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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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9C_195/2019
Arrêt du 11 juin 2019
IIe Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Meyer, Juge présidant, Parrino et Moser-Szeless.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.________,
agissant par son curateur B.________, Service juridique de la Ville de Neuchâtel,
lui-même représenté par Me David Freymond, avocat,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
rue Chandigarh 2, 2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 12 février 2019 (CDP.2018.365-AI/yr).
Faits :
A.
A.________, né en 1961, a travaillé comme opérateur informatique auprès de la société C.________ SA depuis octobre 2005. Le 12 janvier 2015, son employeur a résilié les rapports de travail avec effet au 30 avril 2015, date qui a ensuite été reportée au 30 septembre 2015 en raison d'une incapacité de travail. En janvier 2016, A.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité.
Dans le cadre de l'instruction de la demande, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après: l'office AI) a notamment fait verser à son dossier celui de l'assureur perte de gain de l'employeur, Allianz Suisse Société d'Assurances SA (ci-après: Allianz), qui avait diligenté deux expertises psychiatriques. Il a soumis les rapports d'expertise (rapports des docteurs D.________, du 17 décembre 2015, et E.________, du 20 juillet 2016, tous deux spécialistes en psychiatrie et psychothérapie), ainsi que les renseignements qu'il avait recueillis auprès des médecins traitants (rapports des docteurs F.________, spécialiste en médecine interne générale, du 14 mars 2016, et G.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, des 28 avril 2016 et 24 août 2017, notamment) à la doctoresse H.________, médecin au Service médical régional (SMR). En se fondant notamment sur les conclusions du docteur E.________, qui avait fait état d'une pleine capacité de travail moyennant un reconditionnement d'une durée de un à deux mois, la doctoresse H.________ a retenu que l'assuré avait recouvré une capacité de travail de 50 % depuis le 21 juillet 2016, puis de 100 % dès le 21 septembre 2016 (av is des 7 novembre 2016, 31 octobre 2017 et 20 février 2018). En conséquence, l'administration a reconnu le droit de A.________ à une rente entière d'invalidité pour la période du 1 er juillet au 31 décembre 2016 (décision du 12 octobre 2018).
B.
Statuant le 12 février 2019 sur le recours formé par A.________, qui concluait principalement à l'octroi d'une rente entière d'invalidité illimitée dans le temps dès le 1er juillet 2016, et subsidiairement, à la réalisation d'une nouvelle expertise par un expert indépendant, le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, l'a rejeté.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à la reconnaissance de son droit à une rente entière d'invalidité illimitée dans le temps depuis le 1er juillet 2016; subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à l'instance cantonale ou à toute autre autorité pour nouvelle décision au sens des considérants. Le recourant sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
2.
Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent d'une question de fait et ne peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 398). On rappellera, en particulier, qu'il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable (ATF 141 I 70 consid. 2.2 p. 72; 140 I 201 consid. 6.1 p. 205). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 p. 53).
3.
3.1. Est en l'espèce litigieux le droit du recourant à une rente d'invalidité au-delà du 31 décembre 2016. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, il s'agit en particulier de déterminer si la juridiction cantonale était en droit de se fonder sur l'expertise du docteur E.________ pour admettre que l'assuré présentait une pleine capacité de travail à compter du 21 septembre 2016.
3.2. Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI), en particulier s'agissant du caractère invalidant de troubles psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5 p. 415 ss; 143 V 418 consid. 6 et 7 p. 426 ss; 141 V 281), à l'examen des rentes temporaires d'invalidité sous l'angle de la révision du droit aux prestations durables (art. 17 LPGA, art. 88a RAI; ATF 131 V 164 consid. 2.2 p. 165), ainsi qu'à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3 p. 352), et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). Il suffit d'y renvoyer.
4.
4.1. En se fondant sur le rapport d'expertise du docteur E.________, auquel ils ont accordé une pleine valeur probante, les premiers juges ont constaté qu'en raison d'atteintes à la santé d'ordre psychique, le recourant avait présenté une incapacité totale de travail du 13 janvier 2015 au 20 juillet 2016; il avait ensuite recouvré une capacité de travail de 50 %, puis de 100 %, dans toute activité, dès le 21 septembre 2016. Ils ont en revanche écarté le rapport d'expertise du docteur D.________, dès lors qu'il avait été établi sous l'enseigne de la clinique I.________, à une époque où les exigences liées à la qualité de l'exécution d'un mandat d'expertise médicale en droit des assurances sociales ne pouvaient pas être considérées comme suffisamment garanties au sein de cet établissement. Après avoir examiné si les avis des médecins traitants (rapports du docteur G.________ des 28 avril 2016 et 24 août 2017, notamment) permettaient de remettre en cause les conclusions de l'expert E.________, ce qu'elle a nié, la juridiction cantonale a confirmé le droit du recourant à une rente entière d'invalidité pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2016.
