conséquences choquantes et conduirait à un résultat inéquitable qui heurterait le sentiment de la justice.
Un lien de causalité naturelle et adéquate entre cette violation et le dommage subi par le client était établi.
En ce qui concerne le dommage, traitant le grief de la banque qui soutenait que le client n'avait pas suffisamment allégué ni prouvé son dommage, la cour cantonale a considéré que tel n'était pas le cas. Selon elle, l'ensemble des transactions postérieures au 1er juillet 2009 ayant été passées sans autorisation du client, celui-ci était parvenu à établir - dans la mesure du possible et du raisonnable - toutes les circonstances permettant de retenir l'existence d'un dommage et d'en estimer l'étendue. Même s'il n'avait pas détaillé chacune des opérations contestées, celles-ci ressortent des pièces du dossier, lesquelles ne font que concrétiser des faits déjà suffisamment allégués. La cour a aussi retenu que les opérations yyy se sont soldées par une perte totale de 842'568,65 USD (le montant de 894'119,35 USD, retenu dans son précédent arrêt du 16 décembre 2016 et repris dans l'arrêt de renvoi de la Cour de céans, étant corrigé pour tenir compte des erreurs relevées par la banque) et que les gains sur les placements fiduciaires, allégués par la banque, ne sont pas démontrés, sous réserve d'un montant d'intérêts de 1'103,21 USD. Le dommage s'élève ainsi à 841'465,44 USD (842'568,65 USD - 1'103,21 USD). La cour cantonale y a ajouté l'intérêt moratoire au taux de 5% l'an dès le 24 février 2011, ce dernier point n'étant pas contesté.
C. Contre cet arrêt qui lui a été notifié le 11 février 2019, A.________ AG a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 13 mars 2019, concluant à sa réforme en ce sens que la demande soit rejetée en tant qu'elle dépasse le montant de 284'129 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011. Subsidiairement, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle se plaint de l'établissement manifestement inexact des faits et de l'appréciation arbitraire des preuves et, sur deux points, elle invoque la violation des art. 55 CPC, 8 CC et 42 CO.
L'intimé conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
La recourante a encore déposé de brèves observations.
 
Considérant en droit :
1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la défenderesse, qui a succombé partiellement dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise sur son appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse très largement 30'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
2. S ous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale. Il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). Lorsque le Tribunal fédéral entend trancher un litige en opérant une substitution de motifs, il ne lui appartient d'entendre les parties que si les (nouveaux) motifs juridiques sont inattendus (surprenants) (cf. ATF 136 III 247 consid. 4 p. 252; arrêt 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 2.1; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, no 26 ad art. 106 LTF; JOHANNA DORMANN, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, no 13 ad art. 106 LTF).
3. Dans son arrêt de renvoi du 29 janvier 2019, le Tribunal fédéral a considéré que le juge n'est lié que par le montant total du dommage qui est réclamé dans les conclusions, à moins que le demandeur n'ait qualifié ou limité les postes de son dommage dans les conclusions elles-mêmes. Or, dans sa demande, le demandeur avait pris des conclusions en paiement d'un montant global de 1'770'153,19 USD avec intérêts à 6% l'an dès le 1er mai 2009, qu'il n'avait subdivisé en deux postes de dommage que dans ses motifs, soit 1'000'000 USD pour l'achat de parts d'un fonds de placement et le solde de 770'153,19 USD pour les opérations effectuées sans son autorisation. La cour cantonale s'était donc à tort considérée comme liée par les conclusions prises en rapport avec chacun des deux postes de dommage, en violation de la règle admettant la compensation entre les différents postes du dommage (arrêt de renvoi 4A_54/2017 déjà cité consid. 6).
