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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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5A_207/2019
Arrêt du 24 septembre 2019
IIe Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Herrmann, Président, Escher et Truttmann, Juge suppléante.
Greffière : Mme Achtari.
Participants à la procédure
A.________ Ltd,
représentée par Me Jean-Cédric Michel, avocat,
recourante,
contre
B.________ SA,
représentée par Me Pierre-Damien Eggly, avocat,
intimée.
Objet
mainlevée provisoire de l'opposition,
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève du 28 janvier 2019 (C/26592/2017, ACJC/122/2019).
Faits :
A.
A.a. A.________ Ltd (ci-après : le client), dont les administrateurs sont des avocats spécialisés dans le droit des affaires, a ouvert un compte auprès de B.________ SA (ci-après : la banque) le 17 juin 1993. Les conditions générales de la banque de 1993, signées par le client, prévoient qu' " afin de garantir toutes les prétentions qu'elle pourrait avoir contre le client (...), la banque jouira d'un droit de compensation et d'un droit de gage et de rétention sur l'ensemble des avoirs et créances dont la banque dispose directement ou indirectement pour le compte du client à son siège ou dans tout autre endroit en Suisse ou à l'étranger. "
Les parties ont également signé un " General deed of pledge " qui prévoit que " le nantissement garantit toutes les prétentions de la banque (...) à l'encontre du constituant, actuelles ou futures, échues ou non, quelle que soit leur cause juridique. " Elles ont également signé des documents à teneur desquels le client décharge la banque de toute responsabilité découlant de l'exécution des investissements selon ses instructions et confirme qu'il supporte tous les risques y afférant, notamment les frais d'un litige judiciaire quant à l'exécution des droits liés directement ou indirectement à l'instrument financier.
A.b. En 1997 et en 1998, la banque, exécutant les instructions du client, a investi dans C.________ Ltd (ci-après : fonds C.________), à savoir un " fond nourricier " dont les actifs étaient investis auprès de D.________ LLC pour un montant de 2'500'000 USD. En 2003, le client a vendu les parts de ce fonds pour un montant de 4'898'000 USD.
A.c. Le 11 décembre 2008, E.________ a été arrêté et inculpé pour violation de la législation boursière américaine suite à la découverte d'une fraude pyramidale mise en place au travers de D.________ LLC. La mise en liquidation de D.________ LLC a été ordonnée le 12 décembre 2008. Le 5 décembre 2010, le liquidateur de D.________ LLC a introduit aux Etats-Unis une action révocatoire contre la banque tendant notamment à la restitution par celle-ci du produit de la vente de certains titres effectuée à titre fiduciaire pour le compte de ses clients. La période concernée s'étend sur les six ans précédant la mise en liquidation de D.________ LLC, soit de décembre 2002 à décembre 2008. Cette procédure est toujours en cours.
A.d. Le 8 février 2011, le client a été informé par la banque du blocage interne sur son compte en raison d'une potentielle action révocatoire de droit des poursuites américain. Les demandes du client tendant à la libération des fonds ont été rejetées par la banque.
A.e. Au 29 août 2017, le relevé du compte du client indiquait sous l'intitulé " Total Assets " un montant de 5'831'114,90 USD composé pour partie de positions dans des hedge fundset pour partie de liquidités à hauteur de 2'836'193,77 USD. Ce relevé contenait une rubrique intitulée " Contingent Liabilities " et " Granted Commitments " pour un montant de 2'851'499,55 USD sous un poste nommé " D.________ Guarantee USD, KINGTG.112.509, 11.02.2011, 1338115 (17793) ". Le montant précité était porté en déduction des avoirs du client au 29 août 2017.
A.f. Sur requête du client, l'Office des poursuites du canton de Genève a notifié à la banque le 21 septembre 2017 un commandement de payer la somme de 5'590'130 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1 er septembre 2017 au titre de " contrat de dépôt bancaire et de mandat, solde de compte en banque/ contre-valeur de USD 5'831'115 " (poursuite n° fff).
La banque a formé opposition totale.
B.
B.a. Le 13 novembre 2017, A.________ Ltd a requis du Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après : le Tribunal) la mainlevée provisoire de cette opposition à concurrence de 2'803'336 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 1 er septembre 2017.
