BGer 5A_645/2019
 
BGer 5A_645/2019 vom 05.09.2019
 
5A_645/2019
 
Arrêt du 5 septembre 2019
 
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Marazzi et Bovey.
Greffière : Mme Jordan.
Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Reza Vafadar, avocat,
recourante,
contre
B.A.________,
représenté par Me Philippe Loretan, avocat,
intimé.
Objet
Mesures provisionnelles (compétence internationale, exception de litispendance),
recours contre la décision du Juge unique de la Cour Civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais
du 17 juillet 2019 (C1 18 188).
 
Faits :
A. Statuant sur exception de litispendance le 10 août 2018, le Juge du district de l'Entremont a dénié sa compétence pour statuer sur la requête de mesures protectrices de l'union conjugale présentée par A.A.________ le 29 mars précédent et l'a déclarée irrecevable, hormis en ce qui concernait les conclusions 21 à 24 relatives à la garde des enfants et au droit de visite. Il a décliné sa compétence s'agissant notamment des questions relatives à l'entretien et au logement de la famille ainsi qu'au devoir de renseigner de l'époux, B.A.________, et à la restriction du pouvoir de ce dernier de disposer de deux immeubles sis à U.________. Il n'est en outre pas entré en matière sur la requête de mesures provisionnelles.
B. En audience du 24 octobre 2018, le Juge du district de l'Entremont a ratifié une convention de mesures protectrices de l'union conjugale réglant les relations personnelles durant les vacances de Pâques, d'automne, d'été et de Noël. Le 21 décembre suivant, il a confié à A.A.________ la garde des trois enfants du couple, nés respectivement en 2004, 2006 et 2009.
C. Le 17 juillet 2019, le Juge unique de la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté l'appel interjeté par A.A.________ et confirmé la décision du 10 août 2018 du Juge du district de l'Entremont, sous suite de frais et dépens à la charge de A.A.________.
D. Par écriture du 19 août 2018, A.A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce que " la compétence suisse " pour connaître de la requête de mesures provisionnelles formée le 29 mars 2018 soit admise s'agissant de l'entretien et du logement de la famille ainsi que du devoir de B.A.________ d'informer selon l'art. 170 CC et à ce qu'il soit fait droit à sa demande de provisio ad litem.
 
Considérant en droit :
 
Erwägung 1
1.1. La décision entreprise confirme le prononcé par lequel le Juge de district a nié la compétence des autorités suisses pour ordonner des mesures provisionnelles selon l'art. 10 LDIP sur l'entretien et le logement de la famille ainsi que le devoir de renseigner de l'époux et le pouvoir de ce dernier de disposer de divers immeubles. Il s'agit là d'une décision finale (art. 90 LTF; ATF 143 V 363 consid. 1; 139 V 170 consid. 2.2; 135 V 153 consid. 1.3) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une contestation de nature pécuniaire (cf. arrêt 5A_801/2017 du 14 mai 2018 consid. 1.2) dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). La recourante a en outre qualité pour contester la décision d'incompétence de l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF; arrêt 5A_910/2017 du 6 mars 2018 consid. 1 et les références). Le recours a par ailleurs été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF).
1.2. Dépourvu de toute motivation, le chef de conclusions tendant à ce qu'il soit fait droit à la demande de provisio ad litem est irrecevable (art. 42 al. 1 et 2 LTF).
 
Erwägung 2
2.1. Dès lors que la décision attaquée porte sur des mesures protectrices de l'union conjugale, lesquelles sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 134 III 667 consid. 1; 133 III 393 consid. 5), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF), à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 II 396 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 139 II 404 consid. 10.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra, consid. 2.1). Le recourant ne peut se limiter à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 et la référence).
 
