BGer 6B_165/2019
 
BGer 6B_165/2019 vom 11.02.2020
 
6B_165/2019
 
Arrêt du 11 février 2020
 
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et van de Graaf.
Greffière : Mme Musy.
Participants à la procédure
Ministère public de la République et canton de Genève,
recourant,
contre
A.________,
représenté par Me Mohamed Mardam Bey, avocat,
intimé.
Objet
Créance compensatrice, séquestre,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 14 décembre 2018 (ACPR/766/2018 (P/13805/2007)).
 
Faits :
A. A la suite d'une opération immobilière initiée en 2002 et à laquelle A.________ avait participé, une procédure pénale a été ouverte par-devant le Ministère public genevois. Dans le cadre de cette affaire, le Ministère public a rendu une ordonnance pénale le 13 avril 2018 à l'encontre de B.________, le reconnaissant coupable d'escroquerie et de faux dans les titres au préjudice de C.________ et le condamnant au paiement d'une créance compensatrice de 265'000 francs. Le 8 mai 2018, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure en tant qu'elle était dirigée contre D.________, qu'il a condamnée au paiement d'une créance compensatrice de 265'000 francs. Enfin, le 29 mai 2018, le Ministère public a rendu deux ordonnance de classement à l'encontre de E.________ et de A.________ respectivement et les a chacun condamnés au paiement d'une créance compensatrice de 1'320'000 fr. et au quart des frais de la procédure. En ce qui concerne A.________ plus précisément, il a maintenu le séquestre d'un compte bancaire à F.________ pour garantir le paiement des montants précités et lui a refusé toute indemnité.
B. Par arrêt du 14 décembre 2018, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a admis le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de classement du 29 mai 2018. Elle a annulé le prononcé de la créance compensatrice et renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il lève le séquestre sur le compte bancaire et fixe l'indemnité due à A.________ pour ses frais de défense dans la procédure préliminaire. Elle a laissé les frais de l'instance à la charge de l'Etat et alloué à A.________, à la charge de l'Etat, une indemnité de 5'500 fr., sans TVA, pour ses frais de défense en instance de recours.
Cet arrêt se fonde en substance sur les faits suivants.
B.a. Dans le courant de l'année 2002, E.________, associé avec A.________ dans la société G.________ SA, a proposé à B.________ de trouver des clients disposés à participer à une opération immobilière consistant en l'acquisition d'un immeuble (dit " H.________ ") à I.________. Pour rechercher des investisseurs, B.________ s'est adressé à D.________, gestionnaire de fortune. C.________ s'est montré intéressé et le montage suivant lui a été proposé:
- J.________ AG détiendrait l'immeuble pour le compte des actionnaires, qui en seraient propriétaires par l'intermédiaire de K.________ SA. Dans ce but, J.________ AG avait contracté un prêt hypothécaire de 23'000'000 francs.
- K.________ SA, qui détenait la totalité du capital social de J.________ AG, avait accordé à cette dernière un prêt actionnaire de 9'890'000 fr. pour le financement du solde du prix. K.________ SA, détenue par L.________ SA, avait B.________ pour ayant droit économique. Les différents investisseurs détiendraient les actions de K.________ SA via des sociétés offshores.
B.b. Le 14 novembre 2002, un contrat de réservation de l'immeuble a été signé entre le vendeur, M.________ AG et l'acheteur, J.________ AG, pour un prix de vente de 32'890'000 fr., dont 1'000'000 fr. devaient être versés pour la réservation. B.________ a versé ou fait verser à M.________ AG, pour le compte de C.________, 1'000'000 fr. le 18 novembre 2002 puis 3'000'000 fr. le 3 février 2003. Le 5 février 2003, E.________, pour le compte de J.________ AG, a signé le contrat de vente avec M.________ AG au prix susmentionné. N.________, autre client de D.________ qui s'était montré intéressé à investir 5'000'000 fr. dans l'opération, a effectué deux versements de 3'375'000 fr. puis de 1'625'000 francs.
