BGer 4A_445/2018
 
BGer 4A_445/2018 vom 20.02.2019
 
4A_445/2018
 
Arrêt du 20 février 2019
 
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.
Greffière : Mme Schmidt.
Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par Me Pascal Junod,
recourante,
contre
Z.________ SA, en liquidation,
intimée,
Office des faillites.
Objet
contrat de reprise de dette,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 6 février 2018 (C/23532/2016 ACJC/160/2018).
 
Faits :
 
A.
A.a. X.________ SA (la demanderesse), dont A.________ est l'administrateur-président et ayant-droit économique, et Z.________ SA (la défenderesse, aujourd'hui Z.________ SA, en liquidation), dont B.________ est l'administrateur et ayant-droit économique, détenaient le capital-actions des deux sociétés suivantes: M.________ Sàrl, dont le capital-actions était détenu par chacune des sociétés à 50 %, et N.________ SA, dont le capital-actions était détenu à 67% par X.________ SA et à 33% par Z.________ SA. X.________ SA a indiqué en procédure que les quatre sociétés précitées formaient un groupe.
A.b. Le 25 février 2014, X.________ SA et Z.________ SA ont conclu un contrat de vente à terme portant sur la vente par Z.________ SA à X.________ SA de ses participations dans la société N.________ SA, à savoir 33 actions d'une valeur individuelle nominale de 1'000 fr. pour un montant total de 42'000 fr. X.________ SA devait régler le prix d'achat par virement dans les soixante jours suivants la signature de l'acte.
A.c. Par courrier du 30 mai 2014, N.________ SA a indiqué à M.________ Sàrl que celle-ci lui devait 70'000 fr. et qu'elle acceptait que cette dette soit reprise par X.________ SA à hauteur de 37'000 fr. et par Z.________ SA à hauteur de 33'000 fr. Le courrier était signé par A.________. L'existence de cette reprise de dette externe, contestée par Z.________ SA, a été admise par la cour cantonale et n'est désormais plus litigieuse.
A.d. Par courrier du 1er septembre 2014, N.________ SA a indiqué à X.________ SA et Z.________ SA qu'elle avait enregistré dans ses livres le transfert à X.________ SA de la dette de 33'000 fr. que Z.________ SA avait envers elle. Cette dette était donc désormais éteinte. Le courrier était signé par A.________, en qualité d'administrateur de N.________ SA. En procédure, X.________ SA a expliqué que cette reprise de dette interne avait été convenue oralement entre elle-même et Z.________ SA. Z.________ SA a pour sa part contesté avoir reçu le courrier du 1er septembre 2014, comme elle a contesté la reprise de sa dette de 33'000 fr. par X.________ SA et donc la déduction de ce montant sur le prix de vente de 42'000 fr.
L'existence de cette reprise de dette interne, qui n'a pas été admise par la cour cantonale, est l'objet de la présente procédure de recours.
A.e. Par courriel du 13 octobre 2014, A.________ a écrit à B.________ qu'il venait de procéder à différents transferts, énumérés comme suit:
" Nous venons de procéder aux différents transferts. Le compte courant de M.________ Sàrl envers N.________ SA est donc compensé à 0. Par apport en compte courant de 33'000 de Z.________ à M.________ Sàrl et de 77'000 [37'000 fr. selon X.________ SA qui allègue la faute de frappe] d'Eurasia à M.________ Sàrl. Le surplus de 7'000 fr. est réglé ce jour à Z.________ sous forme d'une compensation du solde de 5'000 fr., reliquat de la libération de capital de 10'000 fr. de M.________ Sàrl  [et] d'un virement de 2'000 fr. sur le compte bancaire de Z.________. [...] "
Par courriel du 20 octobre 2014, B.________ a indiqué à A.________ qu'il n'avait pas vu passer le virement de 2'000 fr. sur le compte de Z.________ SA. A.________ lui a répondu que cela avait été fait et que le virement devait partir le lendemain.
Le 22 octobre 2014, X.________ SA a versé, par un virement bancaire comportant la mention " solde de l'achat N.________ SA ", la somme de 2'000 fr. à Z.________ SA.
A.f. A une date indéterminée, X.________ SA a vendu à un tiers le capital social de la société N.________ SA.
 
B.
B.a. Le 15 janvier 2016, Z.________ SA a fait notifier à X.________ SA un commandement de payer pour un montant de 42'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 25 avril 2014, correspondant au prix de vente des actions qu'elle détenait dans la société N.________ SA convenu par contrat du 25 février 2014. Après que X.________ SA a formé opposition et que Z.________ SA a demandé la mainlevée de celle-ci, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée requise à concurrence de 40'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 27 avril 2014.
B.b. Le 28 novembre 2016, X.________ SA a déposé devant le tribunal une action en libération de dette à l'encontre de Z.________ SA, tendant à ce qu'il soit constaté qu'elle ne doit pas à la précitée la somme de 40'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 27 avril 2014 et dit que la poursuite introduite à son encontre n'irait pas sa voie. Elle s'est prévalue de ce que la créance invoquée était éteinte par compensation, premièrement par la dette de 33'000 fr. qu'elle a reprise de la défenderesse (consid. A.d. Par jugement du 30 juin 2017, le tribunal a débouté la demanderesse de sa demande en libération de dette et dit que la poursuite introduite irait sa voie. Il a considéré que la demanderesse ne contestait pas la créance de la défenderesse, que la reprise de dette interne portant sur la somme de 33'000 fr. était nulle faute d'accord de la défenderesse de reprendre partiellement la dette de M.________ SA envers N.________ SA et qu'il ne pouvait y avoir compensation à hauteur de 5'000 fr. faute d'identité des débiteurs.
B.c. Statuant le 6 février 2018, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel interjeté par la demanderesse et confirmé le jugement entrepris. Son raisonnement sera repris en tant que de besoin dans les considérants en droit qui suivent.
 