En conséquence, après avoir rejeté le recours en matière civile, par substitution de motifs, en ce qui concerne le premier poste de 1'000'000 USD, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause pour instruction et décision sur le second poste du dommage, soit pour les opérations effectuées sans autorisation du client entre le 1er juillet 2009 et le 23 février 2010, étant précisé que le montant maximal auquel les conclusions du demandeur étaient réduites, faute d'appel ou d'appel joint de sa part contre le premier jugement, s'élevait au montant global de 1'200'742,50 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, lequel comprend le montant de 284'129 USD avec les mêmes intérêts (montant total alloué par le premier jugement) (arrêt de renvoi 4A_54/2017 consid. 6.3).
Dans les limites de ce montant global, la cour cantonale devait examiner les conditions de la responsabilité de la banque s'agissant de ces opérations. Le Tribunal fédéral relevait que la cour cantonale avait admis dans ses motifs que le client avait subi un dommage de 894'119,35 USD à ce titre (arrêt de renvoi, loc. cit.).
4. Statuant après renvoi, après avoir annulé les ch. 2 à 4 du premier jugement, dont le ch. 4 est ici en cause, la cour cantonale a condamné la banque à payer au client le montant de 841'465,44 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 24 février 2011, lequel comprend le montant de 284'129 USD avec intérêts.
La banque recourante ne conteste pas le fait qu'elle a effectué les opérations ordonnées par C.________ durant la période litigieuse, du 1er juillet 2009 au 23 février 2010, alors qu'elle ne disposait d'aucune procuration en faveur de celui-ci ou de sa société en tant que gérant externe, ni qu'elle aurait dû informer le client que C.________ n'était plus son employé, ni qu'elle aurait dû l'interpeller et requérir une procuration en bonne et due forme, ne pouvant pas présumer qu'il continuait à faire confiance à C.________.
En l'absence de grief de la banque recourante sur le fondement de la prétention en paiement du client, il n'y a pas lieu d'examiner si la question devait être traitée, comme l'a fait la cour cantonale, sous l'angle de la responsabilité contractuelle de la banque pour violation de son devoir de diligence et d'information (les règles élémentaires de prudence dans le cadre de la relation de type execution only ayant été violées par elle) (art. 398 al. 2 CO) ou si elle aurait dû l'être en application des règles sur l'action du client en restitution de ses avoirs ( Erfüllungsklage) à la suite d'ordres donnés par un représentant sans mandat du client (défaut de légitimation) (arrêts 4A_ 379/2016 du 15 juin 2017 consid. 3.2.2; 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 3.1; 4A_504/2018 10 décembre 2019 consid. 3.1).
De même, faute de grief de la banque recourante, il n'y a pas lieu de revoir, au titre de prétention en responsabilité de la banque, invoquée en compensation, la question des clauses de banque restante et de réclamation, que la cour cantonale a exclues au motif que leur application stricte entraînerait des conséquences choquantes.
Les seuls griefs de la recourante concernent le dommage, une question qui n'avait pas été abordée par la cour cantonale dans son précédent arrêt dès lors que celle-ci avait exclu toute compensation entre les postes du dommage. Or, que l'on doive statuer sur le dommage dans le cadre d'une responsabilité contractuelle (art. 398 al. 2 CO), comme l'a fait la cour cantonale, ou déterminer la prétention du client en restitution de ses avoirs non amputés des ordres exécutés sans mandat de sa part, ces questions se présentent de la même manière.
5. Dans un premier grief, sous le titre " De l'établissement manifestement inexact des faits et de l'appréciation arbitraire des preuves ", la banque recourante reproche à la cour cantonale d'avoir établi le dommage en comparant l'état du compte "xxx" au 4 juin 2009 et au 30 septembre 2010, qui ne sont pas les dates pertinentes en l'occurrence puisqu'il s'agit du 30 juin 2009 et du 23 février 2010, dates pour lesquelles aucune pièce n'a été versée au dossier.
La pertinence d'un fait est une question de droit (ATF 123 III 35 consid. 2b; 114 II 289 consid. 2a), et non de fait, de sorte que le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves des art. 97 al. 1 LTF et 9 Cst. tombe à faux.
