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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_398/2019
Arrêt du 26 novembre 2019
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Kneubühler et Boinay, Juge suppléant.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Alessandro Brenci, avocat,
recourant,
contre
1. Inspecteur B.________,
2. Inspecteur C.________,
intimés.
Objet
Procédure pénale; demande de récusation d'inspecteurs de police,
recours contre la décision du Ministère public du canton de Vaud, Procureur cantonal Strada, du 15 juillet 2019 (PE18.023202-JUA).
Faits :
A.
A.________ fait l'objet d'une enquête pénale menée par le Procureur cantonal Strada du Ministère public du canton de Vaud pour vol (art. 139 CP) et violation de domicile (art. 186 CP). En substance, il lui est reproché de s'être introduit par effraction dans une boutique sise rue de Bourg, à Lausanne, dans laquelle il se serait emparé de diverses enveloppes contenant les recettes des jours précédents et l'argent personnel de la responsable adjointe du magasin. Les faits se seraient déroulés entre le 11 août 2018 et le 14 septembre 2018.
B.
Le 29 avril 2019, A.________ a demandé au Ministère public la récusation des inspecteurs de police dénommés B.________ et C.________, auteurs du rapport d'investigation du 7 mars 2019, faisant valoir des doutes sur leur impartialité.
Les inspecteurs visés ont été invités à se déterminer sur la demande de récusation et s'y sont opposés, contestant toute attitude partiale à l'égard de A.________.
Par décision du 15 juillet 2019, le Ministère public a rejeté la demande de récusation, estimant qu'aucune prédisposition négative des inspecteurs n'avait pu être constatée au regard de la forme du rapport et qu'aucune suspicion de prévention n'avait pu être établie sur la base des éléments invoqués par A.________.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre la décision du 15 juillet 2019. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que la récusation des deux inspecteurs est prononcée. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de la décision et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il statue dans le sens des considérants, plus subsidiairement pour qu'il complète l'instruction. Il sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire.
Invité à se déterminer, le Ministère public a renoncé à présenter des observations, se référant aux considérants de sa décision. Quant aux intimés, ils n'ont pas déposé d'observations.
Considérant en droit :
1.
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision incidente relative à la récusation dans le cadre d'une procédure pénale peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Les décisions rendues par le Ministère public relatives à la récusation de policiers sont susceptibles d'un recours direct auprès du Tribunal fédéral (art. 59 al. 1 let. a, 380 CPP et 80 al. 2 in fine LTF; ATF 138 IV 222 consid. 1 p. 223 s.). L'auteur de la demande de récusation a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant fait valoir que le rapport d'investigation policière du 7 mars 2019, par les termes qui y sont utilisés et l'appréciation qui y est exposée, serait le reflet d'une prévention des inspecteurs intimés à son égard, de sorte que leur récusation doit être prononcée en application de l'art. 56 let. f CPP.
2.1.
2.1.1. Toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Elle l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, " lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention ". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes de l'art. 56 CPP. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 143 IV 69 consid 3.2 p. 74). Cet article du Code de procédure concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 179 s.; 127 I 196 consid. 2b p. 198). Une demande de récusation peut donc être déposée à l'encontre d'un fonctionnaire de police, dès lors qu'il est un membre des autorités de poursuite pénale (art. 12 let. a CPP).
Si les art. 56 let. b à e CPP s'appliquent de manière similaire à celle prévalant pour les membres des autorités judiciaires, une appréciation différenciée peut s'imposer s'agissant de l'application de la clause générale posée à l'art. 56 let. f CPP. En effet, la différence de fonction existant entre une autorité judiciaire (art. 13 CPP) et un membre d'une autorité de poursuite pénale (art. 12 CPP) ne peut pas être ignorée. Les exigences de réserve, d'impartialité et d'indépendance prévalant pour la première catégorie peuvent donc ne pas être les mêmes s'agissant de la seconde (arrêt 1B_379/2016 du 19 décembre 2016 consid. 2.1.1 et les références citées; arrêt 1B_69/2013 du 27 juin 2013 consid. 4.1 et 4.2 et les arrêts cités).