C.
C.a. Contre cet arrêt, la demanderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 16 mars 2018, concluant principalement à ce qu'il soit dit que sa dette de 40'000 fr. envers la défenderesse est éteinte à hauteur de 33'000 fr. ensuite de sa reprise de dette, subsidiairement à ce que la cause soit retournée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle se plaint d'appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.).
Ni la cour cantonale ni l'intimée n'ont été invitées à se prononcer sur le recours.
C.b. Par ordonnance du 12 avril 2018, la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral a suspendu la procédure en vertu de l'art. 207 LP, compte tenu du prononcé de la faillite de l'intimée par jugement du 4 décembre 2017. Le 27 août 2018, la Cour de céans, à qui la cause a été transmise pour des raisons de compétence interne, a toutefois levé cette suspension, l'administration de la masse en faillite ayant communiqué vouloir poursuivre elle-même la présente procédure.
 
Considérant en droit :
1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF), prise par un tribunal cantonal supérieur (art. 75 LTF) sur une action en libération de dette ayant pour objet le paiement d'un prix de vente, sous déduction d'une reprise de dette par compensation (cf. art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable.
2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
3. Seule est encore litigieuse l'existence d'un contrat de reprise de dette interne entre les parties, portant sur la dette de 33'000 fr. que l'intimée avait envers N.________ SA. La recourante allègue que cette dette reprise par elle compense partiellement la créance du solde du prix de vente des actions dont l'intimée dispose à son égard.
 
Erwägung 4
4.1. L'on est en présence d'un contrat de reprise de dette interne au sens de l'art. 175 al. 1 CO lorsque le reprenant promet de libérer le débiteur de sa dette envers le créancier; il s'agit donc d'une reprise de l'exécution d'une obligation (ATF 121 III 256 consid. 3b; 110 II 340 consid. 1a). Le contrat de reprise de dette interne obéit en principe aux règles ordinaires sur la formation du contrat (art. 1 ss CO; Gauch/Schluep/Schmid/Emmenegger, Schweizerisches Obligationen-recht, Allgemeiner Teil, Band II, 10e éd. 2014, n. 3568; Ingeborg Schwenzer, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 7e éd. 2016, n. 91.04). La libération du débiteur peut s'effectuer par l'exécution de la prestation due en faveur du créancier, par une reprise de dette externe (cf. art. 175 al. 1 1ère et 2ème hyp. CO) ou par d'autres moyens constituant une cause d'extinction de la dette reprise (p. ex. la remise de dette, la novation ou la compensation entre le reprenant et le créancier; cf. not. arrêt 5A_60/2012 du 13 juillet 2012 consid. 4.2; Thomas Probst, in Commentaire romand, 2e éd. 2012, n. 4 ad art. 175 CO; Schwenzer, op. cit., n. 91.07).
4.2. Si elle a admis l'existence d'un contrat de reprise de dette externe entre N.________ SA et la défenderesse portant sur la reprise par celle-ci de la dette de M.________ Sàrl envers N.________ SA à hauteur de 33'000 fr. (cf. consid. A.c. 
4.3. La recourante soutient que la cour cantonale n'aurait pas pris en compte un certain nombre d'éléments qu'elle avait pourtant retenus en fait, ce qui l'a amenée à refuser, de manière arbitraire, l'existence d'une reprise de dette interne. Elle soutient que les échanges intervenus entre A.________ et B.________ en octobre 2014 ainsi que l'absence de réaction de la défenderesse pendant plus d'une année après réception du versement comportant la mention " solde de l'achat N.________ " démontre de manière claire qu'un contrat de reprise de dette interne entre les parties était conclu, à tout le moins par acte concluant.
4.4. Contrairement à ce que soutient la recourante, la cour cantonale a pris en compte les échanges intervenus entre A.________ et B.________ en octobre 2014, considérant toutefois que ceux-ci n'étaient pas suffisamment explicites pour admettre la conclusion d'un contrat de reprise de dette interne. La recourante ne s'en prend pas directement à cette appréciation, mais se contente d'y opposer que les échanges en question, et notamment la mention " solde de l'achat N.________ SA " ajoutée au virement du 22 octobre 2014, démontreraient " de manière claire " la conclusion d'un tel contrat. Outre que l'on peine à trouver dans ces éléments une quelconque preuve de la conclusion d'un contrat de reprise de dette interne, il paraît évident que la recourante, par son argumentation essentiellement appellatoire, ne parvient pas à démontrer l'arbitraire dans l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la cour cantonale.
5. Il résulte de ce qui précède que le recours en matière civile est mal fondé dans la mesure de sa recevabilité.
Vu l'issue du recours, les frais de la procédure, arrêtés à 2'000 fr., seront mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer.
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des faillites et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 20 février 2019
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
La Greffière : Schmidt