Au demeurant, la cour cantonale n'a pas calculé le dommage en tablant sur la différence entre les deux états des avoirs au 4 juin 2009 et au 30 septembre 2010, mais a additionné toutes les pertes subies sur les différentes opérations exécutées sans mandat du client, sous déduction d'un gain, durant cette période (cf. infra consid. 6.2.2).
6. Dans ses deuxième et troisième griefs, la banque recourante reproche à la cour cantonale de n'avoir pas retenu que le demandeur n'avait pas allégué et prouvé son dommage (violation du fardeau de l'allégation [objectif] et du fardeau de la preuve), y voyant une violation de l'art. 55 CPC, de l'art. 8 CC et de l'art. 42 CO. Non seulement la quotité du dommage, mais déjà son allégation seraient, selon elle, défaillantes. Elle reproche aussi à la cour cantonale d'avoir calculé elle-même le dommage sur la base de deux pièces du dossier; elle y voit aussi une violation de la maxime des débats en ce sens que la cour cantonale aurait retenu des faits non allégués - que la recourante qualifie de faits exorbitants - qui ressortent de l'administration des preuves, lesquels auraient dû, selon elle, être formellement allégués par le demandeur.
6.1. 
6.1.1. Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC) et contester les faits allégués par la partie adverse, le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC) (ATF 144 III 519 consid. 5.1 p. 522). A cet égard, il importe peu que les faits aient été allégués par le demandeur ou par le défendeur puisqu'il suffit que les faits fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 143 III 1 consid. 4.1 p. 2; arrêts 4A_11/2018 du 8 octobre 2018 consid. 6.1, non publié aux ATF 144 III 519; 4A_559/2016 du 18 janvier 2017 consid. 3.1; 4A_555/2015 précité consid. 2.3; 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.2.1).
Le demandeur, qui supporte le fardeau de l'allégation objectif ( objektive Behauptungslast) et le fardeau de la preuve (  objektive Beweislast d'un fait) (art. 8 CC), en ce sens qu'il supporte les conséquences de l'absence d'allégation de ce fait, respectivement celles de l'absence de preuve de celui-ci, a évidemment toujours intérêt à l'alléguer lui-même, ainsi qu'à indiquer au juge les moyens propres à l'établir (ATF 143 III 1 consid. 4.1 p. 2).
6.1.2. Les faits sur lesquels le demandeur fonde ses prétentions et qui doivent être allégués sont les faits pertinents (cf. art. 150 al. 1 CPC), c'est-à-dire les éléments de fait concrets correspondant aux faits constitutifs de la règle de droit applicable dans le cas particulier (arrêt 4A_243/2018 du 17 décembre 2018 consid. 4.2; cf. FABIENNE HOHL, Procédure civile, 2e éd. 2016, Tome I, n. 1219 et 1229).
Lorsqu'est en jeu la responsabilité de la banque (art. 398 al. 2 et 97 al. 1 CO), comme l'a admis la cour cantonale, un des faits pertinents à alléguer est le dommage.
A cet égard, il sied de rappeler que, dans sa jurisprudence relative à la responsabilité de la banque dans le cadre d'un contrat de gestion de fortune, comme aussi de contrat de conseil en placements, en cas de gestion irrégulière du portefeuille, citée tant par la cour cantonale que par la recourante, le client peut demander à la banque de l'indemniser de son intérêt positif au contrat, lequel présuppose une comparaison entre le portefeuille effectif (à la suite de la mauvaise exécution du contrat) et le portefeuille hypothétique (qu'il aurait eu si le contrat avait été géré correctement (dommages-intérêts positifs; art. 398 al. 2 et 97 al. 1 CO; ATF 144 III 155 consid. 2). Il en va de même lorsque, bien que le contrat soit intitulé " execution only ", la banque fournit en réalité un conseil en placement à l'occasion d'une transaction particulière (cf. arrêt de renvoi consid. 5.2). Lorsque, tant dans le contrat de conseil en placement que dans celui d' execution only, la banque exécute des opérations boursières (arrêt de renvoi consid. 5.1.3 et 5.1.4), le dommage à réparer, qui est en relation de causalité naturelle et adéquate avec la violation contractuelle, est la perte subie en raison de cette opération.
