BGer 1B_426/2019
 
BGer 1B_426/2019 vom 19.09.2019
 
1B_426/2019
 
Arrêt du 19 septembre 2019
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Kneubühler et Muschietti.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Philippe Currat, avocat,
recourant,
contre
Juge des mineurs de la République et canton de Genève, case postale 3686, 1211 Genève 3.
Objet
détention provisoire d'un mineur,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale
de recours, du 30 juillet 2019 (ACPR/581/2019 P/13548/2019).
 
Faits :
 
A.
A.a. Par suite d'un rapport établi le 28 juin 2019 par le Service de renseignements de la Confédération (SRC), la Juge des mineurs de la République et canton de Genève a ouvert le 30 juin 2019 une enquête pénale contre A.________, ressortissant suisse né le 26 octobre 2001, pour infraction à la loi fédérale interdisant les groupes "Al-Qaïda" et "Etat islamique" (RS 122), pour infraction à la loi fédérale sur les armes (RS 514.54) ainsi que pour provocation publique au crime ou à la violence (art. 259 CP) et pour participation à une organisation criminelle (art. 260
Il est reproché à A.________ d'avoir cherché à prêter allégeance au chef du groupe "Etat islamique" et d'avoir incité, par l'intermédiaire du réseau social Facebook, à commettre des violences. Pour le SRC, le prévenu représentait une menace concrète pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse en raison de son profil à risque ainsi que de son intention présumée de passer à l'acte.
A.b. Lors de la perquisition effectuée le 29 juin 2019 au domicile de A.________, la police a notamment saisi trois pistolets à gaz de type 
A.c. A.________, qui ne fréquente pas d'école et n'a pas d'emploi, vit avec sa mère et ses frère et soeur. Dans ses déclarations, il a contesté toute piété religieuse, toute proximité avec le groupe "Etat islamique" et toute adhésion aux idées promues par cette organisation. Il se disait sous l'emprise d'un "gourou", dénommé B.________, qui lui rendait visite lorsque le reste de la famille s'absentait et qui l'aurait contraint à "avoir la foi", à abriter les armes et à mettre son ordinateur à disposition.
B. Le 30 juin 2019, la Juge des mineurs a placé A.________ en détention provisoire.
Par ordonnance du 3 juillet 2019, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a prolongé la détention provisoire jusqu'au 3 août 2019. Le recours formé par A.________ contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt du 30 juillet 2019 de la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise.
C. Par acte du 30 août 2019, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 30 juillet 2019. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa mise en liberté. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Invitées à se déterminer sur le recours, la cour cantonale et la Juge des mineurs ont renoncé à présenter des observations.
 
Considérant en droit :
1. Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23), auxquelles doivent être assimilées celles prononcées à l'égard de mineurs en vertu de l'art. 27 al. 1 PPMin. Le maintien en détention semble reposer actuellement sur l'ordonnance du Tmc du 2 septembre 2019 figurant au dossier cantonal, laquelle prolonge la détention provisoire jusqu'au 2 octobre 2019, mais dont on ignore si elle a fait l'objet d'un recours sur le plan cantonal. Cela étant, le recourant, prévenu détenu, conserve un intérêt juridique à la vérification de la décision attaquée qui confirme son placement en détention provisoire (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF; arrêts 1B_184/2019 du 9 mai 2019 consid. 1; 1B_536/2018 du 21 décembre 2018 consid. 1).
Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et la conclusion présentée est recevable au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
2. Invoquant des violations des art. 5 par. 1 let. c CEDH et 31 al. 1 Cst. ainsi que des art. 4 al. 1 et 3 et 27 al. 1 PPMin, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte des conditions spécifiques à la détention des mineurs.
 
