BGer 8C_41/2020
 
BGer 8C_41/2020 vom 06.02.2020
 
8C_41/2020
 
Arrêt du 6 février 2020
 
Ire Cour de droit social
Composition
M. le Juge fédéral Abrecht, en qualité de juge unique.
Greffière : Mme von Zwehl.
Participants à la procédure
1. A.A.________,
2. B.A.________,
recourants,
contre
Etablissement vaudois d'accueil des migrants (EVAM), Siège administratif, route de Chavannes 33, 1007 Lausanne,
intimé,
1. Service de la population du canton de Vaud, avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne Adm cant VD,
2. Département de l'économie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud (DEIS),
rue Caroline 11, 1014 Lausanne Adm cant VD.
Objet
Aide sociale (condition de recevabilité; préjudice irréparable),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 18 décembre 2019 (PS.2019.0080, PS.2019.0085).
 
Faits :
 
A.
A.a. Le 20 janvier 2014, A.A.________ et B.A.________ ainsi que leurs quatre enfants ont déposé une demande d'asile en Suisse. Selon une décision incidente du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) du 26 novembre 2019, la famille a été autorisée à demeurer en Suisse à titre temporaire jusqu'à l'issue de la procédure d'asile. L'Etablissement vaudois d'accueil des migrants (EVAM) leur octroie l'aide d'urgence.
A.b. Le 3 juin 2019, A.A.________ et B.A.________ ont demandé à l'EVAM leur transfert dans un autre lieu d'hébergement que le Foyer U.________. Ils invoquaient notamment la dimension insuffisante pour une famille de six personnes de l'unique chambre qui leur était attribuée (28 m2) et le fait que celle-ci se situait à un étage occupé par des fumeurs, ce qui était problématique pour un de leurs fils qui souffrait de troubles respiratoires. Par décision du 12 juillet 2019, confirmée sur opposition le 7 août 2019, l'EVAM a rejeté la demande de transfert, tout en se déclarant prêt à attribuer à la famille de nouvelles chambres au sein du Foyer U.________.
A.c. Saisie d'un recours contre la décision sur opposition du 7 août 2019 de l'EVAM, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois l'a déclaré irrecevable et a transmis la cause au Département de l'économie, de l'innovation et du sport (DEIS) comme objet de sa compétence (jugement du 20 août 2019). Le recours interjeté contre ce jugement a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral (arrêt 2D_37/2019 du 26 août 2019).
A.d. Le 16 octobre 2019, l'EVAM a rendu une nouvelle décision par laquelle il a attribué à la famille C.A.________, dans le même Foyer U.________, deux chambres, d'une surface respective de 12,7 m2et de 22,8 m2, à partir du 30 octobre 2019. Les intéressés ont formé une opposition que l'EVAM a écartée le 30 octobre 2019. Le 18 novembre suivant, le DEIS a rejeté le recours formé par A.A.________ et B.A.________ contre la décision sur opposition de l'EVAM du 30 octobre 2019.
Dans l'intervalle, compte tenu de la nouvelle décision de l'EVAM du 16 octobre 2019, le Service juridique du Service de la population (SPOP) a rayé du rôle la cause pendante devant le DEIS relative à la décision sur opposition du 7 août 2019 de l'EVAM (décision du 24 octobre 2019).
B. A.A.________ et B.A.________ ont déféré la décision du 24 octobre 2019 du SPOP à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois. Ils ont fait de même avec la décision du 18 novembre 2019 rendue par le DEIS.
Le tribunal cantonal a joint les deux procédures. Statuant le 18 décembre 2019, il a déclaré sans objet le recours dirigé contre la décision du 24 octobre 2019 (ch. I) et a admis celui formé contre la décision du 18 novembre 2019 (ch. II); il a annulé cette dernière décision et renvoyé la cause à l'EVAM pour nouvelle décision dans le sens des considérants (ch. III).
C. A.A.________ et B.A.________ interjettent un recours en matière de droit public contre ce jugement.
Il n'a pas été ordonné d'échanges d'écriture.
 
Considérant en droit :
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 144 V 280 consid. 1 p. 283; 141 II 113 consid. 1 p. 116).
 
Erwägung 2
2.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), ainsi que contre les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Selon l'art. 93 al. 1 LTF, les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).
2.2. En déclarant sans objet le recours contre la décision du 24 octobre 2019 du SPOP (ch. I du dispositif), le tribunal cantonal a définitivement mis fin à la procédure relative à la première décision sur opposition rendue par l'EVAM le 7 août 2019. Cette partie du jugement constitue ainsi une décision finale (art. 90 LTF). En revanche, en ce qui concerne la procédure ayant pour objet l'attribution à la famille C.A.________ des chambres, en tant que le tribunal cantonal a renvoyé la cause à l'EVAM pour nouvelle décision dans le sens des considérants (ch. III du dispositif), cet aspect du jugement doit être qualifié de décision incidente au sens de l'art. 93 LTF, car il ne met pas fin à la procédure.
2.3. En l'occurrence, il n'est pas très clair quel point du dispositif du jugement entrepris est contesté par les recourants. Quoi qu'il en soit, le recours doit être déclaré irrecevable pour les motifs qui suivent.
 