Le calcul de ce dommage peut s'effectuer selon différentes méthodes: en particulier, le dommage peut être déterminé en calculant la différence entre l'état du portefeuille avant les opérations exécutées sans mandat et l'état du portefeuille après ces opérations; il peut aussi l'être en additionnant les pertes occasionnées par les différentes opérations exécutées sans mandat.
6.1.3. Les faits pertinents allégués doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués) pour que, d'une part, le défendeur puisse dire clairement quels faits allégués dans la demande il admet ou conteste et que, d'autre part, le juge puisse, en partant des allégués de fait figurant dans la demande et de la détermination du défendeur dans la réponse, dresser le tableau exact des faits admis par les deux parties ou contestés par le défendeur, pour lesquels il devra procéder à l'administration de moyens de preuve (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1 p. 522 s., 67 consid. 2.1 p. 68 s.).
Les exigences quant au contenu des allégués et à leur précision dépendent, d'une part, du droit matériel, soit des faits constitutifs de la norme invoquée et, d'autre part, de la façon dont la partie adverse s'est déterminée en procédure: dans un premier temps, le demandeur doit énoncer les faits concrets justifiant sa prétention de manière suffisamment précise pour que la partie adverse puisse indiquer lesquels elle conteste, voire présenter déjà ses contre-preuves; dans un second temps, si la partie adverse a contesté des faits, le demandeur est contraint d'exposer de manière plus détaillée le contenu de l'allégation de chacun des faits contestés, de façon à permettre au juge d'administrer les preuves nécessaires pour les élucider et appliquer la règle de droit matériel au cas particulier (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1 p. 523; 127 III 365 consid. 2b p. 368).
6.1.4. Lorsque le demandeur a présenté un allégué et l'a suffisamment motivé, en l'occurrence son dommage, le défendeur doit le contester de manière précise et motivée. A défaut, l'allégué du demandeur est censé non contesté (ou reconnu ou admis), avec pour conséquence qu'il n'a pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC). Ainsi, lorsque le demandeur allègue dans ses écritures un montant dû en produisant une facture ou un compte détaillés, qui contient les informations nécessaires de manière explicite, on peut exiger du défendeur qu'il indique précisément les positions de la facture ou les articles du compte qu'il conteste, à défaut de quoi la facture ou le compte est censé admis et n'aura donc pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC; cf. ATF 117 II 113 consid. 2).
6.2. 
6.2.1. En l'espèce, le demandeur avait réclamé dans sa demande un montant global de 1'770'153,19 USD, correspondant à la différence entre l'état de ses avoirs au 4 juin 2009 et celui au 30 septembre 2010 (allégué n° 122; art. 105 al. 2 LTF).
Dans sa réponse, la banque défenderesse s'est bornée à contester cet allégué en se référant à son objection ad n° 120, dans laquelle elle ne fait que contester avoir incité son client à investir dans l'achat de ces parts de fonds de placement. Ce faisant, elle n'a contesté ni la méthode de calcul choisie par le demandeur pour déterminer son dommage (différence entre les deux états de ses avoirs), ni les deux dates alléguées et prises en considération par celui-ci, ce qu'il lui incombait pourtant de faire. Il convient dès lors de reconnaître que, faute de contestation, le dommage ainsi allégué était censé admis et n'avait pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC).
