BGer 6B_549/2019
 
BGer 6B_549/2019 vom 29.05.2019
 
6B_549/2019
 
Arrêt du 29 mai 2019
 
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Jametti.
Greffier : M. Graa.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Gabriele Sémah, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.
Objet
Expulsion facultative (art. 66a bis CP),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 3 avril 2019 (AARP/97/2019 P/23236/2018).
 
Faits :
A. Par jugement du 17 janvier 2019, le Tribunal de police de la Répu-blique et canton de Genève a condamné X.________, pour séjour illégal et infractions à l'art. 19a ch. 1 LStup, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 10 fr. le jour, ainsi qu'à une amende de 300 francs. Il a en outre ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans.
B. Par arrêt du 3 avril 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par X.________ contre ce jugement.
La cour cantonale a retenu les faits suivants.
B.a. X.________ est né en 1988. Ressortissant algérien, le prénommé est célibataire. Arrivé en Suisse en 2006, il y séjourne, depuis, sans titre valable.
Son casier judiciaire fait état d'une condamnation, en 2008, pour délit manqué de vol, dommages à la propriété et violation de domicile, d'une condamnation, en 2009, pour dommages à la propriété, entrée illégale, séjour illégal, brigandage et lésions corporelles simples, d'une condamnation, la même année, pour dommages à la propriété et violation de domicile, d'une condamnation, toujours en 2009, pour séjour illégal, d'une condamnation, en 2011, pour lésions corporelles simples au moyen de poison, d'une arme ou d'un objet dangereux, d'une condamnation, la même année, pour séjour illégal, d'une condamnation, en 2014, pour tentative de brigandage en bande, d'une condamnation, en 2016, pour tentative de vol, vol, dommages à la propriété, lésions corporelles graves, opposition aux actes de l'autorité, contravention à la LStup et séjour illégal, ainsi que d'une condamnation, en 2017, pour rixe.
B.b. Entre le 1er novembre 2018 - date de sa sortie de prison - et le 22 novembre 2018, X.________ a séjourné sur le territoire suisse alors qu'il était dépourvu d'autorisation de séjour, de papiers d'identité ou de moyens de subsistance et qu'il faisait l'objet d'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse valable du 12 mai 2017 au 11 mai 2022.
B.c. Durant la même période, le prénommé a régulièrement consommé du haschisch.
C. X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 3 avril 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que son expulsion du territoire suisse n'est pas ordonnée, subsidiairement en ce sens que son expulsion du territoire suisse est ordonnée pour une durée n'excédant pas trois ans. Subsidiairement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.
 