Selon des documents datés de septembre 2003, C.________ détenait 13% de l'immeuble " H.________ ". Au printemps 2004, il s'est dégagé de l'opération en revendant ses actions pour le prix de 2'600'000 francs à L.________ SA.
B.c. Le 30 août 2007, N.________ a déposé plainte pénale contre B.________ pour escroquerie, voire abus de confiance, contre D.________ pour complicité d'escroquerie, voire complicité d'abus de confiance, ainsi que contre tout tiers qui aurait participé à ces infractions, soit notamment les associés de G.________ SA, A.________ et E.________.
N.________ expliquait notamment avoir reçu une plaquette de vente, datée de juin 2002, chiffrant le prix de l'immeuble " H.________ " à 38'000'000 fr. et la part de fonds propres nécessaires à 15'000'000 francs. Pour avoir reçu copie, en été 2007, du contrat de vente du 5 février 2003, il avait constaté que le prix de l'acquisition avait été, en réalité, de 32'890'000 fr., financée par un crédit hypothécaire de 23'000'000 fr. et par les fonds propres (crédit actionnaire) de 9'890'000 francs. Il estimait, en conséquence, avoir été trompé sur le véritable prix d'achat de l'immeuble, ainsi que sur le pourcentage qui lui revenait dans les actions de K.________ SA.
B.d. Les quatre mis en cause ont été entendus par la police, puis par le Juge d'instruction. Par ordonnance du 9 février 2010, le Ministère public genevois a classé la procédure.
Statuant le 28 juin 2011 sur recours de N.________, la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le classement et retourné la cause au Ministère public, estimant qu'il existait des indices suffisants de la commission, par les mis en cause ou certains d'entre eux, des infractions d'escroquerie et de faux dans les titres, voire de toute autre infraction pouvant résulter de la procédure, et la cause a été renvoyée à l'instruction. Le 16 septembre 2011, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables les recours intentés contre cet arrêt par E.________ et A.________ (causes 1B_450/2011 et 1B_452/2011).
A la suite de la reprise de la procédure pénale, B.________, D.________, E.________ et A.________ ont été à nouveau entendus par le Procureur, d'abord en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, puis en tant que prévenus. Il a en particulier été établi que B.________ était seul à l'origine des documents comportant le prix d'achat de 38'000'000 fr. de l'immeuble " H.________ " qui avaient été remis à C.________, lequel les avait transmis à N.________. B.________ a reconnu qu'au moment de leurs paiements, ces deux investisseurs ignoraient que l'immeuble devait être acheté pour 32'890'000 francs.
Par ordonnance du 21 juin 2016, le Ministère public a retiré la qualité de partie plaignante à N.________. Sur recours de celui-ci, cette décision a été maintenue par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice le 5 septembre 2016 puis par le Tribunal fédéral le 17 janvier 2017 (cause 1B_372/2016).
B.e. Dans ses déterminations sur le recours cantonal de A.________, le Ministère public a concédé une erreur de plume et invité la cour cantonale à ramener à 1'305'000 fr. le montant de la créance compensatrice.
C. Le 23 avril 2019, le Tribunal fédéral a rejeté les recours de E.________ et de A.________ à l'encontre des arrêts de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du 6 novembre 2018 écartant leurs demandes de récusation du Procureur en charge de la procédure (causes 1B_545/2018, 1B_546/2018, 1B_551/2018 et 1B_552/2018).
D. Le Ministère public forme un recours en matière pénale contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du 14 décembre 2018. Il conclut principalement à la confirmation du prononcé d'une créance compensatrice de l'Etat envers A.________ à hauteur de 1'305'000 fr., du refus d'allouer une indemnité à A.________, de la condamnation de ce dernier au paiement d'un quart des frais de procédures, soit 15'000 fr., et du maintien du séquestre prononcé sur les avoirs détenus sur le compte ouvert auprès de la Banque O.________. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision.