Erwägung 3
3.1. Si les recourants entendaient contester le chiffre I du dispositif par lequel le tribunal cantonal a déclaré sans objet leur recours contre la décision du SPOP, leur argumentation ne répond pas aux exigences d'une motivation (topique) posées par l'art. 42 LTF. Selon cette disposition, le recours doit indiquer, entre autres exigences, les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, en exposant succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit. Un recours ne comportant que des arguments sur le fond, alors que l'autorité dont le jugement est attaqué ne traite que d'une question de procédure, ne constitue pas un recours valable, faute de contenir une motivation topique (cf. ATF 123 V 335; 118 Ib 134).
3.2. En l'espèce, le tribunal cantonal a jugé que le recours dont il était saisi était devenu sans objet parce que le DEIS avait dans l'intervalle rendu une décision sur le fond confirmant l'attribution à la famille des chambres, et qu'il pouvait directement se prononcer sur la question de la conformité à la loi de cet hébergement, la décision précitée étant également contestée par les intéressés. Or les recourants n'exposent pas, fût-ce de manière succincte, en quoi le tribunal cantonal aurait violé le droit en retenant que leur recours était devenu sans objet, faisant valoir - sur le fond - que l'EVAM ne respecte pas la loi en leur attribuant une seule chambre de 28 m2 pour une famille de six personnes.
 
Erwägung 4
4.1. Par ailleurs, à supposer que les recourants s'en prennent au chiffre III du dispositif par lequel le tribunal cantonal a renvoyé la cause à l'EVAM pour nouvelle décision, il y a lieu de considérer ce qui suit.
4.2. Comme on l'a dit plus haut (consid. 2 supra), cet aspect du jugement est une décision incidente qui ne peut être déférée immédiatement au Tribunal fédéral - dès lors qu'elle ne porte ni sur la compétence, ni sur une demande de récusation (art. 92 LTF) - que si la condition du préjudice irréparable est réalisée (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou pour des motifs d'économie de la procédure (art. 93 al. 1 let. b LTF). Selon la jurisprudence, un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable que s'il s'agit d'un dommage de nature juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 140 V 321 consid. 3.6 p. 326). En revanche, un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme irréparable (ATF 138 III 190 consid. 6 p. 192 et les arrêts cités). Il appartient à la partie recourante d'alléguer et d'établir la possibilité qu'une décision incidente lui cause un dommage irréparable (ATF 138 III 46 consid. 1.2 p. 47 et les références), à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (arrêts 8C_187/2016 du 11 janvier 2017 consid. 1.2; 8C_871/2013 du 20 décembre 2013 consid. 1.2; 8C_780/2011 du 4 décembre 2012 consid. 1.2.1).
4.3. En bref, le tribunal cantonal a retenu que les membres de la famille C.A.________ devaient être considérés comme des requérants d'asile reconnus par le SEM. En conséquence, ils avaient droit aux prestations d'assistance fondées notamment sur la loi [du canton de Vaud] du 7 mars 2006 sur l'aide aux requérants d'asile et à certaines catégories d'étrangers (LARA; BLV 142.21), et non seulement à l'aide d'urgence. Or la décision attaquée du DEIS confirmant la position de l'EVAM était fondée sur le fait que les intéressés étaient assimilés à des personnes séjournant illégalement sur le territoire vaudois qui ne peuvent bénéficier que de l'aide d'urgence. Le tribunal cantonal a donc jugé que la cause devait être renvoyée à l'EVAM pour qu'il statue à nouveau sur les prestations auxquelles les membres de la famille C.A.________ avaient droit - notamment en matière d'hébergement - compte tenu de leur statut de requérants d'asile.
4.4. En l'occurrence, les recourants n'allèguent aucun préjudice irréparable dans leur recours et on ne voit pas non plus en quoi cette condition de recevabilité du recours (art. 93 al. 1 let. a LTF) serait d'emblée réalisée. Par ailleurs, il n'apparaît pas que le renvoi prononcé par le tribunal cantonal entraînerait une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).
5. Vu ce qui précède, le recours est manifestement irrecevable et doit être traité selon la procédure simplifiée de l'art. 108 LTF. Il convient de renoncer à percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 1, seconde phrase, LTF).
 
Par ces motifs, le Juge unique prononce :
1. Le recours est irrecevable.
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Service de la population du canton de Vaud, au Département de l'économie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud (DEIS), et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public.
Lucerne, le 6 février 2020
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge unique : Abrecht
La Greffière : von Zwehl