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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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9C_145/2019
Arrêt du 29 mai 2019
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes les Juges fédérales Pfiffner, Présidente, Glanzmann et Moser-Szeless.
Greffier : M. Berthoud.
Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève,
recourant,
contre
A.________,
représentée par Me Mélanie Mathys Donzé, avocate,
intimée.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 17 janvier 2019 (A/2315/2018 ATAS/29/2019).
Faits :
A.
Le 31 octobre 2013, A.________, née en 1980 et domiciliée à Genève, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Se fondant sur le rapport du docteur B.________ du 22 octobre 2015, complété le 12 avril 2016, le docteur C.________, médecin au Service médical régional (SMR) a retenu une personnalité émotionnellement labile, type borderline avec traits impulsifs (F 60.3), associée à un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques (F 33.2). Le début de l'incapacité de travail durable remontait à l'année 2003. L'incapacité de travail avait été totale de 2003 à 2013, puis de 60 % dans toute activité (avis du 3 mai 2016).
Dans un projet de décision du 6 juillet 2016, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a fait savoir à A.________ qu'il envisageait de lui verser trois quarts de rente à compter du 1 er avril 2014, fondés sur un degré d'invalidité de 60 %. La prénommée a contesté disposer d'une capacité de travail résiduelle de 40 % en produisant un avis du docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 26 juillet 2016).
Entretemps, à la demande de l'office AI, l'Office cantonal genevois de la population et des migrations a attesté que A.________ séjournait dans le canton de Genève depuis sa naissance. L'office AI a également recueilli un extrait du compte individuel de l'intéressée établi par la Caisse cantonale genevoise de compensation le 27 juin 2016, dont il ressortait qu'aucune cotisation n'avait été versée jusqu'à la fin de l'année 2004, hormis un montant de 144 fr. pour le mois de juillet 2001.
Par décision du 4 juin 2018, l'office AI a rejeté la demande, au motif que la condition de la durée minimale de cotisations n'était pas réalisée lors de la survenance de l'invalidité en 2004.
B.
A.________ a déféré cette décision à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales. Par jugement du 17 janvier 2019, la juridiction cantonale a admis le recours, annulé la décision du 4 juin 2018 et mis la prénommée au bénéfice d'une rente entière d'invalidité à compter du 1 er avril 2014.
C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 4 juin 2018.
L'intimée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 142 V 118 consid. 1.2 p. 120 et la référence).
2.
Le litige porte sur le droit de l'intimée à une rente ordinaire de l'assurance-invalidité à compter du 1 er avril 2014, singulièrement sur la réalisation de la condition de la durée minimale de cotisations.
Les premiers juges ont exposé correctement les dispositions légales et réglementaires applicables à la solution du litige (art. 36 al. 1 et 2 LAI, dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007; art. 1a al. 1 let. a et b, 3 al. 1, 16 al. 1 et 29 ter LAVS; art. 50 RAVS), si bien qu'il suffit de renvoyer au jugement attaqué. On ajoutera que selon l'art. 39 al. 1 RAVS, si une caisse de compensation a connaissance du fait qu'une personne soumise à l'obligation de payer des cotisations n'a pas payé de cotisations ou n'en a payé que pour un montant inférieur à celui qui était dû, elle doit réclamer, au besoin par décision, le paiement des cotisations dues. La prescription selon l'art. 16, al. 1, LAVS, est réservée.
3.
3.1. Se fondant sur le dossier médical (en particulier sur l'expertise réalisée au Centre neuchâtelois de psychiatrie), les premiers juges ont constaté que l'incapacité de travail de l'intimée dans l'activité habituelle remontait à l'année 2003, en raison de troubles psychiques. Ils ont admis que l'invalidité était survenue en 2004, soit à l'échéance du délai d'une année à compter du début de l'incapacité de travail durable fixée en 2003 (art. 29 al. 1 let. b LAI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007). Les parties ne contestent pas le bien-fondé de ces deux constatations du jugement cantonal qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF).