 
Considérant en droit :
1. Le recourant soutient que la cour cantonale a violé le droit fédéral en considérant que le droit de prononcer une créance compensatrice était prescrit.
1.1. Selon l'art. 59 ch. 1 al. 3 aCP (dans sa version en vigueur jusqu'au 30 septembre 2002), le droit d'ordonner la confiscation de valeurs se prescrivait par cinq ans, à moins que la poursuite de l'infraction en cause ne soit soumise à une prescription d'une durée plus longue; celle-ci était alors applicable. Lors de la révision entrée en vigueur le 1er octobre 2002 (RO 2002 2986), le délai de cinq ans a été porté à sept ans. La règle du délai plus long a été maintenue. Ces principes ont été repris, sans modification, à l'art. 70 CP régissant la confiscation après le 1er janvier 2007 (RO 2006 3459; arrêt 6B_664/2014 du 22 février 2018 consid. 9.3). A teneur de l'art. 70 al. 3 CP, le droit d'ordonner la confiscation de valeurs se prescrit par sept ans, à moins que la poursuite de l'infraction en cause ne soit soumise à une prescription d'une durée plus longue; celle-ci est alors applicable. Cette disposition s'applique aussi au prononcé d'une créance compensatrice (ATF 141 IV 305 consid. 1.4 p. 309 et la référence citée). L'infraction d'escroquerie se prescrit par quinze ans (art. 97 al. 1 let. b CP).
En l'espèce, le recourant ne conteste pas que la durée du délai de prescription de la créance compensatrice fondée sur l'escroquerie commise par B.________ au détriment de C.________ soit, comme l'a retenu la cour cantonale, de quinze ans. Il critique en revanche le point de départ du délai sur lequel s'est fondé l'autorité précédente.
1.2. En vertu de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. Le point de départ de la prescription est l'acte de l'auteur (art. 98 let. b CP). Ce n'est donc pas la survenance du dommage qui fait courir la prescription (ATF 134 IV 297 consid. 4.2 p. 300 et 4.3.2 p. 303).
Les règles générales sur la prescription de l'action pénale sont applicables par analogie à la question du point de départ et de la fin du délai de prescription du droit de confisquer (ATF 141 IV 305 consid. 1.4 p. 310; arrêt 6B_664/2014 du 22 février 2018 consid. 9.4).
1.3. La cour cantonale a constaté que selon l'ordonnance de classement du ministère public du 29 mai 2018, A.________ s'était attribué le produit de l'escroquerie commise par B.________ en rapport avec la dissimulation du prix de vente de l'immeuble. Il avait en effet acquis, par l'intermédiaire d'une société, des actions de K.________ SA sans bourse délier, avant de les revendre à un tiers. Toujours selon cette ordonnance, faute d'avoir pu identifier le lieu de situation du remploi des valeurs patrimoniales ainsi obtenues, il y avait lieu de prononcer une créance compensatrice, dont le montant était fixé à la moitié du profit réalisé, l'autre moitié ayant bénéficié à E.________ (arrêt attaqué, En Fait, C. p. 8 et consid. 3.4 p. 12).
Or, le dernier acte visant à tromper astucieusement C.________ en vue de le faire participer à l'acquisition de l'immeuble " H.________ " était nécessairement antérieur à son dernier versement, en février 2003, soit plus de quinze ans avant le prononcé de l'ordonnance attaquée (et de l'ordonnance pénale rendue contre B.________). Le droit de prononcer une créance compensatrice fondé sur cette infraction était donc prescrit (arrêt attaqué, consid. 4.4 - 4.5 p. 11-13).