Erwägung 3
3.1. Appliquant l'art. 10 LDIP, l'autorité cantonale a jugé que la condition du péril en la demeure n'était pas remplie en l'espèce et que, partant, c'était à juste titre que le premier juge avait dénié sa compétence pour statuer sur la requête de mesures provisionnelles de l'appelante et l'avait déclarée irrecevable.
Elle a considéré en substance qu'il n'était en effet pas contestable que l'appelé avait versé à l'appelante, le 16 octobre 2017, la somme de 3 millions de francs. Si ce montant était apparemment destiné à l'entretien des enfants, il ressortait toutefois des titres produits par l'appelé et des allégations de l'appelante que l'appelé avait continué à contribuer à leur entretien après la date précitée (pour le détail des sommes versées, cf. arrêt cantonal p. 14). Par ailleurs, si l'appelante avait allégué que ses " charges mensuelles non exhaustives " s'élevaient à 75'616 fr., ce montant comprenait des postes (à ce sujet, cf. arrêt cantonal p. 14) qui ne constituaient manifestement pas des dépenses indispensables à son entretien. De plus, il ressortait des pièces déposées que l'appelé avait versé, entre le 21 décembre 2017 et le 28 septembre 2018, 15'181 fr. 35 d'intérêts hypothécaires relatifs au chalet et à l'appartement de U.________, 6'628 fr. pour l'assurance de ces deux immeubles, 86'300 fr. pour le loyer de la maison de X.________ (78'900 fr. + 7'400 fr.), 2'135 fr. 45 pour les frais de gaz de ce dernier logement et 16'228 fr. 80 d'impôts. Il avait en outre payé divers frais relatifs au chalet et à l'appartement de U.________ entre le 16 avril et le 10 octobre 2018 (internet et électricité notamment) ainsi que 35'939 fr. 30 d'impôts le 20 avril 2018. Dans ces conditions, il n'apparaissait pas que l'appelante, qui avait encore reçu 20'000 fr. en février 2018, se fût trouvée dans une situation financière précaire justifiant le prononcé de mesures provisionnelles nonobstant le procès en divorce pendant devant le tribunal compétent de Hong Kong.
Il n'était en outre pas établi que, saisi d'une requête de mesures provisionnelles - ce qui ne paraissait pas être légalement impossible -, le juge hongkongais n'aurait pas pu se prononcer dans un délai convenable. Le simple fait que la procédure de divorce ouverte à Hong Kong semblait être très conflictuelle était impropre à le démontrer, fût-ce au degré de la vraisemblance.
Enfin, il était certes exact que ni Hong Kong ni la République populaire de Chine n'avait ratifié la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 concernant la reconnaissance et l'exécution de décisions relatives aux obligations alimentaires et que, partant, la reconnaissance et l'exécution en Suisse d'une éventuelle décision de mesures provisionnelles du tribunal compétent de Hong Kong seraient régies par les art. 25 ss et 65 LDIP. L'appelante ne tentait toutefois même pas de faire la démonstration que les conditions posées par ces dispositions n'étaient pas réunies en l'espèce.
3.2. A ces considérations et constatations du Juge unique, la recourante se contente d'opposer de façon appellatoire que la procédure de divorce est toujours pendante à Hong Kong du fait de l'attitude de l'intimé qui " n'arrive pas à concilier les montants dépensés pour assurer le train de vie luxueux et antérieur des époux et des enfants [...] avec ses moyens financiers prétendument limités, respectivement ne donne pas toutes les informations sur ses revenus et sa fortune qui lui ont assuré un train de vie très confortable et luxueux durant la vie commune ". Elle invoque en outre " la pression financière " exercée par l'intimé sur sa famille qui serait complètement dépendante du " bon vouloir " de ce dernier, fait qui ne ressort nullement de la décision déférée sans qu'elle ne démontre un quelconque arbitraire sur ce point.
Sa critique n'est pas plus recevable lorsqu'elle affirme qu'un examen sommaire des sommes qu'elle a payées en moins d'une année (octobre 2017 à 2018) telles qu'elles ont été retenues par le Juge unique " indique " que le montant de " 3 millions USD " (recte : francs) versé par l'intimé est largement insuffisant pour lui permettre " d'éviter la précarité à brève échéance, pour elle-même et pour ses enfants ". Nonobstant que, selon l'arrêt entrepris, les charges ont été payées par l'intimé et que le décompte bancaire du 16 août 2019 produit devant le Tribunal fédéral est une pièce nouvelle irrecevable car postérieure au prononcé cantonal (art. 99 al. 1 LTF; ATF 144 V 35 consid. 5.2.4), elle consiste en une suite d'affirmations péremptoires qui laissent intactes les constatations de l'autorité cantonale.
Pour le surplus, s'agissant de la question de savoir si le Juge unique a retenu à bon droit que le juge hongkongais pourrait être saisi d'une requête de mesures provisionnelles et statuer dans un délai convenable, la recourante se résume à renvoyer la Cour de céans à la consultation " des moyens de preuve produits [...] à l'appui du mémoire d'appel ", ce qui n'est pas admissible (ATF 134 I 303 consid. 1.3; 133 II 396 consid. 3.2), et à aligner une suite d'affirmations toutes générales et hypothétiques sur le déroulement de la procédure de divorce à Hong Kong.
4. Le recours ne répondant manifestement pas aux exigences de motivation posées en la matière (cf. supra, consid. 2), il doit être déclaré irrecevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé qui n'a pas été invité à répondre (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours en matière civile est irrecevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge unique de la Cour Civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 5 septembre 2019
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Jordan