Au sujet de la condition de la durée minimale de cotisations (art. 36 al. 1 LAI), seule litigieuse, la juridiction cantonale a constaté que l'intimée ne s'était pas acquittée du paiement des cotisations durant une année entière au moins en 2004, puisqu'elle n'avait cotisé à l'AVS/AI qu'à hauteur de 144 fr. pour le mois de juillet 2001. Selon les premiers juges, l'intimée avait toutefois été assurée obligatoirement à l'AVS/AI et tenue de payer les cotisations correspondantes dès le 1 er janvier 2001. Les cotisations afférentes aux années 2001 à 2003 n'avaient par ailleurs pas été déclarées irrécouvrables et n'étaient pas prescrites au moment de la survenance de l'invalidité en 2004. Dans ces conditions, les juges cantonaux ont admis, conformément aux arrêts I 487/01 du 28 mars 2002 consid. 3b (SVR 2002 IV n° 38 p. 121) et I 591/03 du 31 août 2004 consid. 3.2, que la période 2001 à 2003 devait être prise en compte pour fixer la durée de cotisations, si bien que cette condition était réalisée au moment de la survenance du cas d'assurance. Le droit à la rente d'invalidité était donc ouvert à partir du mois d'avril 2014, soit six mois après le dépôt de la demande (art. 29 al. 1 et 3 LAI).
3.2. L'office recourant fait grief aux premiers juges d'avoir violé le droit fédéral en appliquant les arrêts I 487/01 et I 591/03 au cas d'espèce. A son avis, on ne saurait tenir compte de la période durant laquelle une personne a été assurée à titre obligatoire sans s'être acquittée des cotisations. Se référant à l'arrêt I 577/00 du 25 mai 2001 consid. 2, le recourant fait valoir que les assurés qui ne comptent pas une année entière de cotisations jusqu'au 31 décembre 2007 lors de la survenance de l'invalidité n'ont pas droit à une rente ordinaire de l'assurance-invalidité, indépendamment des motifs pour lesquels ils n'ont pas cotisé.
En outre, le recourant soutient que la Caisse cantonale genevoise de compensation n'a pas enfreint son obligation de renseignements et de conseils et que les conditions du droit à la protection de la bonne foi ne sont pas remplies.
3.3. L'intimée se rallie aux considérants du jugement attaqué. Elle invoque que lorsqu'il s'agit de déterminer si un assuré a cotisé une année entière au moment de la survenance du cas d'assurance, la période de cotisation durant laquelle la personne a été assurée à titre obligatoire et tenue de s'acquitter des cotisations à l'assurance-invalidité doit être prise en compte tant que ces dernières n'ont pas été déclarées irrécouvrables ni prescrites au moment de la survenance de l'invalidité. A cet égard, l'intimée relève que l'office recourant ne soutient pas qu'au moment de la survenance de l'invalidité, soit en 2004, elle n'était plus en mesure de s'acquitter des cotisations pour la période 2001 à 2003, dès lors que celles-ci n'avaient pas été déclarées irrécouvrables ni prescrites.
Par ailleurs, l'intimée fait valoir que les organes de l'AVS auraient dû l'informer sur son obligation d'être affiliée dès le 1 er janvier 2001, cela à partir du moment où elle avait cotisé en tant qu'étudiante (dès 2005), si bien qu'on ne pouvait lui reprocher de n'avoir pas cotisé.
4.
4.1. La condition de la durée minimale de cotisations pour ouvrir le droit à une rente ordinaire (en l'occurrence une année en vertu de l'art. 36 al. 1 LAI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007) doit être remplie au moment de la survenance de l'invalidité. Selon la jurisprudence relative à l'art. 36 al. 2 LAI, en relation avec les art. 50 RAVS et 29ter al. 2 let. a LAVS, lorsqu'on se trouve dans l'hypothèse d'une personne qui fait valoir ses propres cotisations (les éventualités envisagées à l'art. 29ter al. 2 let. b et c LAVS n'étant pas déterminantes en l'espèce), celles-ci doivent avoir effectivement été payées (arrêt 8C_721/2013 du 4 mars 2014 consid. 4.1; MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 3e éd., n. 3 ad art. 36). L'art. 36 al. 1 LAI ne souffre pas d'exception. Les personnes qui ne comptent pas une année entière de cotisations lors de la survenance de l'invalidité n'ont pas droit à une rente ordinaire d'invalidité, indépendamment des motifs pour lesquels elles n'ont pas cotisé (arrêt I 577/00 consid. 2b, cité par le recourant).
Née le 28 février 1980, l'intimée n'a cotisé à l'AVS/AI qu'à partir de l'année 2005, à l'exception d'un montant de 144 fr. versé en juillet 2001, bien qu'elle eût été tenue de le faire à compter du 1er janvier suivant l'accomplissement de ses 20 ans (art. 3 al. 1 LAVS). Compte tenu de la prescription survenue entre-temps (art. 16 al. 1 LAVS; art. 39 al. 1 RAVS), cette lacune de cotisation ne peut plus être réparée, sous réserve du droit à la protection de la bonne foi (consid. 4.3 infra), quand bien même elle serait imputable à une faute ou une erreur de l'administration (ATF 100 V 154 consid. 2a p. 155 et 3c p. 157; arrêt 9C_462/2015 du 5 août 2015 consid. 2 et les références).