1.4. Selon le recourant, il était erroné de considérer que l'action pénale relative à l'infraction d'escroquerie visant C.________ était déjà prescrite au moment des prononcés du ministère public des 13 avril et 29 mai 2018, dès lors que l'activité criminelle de B.________ ne s'était de loin pas achevée en février 2003. Le recourant rappelle tout d'abord qu'à teneur de l'arrêt attaqué, B.________ était à l'origine des plaquettes mentionnant un prix de 38'000'000 fr. pour l'immeuble " H.________ ", dont 15'000'000 fr. de fonds propres, alors que cet immeuble allait être acquis pour la somme de 32'890'000 fr., dont 9'890'000 fr. de fonds propres, et qu'il avait remis ces documents à C.________, qui ignorait le prix réel d'acquisition de l'immeuble. Le recourant demande ensuite que l'état de fait soit complété, en vertu de l'art. 105 al. 2 LTF, par un extrait des déclarations de B.________ du 29 juillet 2014 devant le juge d'instruction. Il en résulte, selon lui, qu'initialement, B.________ entendait percevoir des liquidités à hauteur de 15'000'000 fr. de la part des différents investisseurs russes, verser 9'890'000 fr. à la venderesse de l'immeuble pour que K.________ SA en devienne indirectement propriétaire, remettre 100% des actions de K.________ SA aux investisseurs et conserver le surplus des liquidités perçues des investisseurs, soit 5'110'000 francs. L'escroquerie imaginée par B.________ à l'automne 2002 portait donc exclusivement sur l'appropriation de liquidités à hauteur d'un peu plus de 5 millions. Or, les choses ne s'étaient pas passées comme prévues puisque C.________ et N.________ n'avaient pas été en mesure d'apporter la somme de 15'000'000 francs. L'escroquerie envisagée par B.________ ne s'était donc jamais matérialisée de la manière dont il l'avait prévue à l'origine, puisqu'il n'avait jamais reçu les liquidités sur lesquelles ses intentions criminelles originelles portaient. B.________ avait donc dû revoir ses plans et s'était emparé non de liquidités, mais d'une partie des actions de K.________ SA qui devaient revenir aux investisseurs. Il n'avait pas été décidé, avant la fin de l'été 2003 (à tout le moins, pas avant une réunion intervenue entre les différents protagonistes le 30 mai 2003), de détrousser C.________ des actions qui lui étaient dues et de les allouer en partie à A.________ et E.________ par l'intermédiaire d'une société. En conséquence, selon le recourant, l'acte de disposition préjudiciable aux intérêts pécuniaires auquel a été déterminé C.________ n'était pas le versement de 4'000'000 fr., mais le comportement passif ayant consisté à ne pas réclamer, dès la finalisation de l'opération en juin 2003, le pourcentage des actions de K.________ SA qui lui étaient dues en contrepartie de son versement de 4'000'000 fr., le capital social de K.________ SA s'élevant alors à 9'890'000 francs. Le délai de prescription de l'action pénale n'avait donc pas commencé à courir en début d'année 2003, mais ultérieurement.
1.5. En somme, le recourant propose une qualification de l'infraction d'escroquerie différente de celle sur laquelle s'est fondée la cour cantonale, puisqu'il estime que l'acte préjudiciable aux intérêts pécuniaires pertinent est la renonciation de la dupe à exiger le pourcentage d'actions correspondant à l'apport versé, et non le versement dudit apport. Il fonde cette qualification sur un état de fait qu'il complète au stade de son recours au Tribunal fédéral. Ces faits sont irrecevables dès lors qu'ils s'écartent de ceux constatés dans l'arrêt entrepris (art. 105 al. 1 LTF) sans que le recourant ne soulève de grief d'arbitraire (art. 106 al. 2 LTF), étant encore précisé que leur omission n'apparaît pas manifestement erronée ou contraire au droit au sens de l'art. 105 al. 2 LTF.