Par jugement du 25 septembre 2018, le Tribunal a en particulier débouté A.________ Ltd des fins de sa requête en mainlevée provisoire de l'opposition précitée.
B.b. Par arrêt du 28 janvier 2019, la Cour de justice du canton de Genève (ci-après : la Cour de justice) a rejeté le recours formé par A.________ Ltd contre le jugement du Tribunal du 25 septembre 2018.
C.
Par acte du 11 mars 2019, A.________ Ltd exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour de justice du 28 janvier 2019. Il conclut à son annulation, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B.________ SA au commandement de payer poursuite n° fff à concurrence de 2'803'336 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 1 er septembre 2017, à ce qu'il soit dit que la poursuite auprès de l'Office des poursuites de Genève ira sa voie à due concurrence, et au déboutement de B.________ SA de toutes autres ou contraires conclusions sous suite de frais et dépens.
Des réponses n'ont pas été requises.
Considérant en droit :
1.
Le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF; ATF 134 III 115 consid. 1.1) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 82 LP) par le tribunal supérieur d'un canton ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF); la valeur litigieuse de 30'000 fr. est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recourant, qui a succombé devant la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
2.
2.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 143 V 19 consid. 2.3; 140 III 86 consid. 2). Il s'en tient cependant en principe aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF); il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Le recourant doit s'en prendre aux motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (art. 42 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation de droits fondamentaux que si de tels griefs ont été invoqués et motivés par le recourant conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (ATF 139 I 229 consid. 2.2; 137 II 305 consid. 3.3; 135 III 232 consid. 1.2, 397 consid. 1.4 in fine). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 139 II 404 consid. 10.1 et les références).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); le recourant ne peut critiquer les constatations de fait que si elles ont été établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui entend se plaindre d'un établissement manifestement inexact - c'est-à-dire arbitraire (art. 9 Cst.; ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 135 III 127 consid. 1.5) - des faits doit se conformer au principe d'allégation sus-indiqué (cf. supra consid. 2.1), étant rappelé que l'appréciation des preuves ne se révèle arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'une preuve propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a effectué des déductions insoutenables (ATF 136 III 552 consid. 4.2 et les références).
3.
L'autorité cantonale a rejeté l'appel de la recourante sur la base d'une double motivation. D'une part, elle a jugé que la recourante n'était au bénéfice d'aucun titre de mainlevée; d'autre part, elle a considéré que la poursuivie avait dans tous les cas rendu vraisemblable l'existence d'un moyen libératoire en ce sens que, si elle était condamnée à verser un montant à l'issue de la procédure américaine, elle pourrait en requérir le remboursement de la part de la recourante en application de l'art. 402 al. 1 ou 2 CO, et que son droit de gage était valable.
Plus précisément, s'agissant de la première partie de la motivation précitée, l'autorité cantonale a relevé que la recourante se prévalait, comme titre de mainlevée, d'un relevé de compte du 29 août 2017 qui mentionnait un montant de 2'836'193,77 USD de liquidités en sa faveur. Ce relevé de compte précisait cependant qu'une somme de 2'851'499,55 USD venait en déduction des avoirs du client au titre " d'engagements admis " ( " Granted Commitments "). Elle a retenu en conséquence qu'on ne pouvait pas déduire de ce relevé bancaire la volonté de l'intimée de payer à la recourante, sans réserve ni condition, le montant de liquidités de 2'836'193,77 USD figurant sur son relevé bancaire, puisque ledit relevé précisait qu'une somme de 2'851'499,55 USD venait en déduction de ce montant. Ce relevé ne constituait ainsi pas une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP.
4.
La recourante se plaint de la violation de l'art. 82 LP en tant que l'autorité cantonale a jugé que le relevé bancaire au 29 août 2017 ne constituait pas un titre de mainlevée provisoire de l'opposition.
4.1. La recourante fait valoir que, bien que cela soit sans pertinence, l'arrêt attaqué retient erronément que " Contingent liabilities " signifierait " Granted Commitments " soit " engagements admis ". L'adjectif " contingent " signifie au contraire " éventuel ". Retenir " granted " soit " admis " est selon elle faux et donc arbitraire. Elle soutient au surplus que cette mention n'enlève rien au fait que le solde mentionné sur le relevé de compte constitue le montant de la créance reconnue par la banque. Le droit de gage ne constitue qu'un moyen libératoire que la banque pourrait faire valoir dans une procédure de mainlevée. A défaut, il serait trop simple pour une banque de supprimer unilatéralement la force de titre du solde positif d'un relevé de compte, et de forcer ainsi le client à agir au fond - étant ainsi empêché de combattre le moyen libératoire concerné dans la procédure de mainlevée.