4.2. Quant aux deux arrêts I 487/01 consid. 3b et I 591/03 consid. 3.2 sur lesquels la juridiction cantonale a fondé son jugement, ils se rapportaient à des situations différentes et ne sauraient s'appliquer dans le cas d'espèce. En effet, dans ces deux affaires, les cotisations n'étaient pas prescrites au moment de la survenance de l'invalidité, ni lorsque les demandes de prestations avaient été présentées. A ce moment-là, l'administration pouvait encore réclamer les cotisations aux personnes concernées. Dans le cas d'espèce, si les cotisations relatives à la période courant à partir de 2001 n'étaient certes pas prescrites au moment de la survenance de l'invalidité (en 2004), elles l'étaient cependant au moment du dépôt de la demande de prestations en 2013, où les démarches d'affiliation ont été entamées pour la période remontant jusqu'en 2008. Dès lors que l'intimée ne pouvait plus les verser pour la période précédant la survenance de l'invalidité et que le délai de prescription de l'art. 16 al. 1 LAVS était échu au moment où l'administration a été saisie de la demande de prestations, les cotisations prescrites n'ont pas à être prises en compte. Admettre le contraire reviendrait à substituer à l'exigence du paiement effectif des cotisations pendant la durée déterminante celle d'une période d'assujettissement à l'AVS/AI. Comme le fait valoir à juste titre l'office recourant, cela n'est pas compatible avec l'art. 36 LAI et la jurisprudence y relative (supra consid. 4.1). Dans la mesure où une autre solution découlerait des deux arrêts précités, elle ne saurait être maintenue.
4.3. Il reste à examiner si l'intimée peut se prévaloir avec succès d'un défaut de renseignement de la part de la caisse cantonale de compensation à partir de 2005.
4.3.1. Le devoir de conseils de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3 p. 480). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur. Le devoir de conseils s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (arrêt 8C_66/2009 du 7 septembre 2009 consid. 8.3, non publié in ATF 135 V 339; ULRICH MEYER, Grundlagen, Begriff und Grenzen der Beratungspflicht der Sozialversicherungsträger nach Art. 27 Abs. 2 ATSG, in Sozialversicherungsrechtstagung 2006, p. 27 n o 35).
Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l'autorité (en l'espèce l'assurance-invalidité) à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst. (ATF 131 V 472 précité, consid. 5 p. 480).
4.3.2. En l'espèce, à l'époque où l'intimée avait cotisé en tant qu'étudiante (dès 2005), les organes d'exécution de l'AVS/AI ne disposaient d'aucun élément qui aurait dû les conduire à reconnaître que l'intimée se trouvait dans une situation dans laquelle elle risquait de perdre un droit aux prestations. Ils n'avaient été saisis d'aucune demande de prestations ni de renseignements de l'intimée ou de tiers. Il n'existe par ailleurs pas d'obligation générale de vérifier systématiquement si toutes les personnes qui sont affiliées à l'AVS/AI à partir d'un certain moment présentent des lacunes de cotisations pour une période antérieure. A cet égard, il appartient à la personne sans activité lucrative, si elle n'est pas déjà affiliée, de s'annoncer auprès de la caisse de compensation cantonale (art. 64 al. 5 LAVS). Aussi ne saurait-on reprocher à la caisse cantonale de compensation de n'avoir pas renseigné l'intimée sur ce point. Au demeurant, conformément à l'art. 39 al. 1 RAVS, la caisse a affilié d'office l'intimée au moment où elle a eu connaissance, à l'occasion d'un appel de la mère de celle-ci, du fait que A.________ n'avait pas payé de cotisations.
4.4. Il résulte de ce qui précède que la période en cause (2001 à 2004) ne saurait être prise en compte pour fixer la durée des cotisations. Celle-ci étant inférieure à une année au moment de la survenance de l'invalidité, l'intimée ne remplit pas la condition de la durée de cotisations (art. 36 al. 1 aLAI). Le droit à une rente ordinaire a été reconnue à tort par la juridiction cantonale. Le recours est bien fondé.
5.
L'intimée, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. Le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 17 janvier 2019, est annulé et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève du 4 juin 2018 est confirmée.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais de la procédure cantonale.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 29 mai 2019
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Pfiffner
Le Greffier : Berthoud