Quoi qu'il en soit, les contours de l'escroquerie commise par B.________ ont été déterminés dans l'ordonnance pénale rendue le 13 avril 2018, entrée en force en l'absence d'opposition. Les faits que le recourant avance (soit que l'intention de l'auteur ne portait pas sur le détournement d'actions au moment du versement de l'apport) ne figurent pas dans dite ordonnance. De même, il n'est pas question, dans la décision de classement du 29 mai 2018 prononçant la créance compensatrice, d'une volonté initiale de B.________ consistant à s'approprier les fonds versés en trop par les investisseurs, puis une fois constaté que les fonds versés étaient insuffisants pour ce faire, de la mise en place d'un autre stratagème, c'est-à-dire remettre à la dupe un pourcentage d'actions inférieur à la valeur de son apport. L'infraction que présente aujourd'hui le recourant ne peut donc pas être celle qui a été arrêtée définitivement dans ces ordonnances. En tant que le recourant entend modifier l'assise factuelle de l'infraction qui fonde la créance compensatrice, son argumentation doit être écartée.
Comme l'énonce l'ordonnance de classement prononçant la créance compensatrice, C.________ a effectué - ou fait effectuer - des versements à hauteur de 4'000'000 fr. les 18 novembre 2002 et 3 février 2003 en faveur de M.________ AG en croyant faussement que le prix de l'immeuble était de 38'000'000 fr. et les fonds propres à apporter de 15'000'000 fr., erreur induite par la tromperie astucieuse de B.________. Par le biais de cette tromperie, B.________ a privé C.________ d'une partie du capital social de K.________ SA (cf. ordonnance de classement du 29 mai 2018, p. 13 in fine). Dans cette configuration, l'acte préjudiciable aux intérêts pécuniaires de la dupe est celui qui a consisté à verser une somme d'argent trop élevée par rapport à la participation au capital social reçue en échange. Pour le surplus, le recourant ne prétend pas que si C.________ avait connu le véritable prix de vente de l'immeuble, il aurait quand même versé la somme de 4'000'000 fr. et réclamé davantage d'actions. En ce sens, il ne remet pas en cause le lien de causalité entre l'erreur sur le prix, induite par la tromperie astucieuse de B.________, et le versement des fonds, acte préjudiciable aux intérêts pécuniaires de la dupe.
1.6. Le dommage doit découler directement - c'est-à-dire sans autre comportement délictueux de l'auteur - de l'acte accompli sous l'effet de l'erreur (ATF 126 IV 113 consid. 3a p. 116 ss). Cela signifie ici que le dernier acte de l'auteur, déterminant pour le 
2. Le recourant soutient que l'intimé doit être condamné aux frais de la procédure.
2.1. D'après l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile sa conduite. Une condamnation aux frais n'est admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation. La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 p. 205). Dans ce contexte, le fardeau de la preuve incombe à l'État (arrêt 6B_380/2016 du 16 novembre 2016 consid. 6 et les références citées).
L'art. 426 al. 2 CPP définit une "Kannvorschrift", en ce sens que le juge n'a pas l'obligation de faire supporter tout ou partie des frais au prévenu libéré des fins de la poursuite pénale, même si les conditions d'une imputation sont réalisées. L'autorité dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral ne contrôle qu'avec une certaine retenue, en n'intervenant que si l'autorité précédente en abuse (arrêts 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid 4.1; 6B_1258/2018 du 24 janvier 2019 consid. 3.1; 6B_474/2018 du 17 décembre 2018 consid. 2.2).
2.2. La cour cantonale a constaté que l'infraction de blanchiment d'argent dont avait été prévenu l'intimé avait été classée par le ministère public en raison de la prescription, et qu'en outre, la provenance criminelle des valeurs patrimoniales blanchies n'avait pas été établie (art. 305bis al. 1 CP). Quant à l'infraction de faux dans les titres, également classée, le recourant avait concédé n'avoir pas pu établir le dessein de l'intimé ni les conséquences qui en ont résulté. La cour cantonale a encore observé que la qualité de titre n'avait été établie pour aucun des quatre documents spécifiquement visés dans l'ordonnance querellée. De surcroît, dans la mesure où ces documents étaient postérieurs aux apports financiers des investisseurs, ils n'avaient pas été utilisés en lien avec l'erreur de la dupe, et donc l'escroquerie. La cour cantonale en a conclu que les éléments constitutifs de l'infraction de faux dans les titres (qualité de titre et dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui; cf. art. 251 al. 1 CP) n'étaient pas réunis. Ces infractions ne pouvaient donc pas fonder la mise à la charge de l'intimé des frais de la procédure.