Il s'ensuit que le demandeur n'avait pas à motiver son dommage selon une autre méthode de calcul ou en prenant en considération d'autres dates, ni à alléguer des éléments de fait qui ressortaient de l'administration des preuves, comme la recourante le soutient. C'est à tort que la recourante se plaint d'un défaut d'allégation (art. 8 CC), voire de motivation de son dommage par le demandeur. C'est également à tort qu'elle invoque la violation de l'art. 42 CO.
On ne saurait qualifier cette dernière motivation d'inattendue (sur la substitution de motifs, cf. supra consid. 2). Dans sa réponse, l'intimé relève en effet explicitement qu'il lui suffisait de chiffrer le dommage (globalement) en s'appuyant sur l'ensemble des transactions passées sans autorisation, que les pièces en sa possession ne lui permettaient pas d'alléguer (et de prouver) son préjudice d'une autre manière (notamment en tenant compte d'autres dates) et qu'il " serait ainsi abusif " que la banque puisse exiger de lui, sans même avoir " allégué les faits sur lesquels elle se fonde ", de " réexaminer son dommage ". Autrement dit, l'intimé considère que la banque ne saurait aujourd'hui remettre en question la quotité du dommage qu'il a alléguée puisque, lors des échanges d'écritures en première instance, elle n'a pas " daign[é] apporter les éléments nécessaires " susceptibles de le remettre en cause. Cela étant, il n'y avait rien de surprenant à ce que la Cour de céans examine la portée des critiques de la banque visant le montant global du dommage allégué par le client et qu'elle contrôle si, et dans quelle mesure, la banque avait effectivement contesté (le cas échéant, en présentant une motivation) ces allégations.
6.2.2. Certes, la cour cantonale a adopté une autre méthode de calcul que celle préconisée par le demandeur et non contestée par la défenderesse. Elle a procédé à l'addition des pertes occasionnées par les opérations non autorisées (avec déduction d'un gain) et, comme l'intimé le relève, a arrêté la période à prendre en considération - du 1er juillet 2009 au 23 février 2010 - dans son précédent arrêt du 16 décembre 2016, période pour laquelle lui-même ne disposait pas des états de ses avoirs à ces dates lors de l'introduction de sa demande, seule la banque pouvant les émettre. Ce faisant, la cour cantonale est parvenue à un montant inférieur à celui qui découlait de l'allégué (quant à la méthode de calcul et aux dates déterminantes cf. consid. 6.2.1) du demandeur et non contesté par la défenderesse.
La recourante ne démontre pas que le calcul ainsi effectué par la cour cantonale serait arbitraire, se bornant à affirmer que toutes les opérations intervenues auraient dû être prises en considération, en tenant compte des opérations en cours ouvertes au 30 juin 2009 et des opérations qui auraient dû être clôturées après le 23 février 2010.
La recourante méconnaît que, dès lors que le demandeur avait choisi la méthode de la différence des états des avoirs et les dates déterminantes de ceux-ci, il lui appartenait de contester ces deux points, sous peine de les voir admis (art. 150 al. 1 CPC). Dès lors que l'autre méthode choisie par la cour cantonale lui est plus favorable, la recourante n'a pas d'intérêt à lui reprocher d'avoir adopté une autre méthode et d'avoir pris en considération des éléments de fait qui ressortaient des preuves administrées, en violation de l'art. 55 CPC (" théorie des faits exorbitants ").
Le montant inférieur auquel la cour cantonale est parvenue sera donc confirmé, le demandeur n'ayant de son côté pas recouru pour non-prise en considération de son allégué non contesté.
Dans la mesure où la recourante entend revenir sur l'admission de la compensation entre les différents postes du dommage, décidée par l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, sa critique se heurte à l'autorité de la chose jugée de cet arrêt.
7. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, par substitution des motifs qui précèdent. Les frais et les dépens de la procédure fédérale seront donc mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. La recourante versera à l'intimé une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève Chambre civile.
Lausanne, le 17 février 2020
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
Le Greffier : Piaget