Erwägung 2.1
2.1.1. En matière de procédure pénale applicable aux mineurs, l'art. 27 al. 1 PPMin dispose que la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ne sont prononcées qu'à titre exceptionnel et seulement si aucune mesure de substitution n'est envisageable. Cette disposition, qui constitue une base légale suffisante au sens de l'art. 31 al. 1 Cst., concerne tous ceux qui sont susceptibles d'être sanctionnés par le droit pénal des mineurs, à savoir quiconque commet un acte punissable entre 10 et 18 ans (art. 3 al. 1 DPMin). La détention avant jugement de mineurs doit être comprise comme une mesure d' 
2.1.2. L'autorité d'instruction est compétente pour ordonner la détention provisoire (art. 26 al. 1 let. b PPMin). Si elle estime que la détention provisoire doit être prolongée au-delà de sept jours, l'autorité d'instruction adresse une demande au tribunal des mesures de contrainte avant l'expiration de ce délai. Celui-ci statue sans retard, au plus tard dans les 48 heures à compter de la réception de la demande; la procédure est régie par les art. 225 et 226 CPP (art. 27 al. 2 PPMin). Le tribunal des mesures de contrainte peut prolonger la détention provisoire plusieurs fois, mais pour un mois au plus à chaque fois; la procédure est régie par l'art. 227 CPP (art. 27 al. 3 PPMin). Le recours contre les prononcés du tribunal des mesures de contrainte est régi par l'art. 222 CPP (art. 27 al. 4 PPMin).
2.1.3. Les conditions posées par l'art. 221 CPP sont en principe applicables à la détention provisoire prononcée à l'encontre de mineurs (ATF 142 IV 389 consid. 4.1 p. 395 et les références citées). Ainsi, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à l'examen de ces hypothèses, il doit en outre exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP).
De plus, le principe de la proportionnalité implique que la détention provisoire soit en adéquation avec la gravité du délit et la sanction prévisible (ATF 142 IV 389 consid. 4.1 p. 395). En tout état de cause, la détention avant jugement ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible (art. 212 al. 3 CPP).
2.2. La cour cantonale a estimé que le rapport du SRC et le résultat de la perquisition, de même que les déclarations du recourant sur l'assistance qu'il aurait prêtée au dénommé B.________, constituaient, à ce stade initial de l'enquête, des raisons plausibles et graves de soupçonner le recourant d'avoir commis les infractions visées par la Juge des mineurs. En outre, dès lors que "B.________" et les autres membres du groupe d'amis du recourant n'avaient pas encore pu être identifiés et encore moins interrogés, il existait à l'égard du recourant un risque de collusion, étant observé que de nombreux actes d'enquête étaient en cours et devaient être ordonnés.
2.3. C'est en vain qu'en lien avec les charges retenues à son encontre, le recourant se prévaut de l'insuffisance des pièces soumises à l'examen de la cour cantonale. Il apparaît en effet que le signalement du SRC, couplé aux découvertes effectuées ensuite de la perquisition à son domicile, en particulier les armes et les fichiers informatiques extraits de son ordinateur personnel, suffisent en l'état à retenir l'existence d'indices suffisants de culpabilité.
En outre, en tant que le recourant se plaint dans ce contexte que la demande de prolongation adressée au Tmc ne contient pas le procès-verbal de son audition par la police effectuée le 29 juin 2019, ni le formulaire de notification de ses droits (cf. art. 158 CPP), il apparaît que l'autorité précédente ne s'est pas appuyée sur les dépositions effectuées à cette occasion, mais sur celles ressortant de son audition par la Juge des mineurs en date du 30 juin 2019, à laquelle il avait comparu en présence de son avocat d'office, le procès-verbal débutant expressément par le rappel de ses droits de prévenu mineur.
2.4. Pour le surplus, le recourant ne revient pas spécifiquement sur l'appréciation de la cour cantonale quant à l'existence d'un risque de collusion. Les développements de la cour cantonale à cet égard peuvent toutefois en l'état être suivis, étant observé que sont actuellement en cours de réalisation diverses mesures d'instruction, telles qu'une expertise médico-psychologique du recourant, des mesures de surveillance rétroactive de ses raccordements téléphoniques et l'analyse de son matériel informatique concernant les éventuels contacts entretenus par ce biais.
2.5. S'il faut certes admettre avec le recourant que la cour cantonale ne s'est pas expressément prononcée au regard des conditions ressortant de l'art. 27 al. 1 PPMin, il peut être déduit de la décision entreprise que le caractère exceptionnel de la détention, prononcée en l'occurrence à l'égard d'un mineur âgé de 17 ans et 8 mois au moment de son arrestation, découle de la gravité particulière des charges relevées à son encontre, au regard notamment du danger qu'il est susceptible de représenter à l'égard de la population, ainsi que des mesures d'instruction à mettre en oeuvre, sans que l'on discerne dans ce contexte une violation de l'art. 4 al. 1 PPMin.
Il apparaît en outre que le recourant - qui se trouve actuellement dans un établissement carcéral spécifiquement dédié aux mineurs - aurait commis les infractions qui lui sont reprochées depuis son domicile, ce qui tend à exclure l'opportunité d'une assignation à résidence ou d'interdictions de contact (cf. art. 237 al. 2 let. c et g CPP), de telles mesures de substitution n'étant pas propres à écarter la réalisation du risque de collusion redouté. Enfin, du point de vue temporel, au vu de la gravité des infractions pour lesquelles le recourant a été mis en prévention et de la durée de la détention provisoire déjà subie, le principe de la proportionnalité demeure respecté.
Au vu de ces éléments, la mesure de détention provisoire doit être confirmée.
3. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.
Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Philippe Currat comme avocat d'office et d'allouer à celui-ci une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est en outre pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Philippe Currat est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Juge des mineurs de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 19 septembre 2019
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
Le Greffier : Tinguely