4.2. Invoquant une violation des art. 6 à 8 et 16 LPGA, et 28 et 28a LAI, le recourant critique en réalité l'appréciation des preuves opérée par les premiers juges, en leur reprochant d'avoir accordé une pleine valeur probante à l'expertise du docteur E.________ pour admettre que sa situation médicale avait évolué dans une mesure justifiant la suppression de son droit à une rente entière d'invalidité à compter du 1er janvier 2017. L'assuré fait en particulier valoir que l'expertise du docteur E.________ "manque cruellement non seulement d'impartialité mais aussi d'indépendance" puisqu'elle a été diligentée par une assurance privée. Par ailleurs, dès lors qu'elle "se fonde entièrement ou du moins s'inspire largement de l'expertise du [docteur] D.________", l'expertise du docteur E.________ aurait été "pollué[e] par le scandale de la clinique I.________". Le recourant soutient ensuite que les rapports de ses médecins traitants, en particulier ceux du docteur G.________, seraient suffisants pour reconnaître qu'il "présente toujours à l'heure actuelle une incapacité de travail et de gain pleine et entière"; à tout le moins, étant donné que ces rapports remettaient en cause les conclusions de l'expert E.________, la juridiction cantonale était tenue d'ordonner une nouvelle expertise pour déterminer l'incidence des atteintes à la santé qu'il présente sur sa capacité de travail. Le recourant fait en outre valoir que son "âge avancé", cumulé avec ses importants troubles psychiques et le fait qu'il soit sous curatelle, "constitue indéniablement un obstacle majeur à la recherche et à la reprise d'un emploi".
5.
5.1. S'agissant d'abord de l'argumentation du recourant relative à l'absence de valeur probante de l'expertise du docteur E.________, elle ne résiste pas à l'examen.
5.1.1. Contrairement à ce que soutient l'assuré, le fait que l'expertise du docteur E.________ a été diligentée par une assurance privée ne suffit pas pour en nier la valeur probante. Selon la jurisprudence, en effet, un rapport médical ne saurait être écarté pour la seule raison qu'il a été établi par un médecin se trouvant dans un rapport de subordination vis-à-vis d'un assureur; il est nécessaire qu'il existe des circonstances particulières qui permettent de justifier objectivement les doutes émis quant à l'impartialité ou au bien-fondé de l'évaluation (arrêt 9C_55/2016 du 14 juillet 2016 consid. 3.2 et les arrêts cités). En l'espèce, en se limitant à indiquer que le docteur E.________ a été mandaté par Allianz, "laquelle avait tout intérêt à ce que l'incapacité de travail du recourant soit la plus brève possible", le recourant ne fait pas état d'éléments objectifs permettant de remettre en doute l'impartialité de l'expert E.________.
5.1.2. L'assuré ne saurait non plus rien tirer en sa faveur d'une "similitude pour le moins troublante" qui existerait entre l'expertise du docteur E.________ et celle établie par le docteur D.________ sous l'enseigne de la clinique I.________. A l'inverse de ce qu'il soutient, le fait que le docteur E.________ a rendu son expertise après avoir pris connaissance de celle du docteur D.________ ne suffit pas pour admettre que cette dernière "a influencé ou à tout le moins inspiré ou guidé" le docteur E.________. A cet égard, le recourant se limite à affirmer que le rapport du docteur E.________ "ne contient pas de réels développements sur la façon dont il parvient à ses résultats, lesquels ressemblent [...] étrangement à ceux du [docteur] D.________". En tant que les critiques de l'assuré ne portent que sur la valeur probante du rapport établi par l'expert E.________, celles-ci se révèlent vaines. A la suite des premiers juges, on constate en effet que le rapport du docteur E.________ répond aux critères formels dégagés par la jurisprudence: il contient une anamnèse complète, ainsi qu'un condensé des renseignements tirés du dossier médical; il fait état des indications subjectives données par le recourant ainsi que du résultat des observations faites au cours des examens cliniques; il s'achève par une discussion de l'ensemble des renseignements recueillis et une appréciation motivée de la capacité résiduelle de travail. La juridiction cantonale a au demeurant procédé à un examen du rapport d'expertise à l'aune des indicateurs déterminants permettant d'évaluer le caractère invalidant des troubles psychiques (ATF 143 V 418 et 141 V 281), au terme duquel elle est parvenue à la conclusion que l'appréciation du docteur E.________ pouvait être confirmée. Même si l'examen des premiers juges est plutôt sommaire sur ce point, l'argumentation développée dans le recours ne permet pas de démontrer que l'instance précédente aurait apprécié l'expertise du docteur E.________ en violation de la jurisprudence citée ci-dessus.
5.2. Le recourant ne peut pas davantage être suivi lorsqu'il se prévaut des rapports de ses médecins traitants pour faire valoir que sa situation médicale n'aurait pas évolué de manière significative et que son incapacité de travailler demeurerait totale à ce jour, avec pour conséquence qu'un droit à une rente d'invalidité devait lui être reconnu au-delà du 31 décembre 2016.