4.2.
4.2.1. En vertu de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2). La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces ( Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le poursuivant, sa nature formelle, et lui attribue force exécutoire si le poursuivi ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 142 III 720 consid. 4.1; 132 III 140 consid. 4.1.1). Il doit notamment vérifier d'office l'existence d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 142 précité consid. 4.1; 139 III 444 consid. 4.1.1 et les références).
4.2.2. Constitue une reconnaissance de dette, au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1) -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1). Elle peut découler du rapprochement de plusieurs pièces, autant que les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 132 III 480 consid. 4.1; 130 III 87 consid. 3.1 et les références).
4.2.3. Dans un contrat de compte courant, le montant du prêt consenti n'est pas fixe; les créances réciproques sont portées en compte et périodiquement compensées, le solde restant en suspens jusqu'à la compensation. Le solde évolutif est ainsi la caractéristique du rapport de compte courant. La limite indiquée dans le contrat de compte courant ne vaut pas reconnaissance de dette, pas plus que ce contrat en relation avec les extraits de compte. En revanche, lorsque le débiteur reconnaît par sa signature le solde du compte courant après la résiliation de ce compte, que le solde reconnu n'est pas reporté et qu'il n'y a plus de mouvement sur le compte clôturé, la reconnaissance d'exactitude du solde constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP (dans ce sens pour les cas où le compte présente un solde passif: cf. ATF 138 III 797 consid. 4.2; 132 III 480 consid. 4.2 et 4.3; arrêt 5A_477/2011 du 10 octobre 2011 consid. 4.3.3 et les références).
4.3. En l'espèce, contrairement à ce que prétend la recourante, l'autorité cantonale a retenu que le relevé contenait une rubrique intitulée " contingent liabilities " (soit " passifs éventuels ") et " granted commitments " (soit " engagements admis "). Dans tous les cas, la recourante reconnaissant elle-même qu'une éventuelle erreur dans la traduction de ces termes est sans conséquence sur le sort de la cause, elle ne démontre pas l'arbitraire de l'établissement des faits sur le contenu du relevé (cf. supra consid. 2.2).
En outre, pour les deux motifs qui suivent, c'est à raison que l'autorité cantonale a jugé que le relevé de compte ne constitue pas une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP. Premièrement, le relevé ne constitue pas une reconnaissance sans réserve ni condition de l'intimée, étant donné, ce qui n'est pas contesté comme tel en l'occurrence, que celle-ci a expressément indiqué qu'elle portait en déduction des avoirs en liquidités un montant plus élevé. Il n'est en outre pas nié qu'une action révocatoire a effectivement été déposée contre l'intimée et que la recourante l'a déchargée de toute responsabilité. L'argument de la recourante selon lequel la banque pourrait supprimer unilatéralement la force de titre au relevé de compte ne porte pas: la recourante ne prétend pas que la banque se serait engagée à lui transmettre une reconnaissance de dette; elle n'a donc aucune prétention à l'obtention d'un tel titre. Secondement, la recourante ne conteste quoi qu'il en soit pas la qualification de compte courant de sa relation avec l'intimée; or, il ne résulte pas des faits que ce compte aurait été résilié avant la communication du relevé, ni que le solde qui y est reconnu n'aurait pas été reporté à nouveau.
Il suit de là que le grief de violation de l'art. 82 al. 1 LP doit être rejeté.
4.4. Le rejet de ce grief suffit à sceller le sort de la cause. Il n'y a donc pas lieu d'examiner si c'est à tort que l'autorité cantonale a retenu que, à supposer que la recourante eût un titre de mainlevée, la banque disposait d'un droit de gage valable.
5.
En dé finitive, le recours doit être rejeté. Les frais judiciaires, arrêtés à 18'000 fr., sont donc mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'octroyer une indemnité de dépens à l'intimée qui n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond du litige (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours en matière civile est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 18'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 24 septembre 2019
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Achtari