Considérant en droit :
1. Dans une section de son mémoire de recours intitulée "Les faits", le recourant revient sur sa situation en Suisse et le déroulement de la procédure, en introduisant divers éléments qui ne ressortent pas de l'état de fait de la cour cantonale ou qui entrent en contradiction avec celui-ci, sans toutefois démontrer en quoi ledit état de fait aurait été établi de manière arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF). Ce faisant, le recourant ne présente aucun grief recevable.
2. Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 66a bis CP en ordonnant son expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans.
2.1. Aux termes de l'art. 66a bis CP, le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l'art. 66a CP, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l'objet d'une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP.
Comme toute décision étatique, le prononcé d'une expulsion non obligatoire doit respecter le principe de la proportionnalité ancré aux art. 5 al. 2 et 36 al. 2 et 3 Cst. Il convient ainsi d'examiner si l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à demeurer en Suisse. Une telle pesée des intérêts répond également aux exigences découlant de l'art. 8 par. 2 CEDH concernant les ingérences dans la vie privée et familiale (cf. arrêts 6B_242/2019 du 18 mars 2019 consid. 1.1; 6B_1314/2019 du 29 janvier 2019 consid. 5.1; 6B_607/2018 du 10 octobre 2018 consid. 1.4.1; 6B_371/2018 du 21 août 2018 consid. 3.2). S'agissant d'un étranger arrivé en Suisse à l'âge adulte, l'examen de la proportionnalité suppose une prise en compte de la nature et de la gravité de la faute, du temps écoulé depuis la commission de l'infraction, du comportement de l'auteur durant cette période, de la durée de son séjour en Suisse, de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.4 p. 149; 139 I 31 consid. 2.3.3 p. 34 ss; 135 II 377 consid. 4.3 p. 381; arrêts 6B_242/2019 précité consid. 1.1; 6B_1314/2019 précité consid. 5.1; 6B_607/2018 précité consid. 1.4.1; 6B_371/2018 précité consid. 3.2).
2.2. La cour cantonale a exposé que, bien que la gravité de l'infraction de séjour illégal commise par le recourant dans le cadre de la présente procédure fût relative, l'ensemble de ses antécédents devait être pris en compte. Outre que le recourant séjournait en Suisse sans titre valable depuis son arrivée en 2006, il s'était rendu coupable, de manière réitérée, d'infractions contre le patrimoine et contre l'intégrité corporelle, ce qui dénotait son mépris de l'ordre juridique suisse et son incapacité totale à respecter celui-ci. Cela montrait également la dangerosité de l'intéressé. La durée du séjour en Suisse était importante. Les années passées en Suisse - dont une bonne partie l'avait été en détention - n'étaient cependant que le résultat de la persistance du recourant dans l'illicéité. Ce dernier ne s'était par ailleurs nullement intégré en Suisse, où il n'avait jamais travaillé et n'avait pas de domicile. Il n'y avait pas développé de cercle social et n'y avait pas de famille. Le recourant n'avait pas démontré l'existence - alléguée - d'une concubine ou d'un enfant en Suisse. Les liens subsistant entre le recourant et l'Algérie étaient ténus, dès lors que l'intéressé avait déclaré ne plus y avoir de famille. Les chances de resocialisation ou de réinsertion de celui-ci n'y étaient cependant pas plus minces qu'en Suisse. Au contraire, le recourant avait davantage de perspectives professionnelles dans son pays, puisqu'il ne pouvait travailler en Suisse. L'autorité précédente en a conclu que l'intérêt du recourant - lequel s'était durablement installé dans la délinquance - à demeurer en Suisse était moindre que l'intérêt public présidant à son expulsion.
2.3. La pesée des intérêts opérée par la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique, tous les aspects pertinents ayant par ailleurs été considérés. Le recourant perd de vue - lorsqu'il affirme que l'intérêt public à son expulsion serait "nul" au regard de l'infraction de séjour illégal pour laquelle il a été condamné - qu'un tel intérêt découle de l'objectif de sécurité publique visé par cette mesure. Or, un tel intérêt est incontestable compte tenu des antécédents particulièrement lourds - soit neuf condamnations passées, ayant notamment entraîné le prononcé de peines privatives de liberté de 15 mois, trois ans, ou encore quatre ans s'agissant de celle de 2016 - du recourant (cf. à cet égard arrêt 6B_607/2018 précité consid. 1.4.3).
L'argumentation du recourant est irrecevable dans la mesure où elle suppose que l'intéressé serait le père d'un enfant en Suisse, élément que la cour cantonale n'a pas retenu sans que celui-ci démontre que les faits auraient été arbitrairement établis sur ce point (cf. art. 97 al. 1 LTF). Au demeurant, à supposer même que le recourant soit le père biologique d'un enfant, il ne prétend ni ne démontre avoir reconnu celui-ci, entretenir des liens quelconques avec cette prétendue descendance ou en avoir la garde, d'une manière qui permettrait de considérer - au regard des critères fixés par la jurisprudence en la matière (cf. ATF 144 I 91 p. 96 s.) - qu'il aurait une "vie familiale" en Suisse selon l'art. 8 par. 1 CEDH.
Par ailleurs, le recourant ne peut rien tirer de l'art. 8 par. 1 CEDH en relation avec un droit au respect de sa "vie privée". En effet, pour s'en prévaloir, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (cf. arrêts 6B_143/2019 du 6 mars 2019 consid. 3.3.2; 6B_1329/2018 du 14 février 2019 consid. 2.3.2). Tel n'est pas le cas en l'espèce, le recourant ne soutenant pas même être d'une quelconque manière intégré dans ce pays. Par ailleurs, si la durée du séjour en Suisse de l'intéressé n'est certes pas négligeable, le Tribunal fédéral, selon sa jurisprudence constante, considère cet aspect comme un élément parmi d'autres, en n'accordant qu'un faible poids aux années y ayant été passées dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3 p. 24; plus récemment arrêt 6B_143/2019 précité consid. 3.3.2 et les références citées). Or, en l'occurrence, le recourant a passé toutes les années dont il se prévaut en Suisse dans l'illégalité, pour bonne part en prison.
En définitive, compte tenu de l'absence totale d'intégration du recourant en Suisse - pays dans lequel celui-ci n'a jamais séjourné légalement, travaillé ou développé des liens sociaux ou familiaux -, on ne voit pas en quoi pourrait consister son intérêt personnel à y demeurer. L'intéressé ne peut se prévaloir d'aucun droit à séjourner en Suisse, ni se plaindre d'une quelconque atteinte à des garanties découlant des art. 13 Cst. ou 8 CEDH. A l'inverse, l'intérêt public présidant à son expulsion est élevé, de sorte que la mesure prononcée ne viole, sur le principe, aucunement le droit fédéral.
Pour le reste, la durée de l'expulsion n'a pas à être symétrique à la durée de la peine prononcée (cf. arrêt 6B_242/2019 précité consid. 1.3). L'arrêt publié aux ATF 123 IV 107 - auquel se réfère le recourant - exigeait bien, en principe, l'existence d'une certaine cohérence entre la peine principale et la durée d'une expulsion fondée sur l'art. 55 al. 1 aCP. Pour autant que cette jurisprudence puisse être transposée telle quelle à l'application de l'art. 66a bis CP, il apparaît que celle-ci précisait notamment qu'une personne ayant commis de nombreuses infractions et qui compromettait gravement la sécurité publique pouvait être frappée par une expulsion de longue durée, même si la dernière infraction sanctionnée n'était pas particulièrement grave. Il en ressortait aussi qu'une discordance entre la sanction infligée et la durée de l'expulsion n'était aucunement exclue, pour autant que la décision révélât les motifs d'une telle disparité (cf. ATF 123 IV 107 consid. 3 p. 110 s.). En l'espèce, on comprend, à la lecture de l'arrêt attaqué, que le sérieux danger que fait planer le recourant sur l'ordre et la sécurité publics justifiait une expulsion d'une durée importante, en dépit de la modeste peine prononcée. On peut ajouter que si la durée de cinq ans n'est pas négligeable - en particulier au regard de la peine limitée à laquelle le recourant a été condamné -, celle-ci ne représente qu'un tiers de la durée maximale d'une mesure d'expulsion au sens de l'art. 66a bis CP.
Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a, à bon droit, ordonné l'expulsion du recourant du territoire suisse pour une durée de cinq années, cette mesure n'apparaissant pas disproportionnée. Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
3. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable.
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 29 mai 2019
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
Le Greffier : Graa