La jurisprudence a ainsi reconnu que, durant la phase d'instruction, le ministère public peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête; tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste cependant tenu à un devoir de réserve et doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (arrêt 1B_257/2019 du 7 octobre 2019 consid. 2.2; ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 179 s.; 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145). En ce qui concerne la police, il n'y a lieu de se distancer de ces principes que dans la mesure où la direction de la procédure et les obligations en découlant ne lui incombent pas (cf. art. 61 let. a CPP; arrêt 1B_379/2016 du 19 décembre 2016 consid. 2.1.1).
2.1.2. Selon la jurisprudence, les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation d'un membre d'une autorité dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause puissent influencer une appréciation en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'intéressé ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 p. 162; 141 IV 178 consid. 3.2.1 p. 179; 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144).
Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que la personne en cause est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74 s.; 141 IV 178 consid. 3.2.3 p. 180; 138 IV 142 consid. 2.3 p. 146).
2.2.
2.2.1. En l'espèce, s'agissant des termes " vice " et " addiction " employés par les inspecteurs intimés pour qualifier l'attitude du recourant s'agissant des jeux d'argent, on ne saurait à l'évidence les comprendre dans leur acception médicale. Il apparaît en effet que ces mots, même si on peut y voir éventuellement une connotation dépréciative à l'égard du recourant, ont été choisis pour qualifier ses dépenses de jeux, dont l'enquête menée par les intimés a établi qu'elles étaient très élevées par rapport à ses revenus et sa situation financière. Dans ces circonstances, les termes litigieux ne faisaient que laisser transparaître l'appréciation des inspecteurs de police fondée sur des éléments du dossier, sans qu'on puisse y voir une prévention de leur part à l'égard du recourant.
2.2.2. Concernant la mention selon laquelle le recourant avait été inquiété pour des vols d'espèces en 2016, sans faire état du classement intervenu dans la procédure, ce reproche est dépourvu de pertinence. Dans la mesure où l'exactitude des faits relevés n'est pas contestée, il sera de la compétence du Procureur, respectivement du juge du fond, dans le cadre de l'examen des antécédents du recourant, de s'informer de la suite donnée à cette dénonciation.
2.2.3. Le recourant reproche encore aux intimés de l'avoir cité de manière inexacte dans leur rapport, en ajoutant l'adverbe " malheureusement " en relation avec les propos tenus par le recourant lors de son audition du 28 janvier 2019 quant au fait qu'il jouait au black jack. Avec le recourant, il faut admettre qu'une simple comparaison des textes permet de constater qu'il ne s'est pas exprimé dans les termes rapportés par les intimés. Le Procureur, de même que le juge du fond, pourront toutefois facilement constater cette erreur. Cela étant, l'ajout de l'adverbe " malheureusement " dans une phrase où le recourant dit avoir " connu le black jack " ne révèle pas une prévention des auteurs du rapport. Cette adjonction n'a pas d'emblée une connotation négative, tout au plus inclut-elle une notion de regret que le recourant aurait pu avoir eu face à sa découverte de ce jeu d'argent. Enfin, la seule erreur dans la citation ne suffit pas à établir une prévention des inspecteurs intimés.
2.2.4. Sur le fond, les intimés ont fait état de différents éléments d'enquête, tout en précisant qu'ils étaient vraisemblables, supposés ou hypothétiques. Cette manière de faire ne permet pas de voir la moindre prévention à l'égard du recourant. Le contraire aurait en revanche pu être problématique, en particulier s'ils avaient affirmé de manière catégorique l'existence de faits qu'ils estimaient seulement vraisemblables. A la lecture du texte du rapport, on comprend ainsi aisément que l'appréciation définitive est laissée au Procureur, respectivement au juge du fond.
2.2.5. On relève enfin que, même pris dans leur globalité, les reproches du recourant ne permettent pas d'admettre l'existence d'une prévention de la part des inspecteurs à l'encontre du recourant.
2.3. Compte tenu de ces éléments, l'autorité précédente n'a pas violé le droit fédéral en rejetant la demande de récusation formée contre les intimés.
3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Les conclusions du recours étant d'emblée vouées à l'échec, il y a lieu de rejeter la demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF) et de mettre les frais judiciaires à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Ministère public du canton de Vaud, Procureur cantonal Strada.
Lausanne, le 26 novembre 2019
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
Le Greffier : Tinguely