5.2.1. En se limitant à alléguer qu'il bénéficie d'un suivi psychiatrique hebdomadaire auprès du docteur G.________ depuis quatre ans, et que ce médecin "n'a pu que constater l'inefficacité des traitements médicaux, et même l'aggravation de [son] état de santé", le recourant ne fait pas état d'éléments cliniques ou diagnostiques concrets et objectifs susceptibles de mettre en cause les conclusions suivies par la juridiction cantonale, ni de motifs susceptibles d'établir le caractère arbitraire de son appréciation. A cet égard, les premiers juges ont procédé à une appréciation des différentes pièces médicales versées au dossier, et ont dûment indiqué les motifs pour lesquels ils ont considéré que l'avis du docteur G.________ ne suffisait pas pour remettre en cause les conclusions de l'expert E.________. Ils ont en particulier constaté que si le docteur G.________ avait indiqué que la capacité de travail de son patient ne s'était globalement pas améliorée, ce médecin avait avant tout fait état des plaintes subjectives relatées par l'intéressé, sans confronter celles-ci à ses propres constatations objectives (rapports des 28 avril 2016 et 24 août 2017).
5.2.2. Il ne suffit au demeurant pas non plus, pour remettre en cause le choix des premiers juges de suivre les conclusions de l'expert E.________ et non l'avis du docteur G.________, d'affirmer que le docteur E.________ n'aurait pas tenu compte de l'état de santé de l'assuré tel qu'il "se présente réellement". Pour conclure à une pleine capacité de travail de l'assuré, le docteur E.________ a confronté les symptômes et plaintes décrits par l'assuré ainsi que les diagnostics posés par ses confrères aux résultats de ses propres constations cliniques (consid. 5.1.2 supra). Enfin, la critique du recourant relative au fait que le docteur E.________ a réalisé son expertise un peu plus de deux ans avant que la décision de l'office AI ne soit rendue se révèle mal fondée, dès lors déjà que les rapports des médecins traitants ne permettent pas d'établir qu'une aggravation de l'état de santé serait survenue depuis lors (consid. 5.2.1 supra).
5.2.3. En définitive, l'argumentation du recourant consistant à se référer aux rapports de ses médecins traitants tend à substituer une appréciation différente à celle des premiers juges et à affirmer que la mise en oeuvre de mesures d'instruction complémentaires pourrait apporter des renseignements supplémentaires. Elle n'est dès lors pas suffisante pour mettre en évidence en quoi la juridiction de première instance aurait procédé de manière arbitraire à une appréciation anticipée des preuves (à ce sujet, voir ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298) ou aurait établi les faits de manière incomplète. Il n'y a pas lieu de s'écarter des constatations de la juridiction cantonale quant à l'absence d'atteinte à la santé invalidante au-delà du 21 septembre 2016.
5.3.
5.3.1. C'est également en vain que le recourant allègue que la mise sous curatelle prononcée par l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers (décision du 28 septembre 2016) attesterait de son entière incapacité de travail. Contrairement à ce que soutient l'assuré, on ne voit pas en quoi le fait qu'une "faiblesse" l'empêche de "sauvegarder lui-même ses intérêts et de gérer ses affaires personnelles et économiques" exclue l'exercice de toute activité lucrative.
5.3.2. Quant à l'argumentation du recourant relative à son "âge avancé", il convient de rappeler ce qui suit: le moment où la question de la mise en valeur de la capacité (résiduelle) de travail pour un assuré proche de l'âge de la retraite sur le marché de l'emploi doit être examinée correspond non pas à celui de la date du prononcé de la décision de l'office AI mais à celui auquel il a été constaté que l'exercice (partiel) d'une activité lucrative était médicalement exigible (ATF 138 V 457 consid. 3.3 et 3.4 p. 461 s.). Au moment déterminant où le docteur E.________ s'est prononcé (juillet 2016), le recourant était âgé de 54 ans. Quoi qu'en dise l'intéressé, il n'avait dès lors pas encore atteint l'âge à partir duquel le Tribunal fédéral admet qu'il peut être plus difficile de se réinsérer sur le marché du travail (ATF 143 V 431 consid. 4.5.2 p. 433; cf. aussi arrêt 9C_638/2018 du 7 février 2019 consid. 4.2).
6.
Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires sont à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il a cependant sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite pour l'instance fédérale. Dès lors que les conditions en sont réalisées (art. 64 al. 1 et 2 LTF), l'assistance judiciaire lui est accordée. L'attention du recourant est attirée sur le fait qu'il devra rembourser la caisse du Tribunal fédéral s'il devient en mesure de le faire ultérieurement (art. 64 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise pour la procédure devant le Tribunal fédéral et M e David Freymond est désigné comme avocat d'office du recourant.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal.
4.
Une indemnité de 2'800.- fr. est allouée à l'avocat du recourant à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 11 juin 2019
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Meyer
La Greffière : Perrenoud