Par ailleurs, la cour cantonale a considéré que sous la formulation générale du ministère public selon laquelle l'intimé avait signé un nombre " colossal " de documents contraires à la réalité, on ne voyait pas quelle norme de comportement, en relation de causalité avec les frais imputés, aurait violé l'intimé. La preuve d'une telle violation, même à rapporter différemment qu'une violation de la loi pénale, eût au demeurant incombé à l'autorité d'instruction. Il n'appartenait pas à la cour cantonale de dire que des documents indistinctement visés représentaient la violation d'une norme de comportement non spécifiée, mais applicable aux intermédiaires financiers. Partant, l'intimé n'avait pas à supporter de frais de procédure (arrêt attaqué, consid. 3.4 p. 12 et 4.4-4.5 p. 14-16).
2.3. Le recourant sollicite, en se prévalant de l'art. 105 al. 2 LTF, de nombreux compléments à l'état de fait, qui peuvent être regroupés de la manière suivante: une première série de faits concerne les différentes participations dans K.________ SA ressortant de divers documents établis et/ou signés par E.________ et l'intimé. Le second groupe de faits se rapporte aux documents établis dans le cadre des ventes des actions détenues par C.________ et par une autre société à L.________ SA. Le recourant met encore en exergue le 
2.4. Faute de grief d'arbitraire les accompagnant, motivé conformément aux exigences découlant de l'art. 106 al. 2 LTF, ces faits sont irrecevables dès lors qu'ils s'écartent de ceux constatés dans l'arrêt entrepris auxquels le Tribunal fédéral est en principe lié (art. 105 LTF).
Quoi qu'il en soit, la cour cantonale n'a pas ignoré ces éléments, mais a considéré que dans la mesure où ils étaient tous postérieurs aux apports financiers des investisseurs, et donc à l'erreur de la dupe, ils ne permettaient pas de démontrer un dessein spécial au sens de l'art. 251 CP. Le recourant ne critique pas cette argumentation, pas plus qu'il ne remet en cause, plus généralement, l'absence de réalisation des éléments constitutifs de l'infraction de faux dans les titres. Par ailleurs, il ne répond pas à la critique de la cour cantonale qui lui a reproché de ne pas avoir identifié la/les norme (s) de comportement résultant de l'ordre juridique que l'intimé aurait violée (s). A cet égard, il se limite à évoquer les " [...] normes comptables, commerciales et de gestion de sociétés les plus élémentaires, lesquelles leur imposaient de ne pas établir et signer des documents sociaux ou des contrats engageant les sociétés qui ne se fondaient sur aucune justification commerciale, qui n'étaient pas datés, qui ne mentionnaient pas l'objet exact de la vente, soit qui ne permettaient pas d'attester de la détention d'actifs " (recours, p. 15).
Ainsi, le recourant présente certes une longue liste d'agissements qu'il estime blâmables, mais il ne précise pas quelle norme de comportement aurait ainsi été enfreinte par l'intimé, ni dans quelle mesure une telle violation pourrait se trouver en relation de causalité avec l'ouverture de l'enquête et l'étendue des frais judiciaires. L'une des conditions posées par l'art. 426 al. 2 CPP faisant défaut, la décision de l'autorité précédente de ne pas mettre de frais de première instance à la charge de l'intimé ne prête pas flanc à la critique.
 
Erwägung 3
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 11 février 2020
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Musy